Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Référence : 2022 COMC 050

Date de la décision : 2022-03-21

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Portland Holdings Inc.

Opposante

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

Orbis Holdings Limited

Requérante

 

1,844,963 pour ORBIS INVEST DIFFERENTLY DESIGN

Demande

 

Aperçu

[1] ORBIS HOLDINGS LIMITED (la Requérante) a produit la demande d’enregistrement no 1,844,963 (la Demande) afin d’enregistrer la marque de commerce ORBIS INVEST DIFFERENTLY Design (la Marque), reproduite ci-dessous.

Orbis Invest Differently Design

La Marque est visée par la demande en liaison avec les services suivants :

Services financiers, nommément analyse financière, gestion d’actifs financiers, prévisions financières, analyse de placements financiers et recherche sur les valeurs mobilières; intermédiation financière, nommément acquisition d’instruments financiers, nommément de valeurs mobilières, de marchandises et de fonds communs de placement pour le compte de clients gérés; évaluation financière; préparation de dossiers financiers et de registres des placements décrivant le rendement des placements de clients gérés et de stratégies; financement de prêts; services de courtage pour des services d’investissement de capitaux; services de placement de fonds; gestion de portefeuilles d’actifs financiers; gestion et administration de fonds de placement et de fonds de couverture; organisation et exploitation fonds communs de placement; achat et vente d’actions, de parts et de valeurs mobilières; opérations sur marchandises; opérations visant des contrats à terme sur marchandises et des options; services de conseil en placement; services d’assurance et de réassurance; courtage d’assurance; services de fiducie de placement; services de fiducie d’investissement à participation unitaire; financement et opérations de trésorerie sur le marché monétaire et le marché des changes; gestion et courtage immobiliers; services de liquidateur et de fiduciaire; services de gestion et d’analyse financières (les Services).

[2] Portland Holdings Inc. s’oppose à la demande d’enregistrement pour plusieurs motifs différents, notamment au motif que la marque crée de la confusion avec les marques de commerce enregistrés LMC938,986 pour THE WEALTHY INVEST DIFFERENTLY. ACCESS THROUGH PORTLAND et LMC 938,994 pour THE WEALTHY INVEST DIFFERENTLY. ACCESS THROUGH MANDEVILLE (les Marques enregistrées); qui auraient été employées par l’Opposante au Canada en liaison avec des services similaires à ceux de la Requérante.

[3] Pour les raisons qui suivent, l’opposition est rejetée.

Le dossier

[4] La demande a été déposée le 28 juin 2017 et est fondée sur l’emploi projeté de la Marque en liaison avec les services au Canada. La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 1er août 2018.

[5] AIC Global Holdings Inc. (AICGHI) s’est opposée à la demande le 31 décembre 2018. AIC Global Holdings Inc. a été autorisée à modifier sa déclaration d’opposition afin de changer le nom de l’Opposante en Portland Holdings Inc. (l’Opposante ou PHI), la propriétaire des enregistrements de marque invoqués dans la présente opposition.

[6] La déclaration d’opposition contre la demande a été déposée en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Comme la Loi a été modifiée le 17 juin 2019, toutes les mentions dans la présente décision visent la Loi dans sa version modifiée, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition qui se rapportent à la Loi dans sa version avant sa modification [article 70 de la Loi].

[7] L’Opposante soulève des motifs d’opposition fondés sur la non-conformité aux articles 30e) et 30i), la non-enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)d), l’absence de droit à l’enregistrement en vertu des articles 16(3)a) et 16(3)b) et l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2 de la Loi. À l’exception des motifs fondés sur l’article 30, chacun des motifs d’opposition est fondé sur une allégation de confusion avec les Marques déposées de l’Opposante ou avec plusieurs marques reconnues en common law.

[8] La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration.

[9] À titre de preuve à l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Lorraine Sullivan, parajuriste / auxiliaire juridique principale chez AICGHI, une société qui, selon elle, est sous contrôle commun avec l’Opposante. À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Karen Lau Cardinell, secrétaire juridique de l’agent de la Requérante. Aucun des deux déposants n’a été contre-interrogé et l’Opposante n’a pas déposé de preuve en réponse.

[10] Seule la Requérante a produit des observations écrites, et aucune audience n’a eu lieu.

