Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2022 COMC 036

Date de la décision : 2022-02-28

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

Premier Horticulture Ltée.

Opposante

et

 

Les Sols R. Isabelle Inc.

Requérante

 

1,737,829 pour BIOMIX

Demande

[1] Premier Horticulture Ltée (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce BIOMIX (la Marque) faisant l’objet de la demande d’enregistrement no 1,737,829 (la Demande) au nom de Les Sols R. Isabelle Inc. (la Requérante). La Demande est basée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les produits « Terreau, terre végétale, fertilisants, engrais, compost, semences à gazon ».

[2] Les motifs d’opposition tournent autour de la question de la probabilité de confusion, au sens de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), entre la Marque et la marque de commerce BIOMAX Dessin reproduite ci-dessous (la Marque BIOMAX), qui consiste en le mot BIO en majuscules pleines suivi du mot MAX en majuscules italiques hachurées, le tout souligné d’une ligne droite, et qui a été employée au Canada par l’Opposante et enregistrée par celle-ci sous le no LMC407,386 en liaison avec les produits « Compost de fumier et de tourbe » :

BIOMAX DESSIN

[3] Tel qu’il ressortira de mon analyse, j’estime qu’il y a lieu de rejeter la demande.

Le dossier

[4] La Demande a été produite 17 juillet 2015 et annoncée dans le Journal des marques de commerce aux fins d’opposition le 3 avril 2016.

[5] La déclaration d’opposition a été produite le 30 mai 2016 en vertu de l’article 38 de la Loi et a été par la suite modifiée par l’Opposante le 20 décembre 2016, en réponse à une requête pour une décision interlocutoire sur la suffisance des motifs d’opposition plaidés présentée par la Requérante en même temps que sa contre-déclaration niant chacun des motifs d’opposition. La décision interlocutoire, rendue le 18 janvier 2017, a d’ailleurs radié le motif d’opposition fondé sur la non-conformité de la demande avec l’article 30i) de la Loi, ayant trouvé ce motif insuffisamment plaidé.

[6] Les motifs d’opposition restants allèguent que la Marque n’est pas enregistrable au sens de l’article 12(1)d) de la Loi, que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque au sens de l’article 16(3)a) de la Loi, et que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, le tout en raison de la confusion créée par la Marque avec la Marque BIOMAX. Un dernier motif d’opposition, fondé sur la non-conformité de la Demande avec l’article 30e) de la Loi, a été abandonné par l’Opposante lors de l’audience.

[7] De nombreuses modifications à la Loi sont entrées en vigueur le 17 juin 2019. Conformément aux dispositions transitoires à l’article 70 de la Loi visant les demandes annoncées avant le 17 juin 2019, les motifs d’opposition en l’espèce seront évalués sur le fondement de la Loi dans sa version précédant immédiatement ces modifications, à l’exception de la définition de « confusion » aux articles 6(2) à 6(4) de la Loi dans sa version actuelle qui sera appliquée.

[8] Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit la preuve suivante :

  • Un affidavit de sa Directrice principale du marketing et communications, Chantal Duchesneau, daté du 1er mars 2017. Mme Duchesneau est à l’emploi de l’Opposante depuis 1999, d’abord en qualité de coordinatrice marketing et par la suite occupant plusieurs postes de directrice marketing et communications au sein de diverses unités d’affaires de l’entreprise. Dans son affidavit, elle décrit les activités de l’Opposante et l’emploi de la Marque BIOMAX; elle aborde aussi les activités de la Requérante.
  • À titre de preuve en réplique, un affidavit de Béatrice Dubois, parajuriste employée par le cabinent représentant l’Opposante, daté du 25 juillet 2017. Mme Dubois joint à son affidavit comme pièces BD‑1 à BD‑3 les résultats de certaines recherches qu’elle a effectuées le 25 juillet 2017 à l’aide de l’outil de recherche Saegis afin de recenser les marques de commerce actives (enregistrées ou faisant l’objet de demandes en instance) commençant par « BIOM » et terminant par « X » en liaison avec des produits de la classe 1 de la classification Nice (incluant les produits chimiques destinés à l’industrie, aux sciences, et à l’agriculture, y compris l’engrais et le paillis).

[9] Au soutien de sa demande, la Requérante a pour sa part produit la preuve suivante :

  • Un affidavit de Wendy Landrigan-Pant, parajuriste employée par Gestion Miltom S.E.N.C., un fournisseur de services du cabinet représentant la Requérante, daté du 3 juillet 2017. Mme Landrigan-Pant joint à son affidavit comme pièces WLP‑1 à WLP‑4 des copies ou impressions de pages de certains dictionnaires, soit le Nouveau Petit Robert, le Webster’s Ninth New Collegiate Dictionary (États-Unis : 1987), le Paperback Oxford Canadian Dictionary (Second Edition), et le Larousse (en ligne), contenant des définitions des mots « bio », « max », et « mix ».
  • Des copies certifiées de divers enregistrements et demandes d’enregistrement de marques de commerce associées de manière générale à des produits tels que des engrais, des amendements de sol, des herbicides ou pesticides, et des semences à gazon.

[10] Chacune des parties a produit un plaidoyer écrit et a participé à l’audience tenue.

Le fardeau qui repose sur les parties

[11] C’est à l’opposant qu’il appartient au départ d’établir le bien-fondé de chacun de ses motifs d’opposition : l’opposant doit faire en sorte que le motif soit dûment plaidé et établir les faits sur lesquels il l’appuie. Une fois que l’opposant s’est acquitté de ce fardeau de preuve initial pour un motif d’opposition, il incombe au requérant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le motif d’opposition ne fait pas obstacle à l’enregistrement de sa marque de commerce. Le fait que le fardeau ultime repose ainsi sur le requérant signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l’encontre de ce dernier [voir John Labatt Ltd v Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst, décision confirmée (1992), 42 CPR (3d) 495 (CAF)); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 2002 CAF 29 (CanLII), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque au sens de l’article 12(1)d)

[12] L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable eu égard aux dispositions de de l’article 12(1)d) de la Loi parce que la Marque crée de la confusion avec la Marque BIOMAX, enregistrée sous le no LMC407,386 (l’Enregistrement BIOMAX).

[13] La date pertinente pour l’appréciation de ce motif d’opposition est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)]. Un opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve initial si l’enregistrement allégué demeure en vigueur à cette date et le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour le vérifier [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Ayant exercé ma discrétion, je confirme que l’Enregistrement BIOMAX est toujours en vigueur.

[14] La Requérante doit dès lors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n’est pas susceptible de créer de la confusion avec la Marque BIOMAX.

Le test en matière de confusion

[15] L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués par la même personne, que ces produits soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe du système de classification de Nice [article 6(2) de la Loi].

[16] Ainsi la question de la confusion ne concerne pas la confusion des marques de commerce elles-mêmes mais la confusion quant à savoir si les produits liés à chacune des marques proviennent de la même source. Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque de commerce du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’opposant et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20]. En tranchant la question il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris les facteurs énumérés aux articles 6(5)a)–e) de la Loi, mais cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent peut être accordé à chaque facteur selon le contexte [voir Veuve Clicquot, précité; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27].

L’article 6(5)e) : Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[17] Le degré de ressemblance entre les marques de commerce est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [Masterpiece, précité]. Il n’y a pas lieu de faire un examen minutieux côte à côte pour relever les similitudes et les différences; chaque marque de commerce doit être considérée de façon globale et évaluée en fonction de son effet sur le consommateur moyen à sa première impression [Masterpiece, précité]. Examiner une marque de commerce dans son ensemble ne veut pas dire pour autant qu’il faut faire abstraction d’une composante dominante qui aurait une incidence sur l’impression générale du consommateur moyen. À ce titre, il est préférable de se demander d’abord si les marques de commerce en cause présentent un aspect « particulièrement frappant ou unique » [Masterpiece, précité, au para 64].

[18] Dans le cas présent, les marques de commerce des parties sont toutes deux des mots inventés, ayant une construction similaire, étant constituées de l’élément BIO suivi de l’élément MIX ou MAX, selon le cas. Dans chaque cas, j’estime qu’aucun aspect particulier de la marque de commerce n’est particulièrement frappant ou unique.

