Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2022 COMC 025

Date de la décision : 2022-02-17

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Premier Tech Home & Garden Inc.

Opposante

et

 

Ishihara Sangyo Kaisha, Ltd.

Requérante

 

1,864,509 pour IPPATSU

Demande

Introduction

[1] Premier Tech Home & Garden Inc. (PTHG ou l’Opposante) est un chef de file canadien dans la fabrication et la vente de produits de pelouse et jardin destinés aux consommateurs. Elle s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce IPPATSU (la Marque), laquelle fait l’objet de la demande no 1,864,509 (la Demande) déposée par Ishihara Sangyo Kaisha, Ltd. (la Requérante) fondée sur l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les produits suivants (les Produits) : « herbicides, insecticides, nématicides, fongicides, pesticides, produits pour éliminer les ravageurs ». La Demande comprend une traduction étrangère pour la Marque, qui est établie comme suit :

[L]a traduction anglaise du mot IPPATSU est ONE SHOT.

[2] La Requérante n’a pas indiqué l’origine du mot IPPATSU pour lequel la traduction anglaise a été fournie.

[3] La question principale dans cette procédure est de savoir s’il y a une probabilité de confusion entre la Marque en liaison avec les Produits et l’une ou l’autre des marques de commerce déposées de l’Opposante, ou les deux, qui comprennent le mot ONE SHOT ou qui sont composées de celui-ci pour, entre autres, des produits d’insecticides, d’herbicides et de désherbant, comme il est établi à l’annexe A ci-jointe (parfois ci-après collectivement appelées les Marques de commerce ONE SHOT).

[4] Pour les raisons qui suivent, l’opposition est rejetée.

Le dossier

[5] La Demande a été déposée le 25 octobre 2017 et annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 6 février 2019.

[6] Le 5 juillet 2019, l’Opposante a produit une demande d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), c T‑13 (la Loi). De nombreuses modifications à la Loi sont entrées en vigueur le 17 juin 2019. La date pour déterminer la version de la Loi applicable aux procédures d’opposition est celle à laquelle la demande faisant l’objet de l’opposition a été annoncée. Étant donné que la Demande été annoncée avant le 17 juin 2019, conformément à l’article 70 de la Loi, les motifs d’opposition seront évalués en fonction de la Loi dans sa version du 16 juin 2019, exception faite de la question portant sur la confusion, laquelle sera examinée aux termes de la version actuelle des articles 6(2) et (4) de la Loi.

[7] Les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante sont abordés ci-dessous. Il est évident que, à ce point-ci, ils portent principalement sur la question de la probabilité de confusion entre la Marque et les Marques de commerce ONE SHOT.

[8] Le 5 septembre 2019, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste les motifs d’opposition invoqués dans la déclaration d’opposition.

[9] Afin d’appuyer son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de son président, Louis Carrier, exécuté le 13 décembre 2019 (l’affidavit Carrier) et des copies certifiées des enregistrements de marques de commerce canadiennes no LMC851,286 et LMC854,886 pour les Marques de commerce ONE SHOT.

[10] La Requérante a choisi de ne pas produire de preuve.

[11] Les deux parties ont produit des observations écrites. Une audience n’a pas été demandée.

Analyse

Fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[12] L’Opposante a le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau de preuve initial, la Requérante doit s’acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition en question ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155].

Aperçu de la preuve – Affidavit Carrier

[13] L’affidavit Carrier fournit des renseignements contextuels sur l’historique et l’entreprise de l’Opposante, y compris en ce qui a trait à l’emploi des Marques de commerce ONE SHOT. Plus particulièrement, M. Carrier affirme ce qui suit à l’égard de l’emploi par l’Opposante et la publicisation des Marques de commerce ONE SHOT :

· Depuis février 2008, PTHG a continuellement employé, et continue d’employer, ses Marques de commerce ONE SHOT au Canada avec un large éventail de produits de contrôle des ravageurs à l’intérieur et à l’extérieur, y compris des insecticides, des aérosols, des pièges, des rubans et des appâts. Les Marques de commerce ONE SHOT ont également été employées au Canada en liaison avec les herbicides et les désherbants depuis au moins juillet 2013 [para 11 à 13].