Fardeau de preuve

[11] Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited, 1990 CanLII 11059 (CF), à la p. 298].

Résumé de la preuve de l’Opposante

[23] Comme il est indiqué ci-dessus, Mme Sullivan s’identifie comme une auxiliaire juridique principale chez AICGHI. Elle explique qu’AICGHI est sous [traduction] « contrôle commun » avec PHI, une société du groupe de sociétés Portland (groupe Portland). PHI est une société d’investissement privée qui possède un ensemble d’entreprises diversifiées opérant dans des secteurs tels que les médias, le tourisme et les services financiers.

[12] Mme Sullivan explique ensuite que le groupe de sociétés Mandeville comprend Mandeville Private Client Inc., un courtier en valeurs mobilières, Mandeville Insurance Services Inc., une agence d’assurance-vie et Portland Investment Counsel Inc., un gestionnaire de portefeuille, un courtier sur le marché non réglementé, un courtier de fonds mutuels et un gestionnaire de fonds d’investissement. Comme Pièce A de son affidavit, elle fournit des copies de pages Web de ce qu’elle décrit comme étant le site Web de Portland Holdings, à l’adresse www.portlandholdings.com, et le site Web de Mandeville Group of Companies, à l’adresse www.mandevilleinc.com, qui, selon elle, fournissent des informations confirmant la relation entre : (i) AICGHI et PHI; (ii) Mandeville Group of Companies et PHI; (iii) Portland Investment Counsel et PHI; et (iv) Mandeville Private Client Inc. et PHI, ainsi que d’autres portefeuilles de PHI, y compris Portland Investment Counsel et d’autres sociétés du Mandeville Group of Companies. Elle n’explique pas qui est Portland Holdings.

[13] Mme Sullivan déclare en outre que PHI est la propriétaire des marques enregistrées, ainsi que des marques reconnues en common law suivantes : THE WEALTHY INVEST DIFFERENTLY, LES NANTIS INVESTISSENT AUTREMENT, WOMEN INVEST DIFFERENTLY. ACCESS THROUGH MANDEVILLE et THE WEALTHY INVEST DIFFERENTLY. THEY HAVE ACCESS (les marques reconnues en common law). Portland Investment Counsel utilise le numéro d’enregistrement LMC938,986 et les marques reconnues en common Law [traduction] « conformément aux droits de licence qui lui sont accordés par PHI ». De même, Mandeville Group of Companies emploie l'enregistrement no TMA938,994 et les marques reconnues en common law [traduction] « conformément aux droits de licence qui lui ont été accordés par PHI ».

[14] La Pièce C jointe à l’affidavit de Mme Sullivan contient ce qu’elle déclare être des copies d’exemples d’emplois par PHI, ou par l’intermédiaire de ses licenciés, des marques reconnues en common law de PHI dans diverses formes de médias, y compris des articles publiés dans des publications en ligne de tiers, des publicités imprimées, des publicités sur panneaux d’affichage, des brochures et des présentations de conférenciers, portant chacune les marques reconnues en common law.

[15] Mme Sullivan affirme que l’emploi des marques enregistrées, par PHI ou par l’intermédiaire de ses licenciés, a commencé au moins dès le 26 mai 2016, et que toutes les marques (y compris les marques enregistrées et les marques reconnues en common law) ont été rendues publiques au Canada en liaison avec des services dans les industries de la finance et des investissements, par PHI ou par l’intermédiaire de ses licenciés, avant le 28 juin 2017, et ont été employées de façon continue depuis. Des exemples de cet emploi sont joints à son affidavit et comprennent les éléments suivants :

a) un exemple de brochure de marketing de PHI ou de ses titulaires de licence;

b) des copies d’exemples de publicités imprimées de PHI ou de ses titulaires de licence;

c) des copies d’exemples de publicités en ligne;

d) des copies des sites de médias sociaux où les marques sont annoncées;

e) des copies des annonces d’engagement de conférenciers;

f) des copies des photos des panneaux d’affichage d’un titulaire de licence de PHI;

g) des copies d’exemples de publicités de l’emplacement et des membres de l’équipe de PHI ou de ses titulaires de licence.