[19] On considère souvent que le premier élément d’une marque de commerce joue un rôle plus important dans l’établissement du caractère distinctif [voir Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)]. Le premier élément peut néanmoins perdre de son importance lorsqu’il s’agit d’un terme courant, descriptif, ou suggestif [voir Merial LLC c Novartis Animal Health Canada Inc (2001), 11 CPR (4th) 191 (CF 1re inst)]. Or, j’accepte les prétentions de la Requérante selon lesquelles BIO est une abréviation signifiant un produit « biologique », et que ce mot est ainsi descriptif de la nature des produits des parties. J’estime également que MAX est une abréviation de « maximum » et que MIX signifie un « mélange » (tant en français qu’en anglais, comme discuté ci-dessous). Ainsi la seconde moitié de chaque marque est elle aussi descriptive ou tout au moins suggestive — comme louange dans le cas de MAX et comme indication générale de la composition du produit dans le cas de MIX. L’aspect figuratif de la Marque BIOMAX met l’élément MAX au premier plan (du fait que le M cache le bout de l’O de BIO) et l’orne d’un motif hachuré, mais l’effet est subtil. Tout bien considéré, j’estime que dans chacun des cas, à la première impression, aucun élément de la marque n’est prépondérant.

[20] Considérant chacune des marques de façon globale, j’estime qu’elles se ressemblent à un degré élevé sur les plans visuel et phonétique. Mis à part l’aspect graphique de la Marque BIOMAX, ces deux mots inventés ne diffèrent que par une seule lettre, située vers la fin du mot et n’ayant qu’un effet mineur sur le son de la syllabe impliquée. La graphie stylisée de la Marque BIOMAX, quand à elle, est relativement simple et ne diminue pas de manière significative le degré de ressemblance visuelle entre les marques.

[21] En ce qui concerne les idées qu’elles suggèrent, les marques sont toutes deux suggestives, tant en anglais qu’en français, de produits biologiques, c’est-à-dire de produits à base de matières provenant d’organismes vivants par opposition à des matières artificielles ou de synthèse. Bien qu’en anglais le terme « organic » est courant dans ce contexte, j’estime que le préfixe « bio » serait perçu dans essentiellement le même sens, étant une abréviation du mot « biology » (biologie) et faisant également référence à la vie (« life ») et aux organismes vivants (« of living things ») [voir les définitions de « bio » et de « bio- » dans le Concise Canadian Oxford Dictionary (Toronto: Oxford University Press, 2005); et voir Tradall S.A. c Devil’s Martini Inc, 2011 COMC 65, en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire du registraire de prendre connaissance d’office des définitions de dictionnaire].

[22] De plus, j’accepte les prétentions de la Requérante selon lesquelles la Marque BIOMAX peut être perçue comme une forme abrégée de la description « biologique au maximum » et la Marque comme une forme abrégée de la description « mélange biologique » [plaidoyer écrit aux paras 26 et 30; voir également les extraits de dictionnaire joints à l’affidavit de Mme Landrigan-Pant, définissant les mots « BIO » et « MAX » en français et le mot « MIX » en français et en anglais]. À cet égard, la Requérante fait valoir que MIX aurait le sens d’un assemblage de différents morceaux de musique en français, selon la définition de MIX du dictionnaire Larousse en ligne, mais je note aussi la définition suivante du mot « mixte » tirée du même dictionnaire, bien qu’elle ne soit citée par aucune des parties: « Qui est formé d’éléments d’origine ou de nature différentes ». À mon avis, étant donné que (i) les engrais et les semences sont susceptibles d’être composés d’un mélange d’ingrédients différents, et (ii) en français, MIX se prononce de façon presque identique au mot « mixte », l’impression immédiate créée par le suffixe MIX dans le présent contexte serait plutôt simplement celle d’un produit mixte — c’est-à-dire formé d’éléments différents.

[23] L’Opposante fait valoir qu’il n’y a pas de preuve de la signification de la combinaison des mots BIO et MAX, mais il n’en demeure pas moins que le sens des mots dont une marque de commerce est composée influe sur les idées que la marque suggérera. Cela dit, j’estime que le mot inventé BIOMAX demeure quelque peu ambigu en liaison avec des produits comme des engrais ou des semences, dans la mesure où ce terme pourrait suggérer ou bien une formulation ayant une quantité maximale d’ingrédients biologiques ou bien une formulation biologique d’efficacité maximale, c’est-à-dire qui fait pousser les plantes au plus grand degré.

[24] Somme toute, j’estime que sous l’angle d’un consommateur unilingue francophone, unilingue anglophone, ou bilingue, l’idée suggérée par la Marque BIOMAX dans le contexte des produits de l’Opposante est celle d’un produit « biologique au maximum » ou « biologique et agissant au maximum » tandis que l’idée suggérée par la Marque est celle d’un « mélange biologique ». À mon avis, bien que le sens des deux expressions ne soit pas identique, l’idée centrale suggérée est essentiellement la même dans les deux cas, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une formulation biologique. Partant, j’estime qu’il existe un degré élevé de ressemblance sur le plan conceptuel aussi.

[25] En terminant mon examen de ce facteur, je note que l’Opposante a fait valoir plusieurs décisions dans lesquelles des marques de commerce n’ayant qu’une lettre de différence ont été jugées comme représentant un risque vraisemblable de confusion. Je conviens toutefois avec la Requérante que pareilles décisions ne peuvent être déterminantes en ce qui concerne la question de la ressemblance. Chaque affaire repose sur les faits qui lui sont propres. Par exemple, les idées que les marques suggèrent ou le concept sous-jacent peuvent être un facteur de différenciation, et une seule lettre peut à cet égard faire toute une différence [voir p. ex. Ikea Ltd/Ikea Ltée v Idea Design Ltd, [1987] FCJ No 104]. Qui plus est, le degré de ressemblance n’est pas le seul facteur à influer sur la probabilité de confusion.

[26] Cela étant dit, il n’en demeure pas moins qu’à mon avis, sous l’angle de la première impression et du souvenir imparfait, les légères différences entre les idées suggérées par les marques en cause ne suffisent pas à contrebalancer les fortes ressemblances entre celles-ci aux plans visuel et phonétique. Dans l’ensemble, j’estime que le facteur de la ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation, le son, et les idées suggérées favorise fortement l’Opposante.

L’article 6(5)a) : Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[27] La Requérante fait valoir que les marques de commerce des parties ont un caractère distinctif inhérent faible, étant composées de mots usuels de la langue française, quoique la Marque BIOMAX ait un caractère inhérent marginalement plus grand, grâce uniquement à son aspect « semi-figuratif » [au para 22].

[28] Je suis d’accord que les marques de commerce en présence, bien qu’elles soient des termes inventés, sont forgées de mots ou d’éléments de mots ordinaires du dictionnaire et ont ainsi un caractère distinctif inhérent faible [voir les extraits de dictionnaires joints à l’affidavit de Mme Landrigan-Pant et les définitions tirées du dictionnaire Larousse en ligne et du Concise Canadian Oxford Dictionary mentionnées dans la section précédente]. En ce qui concerne la police stylisée, je suis d’avis qu’elle n’a pas d’incidence importante sur le caractère distinctif inhérent de la Marque BIOMAX. Il a été statué que les caractéristiques graphiques intrinsèques aux lettres et qui ne peuvent pas en être dissociées contribuent peu au caractère distinctif inhérent d’une marque de commerce [voir Canadian Jewish Review Ltd c le Registraire des marques de commerce (1961), 37 CPR 89 (C de l’Éch) et John Labatt Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1984), 79 CPR (2d) 110 (CF 1re inst)].

[29] Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être rehaussé par son emploi et promotion au Canada [voir Sarah Coventry Inc c Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238 (CF 1re inst); GSW Ltd c Great West Steel Industries Ltd (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF 1re inst)]. Seule l’Opposante a fourni une preuve à cet égard, par la voie de l’affidavit de Mme Duchesneau.