· L’Opposante emploie les Marques de commerce ONE SHOT sur l’emballage pour, entre autres, ses produits de contrôle des ravageurs à l’intérieur et à l’extérieur et sur les caisses utilisées pour transporter les divers produits de marque ONE SHOT aux consommateurs [para 14 et 15 et Pièces « B » et « C »].

· PTHG vend ses produits de contrôle des ravageurs à l’intérieur et à l’extérieur dans de grandes chaînes de détail comme Walmart, Rona, The Home Depot Canada, Lowes, Canadian Tire et Home Hardware [para 16]. Divers exemples de ces points de vente présentant les produits de marque ONE SHOT sont compris à titre de Pièces R à T à l’affidavit Carrier.

· La promotion et la publicisation des produits de marque ONE SHOT au Canada se sont faites de diverses façons, y compris au moyen de catalogues de produits et de brochures et par les publicités de grandes chaînes de détail, des salons professionnels, le site Web de PTHG et les médias sociaux. Les chiffres de la publicité annuelle pour les produits de marque ONE SHOT de l’Opposante au Canada pour les années 2015 à 2019 varient entre 3 300 $ et 3 600 $ [para 20 à 32]. Divers exemples d’une telle promotion et d’une telle publicisation portant les Marques de commerce ONE SHOT au cours de ces années et des ventilations de statistiques de site Web ou de mesures détaillées des [traduction] « billets de page » ONE SHOT sur Facebook, Instagram et Pinterest sont compris à titre de Pièces E à Q à l’affidavit Carrier.

· Entre 2014 et 2019, les ventes totales annuelles des produits de marque ONE SHOT au Canada variaient de 5 millions de dollars à 5,6 millions de dollars. Des factures représentatives des ventes des produits de l’Opposante sont comprises à titre de Pièce D à l’affidavit Carrier. Une ventilation des produits ONE SHOT approximatifs qui ont été vendus de 2008 à 2013, par caisse, est également comprise dans un tableau [para 16 à 19].

[14] Je note à ce stade-ci de mon analyse que je suis convaincue que tous les emplois de la marque de commerce ONE SHOT Dessin (enregistrement no LMC851,286), dans les divers exemples d’emballage fournis à titre de preuve et les images des produits de marque ONE SHOT qui, présumément, démontrent l’emploi ou le mode de présentation des Marques de commerce ONE SHOT en liaison avec les produits de contrôle des ravageurs à l’intérieur et à l’extérieur, comptent pour l’emploi de la marque nominale ONE SHOT (enregistrement no LMC854,886), puisque les mots « one shot » se démarquent suffisamment des autres éléments figuratifs et demeurent reconnaissables [conformément à Registraire des marques de commerce c Cie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); et Nightingale Interloc c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)]. À cet égard je note également que le fait que les Marques de commerce ONE SHOT ont toujours été arborées sur les produits de l’Opposante en combinaison avec des marques de commerce séparées et distinctes comme « Wilson » ou « Spiderban » n’est pas défavorable pour l’Opposante, puisqu’il est bien établi que plusieurs marques de commerce peuvent être employées ensembles sur le même produit [AW Allen Ltd c Warner Lambert Canada Inc (1985), 6 CPR (3d) 270 à la p. 272 (CF 1re inst)].

Motifs d’opposition rejetés sommairement

Motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)e) de la (« nouvelle ») Loi

[15] L’Opposante a fait valoir que :

[traduction]

[La Demande] n’est pas conforme aux dispositions de l’article 38(2)e) de la Loi, puisque, au moment de déposer la [D]emande, à savoir le 25 octobre 2017, et à toute autre date pertinente, la Requérante n’employait pas et n’a pas proposé d’employer la [Marque] au Canada en liaison avec [les Produits].

[16] Ce motif d’opposition est plaidé de manière inappropriée, puisqu’il est fondé sur les nouvelles dispositions de l’article 38(2)e) de la Loi, lesquelles n’existent pas dans le cadre de « l’ancienne » Loi. Puisque la Demande avait été annoncée avant l’entrée en vigueur de la « nouvelle » Loi, l’Opposante aurait dû fonder son opposition sur l’article 38(2)a) de « l’ancienne » Loi en combinaison avec les dispositions applicables de l’ancien article 30 de la Loi.

