Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2022 COMC 064

Date de la décision : 2022-03-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Monster Energy Company

Opposante

et

 

 

IICOMBINED Co., Ltd.

Requérante

 

1,784,424 pour GENTLE MONSTER

Demande

Introduction

[1] Monster Energy Company (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce GENTLE MONSTER (la Marque), laquelle est l’objet de la demande no 1,784,424 (la Demande).

[2] La Demande est fondée sur la revendication de l’emploi proposé de la Marque au Canada en liaison avec les services suivants (les Services) :

(1) Services de décoration et d’aménagement de vitrines; services d’agence d’importation-exportation; services de vente en gros liés à la vente de sacs, de portefeuilles, de vêtements, de montres, de cosmétiques, de cravates, de chaussettes, de lunettes de soleil, d’accessoires, nommément de bijoux, de sacs à main, d’articles chaussants et de lunettes, de colliers, de boucles d’oreilles, de bagues, d’anneaux porte-clés, de maillots, de casquettes, de ceintures, de bretelles, de lunettes, d’étuis à lunettes, de verres de lunettes, de verres de contact d’étuis à verres de contact et de chaussures; services de vente au détail liés à la vente de sacs, de portefeuilles, de vêtements, de montres, de cosmétiques, de cravates, de chaussettes, de lunettes de soleil, d’accessoires, nommément de bijoux, de sacs à main, d’articles chaussants et de lunettes, de colliers, de boucles d’oreilles, de bagues, d’anneaux porte-clés, de maillots, de casquettes, de ceintures, de bretelles, de lunettes, d’étuis à lunettes, de verres de lunettes, de verres de contact, d’étuis à verres de contact et de chaussures; services d’achat et de vente en consignation de ce qui suit : sacs, portefeuilles, vêtements, montres, cosmétiques, cravates, chaussettes, lunettes de soleil, accessoires, nommément bijoux, sacs à main, articles chaussants et lunettes, colliers, boucles d’oreilles, bagues, anneaux porte-clés, maillots, casquettes, ceintures, bretelles, lunettes, étuis à lunettes, verres de lunettes, verres de contact, étuis à verres de contact et chaussures.

[3] L’opposition est principalement fondée sur l’allégation que la Marque crée de la confusion avec l’emploi et l’enregistrement antérieurs par l’Opposante des marques de commerce MONSTER ENERGY suivantes (les Marques MONSTER ENERGY) :

M MONSTER ENERGY (& DESIGN)

LMC932,892

Produits : Serre-poignets en silicone; bracelets en silicone; bijoux, nommément bracelets et serre-poignets.

MONSTER ENERGY

LMC985,974

Services : Promotion de produits et de services dans les industries du sport, des sports motorisés, des sports électroniques et de la musique par la distribution de matériel promotionnel imprimé, audio et visuel; promotion de compétitions et d’évènements sportifs et musicaux pour des tiers.

MONSTER ENERGY

LMC989,437

Services : Services de divertissement, à savoir feux d’artifice, concerts, concerts par un groupe de musique, présence d’une vedette de la mode, d’une vedette de la télévision, d’un chanteur célèbre, d’un athlète célèbre, d’un mannequin célèbre et d’une vedette du sport ou du cinéma; services de divertissement, à savoir organisation, animation, tenue et présentation de compétitions de jeux vidéo professionnelles; services de divertissement, à savoir commandite et appui d’athlètes, de vedettes du sport et de joueurs professionnels; organisation et tenue d’évènements sportifs, nommément de compétitions de planche à neige, d’évènements de sports motorisés, d’évènements de motocross, d’évènements de supercross, d’évènements de moto, d’évènements de BMX, de courses de véhicules d’hiver, de combats d’arts martiaux combinés, d’évènements de monte de taureaux, d’évènements de vélo de montagne, d’évènements de ski, d’évènements de surf, d’évènements de sports nautiques, de parties de basketball, de compétitions de patinage sur glace, de parties de football, de courses d’automobiles et de compétitions de ski acrobatique, de prestations de musique devant public, d’expositions d’œuvres d’art ainsi que de compétitions de hockey, de gymnastique, de soccer et de natation; publication et offre en ligne de contenu multimédia, à savoir de fichiers multimédias comprenant du contenu audio, du contenu vidéo, du texte, des images fixes et des éléments visuels dans les domaines du sport, de la mode, des jeux vidéo, des vedettes, des films, des émissions de télévision et de la musique; offre d’un site Web offrant des publications non téléchargeables, à savoir du contenu multimédia, à savoir des fichiers multimédias comprenant du contenu audio, du contenu vidéo, du texte, des images fixes et des éléments visuels dans les domaines du sport, de la mode, des jeux vidéo, des vedettes, des films, des émissions de télévision et de la musique.

[4] Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette l’opposition.

Le dossier

[5] La Demande a été déposée le 27 mai 2016 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 29 mars 2017.

[6] Le 17 mai 2017, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi). La Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les dispositions de la Loi mentionnées renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications (voir l’article 70 de la Loi).

[7] Les motifs d’opposition invoqués par l’Opposante sont fondés sur la conformité en vertu des articles 30e) et i), l’enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)d), le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16 et le caractère distinctif en vertu de l’article 2 de la Loi. La déclaration d’opposition a été subséquemment modifiée, avec l’autorisation du registraire accordée le 5 mars 2020, pour ajouter deux des marques de commerce visées par une demande de l’Opposante (citées sous le motif d’opposition fondé sur l’article 16) qui étaient devenues des enregistrements depuis la production initiale de sa déclaration d’opposition à la liste des marques de commerce déposées invoquées sous le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d). Le plaidoyer a également été modifié pour tenir compte du changement de propriété de la Demande de Snoopby Co. Ltd. à IICOMBINED Co., Ltd. (la Requérante).

[8] La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration réfutant les motifs d’opposition.

[9] Les deux parties ont produit des éléments de preuve et des observations écrites et ont été représentées à l’audience.

Aperçu de la preuve

La preuve au dossier est brièvement résumée ci-dessous. Des parties pertinentes de la preuve sont approfondies dans l’analyse des motifs d’opposition.