La preuve d’emploi et de promotion de la Marque BIOMAX fournie par l’Opposante

[30] Mme Duchesneau explique que l’Opposante œuvre dans le secteur des produits de jardinage et d’horticulture au Canada et qu’elle vend depuis au moins aussi tôt que mars 1990 une gamme de tels produits arborant la Marque BIOMAX [paras 4-5], soit les amendements de sols et fertilisants organiques déclinés au paragraphe 16 de son affidavit, dont des images d’emballages y sont jointes en pièces CD‑3 à CD‑10, comme suit :

  • Dans un premier style d’emballage, « COMPOST TOURBE•ALGUES•FUMIERS » [CD‑3] et « COMPOST TOURBE•CREVETTES•FUMIERS » [CD‑4].
  • Dans un deuxième style d’emballage, « COMPOST TOURBE-•ALGUES » [CD‑6]; « COMPOST TOURBE•CREVETTES » [CD‑7]; et « 3 en 1 TERREAU À JARDIN » (avec terre noire, tourbe de sphaigne, et compost sans fumier, selon la description sur l’emballage) [CD‑5].
  • Dans un troisième style d’emballage, « ULTRA fumier de bovin composté » [CD‑8]; « ULTRA fumier composté » (de mouton, selon l’image sur l’emballage) [CD‑9]; et « ULTRA mélange de compost avec crevettes » [CD‑10].

[31] Mme Duchesneau précise que tous ces produits (les Produits BIOMAX) font partie de la catégorie des « composts » et sont destinés aux marchés de détail du jardinage et de l’horticulture [paras 16-18]. Elle confirme aussi que la Marque BIOMAX est « utilisée » sans interruption au Canada depuis au moins aussi tôt que mars 1990 en liaison avec « les produits énoncés à l’enregistrement » — le logotype ayant légèrement évolué mais en conservant la combinaison du préfixe BIO en caractères pleins et du suffixe MAX en caractères hachurés [paras 10-12].

[32] Mme Duchesneau explique également qu’en 2010, l’Opposante a octroyé à une entreprise dont le siège social est situé à la même adresse, soit Premier Tech Home & Garden Inc. (la Licenciée), une licence permettant à celle-ci de développer, de fabriquer, et de distribuer les produits arborant la Marque BIOMAX, alors que l’Opposante, en vertu des termes de la licence, contrôle régulièrement « les caractéristiques, la qualité, l’emploi, la publicité, ou l’exposition » de ces produits [paras 6-7, 9]. Bien que cette affirmation aurait pu être plus précise, en l’absence de contre-interrogatoire ou de preuve contraire j’accepte que l’Opposante contrôle les caractéristiques et la qualité des produits aux termes de la licence. Ainsi elle bénéficie de la présomption de l’article 50(1) de la Loi, selon laquelle l’emploi d’une marque de commerce par un licencié est réputé être un emploi par le propriétaire de la marque.

[33] Mme Duchesneau affirme que l’Opposante et/ou la Licenciée ont vendu, et continuent de vendre, les Produits BIOMAX par l’intermédiaire de distributeurs et revendeurs, particulièrement dans l’est du Canada, dans les magasins Canadian Tire, Home dépôt, Home Hardware, Loblaws, Lowe’s, Rona, et Wallmart, [para 19]. Mme Duchesneau ajoute que la Marque BIOMAX est affichée en évidence sur du matériel promotionnel et publicitaire distribué par l’Opposante partout au Canada [para 22] et que la Licenciée présente également les produits de la Marque BIOMAX aux Canadiens sur son site Web et sur un microsite créé pour ces produits en 2015, les deux sites étants accessibles à tous les Canadiens [paras 23-24]. Au soutien de ses affirmations, Mme Duchesneau joint les pièces suivantes à son affidavit :

  • Les reproductions de l’emballage de chacun des Produits BIOMAX, montrant qu’ils arborent tous la Marque BIOMAX [pièces CD‑3 à CD‑10].

  • Une annonce publicitaire datant de 1999 illustrant des composts et terreaux à jardin biologiques (« organic composts and garden mix ») arborant la Marque BIOMAX, soit du « COMPOST TOURBE•ALGUES•FUMIERS », du « COMPOST TOURBE•CREVETTES•FUMIERS », du « COMPOST TOURBE•FUMIERS », et un « MÉLANGE POUR JARDIN 3 EN 1 » [pièce CD‑13]. Je note que tous les emballages sont du « premier » style montré aux pièces CD‑3 et CD‑4 et que le « MÉLANGE POUR JARDIN 3 en 1 » s’apparente à du 3 en 1 terreau à jardin (le nom anglais affiché sur l’emballage des deux produits est le même : « GARDEN MIX 3 IN 1 »).

  • Deux pages représentatives de matériel publicitaire « plus récent » illustrant des milieux de croissance jardin (« outdoor growing media ») arborant la Marque BIOMAX, soit de l’ultra fumier de bovin composté, de l’ultra fumier composté, de l’ultra mélange compost crevettes, et du 3 en 1 terreau à jardin [pièce CD‑14]. L’emballage de ces quatre produits a légèrement évolué d’une annonce à l’autre et je note qu’une des annonces qualifie les deux ultra fumiers de produits nouveaux (« New ») et le mélange compost crevettes de produit ayant une nouvelle formule (« New formula ») comprenant de la tourbe noire.

  • Cinq documents promotionnels imprimés du microsite de la Licenciée et distribués par la Licenciée dans le cours normal de ses affaires, illustrant encore une fois l’ultra fumier de bovin composté, l’ultra fumier composté, et l’ultra mélange de compost avec crevettes, tous qualifiés de « nouveau » et arborant la Marque BIOMAX sur leur emballage [pièce CD‑15]. Je note que deux des documents semblent représenter les côtés français et anglais d’un coupon pouvant être échangé chez le détaillant Canadian Tire du 4 mai 2015 au 1er août 2015.

  • Un rapport de vente depuis l’année (supposément fiscale) 2005‑06 à l’égard des Produits BIOMAX, faisant état de ventes totales par année de centaines de milliers de dollars, dépassant un million de dollars depuis l’année 2015–2016 [pièce CD‑11]. Les données sont ventilées par les cinq catégories de produits suivantes:

    • o fumier de bovin compostébiomax cattle/steer manure») (ventes commençant en 2014–15);

    • o compost fumiers bmx manure compost » — en traduisant « MANURE » j’ai favorisé la forme plurielle, selon les emballages du premier style) (ventes s’arrêtant en 2005–06 et recommençant en 2014–15);

    • o compost tourbe crevettes (« bmx peat shrimp compost »);

    • o compost tourbe algues(« bmx peat seaweed compost») (ventes se terminant en 2014–15); et

    • o 3 en 1 terreau à jardin bmx 3 in 1 garden mix »).

  • Copies de trois factures émises par l’Opposante (datées de 2010 à 2012) et quatre émises par la Licenciée (datées de 2013 à 2016), démontrant des ventes de « BIOMAX 3en 1 Terreau Jardin » (ou « BIOMAX 3 in 1 Garden Mix ») à des entreprises dans plusieurs provinces partout au Canada — la facture datée de 2012 inclut aussi une vente de compost tourbe-algues (« BIOMAX Peat-Seaweed Compost » ) [pièce CD‑12].

[34] La Marque BIOMAX telle que présentée sur les emballages et annonces varie de la forme enregistrée. Sur l’annonce datant de 1999 et les emballages y démontrés — qui semblent correspondre à ceux des composts tourbe•algues•fumiers et tourbe•crevettes•fumiers montrés au pièces CD-3 et CD-4 — la Marque BIOMAX est présentée sans soulignement (Marque BIOMAX à l’Ancienne). Sur les annonces plus récentes ainsi que sur les emballages des produits montrés aux pièces CD-5 à CD-10, seul MAX est souligné et ce par un arc (qui cache le bas des lettres), en plus d’être maintenant en arrière-plan (le début du M caché par le O) et en caractères sans empattements (Marque BIOMAX Évoluée). Dans les deux cas, je trouve qu’il s’agit tout de même d’un emploi de la Marque BIOMAX, puisque les caractéristiques dominantes de celle-ci ont été préservées, de façon qu’elle demeure reconnaissable en tant que telle et ne perd point son identité [selon les principes énoncés dans Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); et Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)].