[17] Même si je devais considérer ce motif comme plaidant la non-conformité avec l’article 30e) de la Loi, je note que l’Opposante n’a pas plaidé aucun fait important en appui de ce motif d’opposition, n’a produit aucune preuve et n’a fait aucune observation en vue de l’appuyer. Par conséquent, ce motif est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f) de la (« nouvelle ») Loi

[18] L’Opposante a fait valoir que :

[traduction]

[La Demande] n’est pas conforme aux exigences de l’article 38(2)f) de la Loi, puisque, au moment de déposer la [D]emande, à savoir le 25 octobre 2017, et à toute autre date pertinente, la [R]equérante n’avait pas le droit d’employer la [Marque] au Canada en liaison avec [les Produits], compte tenu du fait que la [Marque] créait de la confusion avec les [Marques de commerce ONE SHOT] de l’Opposante. La traduction anglaise du mot IPPATSU fournie par la Requérante est ONE SHOT.

[19] Ce motif d’opposition est également plaidé de manière inappropriée, puisqu’il est fondé sur les nouvelles dispositions de l’article 38(2)f) de la Loi, lesquelles n’existent pas dans le cadre de « l’ancienne » Loi. Comme il est expliqué ci-dessus, la date pour déterminer la version de la Loi applicable aux procédures d’opposition est celle à laquelle la demande faisant l’objet de l’opposition a été annoncée.

[20] Même si je devais faire erreur dans cette conclusion, je note qu’un motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f) qui allègue qu’un requérant « n’avait pas le droit d’employer la marque de commerce » est distinct d’un motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)c) qui allègue qu’un requérant « n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement ». En effet, l’article 38(2)f) aborde le droit légal du requérant d’employer la marque de commerce (c.-à-d., conformément aux lois fédérales pertinentes et aux autres obligations juridiques) contrairement au droit du requérant d’enregistrer la marque (relativement à la marque de commerce d’une autre personne, en vertu de l’article 16 de la Loi) [voir le motif d’opposition fondé sur l’article 16 de l’Opposante abordé ci-dessous].

[21] En l’espèce, les faits plaidés ne sont pas ceux qui peuvent appuyer un motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f). Également, l’Opposante n’a produit aucune preuve et n’a présenté aucune observation pour appuyer ce motif d’opposition. Par conséquent, ce motif est rejeté.

Motifs d’opposition restants

[22] Les motifs d’opposition restants sont fondés sur les articles 12(1)d) (non‑enregistrabilité), 16 (absence du droit à l’enregistrement) et 2 (absence de caractère distinctif) de la Loi et dépendent tous de la détermination de la probabilité de confusion entre la Marque et les Marques de commerce ONE SHOT de l’Opposante.

[23] J’évaluerai le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) en premier puisqu’il s’agit de l’argument le plus fort, principalement en raison de la date pertinente plus récente applicable à ce motif.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi

[24] L’Opposante a fait valoir que :

[traduction]

La [Marque] n’est pas enregistrable, compte tenu des dispositions de l’article 12(1)d) de la Loi, puisqu’elle crée de la confusion […] avec les [Marques de commerce ONE SHOT] de l’Opposante. La traduction anglaise du mot IPPATSU fournie par la Requérante est ONE SHOT. Les [Marques de commerce ONE SHOT] de l’Opposante sont déposées et employées au Canada en liaison avec 1) les produits de contrôle des ravageurs, à savoir des insecticides, des aérosols, des pièges, des rubans et des appâts; et 2) des herbicides et des désherbants.

[25] J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que les deux enregistrements de l’Opposante pour les Marques de commerce ONE SHOT sont en règle à la date d’aujourd’hui, qui est la date pertinente pour l’évaluation d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) [Park Avenue Furniture Corp c Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[26] Ainsi, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif d’opposition. La Requérante doit donc établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l’une des Marques de commerce ONE SHOT de l’Opposante, ou les deux.

Test en matière de confusion

[27] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[28] Ainsi, l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais la confusion portant à croire que les produits ou les services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l’espèce, la question est essentiellement de savoir si un consommateur, qui a un souvenir imparfait des marques de commerce ONE SHOT de l’Opposante, qui voit les Produits de la Requérante en liaison avec la Marque, penserait qu’ils proviennent, sont parrainés ou approuvés par l’Opposante.

