Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2022 COMC 100

Date de la décision : 2022-05-18

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Patagonia Inc.

Partie requérante

et

 

Labatt Brewing Company Limited

Propriétaire inscrite

 

LMC640,533 pour PATAGONIA

Enregistrement

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC640,533 pour la marque de commerce PATAGONIA (la Marque), appartenant actuellement à Labatt Brewing Company Limited (la Propriétaire).

[2] La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec de la « bière ».

[3] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être maintenu.

La procédure

[4] Le 16 juillet 2019, à la demande de Patagonia Inc. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi au prédécesseur en titre de la Propriétaire, à savoir Labatt Breweries of Canada LP (Labatt LP).

[5] L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, de préciser la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 16 juillet 2016 au 16 juillet 2019.

[6] La définition pertinente d’emploi en l’espèce est énoncée à l’article 4(1) de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

[7] Il est bien établi que l’article 45 de la Loi a pour objet et portée d’offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour éliminer le « bois mort » du registre. Dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45, la preuve n’a pas à être parfaite; en effet, le propriétaire inscrit doit seulement présenter une preuve prima facie d’emploi au sens des articles 4 et 45 de la Loi. Ce fardeau de preuve est léger; la preuve doit seulement exposer des faits à partir desquels une conclusion d’emploi peut être logiquement tirée [voir Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184].

[8] En l’absence d’emploi, conformément à l’article 45(3) de la Loi, l’enregistrement est susceptible d’être radié, à moins que le défaut d’emploi ne soit en raison de circonstances spéciales.

[9] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit deux affidavits de George Tarnawsky, souscrits le 14 et le 17 février 2020.

[10] Les parties ont toutes deux produit des observations écrites et étaient toutes deux représentées à l’audience.

La preuve

[11] Dans son premier affidavit, M. Tarnawsky déclare qu’il est l’administrateur des comptes principaux de vente au détail de la Propriétaire depuis 2016.

[12] M. Tarnawsky affirme que la Propriétaire [traduction] « est l’un des plus grands fabricants, producteurs et vendeurs de bière au Canada » [para 7]. Il explique l’histoire de la Propriétaire et comment Labatt LP a acquis la Marque en 2012. Il explique également que Labatt LP a été dissoute le 30 octobre 2015 et que tous les actifs, y compris la Marque, ont été cédés à la Propriétaire [para 7 à 11]. La cession de la Marque a été enregistrée par le registraire le 15 septembre 2020.

[13] M. Tarnawsky affirme que, pour distribuer et vendre sa bière aux consommateurs finaux en Alberta, la Propriétaire doit d’abord la vendre à la Alberta Gaming & Liquor Commission (AGLC), une entité dirigée par le gouvernement provincial. Il affirme qu’une fois que la Propriétaire a livré ses produits à la AGLC, les distributeurs de la Propriétaire les achètent dans les entrepôts agréés de la AGLC pour les vendre ensuite aux consommateurs finaux dans les magasins de détail. En particulier, en ce qui a trait aux produits de la Propriétaire, M. Tarnawsky déclare que [traduction] « 188 caisses comprenant 6 bouteilles de bière de 750 ml de produits PATAGONIA ont été vendues à la AGLC ». Il confirme que ces produits ont ensuite été vendus aux consommateurs finaux pendant la période pertinente [para 14 à 19]. Dans son deuxième affidavit, M. Tarnawsky atteste que la Marque était affichée bien en vue sur l’étiquette des produits vendus à la AGLC et, par conséquent, aux consommateurs finaux. Son deuxième affidavit comprend une photographie rognée de l’étiquette, reproduite ci-dessous :

[14] À l’appui, les pièces pertinentes suivantes sont jointes au premier affidavit de M. Tarnawsky :

  • La Pièce GT-3 comprend une copie d’une facture, émise par Labatt LP le 10 septembre 2015, attestant de la vente des produits visés par l’enregistrement à la AGLC;

  • La Pièce GT-4 comprend des copies de plus de 100 reçus de vente émis entre juillet 2016 et février 2018 par les distributeurs de la Propriétaire et attestant la vente des produits à des consommateurs finaux au Canada. Je constate que tous les reçus de vente affichent la Marque sous la rubrique « description ».

Analyse et motifs de la décision

[15] La Partie requérante soulève les questions suivantes : (i) la marque employée n’est pas la Marque telle qu’elle a été enregistrée, (ii) l’emploi de la Marque ne profite pas à la Propriétaire, et (iii) tout emploi démontré de la Marque n’a pas eu lieu pendant la période pertinente.