[35] Je trouve aussi sans conséquences le fait que la Marque BIOMAX est souvent présentée en dessous du logotype PREMIER, puisque la Marque BIOMAX en ressort et rien n’interdit l’emploi de deux ou plusieurs marques de commerce simultanément [voir Allen Ltd c Warner-Lambert Canada Inc (1985), 6 CPR (3d) 270 (CF 1re inst)]. Je ne suis pas d’accord avec les arguments de la Requérante selon lesquelles cette marque secondaire telle que présentée serait nécessairement suggestive de la nature des produits.

La pertinence de la preuve d’emploi et de promotion de la Marque BIOMAX au vu du libellé des produits de l’Opposante

[36] La Requérante fait valoir que la preuve de l’Opposante ne permet pas de conclure que la Marque BIOMAX est devenue connue au Canada de façon telle à contrebalancer le faible caractère distinctif inhérent de celle-ci. En particulier, la Requérante fait valoir que seule la preuve ayant trait aux composts contenant et du fumier et de la tourbe est pertinente, alors que le rapport de vente et les copies de factures produites par Mme Duchesneau ne permettent pas de différencier les composts contenant ces deux ingrédients ensemble des autres Produits BIOMAX. De plus, la Requérante cite la décision Dollarama LP c JE Mondou Ltée, 2015 COMC 63, où la marque de commerce de l’opposante a été jugée relativement faible en dépit de millions de ventes par année (pas ventilées par catégorie de produits) enforçant son caractère distinctif.

[37] L’Opposante, quant à elle, fait valoir qu’on ne peut faire abstraction de sa preuve incontestée établissant des ventes de composts de tourbe et de composts de fumiers depuis 1990. Selon l’Opposante, l’expression « compost de fumier et de tourbe » dans l’Enregistrement BIOMAX et dans la déclaration d’opposition comprend non seulement le compost contenant les deux ingrédients mais également le compost contenant l’un ou l’autre, ce qui rend pertinente la preuve dans son ensemble. L’Opposante soutient que l’affaire Dollarama n’est pas comparable, par exemple, du fait qu’il s’agissait là d’une marque de détaillant, ce qui rend peu probable le chevauchement des voies de commercialisation.

[38] En tout premier lieu, je mentionnerai que je ne trouve pas particulièrement pertinente la décision Dollarama citée par la Requérante, surtout étant donné que l’aspect verbal de la marque de l’opposante en cause dans cette affaire consistait en un terme de tous les jours — soit « PetStore », le terme anglais pour un magasin d’animaux de compagnie. Bien qu’il s’agissait d’une marque figurative, le dessin était banal et hautement suggestif des produits de l’opposante, soit divers produits et accessoires pour animaux. En l’espèce, par contre, la Marque BIOMAX consiste en un mot inventé combinant deux idées distinctes : celle d’une formulation biologique et celle d’une limite supérieure. De ce fait, la Marque BIOMAX, quoique suggestive, n’est pas « essentiellement dénuée de caractère distinctif intrinsèque », comme l’a été jugée la marque PETSTORE & Dessin dans la décision citée [voir Dollarama au para 22].

[39] Je trouve plus pertinents les arguments de la Requérante concernant la nature des produits vendus en l’espèce. À cet égard, je suis d’accord avec la Requérante qu’il n’est pas clair si les chiffres de vente fournis par Mme Duchesneau comprennent du compost contenant fumier et tourbe ensemble. Si pareil produit est en effet compris dans le rapport de vente, soit dans l’une des catégories de composts de tourbe, soit dans la catégorie de compost fumiers, Mme Duchesneau ne le précise pas. Je suis donc dans l’impossibilité de conclure à l’emploi de la Marque BIOMAX dans les dernières années en liaison avec les produits spécifiés dans son enregistrement.

[40] Concernant les catégories de composts de tourbe, seule l’annonce datant de 1999 promeut des composts de tourbe contenant aussi du fumier, et les emballages de ces produits — dont deux sont aussi montrés aux pièces CD‑3 et CD‑4 — arborent tous la Marque BIOMAX à l’Ancienne. Partant, j’estime que l’on ne peut exclure la possibilité que les composts de tourbe BIOMAX ne contiennent plus de fumier depuis au moins le temps de l’adoption de la Marque BIOMAX Évoluée. Or, la date de l’adoption de le Marque BIOMAX Évoluée n’est pas précisée.

[41] Concernant la catégorie de compost fumiers, on ne peut savoir si elle correspond (i) au compost tourbe•fumiers qui figure uniquement dans l’annonce de 1999; ou (ii) à l’ultra fumier composté (a priori de mouton) qui figure dans les annonces dites récentes; ou encore (iii) au compost tourbe•fumiers jusqu’à 2005–06 et à l’ultra fumier composté à partir de 2014–15. Étant donné que le compost tourbe•fumiers n’est montré qu’arborant la Marque BIOMAX à l’Ancienne et est omis de la déclinaison des Produits BIOMAX faite par Mme Duchesneau au paragraphe 16 de son affidavit, je ne suis pas prête à conclure à la vente de ce produit dans les années plus récentes. Même si j’étais prête à accepter que les composts tourbe•algues•fumiers et tourbe•crevettes•fumiers rentrent dans la même catégorie, je ne serais pas prête à conclure à leur vente ou promotion dans les années plus récentes non plus, étant donné qu’ils ne sont montrés qu’arborant la Marque BIOMAX à l’Ancienne.

[42] Qui plus est, puisque l’« ULTRA fumier de bovin composté » et l’« ULTRA fumier composté » (ce dernier paraissant être de mouton) semblent être des produits connexes nouveaux, le fait que les ventes de la catégorie « fumier de bovin composté » commencent en 2014–15 mène à croire que le recommencement des ventes dans la catégorie « compost fumiers » en 2014–15 pourrait renvoyer au début des ventes de l’« ULTRA fumier composté ». Or, bien que Mme Duchesneau affirme que tous les produits dont l’emballage est reproduit dans son affidavit font partie de la catégorie des « composts » [paras 16-17], je ne suis pas convaincue pour autant que l’Opposante promeut le fumier composté comme étant du « compost fumiers ». Le fumier composté est qualifié de « fumier » dans le coupon à la pièce CD‑15 et promu (sans la Marque BIOMAX) sous la rubrique de terres et fumiersorganic soils and manure ») dans l’annonce de 1999. Ce sont les composts tourbe•fumiers, tourbe•algues•fumiers, et tourbe•crevettes•fumiers qui sont promu sous la rubrique de composts et terreau (« organic composts and garden mix ») dans cette annonce. Si l’Opposante ne commercialise pas ses ultra fumiers compostés comme étant du « compost », il est incertain que le consommateur moyen les verrait ainsi.

[43] D’ailleurs, les sept factures datant de 2010 à 2016 jointes à la pièce CD‑12 de l’affidavit de Mme Duchesneau n’assistent pas davantage l’Opposante à démontrer des ventes de « compost de fumier et de tourbe ». Ces factures ne démontrent que des ventes de 3 en 1 terreau à jardin (que la preuve indique est sans fumier) et une seule vente de compost tourbe crevettes (a priori le produit « compost tourbe•crevettes » montré à la pièce CD‑7 et non le produit « compost tourbe•crevettes•fumiers » montré à la pièce CD‑4). L’absence de factures démontrant des ventes plus pertinentes — telles que des ventes de compost avec fumier ou davantage de ventes de compost avec tourbe — n’est pas expliquée.

[44] En terminant, j’accepte la possibilité qu’en employant l’expression « compost de fumier et de tourbe » dans sa demande d’enregistrement et dans la déclaration d’opposition, l’Opposante ait pu avoir l’intention d’employer une ellipse pour se référer à deux types de compost, c’est à dire : « compost de fumier et [compost] de tourbe ». Néanmoins, dans la mesure où on s’attendrait à ce qu’une référence à plus d’un type de compost mette le mot « compost » au pluriel — soit « composts de fumier et de tourbe » — je suis d’avis que l’expression employée par l’Opposante ne renvoie pas à du compost de fumier qui pourrait être sans tourbe et/ou à du compost de tourbe qui pourrait être sans fumier. Or, le motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque est limité aux « produits décrits comme étant : "compost de fumier et de tourbe" », soit à des produits répondant à la définition d’un compost contenant ces deux ingrédients.