Preuve de l’Opposante

[10] L’Opposante a produit l’affidavit de Rodney Cyril Sacks, le président et dirigeant principal de Monster Beverage Corporation et de ses filiales, y compris l’Opposante. M. Sacks fournit une preuve concernant les activités de l’Opposante, qu’il désigne comme la conception, la création, le développement, la production, le marketing et la vente de boissons énergisantes. M. Sacks fournit des renseignements sur le développement de produits et le lancement des boissons énergisantes de marque MONSTER ENERGY, les chiffres de ventes, le nombre de cannettes vendues et la part du marché et des renseignements sur les voies de commercialisation pour les boissons énergisantes.

[11] M. Sacks fournit également de vastes preuves concernant la stratégie publicitaire, promotionnelle et de marketing de l’Opposante. En particulier, M. Sacks explique que la stratégie de marketing n’est pas conventionnelle, puisqu’elle n’emploie pas des publicités directes à la télévision ou à la radio pour faire la promotion des marques de commerce MONSTER. Plutôt, elle alloue la majeure partie de son budget de marketing, de publicité et de promotion à la commandite d’athlètes et au parrainage de compétitions sportives et d’autres événements.

[12] L’Opposante a également produit une copie certifiée de l’enregistrement de marque de commerce no LMC932,892 pour M MONSTER ENERGY & Dessin.

Preuve de la Requérante

[13] La Requérante a produit deux affidavits de D. Jill Roberts, une diplômée du programme d’assistant judiciaire au Collège Cambrian à Sudbury, en Ontario. Le Premier affidavit Roberts, exécuté le 3 décembre 2018, verse dans la preuve divers imprimés (consultés le 12 novembre 2018) du site Web de la Requérante gentlemonster.com, y compris des pages présentant les lunettes et les lunettes de soleil de marque GENTLE MONSTER de la Requérante, une page présentant la description de la Requérante d’elle-même selon laquelle elle est une [traduction] « marque de designer qui évolue constamment sous la philosophie d’expériences de haut calibre novatrices » et des renseignements sur le programme mondial de lutte contre la contrefaçon de la Requérante. Mme Roberts fournit également des imprimés de sites Web de tiers détaillants qui sont indiqués comme offrant la marque de lunettes GENTLE MONSTER de la Requérante au Canada (ainsi que des imprimés de pages de résultats de Canada 411 indiquant l’emplacement de ces détaillants). Sont également fournis :

· Des imprimés archivés de divers sites Web parmi ceux susmentionnés obtenus du site Internet Archive Wayback Machine.

· Une copie de la page Google Analytics pour le site Web gentlemonster.com pour la période de janvier 2016 à novembre 2018 et un tableau comparatif, les deux présumément affichant le nombre de visiteurs canadiens du site Web de la Requérante et fournis à Mme Roberts par Amy M. Thomas, une agente employée par la Requérante, qui a informé Mme Roberts que ces documents lui avaient été fournis par Dae Woong Bae, gestionnaire du bureau du soutien à la direction de la Requérante.

· Des preuves démontrant où les boissons MONSTER ENERGY de l’Opposante étaient disponibles pour l’achat, y compris les résultats d’une recherche Google, une copie d’une circulaire d’épicerie Loblaws et des photos illustrant les boissons MONSTER ENERGY de l’Opposante dans un magasin Loblaws à Ottawa, en Ontario.

[14] Le Deuxième affidavit Roberts, exécuté le 29 novembre 2018, contient les résultats d’une recherche de l’état du registre menée par Mme Roberts pour les enregistrements actifs [traduction] « comportant le mot MONSTER ».

[15] La Requérante a également produit une copie certifiée de l’enregistrement de marque de commerce no LMC945,059 pour GENTLE MONSTER & Dessin.

Fardeau ultime et fardeau de preuve

[16] C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la demande est conforme aux exigences de la Loi. Cependant, l’Opposante doit d’abord produire suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p. 298; Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Analyse des motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[17] La date pertinente pour l’analyse d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est la date de la décision du registraire [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[18] L’Opposante a plaidé que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, puisqu’elle crée de la confusion avec les enregistrements de l’Opposante pour les Marques MONSTER ENERGY (comme l’établit le paragraphe 3 de cette décision). J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer que ces enregistrements existent [Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en ce qui concerne ce motif.

[19] L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau initial à l’égard de ce motif d’opposition, la Requérante doit maintenant démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre le Marque et les enregistrements de l’Opposante pour les Marques MONSTER ENERGY.

Test en matière de confusion

[20] Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de Nice.

[21] En procédant à une telle évaluation, je dois prendre en considération toutes les circonstances pertinentes, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à chacun dans le cadre d’une évaluation contextuelle [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772 (CSC), au para 54]. Je cite également l’affaire Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361, au para 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e), sur la ressemblance entre les marques, aura souvent le plus grand effet dans l’analyse relative à la confusion.

[22] Le test en matière de confusion est évalué comme une question de la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé à la vue de la marque du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce de l’opposante et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].

Caractère distinctif inhérent

[23] La Cour fédérale a précédemment considéré que la marque de commerce MONSTER ENERGY de l’Opposante n’avait pas un caractère inhérent fort en lien avec les boissons énergisantes, puisque les deux éléments composant la marque de commerce suggèrent des boissons qui donneront à l’utilisateur beaucoup d’énergie [Hansen Beverage Company c Rainbow SPA, 2010 COMC 19, au para 15]. Cependant, dans la présente procédure, l’Opposante n’a cité aucun de ses enregistrements MONSTER ENERGY couvrant les boissons dans sa déclaration d’opposition. Plutôt, les Marques MONSTER ENERGY invoquées couvrent les bijoux et un large éventail de services promotionnels et de divertissement associés de manière générale au parrainage et à la promotion d’athlètes et d’événements sportifs et de divertissement.