[29] Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. En outre, le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même et varie en fonction des circonstances [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 pour un examen approfondi des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[30] La Marque possède un caractère distinctif inhérent. Bien que la Requérante indique dans sa Demande que la traduction anglaise du mot « IPPATSU » est « one shot », il n’y a aucune preuve que le consommateur moyen des Produits de la Requérante comprendrait que la Marque renvoie à cette signification en particulier plutôt que d’être un mot inventé. Je reviendrai sur ce point au moment d’évaluer le degré de ressemblance entre les marques des parties dans la présentation, le son et les idées qu’elles suggèrent.

[31] Les Marques de commerce ONE SHOT de l’Opposante, en revanche, n’ont pas un caractère distinctif inhérent aussi élevé en raison de leur connotation hautement suggestive ou élogieuse dans le contexte de leurs produits connexes.

[32] Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être renforcé en faisant en sorte qu’elle devienne connue par la promotion ou l’emploi.

[33] Rien n’indique que la Marque a été employée ou est devenue connue au Canada en liaison avec les Produits dans une certaine mesure.

[34] En revanche, la preuve d’emploi des Marques ONE SHOT produites dans l’affidavit Carrier démontre un emploi étendu de ces marques par l’Opposante en liaison avec un large éventail de produits de contrôle des ravageurs à l’intérieur et à l’extérieur.

[35] Les chiffres de ventes fournis pour les exercices 2014 à 2019 (et une partie de l’exercice 2020), totalisant plus de 29 millions de dollars, accompagnés de la publicisation et de la promotion des Marques de commerce ONE SHOT par l’Opposante pour ces années et les pièces en accompagnement jointes à l’affidavit Carrier, appuient l’affirmation de l’Opposante que ses Marques de commerce ONE SHOT sont devenues connues dans une importante mesure au Canada en liaison avec un large éventail de produits de contrôle des ravageurs à l’intérieur et à l’extérieur.

[36] Compte tenu de ce qui précède, la prise en compte générale de ce facteur favorise l’Opposante.

Durée d’emploi des marques de commerce

[37] Pour les raisons fournies ci-dessus, ce facteur favorise l’Opposante.

Genre des produits, services ou entreprises; et nature du commerce

[38] Les Produits soit sont identiques, soit se chevauchent dans le genre avec ceux de l’Opposante. En l’absence de preuve du contraire, il est juste de supposer que les voies de commercialisation des parties seraient également les mêmes ou se chevaucheraient.

[39] Par conséquent, ces facteurs favorisent également l’Opposante.

Degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[40] Dans Masterpiece, précité, la Cour suprême du Canada a considéré l’importance de l’article 6(5)e) dans l’analyse de la probabilité de confusion comme suit (voir para 49) :

[…] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) […] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire.

[41] Il n’y a aucune question qu’il n’y a absolument aucune ressemblance entre les marques des parties sur le plan de la présentation et du son. Cependant, l’Opposante observe dans ses observations écrites qu’il y a une [traduction] « forte ressemblance » entre les marques des parties puisque la traduction anglaise du mot IPPATSU fournie par la Requérante est ONE SHOT et que le registraire devrait analyser la question de la confusion du point de vue du consommateur moyen, lequel est également membre de la communauté japonaise :

[traduction]

58. Dans ce cas-ci, et selon le propre aveu de la Requérante, la [Marque] se traduit par le mot [sic] anglais ONE SHOT. Par conséquent, bien que différentes sur le plan de la présentation et du son, les idées suggérées par les marques respectives sont identiques.

59. L’Opposante affirme que le registraire devrait analyser la question de la confusion du point de vue du consommateur moyen, lequel est également membre de la communauté japonaise, qui rencontre la marque de la Requérante en liaison avec les [Produits].

60. Dans Cheung Kong (Holdings) Ltd c Living Realty Inc (1re inst), [2000] 2 CF 501, [1999] ACF no 1966 [(Cheung Kong)], la Division de première instance de la Cour fédérale a conclu que le registraire a commis une erreur de droit en omettant, de toute évidence, de tenir compte du nombre de clients de Living Realty qui comprenaient les caractères chinois et leur translittération.

[42] Respectueusement, je ne suis pas d’accord avec la position de l’Opposante pour les raisons suivantes.