[45] Le registraire doit se cantonner aux motifs soulevés dans la déclaration d’opposition; le défaut d’y invoquer adéquatement un motif particulier, ou de modifier la déclaration pour ce faire, empêche la considération de ce motif [Carling Breweries Ltd c Molson Companies Ltd (1984), 1 CPR (3d) 191 (CF 1re inst)]. Une fois la preuve produite, le registraire doit en tenir compte dans l’interprétation des motifs d’opposition [selon Novopharm Ltd c AstraZeneca AB, 2002 CAF 387]. Toutefois, je ne suis pas convaincue qu’il s’agit ici d’un cas où un motif ambigu est clarifié par la preuve; au contraire, le fait que tous les composts promus dans l’annonce datant de 1999 contiennent du fumier et de la tourbe ensemble donne à penser qu’effectivement, la demande d’enregistrement déposée en 1990 ayant abouti à l’Enregistrement BIOMAX ne visait que le compost contenant ces deux ingrédients ensemble.

[46] Par conséquent, en ce qui concerne l’aspect du facteur énoncé à l’article 6(5)a) de la Loi visant la mesure dans laquelle la marque de l’Opposante est devenue connue, je conviens avec la Requérante que l’analyse doit se limiter à un examen des composts de l’Opposante qui contiennent les deux ingrédients précisés. Or, pour les raisons expliquées plus haut, je ne suis pas convaincue que la Marque BIOMAX serait connue de manière significative en liaison avec de tels produits aujourd’hui. J’ajouterai en terminant sur ce dernier point que, même si j’avais inclus les composts de tourbe sans fumier et de fumier sans tourbe dans mon appréciation des facteurs énoncés à l’article 6(5), ceci n’aurait pas affecté ma conclusion ultime du présent motif d’opposition.

Conclusion concernant le caractère distinctif des marques

[47] Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, je trouve que l’analyse du facteur énoncé à l’article 6(5)a) de la Loi ne favorise de manière significative aucune des parties.

[48] Cela étant dit, je ne suis pas d’accord avec la Requérante que la preuve d’emploi de la Marque BIOMAX en liaison avec d’autres produits que le compost « de fumier et de tourbe » n’est pas pertinente du tout. À mon avis, une telle preuve peut tout de même être invoquée à titre de circonstance additionnelle de l’espèce [pour conclusions similaires, voir p. ex. Mondo Foods Co Ltd c Saverio Coppola, 2011 COMC 228; et Canadian Broadcasting Corporation/Société Radio-Canada c Big Mountain Coffee House & Roasters Ltd, 2014 COMC 240]. Je reviendrai sur cette circonstance plus bas.

L’article 6(5)b) : La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[49] Pour les raisons détaillées dans la section précédente, je suis d’avis que l’analyse du facteur énoncé à l’article 6(5)b) de la Loi, visant la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage, doit également se limiter à un examen des composts de l’Opposante qui contiennent du fumier et de la tourbe ensemble.

[50] L’Opposante fait valoir que sa preuve démontre l’emploi de la Marque BIOMAX depuis au moins et aussi tôt que 1990, puisque Mme Duchesneau affirme dans son affidavit que la Marque BIOMAX « est utilisée sans interruption au Canada depuis au moins et aussi tôt que mars 1990 avec les produits énoncés à l’enregistrement » et que l’Opposante « a vendu depuis au moins et aussi tôt que mars 1990, et continue de vendre de façon ininterrompue, une vaste gamme de produits portant la marque de commerce BIOMAX » [paras 11 et 16, mon emphase]. L’Opposante souligne que ces affirmations n’ont pas été contestées.

[51] Cependant, la question de savoir s’il y a eu « emploi » au sens de la définition précise articulée à l’article 4 de la Loi est une question de droit qui doit être tranchée par le registraire à la lumière de la preuve. Il incombe aux parties de produire des éléments de preuve démontrant comment elles ont employé leurs marques de commerce afin que le registraire puisse déterminer si les faits confirment qu’il y a eu emploi au sens de l’article 4.

[52] Dans le cas présent, la simple affirmation de Mme Duchesneau que la Marque BIOMAX a été « utilisée » depuis mars 1990 ne suffit pas pour me permettre de conclure qu’il y eu emploi au sens de l’article 4, en liaison avec le « compost de fumier et de tourbe » ou autrement. Faute de pouvoir évaluer la façon et le contexte entourant l’emploi allégué de la Marque BIOMAX en 1990, je ne suis pas prête à conclure que l’utilisation à laquelle Mme Duchesneau fait référence constitue effectivement un « emploi » au sens de l'article 4 de la Loi. À cet égard, il convient de noter que l’annonce publicitaire datant de 1999 ne peut servir de preuve d’emploi de la Marque BIOMAX sur les emballages des produits y démontrés en l’absence de preuve de ventes de ces produits. De plus, l’affirmation de Mme Duchesneau à l’effet que l’Opposante a vendu depuis 1990, et continue de vendre de façon ininterrompue, « une vaste gamme » de produits portant la Marque BIOMAX ne permet pas de conclure à des ventes ininterrompues depuis 1990 de « compost de fumier et de tourbe » en particulier.

[53] Les chiffres de vente fournis par Mme Duchesneau permettent tout au plus de conclure à l’emploi de la Marque BIOMAX en liaison avec des composts contenant soit du fumier soit de la tourbe depuis l’année 2005‑06. Qui plus est, pour les raisons indiquées plus haut, je ne suis pas prête à conclure à la vente de composts contenant ces deux ingrédients ensemble après l’année 2005–06.

[54] Comme je ne suis pas en mesure de conclure que l'Opposante a établi l'emploi continu de la Marque BIOMAX en liaison avec les produits énoncés à son enregistrement, et étant donné l’absence de preuve quelconque d’emploi de la Marque de la Requérante, ce facteur ne favorise aucune des parties.

Les articles 6(5)c) et d) : Le genre de produits et d’entreprises et la nature du commerce

[55] Lorsqu’on considère un motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité, l’examen des produits, entreprises et commerces des parties se fait en comparant l’état déclaratif des produits figurants dans la demande d'enregistrement du requérant à celui des produits figurant dans l’enregistrement de l’opposant, ayant égard aux voies de commercialisation qui seraient normalement liées à de tels produits [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[56] La Requérante fait valoir que l’Enregistrement BIOMAX vise le compost de fumier et de tourbe tandis que la Demande vise d’autres produits, en plus du compost. Je ne trouve pas que cet argument soit persuasif. Dans le cas présent, à une exception près, les produits visés par la Demande chevauchent ceux liés à la Marque BIOMAX en ce que le terreau, la terre végétale, les fertilisants, l’engrais, et le compost (soit ou non de tourbe et/ou de fumier) sont tous des formes d’engrais ou de terre avec engrais. De plus, il y a une complémentarité entre le produit restant, c’est-à-dire les semences à gazon, et le compost dans la mesure où ces produits sont tous deux appliqués aux pelouses pour les rendre plus denses. À cet égard, je note que l’emballage du compost tourbe-algues BIOMAX montré à la pièce CD‑6 joint à l’affidavit de Mme Duchesneau décrit le produit comme étant « Idéal pour soin de pelouse » et un « Aide à fortifier les tiges des plantes » alors que l’emballage du compost tourbe•algues•fumiers BIOMAX montré à la pièce CD‑3 décrit ce dernier également comme étant un « Aide à fortifier les tiges ».

[57] Mme Duchesneau précise que tous les produits de l’Opposante sont destinés aux marchés de détail du jardinage et de l’horticulture [paras 16-18] et les factures qu’elle fournit à la pièce CD-12 semblent a priori concorder avec ses affirmations. La Requérante n’a pas produit de preuve du genre d’entreprise qu’elle exploite ou de ses voies de commercialisation. Cependant, en l’absence d’une preuve contraire, il n’y a aucune raison de conclure d’après l’ensemble des produits impliqués qu’ils n’emprunteraient pas les mêmes voies de commercialisation et qu’ils ne seraient pas destinés aux mêmes types de clientèle.