L’opposante a-t-elle démontré l’emploi sous licence de ses marques

[16] Il était loisible à la Requérante de contre-interroger Mme Sullivan sur son affidavit si elle souhaitait explorer ce qu’elle percevait comme emploi non autorisé, mais elle a choisi de ne pas le faire. Cela dit, la Requérante n’était pas tenue de procéder à un contre-interrogatoire, car le registraire a toujours conclu que de telles ambiguïtés doivent être tranchées à l’encontre de la partie qui présente les preuves dans une affaire d’opposition [voir, par exemple, Power Budd, LLP c Beaudry, 2006 CanLII 80342 (COMC); Ben Sherman Group Limited v Knautz, 2013 COMC 122 (CanLII); Hunter Douglas Inc c Blinds To Go Inc, 2007 CanLII 80854 (COMC)].

[17] Je dois donc évaluer si les preuves fournies sont suffisantes pour démontrer l’emploi sous licence par l’Opposante de ses Marques enregistrées et/ou de ses marques de common law au Canada.

[18] Le propriétaire d’une marque de commerce dispose essentiellement de trois méthodes pour démontrer qu’il exerce le contrôle exigé par l’article 50(1) de la Loi : premièrement, attester clairement qu’il exerce le contrôle exigé; deuxièmement, produire une preuve démontrant qu’il exerce le contrôle exigé; ou troisièmement, produire une copie du contrat de licence qui prévoit le contrôle exigé [Empresa Cubana del Tabaco c Shapiro Cohen, 2011 CF 102, au para 84].

[19] En l’espèce, la seule référence au [traduction] « contrôle » est la déclaration de Mme Sullivan au début de son affidavit selon laquelle AICGHI est [traduction] « sous contrôle commun » avec l’Opposante, PHI. Il n’y a pas d’autres explications sur la signification du [traduction] « contrôle commun », ni même sur la question de savoir s’il s’applique au contrôle du caractère et de la qualité des services offerts en liaison avec les différentes marques de commerce.

[20] De plus, bien que le déposant déclare que PHI a accordé des droits de licence à la fois à Mandeville Group of Companies et à Portland Investment Counsel, ces faits sont en eux-mêmes insuffisants pour se conformer à l’article 50 de la Loi. Il n’y a pas de preuve établissant que l’Opposante a un contrôle direct ou indirect sur la nature ou la qualité des services sous licence. En l’absence d’une déclaration claire ou d’une copie du contrat de licence prévoyant le contrôle requis, je ne peux pas conclure que l’emploi par le titulaire de licence a profité à l’Opposante en vertu de l’article 50 [voir Empressa Cubana Del Tabaco Trading c Shapiro Cohen, 2011 CF 102; MCI Communications Corp c MCI Multinet Communications Inc (1995), 61 CPR (3d) 245 (COMC)].

[21] Enfin, je note que toute référence à des titulaires de licence dans les notes de bas de page de certaines des annonces produites par Mme Sullivan soit ne fait pas référence aux marques de commerce en cause dans cette procédure (par exemple, PORTLAND, PORTLAND INVESTMENT COUNSEL et le Clock Tower Design) soit indique que les marques de commerce dans l’annonce sont employées sous licence par une entité qui n’est pas identifiée par Mme Sullivan comme étant un titulaire de licence (c’est-à-dire Mandeville Holdings Inc.). L’Opposante ne peut donc pas invoquer l’article 50(2) de la Loi, car il n’y a aucune preuve qu’un avis public a été donné indiquant que l’emploi démontré de l’une des marques en cause dans la présente procédure était un emploi sous licence par Portland Holdings Inc. ou Mandeville Group of Companies.

[22] Pour raisons énoncées ci-dessus, je ne peux conclure que l’emploi démontré profite à l’Opposante en vertu de l’article 50 de la Loi. J’aborderai plus en détail l’incidence de cette constatation dans mon analyse relative à la confusion ci-dessous.

Motifs qui peuvent être rejetés sommairement

Articles 30e) et 30i) – Non-conformité avec l’article 30 de la Loi

[23] L’Opposante a fait valoir que la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer ou d’enregistrer la Marque, compte tenu de l’emploi antérieur et continu des marques de commerce enregistrées LMC938,986 et LMC938,994 pour des services similaires, dont la Requérante avait ou aurait dû avoir connaissance lorsqu’elle a déposé sa demande. En outre, l’Opposante a soutenu que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque comme il est allégué dans la demande, voire pas du tout.