[24] Dans ses observations écrites et orales, la Requérante affirme qu’un raisonnement semblable à celui appliqué par la Cour fédérale pourrait être appliqué à la signification des mots MONSTER ENERGY à l’égard de la promotion de sports et d’athlètes extrêmes et de divertissement; c.-à-d. que les mots suggèrent qu’il y aura [traduction] « une grande énergie » aux événements de planche à neige, de hockey, de sports motorisés, de bicyclettes de montagne, de feux d’artifice, de monte du taureau et de spectacle de musique. Je suis d’accord et j’estime que la marque de commerce MONSTER ENERGY est quelque peu suggestive à l’égard de ces services. Cependant, je n’estime pas que la marque de commerce M MONSTER ENERGY & Dessin de l’Opposante, laquelle est indiquée en liaison avec « serre-poignets en silicone; bracelets en silicone; bijoux, nommément bracelets et serre-poignets », possède une quelconque connotation suggestive à l’égard de ces produits. L’élément figuratif dans cette marque, à savoir l’icône de longue griffe, accroît également le caractère distinctif inhérent de cette marque.

[25] En ce qui a trait à la marque de commerce GENTLE MONSTER de la Requérante, j’estime qu’elle possède un caractère distinctif inhérent puisque les éléments composant la Marque sont de nature arbitraire et ne sont ni descriptifs ni suggestifs des Services.

Mesure dans laquelle les marques sont devenues connues et période d’emploi

[26] Il est possible de renforcer une marque de commerce en la faisant connaître par son emploi ou sa promotion.

[27] Une déclaration d’emploi a été produite pour l’enregistrement no LMC989,437 de l’Opposante pour la marque de commerce MONSTER ENERGY le 26 janvier 2018 et l’enregistrement no LMC985,974 pour MONSTER ENERGY est fondé sur l’emploi et l’enregistrement aux États-Unis. L’Opposante a produit une déclaration d’emploi pour l’enregistrement no LMC932,892 pour la marque de commerce M MONSTER ENERGY & Dessin le 29 mars 2016.

[28] L’Opposante adopte la position que ses marques MONSTER, [traduction] « particulièrement MONSTER ENERGY (LMC985,974), ont acquis un caractère distinctif important au Canada, étant devenus bien connus et célèbres pour les clients canadiens subséquemment à des ventes massives et de vastes activités de publicisation et de promotion des produits et des services de l’Opposante au Canada » (observations écrites, au para 35). À cet égard, l’affidavit Sack indique que :

· Les marques de Monster, y compris sa célèbre icône de griffe (illustrée ci-dessous) et ses marques MONSTER et MONSTER ENERGY sont bien connues aux États-Unis et au Canada (para 5) :

CLAW DESIGN

· Monster est la propriétaire légitime des marques MONSTER et MONSTER ENERGY et d’autres marques contenant MONSTER, y compris, sans toutefois s’y limiter, deux marques figuratives MONSTER ENERGY et griffes, collectivement appelées les Marques MONSTER (para 6).

· Monster a lancé sa gamme de boissons énergisantes MONSTER au Canada en 2003. Toutes les boissons énergisantes MONSTER vendues au Canada portent l’une des Marques MONSTER. En date de la période de 52 semaines se terminant le 24 juin 2017, Monster détenait une part de 32,5 % du marché par volume d’unités au Canada (para 9).

· Des millions de cannettes de boissons énergisantes MONSTER portant les Marques MONSTER sont vendues chaque mois au Canada. Le total des ventes et le nombre de cannettes de boissons énergisantes MONSTER vendues au Canada depuis le lancement en 2003 jusqu’au 30 septembre 2016 se chiffrent à plus de 525 millions de cannettes, correspondant à plus de 613 millions de dollars en ventes (par 14).

· Au Canada, les boissons énergisantes MONSTER sont vendues dans plus de 33 000 points de vente au total dans les magasins de détail, les stations-service et d’autres points de vente tels que les épiceries, les pharmacies et les magasins de vente sur place (para 16).

· La stratégie de marketing de Monster n’est pas conventionnelle, puisqu’elle n’emploie pas de publicités directes à la télévision ou à la radio pour faire la promotion des Marques MONSTER, mais grâce à cette stratégie de marketing, ces marques de commerce reçoivent une importante exposition à la télévision, sur Internet, dans les magazines et lors d’événements en personne (para 20).

· Monster alloue la majeure partie de son budget de marketing, de publicité et de promotion à la commandite d’athlètes et au parrainage de compétitions sportives et d’autres événements. En particulier, le point focal du marketing de Monster comprend les événements internationaux, y compris, sans toutefois s’y limiter, les événements qui sont diffusés sur Internet pour atteindre son marché cible principal de jeunes adultes âgés de 18 à 34 ans, principalement des hommes, bien que la démographie des consommateurs s’est élargie avec le temps et que les boissons MONSTER ENERGY sont de plus en plus consommées par des femmes ainsi que des personnes plus âgées (para 21 et 27).

· En plus des montants contractuels réels versés aux athlètes et aux équipes de courses parrainés, Monster effectue des dépenses importantes pour appuyer les athlètes, les équipes et les sports parrainés au moyen de matériel de point de vente, de tirages et de cadeaux, le banderolage ou le marquage des véhicules des athlètes, le paiement des frais de déplacement des athlètes et la fourniture de vêtements de marque Monster, des produits gratuits pour les stations d’échantillonnage, et des équipements de sports d’action arborant les Marques MONSTER. De plus, Monster embauche des employés et des entreprises externes pour qu’ils se rendent aux événements et assurent le soutien et la surveillance des athlètes parrainés à chaque événement, et pour qu’ils offrent des services d’accueil et d’échantillonnage de produits aux consommateurs (para 21, Pièce RCS-3).

· Monster a largement annoncé, commercialisé et promu ses boissons énergisantes Monster arborant les Marques MONSTER grâce à la commandite d’athlètes et de compétitions sportives dans le monde entier (ce qui comprend une vaste couverture médiatique et Internet), sur des vêtements et des marchandises arborant les Marques MONSTER distribués dans les magasins de détail, dans les magazines, sur les sites Internet de Monster et autres, et sur les médias sociaux, comme sa page Facebook, dans des publications, grâce à la commandite de festivals de musique et de musiciens, et par la distribution dans des points de vente et de matériel promotionnel (para 24).