[58] Je note que Mme Duchesneau joint à son affidavit comme pièce CD‑2 des extraits du site Internet de la Requérante où est offerte une gamme de produits de jardinage et d’horticulture [para 14]. La Marque n’y est pas présentée, mais les produits annoncés comprennent notamment divers types d’engrais, de composts et de terreaux. Cependant, je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’avoir recours à l’information contenue dans ce site Web pour conclure que les produits des parties se chevauchent. De même, étant donné que les produits sont vendus au membres du grand public pour usage courant, il n’y a pas lieu de recourir à l’opinion de Mme Duchesneau pour conclure que les produits sont susceptibles de circuler dans les mêmes marchés et d’être destinés aux mêmes types de clientèle.

[59] Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) de la Loi favorisent l’Opposante.

Circonstances additionnelles

[60] Les parties soulèvent plusieurs circonstances additionnelles à considérer, comme suit.

Portée de la protection accordée aux marques de commerce contenant des termes descriptifs

[61] La Requérante fait valoir qu’en matière de marques de commerce n’ayant pas ou peu de caractère distinctif inhérent, de petites différences sont suffisantes pour éviter qu’il y ait une probabilité de confusion. À l’appui, la Requérante cite plusieurs décisions antérieures dans lesquelles de faibles différences entre des marques ont été jugées suffisantes pour éviter toute probabilité de confusion.

[62] Effectivement, il a été jugé de façon constante que les marques de commerce composées de mots descriptifs ou suggestifs ne peuvent en général bénéficier que d’une protection limitée. On peut raisonnablement s’attendre à une plus grande discrimination de la part du public lorsqu’une marque de commerce consiste en tout ou en partie en des mots décrivant les articles à vendre, de sorte que des différences relativement mineures pourraient suffire pour éviter la confusion [General Motors Corp c Bellows, [1949] RCS 678, citant Office Cleaning Services Ltd c Westminster Window & General Cleaners, Ltd (1946), 63 CPR 39, à la page 41 (CL)].

[63] Cela dit, je rappelle que chaque affaire doit être jugée selon les faits qui lui sont propres. Seules quelques-unes des marques de commerce en cause dans les décisions invoquées par la Requérante consistaient en un mot inventé qui, pris dans son ensemble, renvoyait directement à la nature des produits lui étant associés, sans élément fantaisiste.

[64] Il convient également de répéter que le degré de ressemblance n’est pas le seul facteur à influer sur la probabilité de confusion. Par exemple, la probabilité de confusion entre des marques de commerce qui ne sont que légèrement différentes serait d’habitude plus faible quand les produits en liaison avec lesquels chaque marque est employée ne sont pas de même nature ou ne sont pas distribués dans les mêmes canaux. De même, une conclusion d’absence de probabilité de confusion peut être supportée par une absence de preuve de cas de confusion malgré la coexistence des marques des parties dans le même marché pendant une période de plusieurs ans. Le degré de caractère distinctif inhérent de la marque de commerce d’une opposant peut être une considération importante, mais n’est pas déterminante en soi.

[65] La Requérante fait valoir dans son plaidoyer écrit que le « consommateur ordinaire plutôt pressé » n’est pas dénué d’intelligence ou de mémoire et n’est pas totalement inconscient ou mal informé au sujet de ce qui ce passe autour de lui [au para 19]. Cependant, il n’en demeure pas moins que ce mythique consommateur n’a qu’un souvenir imparfait de la marque de commerce d’un opposant et ne s’arrête pas pour examiner la marque du requérant de près et de réfléchir à la question en profondeur.

[66] Somme toute, je suis d’avis qu’il y a lieu d’accorder à la Marque BIOMAX une protection plus limitée que ne recevrait un mot forgé purement fantaisiste n’ayant aucun caractère descriptif ou suggestif dans le contexte des produits lui étant associés. Cela ne veut pas dire pour autant que n’importe quelle différence suffira automatiquement à écarter toute probabilité de confusion. Dit autrement, bien que la marque de commerce de l’Opposante ne soit pas du genre qui bénéficie généralement d’une protection étendue, une protection limitée n’équivaut pas à une absence de protection.

État du registre

[67] La Requérante fait valoir que la Marque BIOMAX ne doit se voir accorder qu’une protection restreinte du fait que les composantes BIO et MAX sont des composantes adoptées par plusieurs commerçants au Canada dans le domaine commercial des parties. À l’appui, la Requérante produit en preuve des copies certifiées d’extraits du registre faisant état de marques de commerce ayant comme composante le mot BIO ou MAX, se rattachant en général à des produits de même nature comme des engrais, des amendements de sol, des herbicides ou des pesticides, ou des semences à gazon. Cette preuve comporte les entrées suivantes :

  • Quatre enregistrements puis une demande comprenant l’élément BIO : BIO MAL, BIOMER, BIOMARINE, BIOWAY (demande), et ALPINE BIOMATE.
  • Deux enregistrements (détenus par la même propriétaire) puis une demande comprenant l’élément MAX : BUDMAX, BORONMAX, et BLACKMAX (demande).

[68] À titre de contre-preuve, l’Opposante fait valoir les résultats de recherche joints à l’affidavit de Béatrice Dubois, révélant la présence sur le registre de huit marques de commerce (au nom de cinq propriétaires différentes) comprenant un mot commençant par BIOM et ayant la terminaison X, en classe 1 de la classification de Nice (qui couvre les produits pertinents en l’instance ainsi que d’autres produits chimiques). L’Opposante souligne que, parmi les marques relevées, seules les marques des parties se rattachent au compost, au fumier, ou au terreau. Or, je remarque qu’il y a aussi un enregistrement de la marque de commerce BIOMAX au nom d’une tierce partie pour emploi en liaison avec des résines et fibres synthétiques, y compris du paillis agricole et du paillis de synthèse (« agricultural mulch cover and mulch made from synthetic fibres »). Restent, dans des sphères sans lien avec l’horticulture, une autre marque BIOMAX, la marque BIOMAXX, les marques figuratives GENEA BIOMEDX et GENEA BIOMEDX GEMS, et trois variations de la marque BIOMÉRIEUX.

[69] C'est un principe généralement reconnu que l’emploi courant d’un élément commun dans des marques de commerce tend à inciter les acheteurs à porter davantage leur attention sur les autres éléments ou caractéristiques de celles-ci et à les distinguer au moyen de ces autres caractéristiques. Cependant, à moins qu’une preuve de l’état du registre ne comprenne un grand nombre de marques pertinentes, leur emploi doit être établi. Lorsqu’un grand nombre de marques de commerce est relevé, le registraire peut en inférer que l’élément qu’elles ont toutes en commun est courant sur le marché, de sorte que les consommateurs sont à même de distinguer celles-ci d’après leurs caractéristiques supplémentaires. Par contre, lorsque le nombre de marques de commerce relevé est faible, une preuve de leur emploi doit être fournie [voir Maximum Nutrition, Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF); McDowell v Laverana GmbH & Co KG, 2017 CF 327; et Canada Bread Company, Limited v Dr Smood APS, 2019 CF 306].

[70] En l’espèce, le faible nombre de marques de commerce relevé pour chaque élément prétendument courant ne permet de tirer aucune inférence quant à l’état du marché. Ainsi, je ne peux conclure que le mot BIO ou des mots ressemblant à MAX ou MIX sont communément adoptés comme composantes de marques de commerce dans le domaine du jardinage ou de l’horticulture, de sorte que les consommateurs Canadiens auraient l’habitude de voir des marques comprenant de telles composantes dans le marché.

[71] Concernant la contre-preuve de l’Opposante, la Requérante fait valoir que la dissection de la combinaison BIOM et de la lettre X est impropre, surtout parce que ni BIOM ni la terminaison IX ou AX n’a une acception quelconque. Selon la Requérante, il faut garder à l’esprit que les marques en cause consistent en des juxtapositions de deux éléments présentant chacun un certain sens, de sorte qu’aucune conclusion pertinente ne peut être tirée de l’absence de marques de commerce comportant des combinaisons de lettres vides de sens — telle que l’ajout d’un M au préfixe BIO et l’inclusion d’un X hors d’un élément sémantique comme MIX ou MAX.

[72] Il est vrai que la juxtaposition de deux composantes sémantiques est une caractéristique partagée par les deux marques en cause. Cependant, il est vrai également que leur ressemblance va au-delà du fait qu’elles commencent par le préfixe « BIO » ou finissent par un mot comme « MAX » ou « MIX »; dans les faits, les deux marques en cause partagent aussi la formule « BIOM_X » et l’Opposante a démontré qu’il n’y a qu’une autre marque suivant ce modèle au registre pour emploi dans ce qui a l’air d’être le même marché.