[24] L’Opposante n’a produit aucune preuve pour appuyer le motif d’opposition fondé sur l’article 30e).

[25] En ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’article 30i), il a été décidé qu’un motif d’opposition fondé sur cet article devrait être accueilli seulement dans des cas exceptionnels [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p. 155]. Rien dans les observations ou les preuves de l’Opposante ne permet de penser qu’il s’agit d’un cas exceptionnel. En outre, la seule connaissance des droits antérieurs qu’allègue un opposant n’empêche pas le requérant de produire sincèrement la déclaration prévue à l’article 30i) de la Loi [Woot, Inc c WootRestaurants Inc, 2012 COMC 197].

[26] En conséquence, ces deux motifs d’opposition sont rejetés.

Article 16(3)b) – Absence de droit à l’enregistrement

[27] L’Opposante allègue que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)b) de la Loi, car la Marque crée de la confusion avec les demandes que l’Opposante avait déjà déposées pour ses marques de commerce.

[28] Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)b), l’Opposante doit démontrer qu’il a déposé au moins une de ses marques de commerce avant la date de dépôt de la Requérante (c’est-à-dire le 28 juin 2017). Toute demande déposée avant cette date doit également avoir été en suspens à la date de l’annonce de la Demande le 1er août 2018 [article 16(4) de la Loi].

[29] Les deux demandes d’enregistrement des marques de commerce de l’Opposante ont été enregistrées le 26 mai 2016, soit avant la date de l’annonce de la Requérante. L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif d’opposition [Governor and Co of Adventurers of England trading into Hudson’s Bay, commonly called Hudson’s Bay Co c Kmart Canada Ltd (1997), 76 CPR (3d) 526 (COMC), à la p. 528].

[30] En conséquence, ce motif est également rejeté.

Autres motifs d’opposition

Article 12(1)d) – Non-registrabilité

[31] La date pertinente pour ce motif d’opposition fondé est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et Le Registraire des marques de commerce, 1991 CanLII 11769 (CAF), Simmons Ltd c A to Z Comfort Beddings Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[32] Comme il est indiqué ci-dessus, l’Opposante a soutenu que la Marque n’est pas enregistrable, car elle crée de la confusion avec sa marque de commerce enregistrée numéros LMC938,986, pour THE WEALTHY INVEST DIFFERENTLY. ACCESS THROUGH PORTLAND et LMC938,994 pour THE WEALTHY INVEST DIFFERENTLY THROUGH MANDEVILLE. Les deux marques ont été enregistrées pour emploi en liaison avec les services suivants :

Services de vente, de courtage, de distribution et de placement dans les domaines des fonds de placement, des fonds communs de placement, des caisses communes, des produits de comptes intégrés, des fonds distincts et des produits de placement en valeurs mobilières; conseils en placement et planification financière; offre de services de gestion de placements, de services de placement personnalisés et de portefeuilles personnalisés à des clients du secteur privé (y compris à des personnes fortunées, à des fiducies familiales et à des sociétés de portefeuille).

[33] J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire et consulté le registre pour confirmer que ces enregistrements sont en règle [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)].

[34] C’est désormais à la Requérante qu’incombe le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce enregistrée de l’Opposante.

Quand des marques de commerce créent-elles de la confusion?

[35] Les marques de commerce créent de la confusion lorsqu’il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l’article 6(2) de la Loi :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus […] ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice […]

[36] Par conséquent, le problème n’est pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais la confusion entre des services provenant d’une source qui est considérée comme provenant d’une autre source. En l’espèce, la question que soulève l’article 6(2) est celle de savoir si les acheteurs des services financiers et d’investissement de la Requérante vendus en liaison avec la Marque croiraient qu’ils ont été autorisés par l’Opposante ou ont fait l’objet d’une licence octroyée par l’Opposante.

[37] En faisant une telle évaluation, je dois tenir compte de toutes les circonstances environnantes pertinentes, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles ont été connues; la durée d’emploi des marques de commerce; la nature des biens et services ou des affaires; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce en apparence, en son ou dans les idées qu’elles suggèrent. Dans Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20, la Cour suprême du Canada a établi la façon d’appliquer le test :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [précédentes] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[38] Les critères énoncés à l’article 6(5) ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux varie en fonction du contexte propre à chaque affaire [Mattel USA Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au para 54]. Je cite également l’affaire Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27 (CSC) [Masterpiece], au para 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e) sur la ressemblance entre les marques aura souvent le plus grand effet dans l’analyse relative à la confusion.