· Les boissons énergisantes MONSTER font l’objet d’activités importantes et continues de publicisation, de marketing et de promotion. Depuis 2002, Monster a dépensé plus de 4,3 milliards de dollars (USD) en publicité, en marketing et en promotion pour ses boissons énergisantes MONSTER partout dans le monde. Pour la période de 2011 jusqu’à septembre 2016, inclusivement, Monster a dépensé plus de 147 millions de dollars (USD) pour la publicité, le marketing et la promotion de ses boissons énergisantes MONSTER au Canada (para 25).

· Monster alloue une grande partie de budget de marketing, de publicité et de promotion à la commandite d’athlètes et au parrainage de compétitions sportives, et d’autres événements, y compris les courses de Formule 1, les Grands prix de moto et le supercross (para 27).

· Les spectateurs d’événements sportifs parrainés par Monster sont exposés aux Marques MONSTER tout au long de la durée de ces événements, particulièrement les spectateurs à proximité de l’action; par exemple (et selon l’événement), sur les bannières le long de la piste, sur le décor de la presse, sur le décor du podium, sur le pont de départ de la course et le mur quadrillé, sur l’uniforme des athlètes et leur équipement. En plus de l’exposition à la télévision, les Marques MONSTER reçoivent de l’exposition sur Internet et dans les publications imprimées couvrant les événements (para 32; Pièce RCS-4).

· En plus de son parrainage d’événements sportifs internationaux, Monster a également parrainé un certain nombre d’événements canadiens, y compris le Monster Energy Motocross Nationals (parrain en titre de 2007 à 2011), l’événement de compétition de planche à neige Shred Show à Whistler, C.-B. (de 2011 à 2015), le festival annuel de musique, de film et d’arts North by Northeast tenu à Toronto (de 2011 à 2013), la Canadian Music Week (de 2013 à 2015), la compétition d’équipes de planche à neige Ruckus in the Rockies organisée à Lake Louise, Alberta (de 2011 à 2014), le Supermotocross Montréal (de 2010 à 2012), le festival sur plage Center of Gravity à Kelowna, C.-B. (de 2012 à 2017) et l’événement de course motorisée Grand Prix de Trois-Rivières (de 2014 à 2017). Les détails de la participation pour certains de ces événements sont fournis dans l’affidavit (para 119 à 126).

· Depuis 2002, Monster a employé, dans le monde entier, y compris au Canada, ses Marques MONSTER sur des vêtements, y compris des t-shirts, des pulls d’entraînement à capuchon, des pulls d’entraînement, des vestes, les pantalons, des bandanas, des bandeaux absorbants, des gants et des couvre-chefs, ou a octroyé une licence d’emploi à leur égard. Monster emploie également ses Marques MONSTER sur d’autres produits allant de casques de sport à des serre-poignets en silicone et des trousses d’autocollants à des sacs tout usage, ou a octroyé une licence d’emploi à leur égard. Monster a accordé l’approbation à un certain nombre d’entreprises pour la vente de vêtements et de marchandises qui portent les Marques MONSTER, ce qui crée une plus grande exposition pour la marque. Afin de s’assurer que les Marques MONSTER sont employées de manière appropriée et qui respecte son image, Monster contrôle la qualité de tout vêtement et toute marchandise portant les Marques MONSTER (para 144).

[29] Je note que dans ses observations écrites, la Requérante affirme que la déclaration de M. Sacks au paragraphe 1 de son affidavit ne fournit pas suffisamment de faits pour décrire que l’emploi de la marque de commerce décrite dans son affidavit profite à l’Opposante. Une partie des observations de la Requérante à cet égard est reproduite ci-dessous :

[traduction]

11. M. Sack affirme ce qui suit : « Je suis le président et chef de la direction de Monster Beverage Corporation et de ses filiales, y compris Monster Energy Company (“Monster”), qui a également fait affaire sous le nom Monster Beverage Company, l’Opposante dans cette affaire. Je fais parfois renvoi à Monster en tant que “mon entreprise” dans cet Affidavit. »

Affidavit Sacks, au para 1.

12. Ce paragraphe n’est vraiment pas clair. M. Sacks indique que la Monster Beverage Corporation ou « Monster Beverage Company » est l’Opposante, mais aucune des deux n’est l’Opposante. M. Sacks renvoie à deux entités : 1) une compagnie mère Monster Beverage Corporation; et 2) sa filiale Monster Energy Company, qui, ensemble, sont appelées « Monster »; mais peut-être que le terme « Monster » fait renvoi uniquement à Monster Beverage Corporation. Cela est problématique pour le reste de l’Affidavit, puisque nous ne savons pas quelle compagnie possède présumément une réputation au Canada à l’égard de la preuve qu’il fournit ou si c’est seulement Monster Beverage Corporation qui présumément possède cette réputation.

[30] Cependant, lors de l’audience, les observations de la Requérante n’ont pas abordé la question de savoir si l’emploi démontré dans l’affidavit Sacks profite à l’Opposante. Plutôt, la Requérante a affirmé que la stratégie de marketing et de promotion de l’Opposante et son emploi des Marques MONSTER ENERGY dans le cadre de cette stratégie ne constituent pas l’emploi de la marque de commerce en liaison avec les services cités par l’Opposante, puisque la publicisation de ses propres produits ne procure aucun bénéfice au public (cet argument est abordé ci-dessous). De plus, lors de l’audience, la Requérante a reconnu dans son évaluation des facteurs relatifs à l’article 6(5) que les Marques MONSTER ENERGY de l’Opposante étaient devenues connues au Canada, certainement en liaison avec les boissons énergisantes, mais probablement en liaison avec son parrainage de sports extrêmes, également.

[31] Bien que je sois d’accord que le premier paragraphe de l’affidavit Sacks aurait pu être plus clair, selon ce qui précède, et compte tenu du fait que la Requérante a choisi de ne pas contre-interroger M. Sacks lorsqu’elle avait la possibilité de le faire, je suis prête à conclure que l’emploi des marques MONSTER établi dans l’affidavit Sacks profite à l’Opposante.