[43] D’abord, il n’y a aucune preuve au dossier que la Marque est formée d’un mot japonais. La Requérante indique simplement dans sa Demande que [traduction] « [l]a traduction anglaise pour le mot “IPPATSU” est “one shot” ». À cet égard, je ne suis pas prête à supposer qu’il est nécessairement logique, simplement parce que l’adresse de la Requérante fournie dans la Demande est au Japon, que le mot IPPATSU soit un mot japonais.

[44] Deuxièmement, même en supposant que le mot IPPATSU est un mot japonais, il n’y a aucune preuve pour appuyer une conclusion qu’une part importante des clients de l’Opposante seraient en mesure de lire et comprendre le japonais. Conformément à mon examen ci-dessus de l’affidavit Carrier, les produits de contrôle des ravageurs à l’intérieur et à l’extérieur ONE SHOT de l’Opposante sont vendus au grand public par de grandes chaînes de détail.

[45] À cet égard, j’adopte les commentaires suivants du registraire dans Baycliff Company, Inc c CHENG, Wai Tao, 2018 COMC 66, en réponse aux observations de l’Opposante qui invoquent la décision Cheung Kong :

Cerner le consommateur moyen

[25] Il a été établi que le consommateur moyen est généralement anglophone, francophone ou bilingue en anglais et en français [Pierre Fabre Médicament c SmithKline Beecham Corp (2001), 2001 CAF 13 (CanLII), 11 CPR (4th) 1, au para 15].

[26] Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante soutient que la Commission des oppositions devrait inférer que le consommateur moyen des Produits et Services du Requérant serait en mesure de [traduction] « lire les caractères chinois étant donné les liens du Requérant avec la Chine (où il est basé) et la décision du Requérant d’inclure des caractères chinois dans la marque ». L’Opposante fait valoir que [traduction] « [i]l serait illogique pour le Requérant d’inclure des caractères chinois dans sa marque s’il ne visait pas activement à commercialiser ces produits auprès des Canadiens sinophones », citant à l’appui la décision rendue dans Cheung Kong (Holdings) Ltd c Realty  (1999), 1999 CanLII 9394 (CF), 4 CPR (4th) 71 (CF 1re inst) (Cheung Kong).

[27] Dans Cheung Kong, la Cour a conclu qu’il y avait une probabilité raisonnable de confusion entre une marque constituée de caractères chinois et une marque qui en était l’équivalent anglais. Le juge Evans a indiqué que la question de savoir si une marque est susceptible de créer de la confusion doit être envisagée dans la perspective du marché sur lequel les produits sont offerts, lequel correspond au « consommateur moyen » approprié. Dans cette affaire, la preuve montrait que le requérant ciblait la communauté chinoise de Toronto, ce qui a permis à la cour de conclure que le marché particulier de ces produits était constitué de consommateurs qui comprenaient à la fois l’anglais et le chinois. Je souligne qu’il n’y a en l’espèce aucune preuve montrant que le Requérant a ciblé la communauté chinoise de Toronto ou d’ailleurs au Canada.

[28] Dans Cheung’s Bakery Products Ltd c Saint Honore Cake Shop Limited, 2011 COMC 94 (CanLII), 93 CPR (4th) 438 (Cheung’s Bakery), la Commission des oppositions a conclu que le consommateur moyen était une personne capable de lire et de comprendre à la fois l’anglais et le chinois. Ce faisant, la Commission a souligné :

  • que l’opposante avait fourni une preuve suffisante pour justifier de conclure qu’une part importante des consommateurs réels de l’Opposante seraient en mesure de lire et de comprendre les caractères chinois (au paragraphe 94);

  • qu’elle a convenu avec la requérante qu’elle ne pouvait pas accorder une force probante très grande à la preuve présentée par l’opposante au sujet des opérations commerciales que la requérante projetait d’exercer au Canada (imprimés du site Web asiatique de la requérante) (aux paragraphes 96 et 97);

  • que la requérante avait probablement l’intention, jusqu’à un certain point, de cibler les consommateurs chinois au Canada du fait de la [traduction] « décision de la requérante de faire figurer des caractères chinois dans la Marque, ainsi que de l’inclusion par la requérante des “gâteaux de lune”, “pâtés impériaux” et “gâteaux de Nouvel An” dans ses Marchandises (qui sont tous des pâtisseries chinoises selon la preuve de l’opposante) ainsi que des liens existants entre la requérante, la Chine et Hong Kong » (au paragraphe 97).