Analyse des facteurs de l’article 6(5)

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[39] Le facteur prévu à l’article 6(5)a) comporte une combinaison du caractère distinctif inhérent et acquis des marques de commerce des parties. Il est possible de renforcer une marque de commerce en faisant en sorte qu’elle devienne connue au Canada par sa promotion ou son emploi.

[40] La Marque se compose du mot inventé ORBIS (qui présente un dessin de la lettre O stylisée) et des mots INVEST DIFFERENTLY.

[41] Les marques de l’Opposante sont constituées de ce qui semble être des slogans – THE WEALTHY INVEST DIFFERENTLY. ACCESS THROUGH PORTLAND et THE WEALTHY INVEST DIFFERENTLY. ACCESS THROUGH MANDEVILLE.

[42] Les deux marques de l’Opposante possèdent un certain degré de caractère distinctif inhérent, mais aucune n’est intrinsèquement forte, chacune étant quelque peu suggestive du caractère des services qui y sont liés. Bien que la Marque soit également suggestive du caractère des services qui y sont liés, je considère qu’elle est intrinsèquement plus forte que les deux marques de l’Opposante parce que le premier élément de cette marque est un mot inventé unique avec une composante stylisée.

[43] En ce qui a trait à la mesure dans laquelle les marques des parties sont connues, la Marque de la Requérante est fondée sur l’emploi projeté. Mme Lau fournit des captures d’écran de pages Web représentatives du site Web de la Requérante à l’adresse https://www.orbis.com/calinstitutional/home qui affichent la Marque de la Requérante. En l’absence d’informations supplémentaires concernant la date à laquelle la Requérante a commencé à offrir ses services sur son site Web au Canada en liaison avec la Marque, ainsi que d’une indication du nombre de Canadiens qui ont consulté ce site Web, il n’est pas possible de déterminer dans quelle mesure, le cas échéant, la Marque est devenue connue au Canada.

[44] L’Opposante, en revanche, a produit l’affidavit de Mme Sullivan pour démontrer la mesure dans laquelle ses marques sont connues. Bien que Mme Sullivan fournisse un certain nombre de pièces qui montrent les marques de l’Opposante, il y a très peu d’informations concernant le lieu et le moment où la plupart de ces publicités ont été affichées, ou le nombre de personnes qui ont pu les voir. En outre, Mme Sullivan ne fournit aucune facture ni aucun chiffre de ventes pour les services qui ont été fournis en liaison avec les marques. Enfin, comme il est indiqué ci-dessus, je ne peux pas conclure dans quelle mesure, le cas échéant, l’emploi démontré des marques enregistrées de l’Opposante profite à l’Opposante. Je ne suis donc pas en mesure de déterminer dans quelle mesure les marques de l’Opposante sont devenues connues au Canada entre les mains de l’Opposante [Boehringer Ingelheim Pharma KG c Braintree Laboratories Inc, 2004 CarswellNat 4704].

[45] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que, dans l’ensemble, ce facteur favorise la Requérante.

Période d’emploi

[46] Comme il est indiqué ci-dessus, les preuves fournies ne permettent pas de déterminer la durée pendant laquelle la marque a pu être employée au Canada. Bien qu’il y ait un emploi démontré des marques enregistrées de l’Opposante, il n’est pas clair que l’emploi qui a eu lieu était conforme à l’article 50 de la Loi. Je ne suis donc pas convaincue que cet emploi aurait profité à l’Opposante.

[47] Par conséquent, ce facteur ne favorise aucune des parties.

Genre des produits, services ou entreprises; et nature du commerce

[48] Lorsqu’on examine les articles 6(5)c) et d) de la Loi, c’est l’état déclaratif des services, tels que définis dans les enregistrements invoqués par l’Opposante et l’état déclaratif des Services dans la demande d’enregistrement de la Marque, qui régit l’évaluation de la probabilité de confusion en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[49] Les parties offrent toutes deux des services financiers ou d’investissement et il n’y a aucune raison de penser que leurs services n’emprunteraient pas les voies de commercialisation similaires.