[73] En fin de compte, le degré de ressemblance en l’espèce est aussi attribuable au fait que chacune des marques est un mot inventé qui consiste en la combinaison particulière des deux syllabes susmentionnées et qui communique avant tout l’idée d’une formulation biologique. Or, aucune des marques de commerce repérées par la Requérante ne consiste en un seul mot inventé, formé uniquement du mot BIO suivi d’un mot selon le modèle M-voyelle-X, et qui communique l’idée principale susmentionnée. Dans les circonstances, même une preuve d’emploi des marques de commerce repérées par la Requérante ne servirait à démontrer que les éléments communs entre les marques des parties sont courants sur le marché.

[74] Par conséquent, l’état du registre ne constitue pas une circonstance significative en l’espèce.

Enregistrements de marques de commerce de la Requérante intégrant l’élément MIX

[75] La Requérante produit également en preuve des copies certifiées d’extraits du registre faisant état de quatre marques de commerce enregistrées ayant comme composante le mot MIX, se rattachant à des produits analogues à ceux visés par la Demande : NUMIX, MIRACLE MIX BY/D’ISABELLE & dessin, MIRACLE MIX & dessin, et MIX 3 & dessin. La Requérante souligne qu’elle est titulaire des trois derniers enregistrements. Selon la Requérante, ceci explique la raison pour laquelle l’élément MIX est intégré dans la Marque.

[76] Cependant, ces enregistrements ne peuvent aider la Requérante à démontrer qu’il n’existe pas de probabilité de confusion. La Requérante n’a soumis aucune preuve pouvant appuyer la conclusion que son emploi de l’élément MIX est devenu connu dans le marché. De plus, il est bien établi que la Loi n’accorde pas au propriétaire d’un enregistrement le droit automatique d’obtenir un autre enregistrement, peu importe l’étroitesse des liens entre les marques de commerce visées par ceux-ci [voir American Cyanamid Co c Stanley Pharmaceuticals Ltd (1996), 74 CPR (3d) 571 (COMC); Ralston Purina Canada Inc c HJ Heinz Co of Canada (2000), 6 CPR (4th) 394 (COMC) ; Groupe Lavo Inc c Procter & Gamble Inc (1990), 32 CPR (3d) 533 (COMC)]. Par conséquent, les enregistrements antérieurs au nom de la Requérante ne constituent pas une circonstance pertinente en l’espèce.

Portée de la protection accordée aux marques figuratives

[77] La Requérante fait valoir aussi que la protection accordée à une marque dessin — comme en est la Marque BIOMAX — n’est pas la même que celle accordée à une marque nominale. Lors de l’audience, la Requérante a cité l’affaire Dollarama, précitée, comme exemple d’une décision dans laquelle cette considération a été retenue.

[78] Il est vrai que dans le cas cité, il a été remarqué et jugé important que la marque enregistrée de l’opposante consistait non pas en une marque nominale, soit « PETSTORE », mais en une marque mixte constituée de pareille expression combinée à un dessin d’empreinte d’animal. Cependant, ceci n’a mené qu’à une considération, à titre de circonstance additionnelle, de l’argument que l’on ne saurait monopoliser cette expression car elle est clairement descriptive et employée par d’autres commerçants. Ainsi, je ne suis pas convaincue qu’il s’agit ici d’un principe distinct de celui selon lequel l’emploi d’un terme descriptif ou courant dans une marque de commerce incite les acheteurs à porter une plus grande attention aux autres caractéristiques de la marque aux fins de distinguer celle-ci d’autres marques sur le marché — y compris ses aspects graphiques, s’il y en a lieu.

[79] Par conséquent, je ne suis pas convaincue qu’il s’agit d’une circonstance significative en l’espèce.

Emploi de la marque de l’Opposante en liaison avec d’autres produits que le « compost de fumier et de tourbe » proprement dit

[80] Comme indiqué plus haut, même si la déclaration d’opposition et l’Enregistrement BIOMAX n’invoquent que l’emploi de la Marque BIOMAX en liaison avec des composts contenant tourbe et fumier ensemble, une preuve de son emploi en liaison avec des produits connexes — par exemple, des composts de tourbe qui ne contiennent pas nécessairement du fumier, ou des composts de fumier qui ne contiennent pas nécessairement de la tourbe — peut être pertinente comme circonstance additionnelle de l’espèce.

[81] À cet égard, comme décrit plus haut, le rapport de vente joint en pièce CD-11 à l’affidavit de Mme Duchesneau fait état de ventes de compost tourbe algues à partir de l’année 2005-06 jusqu’à l’année 2014‑15 et de compost tourbe crevettes à partir de l’année 2005-06 jusqu’à l’année 2016-17. Je suis prête à accepter que la Marque BIOMAX aurait été présentée sur les emballages des produits de ces deux catégories au moins jusqu’à l’année 2014‑15 de la manière montrée sur l’emballage des produits compost tourbe•algues et compost tourbe•crevettes reproduits aux pièces CD‑6 et CD-7. En ce qui concerne l’emploi de la Marque BIOMAX à partir de l’année 2014‑15, je suis prête à accepter qu’elle aurait été montrée soit de la manière susmentionnée, soit de la manière montrée sur l’emballage de l’ultra mélange de compost avec crevettes reproduit à la pièce CD-10. À cet égard, je note que les ventes des deux autres produits emballés dans le style de ce dernier — soit l’ultra fumier de bovin composté et l’ultra fumier composté montrés aux pièces CD-8 et CD‑9 respectivement — semblent aussi avoir commencé dans l’année 2014‑15 (si l’on présume la reprise de la catégorie de compost fumiers pour cet ultra fumier composté). De plus, les annonces à la pièce CD‑14 indiquent que l’ultra mélange de compost avec crevettes est formulé avec de l’humus de tourbe noire pour retenir l’eau. Finalement, j’accepte la présentation de la Marque BIOMAX en liaison avec le 3 en 1 terreau à jardin — dont la tourbe et le compost sont deux des trois composantes — des manières montrées sur les images de son emballage aux pièces CD‑5, CD‑13, et CD‑14.

[82] Au vu de ce qui précède, j’estime que l’Opposante a démontré l’emploi de la Marque BIOMAX depuis au moins aussi tôt que 2005 en liaison avec (i) le compost de tourbe et (ii) le terreau à jardin qui contient du compost et de la tourbe. J’estime également que l’Opposante a démontré l’emploi de la Marque BIOMAX depuis au moins aussi tôt que 2015 en liaison avec du fumier composté.

[83] À mon avis, la Marque BIOMAX telle que plaidée profiterait de la réputation acquise en liaison avec ces trois types de produits. La preuve démontre que la Marque BIOMAX est devenue connue au moins dans une certaine mesure en liaison avec des composts de tourbe, et quoique ceux-ci puissent comprendre du fumier ou non, ce n’est pas parce qu’un « compost de fumier et de tourbe » contient du fumier qu’il cesse être un compost de tourbe. La preuve démontre aussi que la Marque BIOMAX est devenue connue au moins dans une certaine mesure en liaison avec un mélange 3 en 1 contenant et du compost et de la tourbe (ainsi que de la terre noire). Le compost est un des 3 « produits » de ce mélange et de la tourbe s’y retrouve également. Enfin, la preuve démontre que dans les dernières années, la Marque BIOMAX est devenue connue au moins dans une certaine mesure en liaison avec des fumiers compostés, un genre de produit qui s’apparente tout au moins à une des composantes du « compost de fumier et de tourbe ».

[84] À mon sens, pareille réputation acquise par la Marque BIOMAX mènerait raisonnablement à croire qu’un compost « de fumier et de tourbe » arborant cette marque provient de la même source que les autres composts de tourbe et/ou produits de fumier composté arborant cette marque, et ce depuis au moins aussi tôt que 2005. Le réputation de la Marque BIOMAX en liaison avec ces produits connexes servirait donc à contrebalancer dans une certaine mesure la faiblesse de son caractère distinctif inhérent. J’estime par conséquent qu’il s’agit d’une circonstance additionnelle pertinente qui favorise l’Opposante.