[32] Je vais maintenant me tourner vers l’argument de la Requérante selon lequel les activités promotionnelles et publicitaires de l’Opposante profitent seulement à l’entreprise de l’Opposante et ne procurent aucun bénéfice au public, et, par conséquent, elles ne devraient pas être considérées comme l’emploi en vertu de l’article 4(2) de la Loi. Lors de l’audience, l’Opposante a reconnu que les activités promotionnelles de l’Opposante créent un certain bénéfice pour les boissons énergisantes de l’Opposante, lesquelles sont au centre de ses activités promotionnelles, mais affirme que ces activités de promotion et de parrainage « possèdent également une vie qui leur est propre » puisqu’elles profitent également à des tiers. À l’appui, l’Opposante cite l’approche adoptée dans Bicycle Group Inc c Rona Inc, 2006 CanLII 80382 (CA COMC), où le registraire s’est penché sur la question de savoir si les services visés par la demande « de sponsor de coureurs cyclistes » étaient des services au sens de l’article 4(2) de la Loi, puisqu’il s’agissait d’activités pour promouvoir les services de la requérante Rona Inc. pour la vente de matériaux de construction, de matériel et d’équipement de rénovation et de jardinage. En concluant que ces activités constituaient des services appropriés, Membre Carrière a offert le raisonnement suivant :

Comme le sponsoring est un service d’aide financière à des fins publicitaires, il est normal que le commanditaire, dans notre cas la Requérante, en retire une certaine visibilité. Le consommateur de ce service, soit le ou les coureurs cyclistes, recevra(ont) cette aide financière en contrepartie de sa performance durant la course et le public en général bénéficiera de ce service car il assistera à un événement sportif (une course). Le fait que la Requérante en retire un certain bénéfice, soit la promotion de son entreprise, n’enlève rien à la nature même des Services pour lesquels la demande d’enregistrement a été produite.

[33] Je suis d’accord que la même justification peut être appliquée en l’espèce, puisque le simple fait que l’Opposante retire un quelconque bénéfice de ces services de promotion et de parrainage n’empêche pas le fait que ces services bénéficient également à des tiers et donc constituent des services appropriés en vertu de l’article 4(2) de la Loi.

[34] Lors de l’audience, la Requérante a également souligné que les pièces à l’affidavit Sacks indiquent que l’Opposante n’est habituellement pas le parrain exclusif de ces événements et que les marques de commerce de l’Opposante sont présentées aux côtés de celles d’autres parrains sur les vêtements, les casques et l’équipement des athlètes ou sur les affiches d’événements (voir, par exemple, la Pièce RCS-5 à la page 46 et la Pièce RCS-6 à la page 50). Je n’estime pas que cela ait une incidence sur la prestation des services promotionnels de l’Opposante d’une façon importante, puisqu’il n’y a aucune indication que les consommateurs (les bénéficiaires de l’aide finance et le public voyant l’athlète ou l’événement parrainé) ne comprendraient pas que le parrainage n’a pas à être exclusif. En outre, je note que, même s’il y a plusieurs parrains (et donc plusieurs marques de tiers), souvent la marque MONSTER ENERGY de l’Opposante est présentée de façon plus évidente.

[35] Selon ce qui précède, j’estime que l’affidavit Sacks établit que la marque de commerce MONSTER ENERGY de l’Opposante a acquis un important caractère distinctif en liaison avec sa promotion d’événements et de compétitions de sport.

[36] En ce qui a trait aux produits « serre-poignets en silicone; bracelets en silicone; bijoux, nommément bracelets et serre-poignets » dans l’enregistrement de l’Opposante pour M MONSTER ENERGY & Dessin, je n’estime pas que l’affidavit Sacks démontre l’emploi en vertu de l’article 4(1) de la Loi. Bien qu’il comprenne une déclaration que l’Opposante a octroyé des licences d’emploi pour les Marques MONSTER sur des produits qui comprennent les serre-poignets en silicone (au para 144) et fasse renvoi à deux athlètes parrainés par Monster qui ont porté les serre-poignets de marque (para 102 et 110), il n’y a aucune preuve que de tels serre-poignets étaient disponibles pour l’achat ou ont été achetés au Canada. En outre, je tiens à ajouter que la production d’une copie certifiée de la marque M MONSTER ENERGY & Dessin me permet de déduire, dans le meilleur des cas, un emploi minimum de cette marque de commerce [Tokai of Canada c Kingsford Products Company, LLC, 2018 CF 951, au para 37]. Toutefois, une telle inférence n’étaye pas la conclusion selon laquelle cette marque de commerce était connue dans une quelconque mesure significative, ou qu’elle a été employée de façon continue [Krauss‑Maffei Wegmann GmbH & Co KG c Rheinmetall Defence Electronics GmbH, 2017 COMC 50, au para 20].

[37] La Demande d’enregistrement de la Marque est fondée sur l’emploi projeté. Nonobstant le fait que d’importantes parties du Premier affidavit Roberts sont composées de ouï-dire, j’estime que, dans le meilleur des cas, l’affidavit établit que certains des produits de la Requérante (lunettes et lunettes de soleil), lesquelles ne sont pas couvertes par la Demande en question, ont pu être disponibles pour la vente par l’entremise du site Web de la Requérante et des divers sites Web de tiers, ainsi que des magasins de détail de tiers, à un certain point en 2017. De plus, bien que le Premier affidavit Roberts contienne certaines données sur le nombre de visiteurs canadiens du site Web de la Requérante (Pièce T), ces renseignements constituent du ouï-dire à l’égard de Mme Roberts et on ne peut leur accorder bien du poids.

Genre de produits, services ou entreprises; et nature du commerce

[38] En ce qui a trait aux produits, aux services et aux commerces des parties, c’est l’état déclaratif des services de la Requérante dans sa demande et l’état déclaratif des produits et des services de l’Opposante dans ses enregistrements qui gouvernent [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. Cet examen des états déclaratifs doit cependant être interprété dans le but de déterminer le type probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober. Une preuve de la nature véritable des commerces des parties peut être utile à cet égard [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF)].