[50] La Requérante a fait valoir qu’il ne ressort pas clairement des éléments de preuve indiquant les services en liaison avec lesquels les marques de l’Opposante ont été employées. Cependant, il est évident que les marques de l’Opposante ont été employées pour des services qualifiés de services financiers ou d’investissements et que l’Opposante agit en tant que conseillère. Je ne discuterai pas davantage des services spécifiques de l’Opposante, mais je note que les services bénéficient généralement d’une interprétation généreuse ou large [Aird & Berlis c Virgin Enterprises Ltd (2009), 78 CPR (4th) 306 (COMC)].

[51] Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Degré de ressemblance

[52] Lorsqu’on examine le degré de ressemblance entre les marques de commerce, on doit les considérer dans leur totalité; il n’est pas exact de les placer côte à côte et de comparer et observer des ressemblances ou des différences entre les éléments ou les composantes des marques de commerce [Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20]. Dans Masterpiece, au paragraphe 64, la Cour suprême indique également que la meilleure façon de comparer les marques consiste à déterminer d’abord si un aspect des marques de commerce est particulièrement frappant ou unique.

[53] Les marques des parties diffèrent principalement parce que la Marque de la Requérante commence par le mot distinctif ORBIS, qui comporte également un dessin unique de la lettre O, tandis que les marques de l’opposante commencent par les mots THE WEALTHY, puis se terminent par les mots ACCESS THROUGH accompagnés des mots PORTLAND ou MANDEVILLE.

[54] Bien que la Marque et les marques enregistrées de l’Opposante contiennent toutes les mots INVEST DIFFERENTLY, je considère que ces mots sont suggestifs des services des parties. Par conséquent, lorsque les marques sont considérées dans leur intégralité, je ne leur trouve pas beaucoup de ressemblance entre elles dans la présentation ou le son. Les idées suggérées sont également plus différentes que similaires, car la Marque suggère d’investir différemment par l’intermédiaire d’Orbis, alors que les marques de l’Opposante suggèrent que les personnes fortunées investissent différemment et doivent passer par PORTLAND ou MANDEVILLE pour le faire.

[55] Par conséquent, ce facteur favorise la Requérante.

Circonstance de l’espèce – Coexistence au registre des marques de commerce des marques ORBIS INVEST DIFFERENTLY et ORBIS INVEST DIFFERENTLY & Design et des marques de l’Opposante

[56] Dans ses observations écrites, la Requérante identifie son emploi et sa propriété de la marque ORBIS INVEST DIFFERENTLY, enregistrement no°LMC1,017,429 et de la marque ORBIS INVEST DIFFERENTLY & Design, enregistrement no°1,040312, représentées ci‑dessous, comme une circonstance environnante pertinente.

Orbis Invest Differently & Design

[57] La Requérante prétend que l’affidavit de Lau démontre de manière concluante que la marque nominale de la Requérante et une marque figurative similaire coexistent déjà au registre avec les enregistrements de l’Opposante, sans problème. Mme Lau joint également à son affidavit une capture d’écran de pages Web du site de la Requérante qui afficherait la marque de commerce ORBIS INVEST DIFFERENTLY de la Requérante.

[58] La Requérante fait en outre valoir qu’aucune de ces deux marques n’a fait l’objet d’une opposition de la part de l’Opposante, bien qu’elles aient fait l’objet d’une publicité dans le Journal des marques de commerce vers la fin de 2018 et le début de 2019.

[59] Il est bien établi que la propriété par un requérant d’une ou de plusieurs marques de commerce ne lui confère pas de droit automatique à l’enregistrement [Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH c Produits Menagers Coronet Inc (1984), 4 CPR (3d) 108, à la p. 115 (COMC)].

[60] De plus, il n’y a pas de preuve suffisante pour démontrer que les parties ont déjà employé leurs marques sur le marché de façon concurrente sans qu’il y ait de preuve de confusion.

[61] Compte tenu de ce qui précède, je ne considère pas que ce facteur aide la Requérante.