[29] Plus particulièrement, en l’espèce, je ne dispose d’aucune preuve justifiant de conclure qu’une part importante des consommateurs de l’Opposante seraient en mesure de lire et de comprendre le chinois. Également, je ne dispose d’aucune preuve que l’un ou l’autre des Produits du Requérant serait considéré comme des pâtisseries chinoises.

[30] L’Opposante soutient que le fait que le Requérant soit basé en Chine et que la Marque comprenne des caractères chinois constitue un fondement suffisant permettant de présumer qu’un nombre significatif ou important des clients du Requérant comprennent le chinois. Cependant, en l’absence d’autres éléments de preuve (comme il a été établi ci-dessus dans Cheung’s Bakery), j’estime qu’on ne peut pas raisonnablement inférer que le Requérant a probablement l’intention, jusqu’à un certain point, de cibler les consommateurs chinois au Canada, de sorte que le consommateur moyen serait en mesure de lire et de comprendre les caractères chinois.

[31] En conséquence, bien que je reconnaisse qu’il puisse être approprié, dans certaines affaires, de considérer le consommateur moyen comme une personne en mesure de lire et de comprendre les caractères chinois, selon la preuve au dossier, j’estime que la présente espèce n’est pas l’une de ces affaires.

[46] Dans le même ordre d’idées, je reproduis ci-dessous le commentaire suivant provenant de Gill : Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, 4e édition, au chapitre 8:33, mettant en évidence la décision rendue dans B. Jadow & Sons, Inc. c Grupo Cyanomex S.A., que je trouve particulièrement applicable en l’espèce :

[traduction]

Sous le droit des marques de commerce des États-Unis, il existe ce qui est connu comme la doctrine de l’équivalence étrangère. De façon générale, la doctrine affirme que les marques nominales de langues étrangères doivent être traduites en anglais dans le cadre de la comparaison de la signification.1 Lorsqu’on lui a demandé d’importer la doctrine américaine de l’équivalence étrangère comme circonstance de l’espèce pour déterminer la probabilité de confusion, la Cour fédérale Canada a, à ce jour, refusé sa demande au Canada,2 comme c’est le cas pour la Commission des oppositions des marques de commerce.3 Par exemple, dans B. Jadow & Sons, Inc c Grupo Cyanomex SA de CV.4 le requérant pour la marque KOLA LOKA a fait face à une opposition par le propriétaire de la marque déposée KRAZY GLUE. Bien qu’on ait conclu que la marque KOLA LOKA signifiait « crazy glue » en espagnole, la cour a noté que seulement une partie minime de la population canadienne parle l’espagnol comme langue maternelle et, par conséquent, a conclu que le consommateur moyen, ayant un souvenir vague ou imparfait de la marque de commerce déposée KRAZY GLUE, ne trouverait aucun degré de ressemblance quelconque pour les idées suggérées par KOLA LOKA et KRAZY GLUE. De plus, la cour a affirmé qu’elle « serait arrivée à la même conclusion même si la preuve offerte en appel avait démontré l’existence de communautés espagnoles à Toronto et à la Ville de Québec. Le simple fait que des enclaves ethniques existent dans deux centres urbains au pays n’est pas suffisant pour l’emporter sur le test du consommateur moyen bien établi. » 5 Des analyses et des résultats semblables ont découlé des décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce à l’égard d’autres marques de langue étrangère également.6

[47] En résumé, il n’y a aucune preuve que le consommateur moyen des Produits comprendrait que la Marque renvoie à une signification ou à une idée en particulier qui est identique ou semblable à celle suggérée par les Marques de commerce ONE SHOT de l’Opposante.

[48] Par conséquent, la prise en compte générale de ce facteur favorise fortement la Requérante.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[49] Compte tenu de l’importance du facteur relatif à l’article 6(5)e), j’estime que la Requérante s’est acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion que la Marque fera croire aux consommateurs que les Produits proviennent de la même source que ceux associés aux Marques de commerce ONE SHOT de l’Opposante ou sont autrement associés à l’Opposante.