[39] En ce qui a trait aux services visés par les enregistrements de l’Opposante pour MONSTER ENERGY (LMC989,437 et LMC985,974), j’estime qu’ils diffèrent grandement des Services de la Requérante. Selon ma compréhension, l’Opposante prend la position que, nonobstant le fait que les services des parties peuvent en général se distinguer, ils relèvent tout de même de la même classe de Nice. Cependant, la Loi exclut expressément la Classification de Nice de l’analyse de la confusion prévue à l’article 6(2) de la Loi, particulièrement lorsqu’on l’interprète à la lumière des obligations internationales du Canada [comme le souligne la Cour fédérale dans Obsidian Group Inc c Canada (Procureur général), 2020 CF 586, au para 36]. Lors de l’audience, l’avocat pour l’Opposante a également observé que l’enregistrement 437 couvre, entre autres, les services de « publication et offre en ligne de contenu multimédia, à savoir de fichiers multimédias comprenant du contenu audio, du contenu vidéo, du texte, des images fixes et des éléments visuels dans les domaines […] de la mode […] » et qu’il y a un chevauchement avec les Services de la Requérante, puisque les deux sont en général associés à l’industrie de la mode. J’estime que ce lien est ténu dans le meilleur des cas, particulièrement en l’absence de preuves de chevauchement.

[40] En ce qui a trait aux produits « serre-poignets en silicone; bracelets en silicone; bijoux, nommément bracelets et serre-poignets » dans l’enregistrement de l’Opposante pour M MONSTER ENERGY & Dessin (LMC932,982), l’Opposante affirme que la Requérante tente d’obtenir un enregistrement pour les services concernant la vente de bijoux alors que l’enregistrement de l’Opposante couvre les bijoux, et que, par conséquent, la vente de bijoux par la Requérante pourrait probablement créer de la confusion dans l’esprit des clients qui arriveraient à croire que les produits vendus sont ceux de l’Opposante. Bien qu’il soit possible que les bijoux de l’Opposante ou les bijoux du même type puissent être vendus par la Requérante, j’estime que la différence dans le gendre des produits, des services et des entreprises des parties signifie que ce facteur favorise tout de même la Requérante. La preuve de la Requérante suggère que la Requérante, en général, vend des lunettes de designer à un prix plus élevé (275 $ et plus) à certains détaillants (Premier affidavit Roberts, Pièces A à F), alors que le cœur de l’entreprise de l’Opposante concerne les boissons énergisantes qui sont vendues dans des magasins de détail, y compris les épiceries, les pharmacies et les stations-service à des prix beaucoup plus bas (moins de 5 $) (Premier affidavit Roberts, Pièces R et S), et publicisées par le parrainage d’événements extrêmes qui ciblent principalement un public de jeunes hommes.

Degré de ressemblance

[41] Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent est le facteur le plus important, les autres facteurs jouant un rôle secondaire dans toutes les circonstances de l’espèce [Beverly Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstery Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145, conf. par 60 CPR (2d) 70 (CF 1re inst)].

[42] Dans Masterpiece, précité, la Cour a fait observer que, bien que le premier mot (ou la première syllabe) d’une marque de commerce puisse, pour des raisons de caractère distinctif, être souvent celui qui est le plus important [Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)], une approche préférable consiste à se demander d’abord si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique.

[43] L’Opposante adopte la position que la Marque de la Requérante et les Marques MONSTER ENERGY de l’Opposante partagent le mot MONSTER, ce qui entraîne des ressemblances importantes sur le plan visuel et phonétique entre les marques et qu’il y a également une ressemblance dans les idées suggérées, puisque les marques des deux parties suggèrent des idées semblables, à savoir l’audace ou la férocité (observations écrites de l’Opposante, au para 58).

[44] L’Opposante observe également que, bien que l’on puisse dire que la Marque de la Requérante se différencie des Marques MONSTER ENERGY de l’Opposante avec l’ajout du terme « GENTLE », l’élément dominant de la Marque est le terme MONSTER.

[45] La Requérante adopte la position que les idées suggérées par les marques des parties sont très différentes. Un extrait des observations écrites de la Requérante à ce sujet est fourni ci-dessous :

[traduction]

71. Sur le plan grammatical, la Requérante emploie le mot MONSTER comme un nom modifié par le mot GENTLE, évoquant ainsi les idées d’un monstre qui est gentil; calme, généreux ou doux. Les marques de l’Opposante emploient MONSTER comme adjectif modifiant le nom ENERGY, évoquant ainsi l’idée d’un type d’énergie qui est monstrueux; énorme et effrayant. Ces idées sont très différentes. MONSTER ENERGY renvoie à un concept alors que GENTLE MONSTER renvoie à une chose. Les sentiments associés à ces différentes phrases sont opposés : créature ou chose calme, généreuse ou douce par rapport à un concept effrayant, étrange et énorme.

[46] La Requérante affirme également que les marques des parties sont aussi différentes dans le son et la présentation, puisque les premiers mots des marques des parties sont différents et le premier mot d’une marque de commerce est souvent considéré comme le plus important et le plus dominant.

[47] J’estime que le mot MONSTER constitue l’élément le plus frappant de la marque de commerce MONSTER ENERGY de l’Opposante. Puisque la Marque visée par la Demande partage ce mot, lequel j’estime également être un élément frappant de la Marque, nonobstant le fait qu’il y a des différences structurelles entre les marques des parties (le terme MONSTER occupant une position différente dans les deux marques), j’estime qu’il y a degré plutôt élevé de ressemblance visuelle et phonétique entre elles.

[48] Cela étant dit, j’estime également que la combinaison des mots GENTLE et MONSTER dans la Marque est une caractéristique frappante et unique. L’association de ces mots est inhabituelle puisqu’ils possèdent des significations contraires, faisant ainsi en sorte que la signification générale de la Marque est quelque peu paradoxale. Bien que la Marque contienne le mot MONSTER, compte tenu des idées suggérées par la Marque dans son ensemble, je ne suis pas d’accord qu’elle évoque l’idée d’être extrême ou féroce, comme le suggère l’Opposante, ou qu’elle est d’une quelconque manière suggestive d’une énergie énorme ou agressive. Par conséquent, les marques des parties sont très différentes dans les idées suggérées.