Conclusion

[62] Compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et les marques de commerce THE WEALTHY INVEST DIFFERENTLY. ACCESS THROUGH PORTLAND ou THE WEALTHY INVEST DIFFERENTLY. ACCESS THROUGH MANDEVILLE de l’Opposante. Malgré le fait que les services des parties sont liés et que leurs voies de commercialisation seraient probablement similaires, étant donné que je ne peux pas tirer de conclusion significative en ce qui concerne le caractère distinctif acquis des marques de l’Opposante, j’estime que le caractère distinctif inhérent de la Marque, combiné aux différences entre les marques de commerce des parties quant à leur présentation et leur son, est suffisant pour que je me prononce en faveur de la Requérante. Le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est donc rejeté.

Article 16(3)a) – Absence de droit à l’enregistrement

[63] L’Opposante a soutenu que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en ce qu’à la date de dépôt de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques INVEST DIFFERENTLY, chacune d’entre elles ayant été employée antérieurement au Canada en liaison avec des services identiques ou similaires. Ces marques comprennent les marques enregistrées de l’Opposante mentionnées ci-dessus ainsi que les marques reconnues en common law suivantes de l’Opposante : THE WEALTHY INVEST DIFFERENTLY; LES NANTIS INVESTISSENT AUTREMENT; WOMEN INVEST DIFFERENTLY. ACCESS THROUGH MANDEVILLE; THE WEALTHY INVEST DIFFERENTLY. ELLES ONT ACCÈS.

[64] Ce motif d’opposition est rejeté parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial de prouver un emploi antérieur de l’une de ces marques de commerce qui lui profite. Comme il est indiqué ci-dessus, bien que Mme Sullivan déclare que les marques enregistrées et les marques reconnues en common law ont été employées au Canada avant le 28 juin 2017, son témoignage ne corrobore pas cette affirmation. Comme nous l’avons déjà indiqué, il existe très peu d’informations concernant le lieu et le moment où les pièces qu’elle a fournies en preuve ont été annoncées. De plus, toute preuve d’emploi montre que les marques de commerce ont été employées par les entités Portland Investment Counsel ou Mandeville Private Client Inc., entre autres. Il n’existe aucune preuve de l’existence d’une licence entre l’Opposante et l’une ou l’autre de ces entités, de sorte que l’emploi par l’une ou l’autre de ces entités des marques enregistrées ou des marques reconnues en common law profiterait à l’Opposante. L’article 17(1) de la Loi empêche la réussite d’un motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement basé sur l’emploi par une partie dont l’emploi ne peut être considéré comme celui de l’Opposante en vertu de l’article 50. Comme l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif, ce motif d’opposition est rejeté.

[65] J’aimerai ajouter que même si l’Opposante s’était acquittée de son fardeau en vertu de ce motif, les différences dans les dates pertinentes entre ces motifs et le motif prévu à l’article 12(1)d) n’auraient pas eu d’incidence importante sur la détermination de la question de la confusion entre les marques de commerce des parties. Ce motif aurait donc été rejeté de toute façon.

Article 2 – Absence de caractère distinctif

[66] L’Opposante a également soutenu que la Marque n’est pas distinctive et ne permet pas de distinguer les services de la Requérante des services de l’Opposante, notamment ceux qui sont liés aux marques INVEST DIFFERENTLY.

[67] La date pertinente pour l’évaluation du caractère distinctif est la date de production de l’opposition, qui est le 31 décembre 2018 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185 (CF 1re inst)].

[68] Afin de s’acquitter de son fardeau initial relatif au motif d’opposition fondé sur l’absence du caractère distinctif, l’Opposante doit démontrer qu’au moins l’une de ses marques de commerce est devenue connue dans une mesure suffisante au Canada afin de nier le caractère distinctif de la Marque [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185; Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd, 1981 CanLII 2834 (CF 1re inst); Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657]. Étant donné la preuve résumée ci-dessus, je ne suis pas convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif. Ce motif est donc rejeté.

[69] Encore une fois, même si l’Opposante s’était acquittée de son fardeau en vertu de ce motif, à mon avis, les différences dans les dates importantes entre ce motif et le motif prévu à l’article 12(1)d) n’auraient pas eu d’incidence importante sur la détermination de la question de la confusion entre les marques de commerce des parties. Ce motif aurait donc été rejeté de toute façon.

Décision

[70] Compte tenu de tout ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

Le français est conforme aux WCAG.


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