[50] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2 de la Loi

[51] L’Opposante a fait valoir que :

[traduction]

La [Marque] ne possède pas de caractère distinctif, compte tenu des dispositions de l’article 2 de la Loi, puisque la [Marque] ne distingue pas les [P]roduits de la Requérante de ceux de l’Opposante. De plus, la [Marque] n’est pas adaptée à distinguer les [P]roduits de la Requérante de ceux de l’Opposante. La traduction anglaise du mot IPPATSU fournie par la Requérante est ONE SHOT.

[52] Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante doit démontrer qu’à la date de production de la déclaration d’opposition (à savoir le 5 juillet 2019), les Marques de commerce ONE SHOT qu’elle a invoquées avaient acquis une réputation importante, significative ou suffisante au Canada en liaison avec les produits pertinents, de sorte à annuler le caractère distinctif de la Marque du Requérant [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657].

[53] La preuve d’emploi de l’Opposant des marques de commerce ONE SHOT dont il a été question plus haut en ce qui a trait au motif d’opposition prévu à l’article 12(1)d) est suffisante pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau à l’égard du motif d’opposition en vertu de l’article 2.

[54] La différence dans les dates pertinentes n’a pas d’incidence sur mon analyse ci-dessus en vertu du motif d’opposition de l’article 12(1)d). Puisque le motif d’opposition fondé sur l’article 2 n’est pas plus fort que le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), celui-ci est également rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16 de la Loi

[55] L’Opposante a fait valoir que :

[traduction]

La Requérante n’a pas le droit à l’enregistrement de la [Marque] compte tenu des dispositions de l’article 16(1)a), puisque, à la date de dépôt de la [Demande], la [Marque] créait de la confusion avec les [Marques de commerce ONE SHOT] de l’Opposante, lesquelles avaient été employées précédemment au Canada […]. La traduction anglaise du mot IPPATSU fournie par la Requérante est ONE SHOT.

[56] Bien que l’invocation par l’Opposante de l’article 16(1)a) de la Loi semble incorrectement faire référence à la « nouvelle » Loi, je suis prête à interpréter l’argument de l’Opposante comme renvoyant aux dispositions de l’article 16(3)a) de « l’ancienne » Loi. En effet, compte tenu des faits plaidés et de la preuve au dossier, j’estime qu’il est raisonnable de traiter le renvoi erroné de l’Opposante à l’article 16(1)a) de la Loi de la même façon qu’une erreur administrative.

[57] Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante doit démontrer l’emploi de ses Marques de commerce ONE SHOT avant la date de dépôt de la Demande et qu’elle n’a pas abandonné ses marques à la date de l’annonce de la Demande [article 16(5)]. De nouveau, la preuve d’emploi de l’Opposant des marques de commerce ONE SHOT dont il a été question plus haut en ce qui a trait au motif d’opposition prévu à l’article 12(1)d) est suffisante pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau à l’égard du présent motif d’opposition.

[58] La différence dans les dates pertinentes n’a pas d’incidence sur mon analyse ci-dessus en vertu du motif d’opposition de l’article 12(1)d). Puisque le motif d’opposition fondé sur l’article 16 n’est pas plus fort que le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), celui-ci est également rejeté.

Décision

[59] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

William Desroches

 

Le français est conforme aux WCAG.


 

Annexe A

Marque de commerce

Numéro d’enregistrement

Produits/Revendications

ONE SHOT

LMC854,886

(1) Produits pour le contrôle des insectes, nommément insecticides, aérosols, pièges, rubans et appâts.

(2) Herbicides et désherbant.

Revendications :

Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que février 2008 en liaison avec les produits (1)

Déclaration d’emploi produite le 10 juillet 2013 sur les produits (2).

ONE SHOT and design

 

LMC851,286

(1) Produits pour le contrôle des insectes, nommément insecticides, aérosols, pièges, rubans et appâts.

(2) Herbicides et désherbant.

 

Revendications :

Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que février 2008 en liaison avec les produits (1)

Déclaration d’emploi produite le 21 mai 2013 sur les produits (2).

 

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience n’a été tenue

AGENTS AU DOSSIER

Norton Rose Fulbright Canada LLP/S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Pour l’Opposante

Blake, Cassels & Graydon LLP Intellectual Property Group

Pour la Requérante

 

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