[49] En ce qui a trait à la marque M MONSTER ENERGY & Dessin de l’Opposante, je note qu’il y a un degré légèrement plus faible de ressemblance visuelle entre la Marque de la Requérante et la marque de commerce M MONSTER ENERGY & Dessin de l’Opposante, puisque cette marque présente en évidence un élément figuratif de longues griffes, alors que ce n’est pas le cas pour la Marque.

[50] En général, lorsque les trois aspects de la ressemblance sont évalués ensemble, j’estime que les marques des parties sont plus différentes que semblables.

Circonstance de l’espèce – état du registre

[51] La preuve de l’état du registre favorise un requérant lorsqu’il peut être démontré que la présence d’un élément commun dans les marques inciterait les consommateurs à porter une plus grande attention aux autres caractéristiques de ces marques et à les distinguer les unes des autres au moyen de ces autres caractéristiques [McDowell c Laverana GmbH & Co KG, 2017 CF 327, au para 42]. Des conclusions concernant l’état du marché peuvent être tirées de cette preuve dans deux situations : un grand nombre d’enregistrements pertinents sont trouvés; ou il y a preuve d’emploi commun dans le marché des marques d’une tierce partie pertinente [Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF); McDowell c Laverana GmbH & Co KG, 2017 CF 327, aux para 41 à 46]. Les marques de commerce pertinentes comptent celles qui (i) sont déposées; (ii) concernent des produits et services semblables à ceux des marques en cause; et (iii) comprennent l’élément en tant qu’élément important [Sobeys West Inc c Schwan’s IP, LLC, 2015 COMC 197].

[52] Le Deuxième affidavit Roberts fournit les résultats d’une recherche pour les enregistrements actifs contenant le mot MONSTER (Deuxième affidavit Roberts, para 2; Pièce A); il n’y a aucune restriction quant aux produits et services couverts par cette recherche. Bien que la recherche de Mme Roberts a donné 177 enregistrements, environ 25 de ceux-ci sont au nom de l’Opposante. L’enregistrement de la Requérante pour GENTLE MONSTER & Dessin est également compris. Après avoir examiné les résultats de recherche, j’estime qu’un grand nombre d’enregistrements sont non pertinents, puisqu’ils ne sont pas inscrits pour l’emploi avec des produits ou des services semblables à ceux des marques des parties. Par exemple :

· Environ 10 des enregistrements sont au nom de JWC Environmental, LLC et couvrent en général des produits et des services associés au traitement des déchets.

· Environ 25 des enregistrements sont au nom de Monster, Inc. et couvrent en général des produits informatiques, des câbles, des batteries et des services connexes.

· Environ 14 des enregistrements sont au nom de Monster Worldwide, Inc. et couvrent en général des services d’emplois.

· Plus de 50 des enregistrements sont nom de tiers et couvrent des produits ou des services complètement différents comme des céréales pour petit déjeuner (MONSTER CEREALS), des sacs de plastique pour la barbe à papa (THE MONSTER BAG), de l’engrais pour plantes (MONSTER BLOOM et MONSTER GROW), des gâteaux sablés (LOCH NESS MONSTER), des systèmes de recouvrement de gouttières en métal (GUTTER MONSTER), des aliments pour animaux (MONSTER DEER BLOCK), des sandwichs du Moyen-Orient (MONSTER), des services de courtier d’assurance (MONSTER INSURANCE), des brosses pour animaux de compagnie (PAW MONSTER), du mascara (MONSTER LASH), des fenêtres (MONSTER GLASS), des bâtons de hockey (MONSTER HOCKEY), des machines à tatouages (GREEN MONSTER), des odeurs d’attraction d’animaux (GRIM’S MONSTER MIX) et des services immobiliers (MONSTER NEGOTIATOR).

[53] De plus, plusieurs des marques ne semblent pas être pertinentes, puisqu’elles semblent être très différentes de la Marque de la Requérante et des Marques MONSTER ENERGY de l’Opposante.

[54] Compte tenu de ce qui précède, lorsqu’associé à l’absence de preuve de l’état du marché, je n’estime pas que l’état du registre soit une circonstance de l’espèce pertinente qui aide la Requérante.

Circonstance de l’espèce – enregistrement antérieur de la Requérante pour GENTLE MONSTER & Dessin

[55] La Requérante possède l’enregistrement no LMC945,059 pour la marque de commerce GENTLE MONSTER & Dessin couvrant des produits qui comprennent des lunettes (optiques); des lunettes de soleil; des verres de lunettes; des chaînes de lunettes; des étuis à lunettes; des montures de lunettes; et des lunettes antireflets. Cependant, il est bien établi que l’article 19 de la Loi ne confère pas d’office au titulaire d’un enregistrement le droit automatique d’obtenir un autre enregistrement, même si celui-ci est étroitement lié à l’enregistrement antérieur [Groupe Lavo Inc c Proctor & Gamble Inc (1990), 32 CPR (3d) 533, à la p. 538 (COMC)]. De plus, il n’y a aucune circonstance en l’espèce qui appuierait la conclusion que l’existence de cet enregistrement antérieur est une circonstance de l’espèce pertinente [Caesarstone Sdot‑Yam Ltd c Ceramiche Caesar SPA 2016 CF 895, aux para 50 à 56]. Par conséquent, je n’estime pas qu’il s’agisse d’une circonstance de l’espèce qui aide la Requérante.

Célébrité des marques de commerce MONSTER ENERGY de l’Opposante

[56] Dans ses observations écrites, l’Opposante affirme que ses Marques MONSTER ENERGY, et particulièrement l’enregistrement no LMC985,974 pour MONSTER ENERGY, ont acquis un important caractère distinctif au Canada à un point tel qu’elles peuvent maintenant être considérées comme des marques bien connues, voire célèbres, qui transcendent dans une certaine mesure les produits et les services avec lesquels elles sont traditionnellement associées, à savoir les boissons, les vêtements, les couvre-chefs ainsi que divers types de services de promotion, de divertissement et de parrainage. Bien que j’estime que la preuve de l’Opposante établisse que la marque de commerce de l’Opposante est bien connue en liaison avec les services de promotion et de parrainage mentionnés ci-dessus, elle n’établit pas que cette renommée s’étendrait au-delà de cette liaison très particulière avec les Services de la Requérante, lesquels n’ont aucun lien avec les produits, les services et l’entreprise de l’Opposante [voir Joseph E Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1990), 33 CPR (3d) 454, aux p. 467 et 468, où le juge MacKay a noté que la considération des possibilités de diversification se limite, de façon appropriée, à l’expansion potentielle des activités existantes et ne devrait pas comprendre la spéculation quant à la diversification dans de toutes nouvelles entreprises, y compris de nouveaux types de produits, de services ou d’entreprises; également cité dans Mattel, précité, au para 82].