Conclusion sur la probabilité de confusion

[85] Comme je l’ai indiqué précédemment, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Demande est conforme aux exigences de la Loi. Le fait que le fardeau ultime incombe à la Requérante signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été considérée, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante.

[86] Compte tenu de mon analyse qui précède, j’estime qu’au mieux pour la Requérante, la balance des probabilités est égale entre (i) l’absence de probabilité de confusion, compte tenu le caractère distinctif inhérent faible de la Marque BIOMAX, et (ii) la probabilité de confusion, compte tenu le degré de ressemblance élevé entre les marques des parties, l’identité ou la possibilité de recoupement entre les produits visés par la Demande et ceux identifiés dans l’Enregistrement BIOMAX, la vraisemblance de recoupement des réseaux commerciaux des parties, et la preuve d’emploi de la marque BIOMAX depuis une dizaine d’années par opposition à l’absence de preuve quelconque d’emploi de la Marque. Par conséquent, je conclus que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et la Marque BIOMAX de l’Opposante.

[87] S’il avait été démontré que la Marque était en fait devenue connue au Canada en raison de ventes réalisées pendant une période importante dans les mêmes marchés que ceux de l’Opposante, ma conclusion aurait peut-être été différente.

[88] En raison de tout ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement au sens de l’article 16(3)a)

[89] L’Opposante allègue aussi que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque eu égard aux dispositions de l’article 16(3)a) de la Loi car, à la date de production de la demande d’enregistrement, la Marque créait de la confusion avec la Marque BIOMAX, qui avait été employée antérieurement et de façon continue au Canada « depuis au moins aussi tôt que mars 1990 en association avec des produits décrits comme étant : "compost de fumier et de tourbe" ».

[90] Afin de s’acquitter du fardeau de preuve initial en regard du motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement, l’Opposante doit démontrer qu’elle avait déjà employé la Marque BIOMAX au Canada à la date de la production de la Demande [selon l’article 16(3)a)] et qu’elle n’avait pas abandonné la Marque BIOMAX à la date de l’annonce de la Demande, soit le 3 avril 2016 [selon l’article 16(5)].

[91] Pour les raisons énoncées plus haut, l’emploi de la Marque BIOMAX ne peut être invoqué qu’en liaison avec les seuls produits expressément énumérés dans la déclaration d’opposition. De plus, le fait que tous les composts promus dans l’annonce datant de 1999 contiennent du fumier et de la tourbe ensemble donne à penser qu’effectivement, les produits en liaison avec lesquels la Marque BIOMAX était employée aussi tôt que mars 1990, tel que plaidé, sont ceux qui contiennent ces deux ingrédients ensemble.

[92] Or, j’estime que la preuve au dossier ne me permet de conclure au non-abandon de la Marque BIOMAX en liaison avec ce type de compost à la date de l’annonce de la Demande.

[93] Bien que l’abandon requiert à la fois l’absence d’emploi et l’intention d’abandonner l’emploi, une simple intention de conserver la marque est insuffisante pour éviter une conclusion d’abandon [Labatt Brewing Co c Formosa Spring Brewery Ltd (1992), 42 CPR (3 d) 481 (CF 1re inst); Marineland Inc v Marine Wonderland and Animal Park Ltd (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re inst,)]. De surcroît, l’intention d’abandonner peut, en l’absence d’autres éléments de preuve, être déduite lorsqu’une marque de commerce n’est pas employée pendant une longue période [Marineland, précitée; Hortilux Schreder BV c Iwasaki Electric Co Ltd, 2012 CAF 321, confirmant 2011 CF 967 (Hortilux)]. S’il est clair qu’une partie peut s’opposer à une telle présomption en démontrant un emploi de la marque aussi minime soit-il, la preuve en l’espèce permettrait de conclure, au mieux pour la Requérante, à l’emploi de la Marque BIOMAX en liaison avec du compost « de fumier et de tourbe » avant l’année 2006-07, soit une dizaine d’années avant la date de l’annonce de la Demande.

[94] Par conséquent, j’estime que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve initial en regard du motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement et celui-ci est ainsi rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif au sens de l’article 2

[95] L’Opposante allègue aussi que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi car elle ne distingue pas « les produits de la requérante de ceux de l’opposante » et n’est pas adaptée à le faire.

[96] Afin de s’acquitter du fardeau de preuve initial en regard du motif fondé sur l’absence de caractère distinctif, la preuve de l’Opposante doit démontrer qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, la Marque BIOMAX était connue au Canada « au moins jusqu’à un certain point », ayant une réputation « assez importante, significative ou suffisante pour annuler le caractère distinctif de la [M]arque », ou sinon était « bien connue dans une région précise du Canada » [Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657 aux paras 33 et 36].

[97] Contrairement au libellé des deux motifs d’opposition précédents, le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif ne se limite pas à la Marque BIOMAX en liaison avec les « produits décrits comme étant : "compost de fumier et de tourbe" ». Il convient de noter aussi qu’en demandant une décision interlocutoire visant la suffisance de ce motif, la Requérante n’a pas demandé de précisions au niveau des produits de l’Opposante (par opposition aux produits des « autres propriétaires » qui avaient été mentionnés dans la déclaration d’opposition originale) et la décision interlocutoire elle-même ne contient aucune limitation à cet égard.

[98] Par conséquent, le registraire doit apprécier ce motif d’opposition en tenant compte de la preuve produite [selon Novopharm, précitée]. La preuve à cet égard démontre qu’à la date pertinente, l’Opposante avait vendu à partir d’au moins 2005‑06 quelques centaines de milliers de dollars de composts de tourbe par année et aussi plus d’une centaines de milliers de dollars de 3 en 1 terreau à jardin dans la plupart de ces années. La preuve démontre également qu’en 2014‑15, l’Opposante a commencé à vendre des fumiers compostés et en avait vendu quelques centaines de milliers avant la fin de l’année 2015‑16. Mme Duchesneau affirme que les Produits BIOMAX ont été et continuent d’être vendus dans les magasins de grandes chaînes de détaillants tels Canadian Tire, Home dépôt, Home Hardware, Loblaws, Lowe’s, Rona, et Wallmart; par conséquent, j’accepte que la Marque BIOMAX serait devenue connue par les consommateurs. Somme toute, je suis convaincue qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 30 mai 2016, la Marque BIOMAX était devenue connue par les consommateurs au moins jusqu’à un certain point, ayant une réputation suffisante en liaison avec les produits de jardinage de la nature des composts, terreaux, et engrais pour annuler le caractère distinctif de la Marque.

[99] Puisque l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve initial lui incombant, la Requérante doit dès lors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, il n’y avait pas de risque de confusion entre la Marque et la marque de l’Opposante [voir Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)].

[100] Dans le cas présent, la différence entre la date pertinente pour l’appréciation du motif fondé sur la non-enregistrabilité sous l’article 12(1)(d) de la Loi et celle pour l’appréciation du motif fondé sur l’absence de caractère distinctif sous l’article 2 n’a pas d’incidence significative sur l’analyse. La position de la Requérante n’est pas plus forte; au contraire, la position de l’Opposante a été quelque peu renforcée du fait que maintenant l’emploi et la promotion de la Marque BIOMAX en liaison avec des produits autres que le « compost de fumier et de tourbe » influent directement sur l’appréciation des facteurs visant le caractère distinctif des marques de commerce et la période pendant laquelle elles ont été en usage, et cet éventail élargi de produits cernés par le motif d’opposition mène à un chevauchement plus étendu lorsqu’on considère la nature des produits des parties.

[101] Par conséquent, ayant précédemment conclu à la probabilité de confusion en vertu du motif d’opposition fondé sur de l’article 12(1)(d) de la Loi, j’accueille le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif au sens de l’article 2 de la Loi.

Décision

[102] Au vu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Oksana Osadchuk

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2021-04-12

COMPARUTIONS

Catherine Daigle

Pour l’Opposante

Alexander Ajani

Pour la Requérante

AGENTS AU DOSSIER

Norton Rose Fullbright Canada LLP/S.E.N.C.R.L.,S.R.L.

Pour l’Opposante

Miller Thomson S.E.N.C.R.L.

Pour la Requérante

 

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