[57] De plus, j’ajouterais que, bien que l’Opposante ait souligné la célébrité de ses marques MONSTER ENERGY en liaison avec les boissons énergisantes, elle n’a pas confirmé dans sa déclaration d’opposition l’existence de toute marque de commerce MONSTER ENERGY (ou autre) enregistrée en liaison avec les boissons énergisantes.

Conclusion sur la probabilité de confusion

[58] Après avoir tenu compte de toutes les circonstances de l’espèce, en particulier le degré de ressemblance et la ressemblance restreinte des produits et des services des parties, je conclus que la Requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombe de démontrer que la prépondérance des probabilités lui est favorable quant à la question de la confusion. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est rejeté.

Motifs d’opposition fondés sur les articles 16 et 2

[59] La date pertinente pour un motif d’opposition fondé sur les articles 16(3)a) et 16(3)b) est la date de dépôt de la demande. La date pertinente pour un motif d’opposition fondé sur l’article 2 est la date de production de la déclaration d’opposition [Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185].

[60] En l’espèce, la date à laquelle la question de confusion et évaluée ne change pas les résultats de mon analyse. Par conséquent, dans la mesure que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de ces motifs, ils sont tous rejetés pour des raisons semblables à celles établies à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

[61] La date pertinente pour un motif d’opposition fondé sur l’article 30 de la Loi est la date de dépôt de la demande [Georgia‑Pacific Corp c Scott Paper Ltd, 3 CPR (3d) 469 à la p. 475].

[62] L’Opposante a plaidé que, contrairement à l’article 30e) de la Loi, la Requérante, par elle-même ou par l’entremise d’un licencié, ou elle-même et par l’entremise d’un licencié, n’aurait pas pu avoir l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Services. Sinon, l’Opposante a plaidé que contrairement à l’article 30e), la Requérante employait déjà la Marque au Canada en liaison avec chacun ou certains des Services.

[63] Toutefois, aucune preuve ni observation n’a été produite à l’appui de ces allégations à l’égard de la Demande de la Requérante. L’Opposante ne s’est donc pas acquittée de son fardeau initial et ce motif d’opposition est rejeté.

[64] L’Opposante a également soutenu que contrairement à l’article 30i), la déclaration portant que la Requérante est convaincue qu’elle a droit d’employer la Marque au Canada est fausse en raison du contenu de la présente opposition, y compris la connaissance par la Requérante des droits de l’Opposante invoqués en l’espèce et de l’illégalité dudit emploi, le cas échéant :

· cet emploi serait, était et est illégal en ce sens qu’il empiète sur les droits de propriété, invoqués en l’espèce, de l’Opposante;

· cet emploi serait, était et est illégal en ce sens qu’il est susceptible d’avoir pour effet de diminuer la valeur de l’achalandage attaché aux marques de commerce invoquées par l’Opposante, contrairement à l’article 22 de la Loi;

· cet emploi serait, était et est illégal en ce sens qu’il appellerait l’attention du public sur les produits, services ou entreprises de la Requérante de manière à causer de la confusion au Canada entre ces produits, services ou entreprises et ceux de l’Opposante, contrairement à l’article 7b) de la Loi.

[65] L’Opposante n’a produit aucune observation appuyant les motifs d’opposition fondés sur l’article 30i) et n’a fait aucune observation à cet égard lors de l’audience.

[66] Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i) de la Loi, ce motif ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsqu’il y a des preuves de mauvaise foi de la part du requérant [Sapodilla Co Ltd c Bristol‑Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p. 155]. La simple connaissance par la Requérante de l’existence des Marques MONSTER ENERGY de l’Opposante n’étaye pas en soi une allégation selon laquelle la Requérante n’aurait pas pu être convaincue de son droit d’employer la Marque [Woot, Inc c WootRestaurants Inc/Les Restaurants Woot Inc, 2012 COMC 197]. En l’espèce, la Requérante a fourni la déclaration nécessaire et il ne s’agit pas d’un cas exceptionnel. Par conséquent, le premier volet de ce motif d’opposition n’est pas accueilli.

[67] En ce qui a trait au deuxième volet et au troisième volet, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau en ce qui a trait à l’établissement des trois éléments requis pour démontrer une contravention à l’article 7b) de la Loi [comme l’établit Ciba‑Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, [1992] 3 SCR 120, au para 33, cité par Pharmacommunications Holdings Inc c Avencia International Inc, 2008 CF 828, au para 41] et la preuve de l’Opposante n’appuie pas une probabilité de réduction de l’achalandage qui établirait la contravention à l’article 22 [comme l’établit Veuve Cliquot, aux para 46, 63 à 68]. Par exemple, il n’y a aucune preuve de tromperie du public en raison d’une fausse déclaration. De plus, je ne suis pas convaincue que la création d’un lien mental dans l’esprit du consommateur moyen entre la Marque de la Requérante et les marques de commerce de l’Opposante soit probable compte tenu du manque de ressemblance entre elles.

[68] Par conséquent, puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial, les motifs d’opposition fondés sur l’article 30i) sont rejetés.

Décision

[69] Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Jennifer Galeano

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

William Desroches

 

Le français est conforme aux WCAG.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2021-11-24

COMPARUTIONS

Catherine Bergeron

Pour l’Opposante

Adele Finlayson

Pour la Requérante

AGENTS AU DOSSIER

Robic

Pour l’Opposante

Moffat & Co.

Pour la Requérante

 

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