Emploi de la Marque telle qu’elle a été enregistrée

[16] La Partie requérante soutient que la Propriétaire a fourni un [traduction] « fragment incomplet d’une étiquette rognée » plutôt que l’étiquette complète. En particulier, la Partie requérante suggère que l’étiquette entière aurait affiché [traduction] « des éléments nominaux et figuratifs supplémentaires et significatifs » présentant une divergence par rapport à la Marque telle qu’elle a été enregistrée. La Partie requérante suggère également que l’étiquette entière aurait indiqué certains renseignements d’identification telles que le pays d’origine des produits ou un fabricant tiers.

[17] En ce qui concerne les ajouts à la Marque, il est bien établi que l’emploi d’une marque de commerce conjointement avec d’autres mots ou caractéristiques constitue un emploi de la marque de commerce déposée si le public perçoit, comme première impression, que la marque de commerce en soi est employée. Il s’agit là d’une question de fait qui dépend de la question de savoir si la marque de commerce se démarque des éléments supplémentaires, tels que par l’emploi de lettres différentes ou de tailles de caractères différents, ou si les éléments supplémentaires seraient perçus comme un élément clairement descriptif ou comme une marque de commerce ou un nom commercial distinct [Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC); 88766 Canada Inc c National Cheese Co (2002), 24 CPR (4th) 410 (COMC)].

[18] En l’espèce, l’image affiche bien en vue la marque nominale PATAGONIA sur un fond vert sous la représentation d’une montagne. À mon avis, les ajouts ne font pas perdre à la Marque son identité ou ne la rendent pas méconnaissable, car la Marque nominale peut être facilement trouvée dans le logo stylisé, même rogné. Par conséquent, je suis d’avis que le public percevrait probablement le mot « PATAGONIA » comme une marque de commerce en soi lorsqu’il est affiché de cette manière. En outre, cela correspond à la façon dont la Marque apparaît sur les reçus de vente et je ne trouve donc rien de trompeur ou d’ambigu dans l’étiquette rognée. Par conséquent, aux fins de la présente procédure, l’affichage du logo équivaut à l’affichage de la Marque telle qu’elle a été enregistrée. De plus, comme l’a soutenu la Propriétaire, la Cour suprême a établi que l’enregistrement d’une marque nominale confère au propriétaire le droit d’utiliser les mots qui constituent la marque dans la taille, le style de lettres, la couleur ou le motif de son choix [Masterpiece c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, aux para 55 à 57].

[19] Enfin, en ce qui concerne l’observation selon laquelle l’étiquette complète aurait pu contenir des renseignements d’identification, je suis d’accord avec la Propriétaire pour dire que cette observation est spéculative. Par conséquent, je ne suis pas disposée à tirer une quelconque conclusion en ce qui a trait à l’étiquette rognée.

Emploi qui s’applique au profit de la Propriétaire

[20] En ce qui concerne la deuxième question, la Partie requérante soutient qu’il n’existe aucune preuve que les produits ont été fabriqués par la Propriétaire ou par une personne agissant sous son contrôle. La Partie requérante soutient donc que, comme la Propriétaire n’a pas démontré qu’elle exerçait le contrôle requis en vertu de l’article 50 de la Loi ni qu’elle était la fabricante, les ventes aux consommateurs finaux ne peuvent pas profiter à la Propriétaire.

[21] Bien que la Partie requérante invoque l’article 50 de la Loi en se demandant si la Propriétaire avait le contrôle sur la nature ou la qualité des produits, il n’y a pas de problème de licence en l’espèce. Bien que cela aurait pu être plus clair, M. Tarnawsky a décrit la Propriétaire comme une fabricante de bière et cette déclaration est conforme à sa description de la pratique normale du commerce de la Propriétaire. De plus, rien dans les deux affidavits ne suggère que la Propriétaire n’est pas la partie qui fabrique le produit ou en contrôle la fabrication. Au contraire, au paragraphe 16 du premier affidavit de M. Tarnawsky, les produits PATAGONIA sont décrits comme étant les produits de la Propriétaire. À cet égard, la preuve dans une procédure en vertu de l’article 45 doit être considérée dans son ensemble et le fait de se concentrer sur des éléments de preuve individuels et de considérer ces derniers de façon isolée n’est pas la bonne approche [voir Kvas Miller Everitt c Compute (Bridgend) Limited (2005), 47 CPR (4th) 209 (COMC); et Fraser Milner Casgrain LLP c Canadian Distribution Channel Inc (2009), 78 CPR (4th) 278 (COMC)] et il est permis de tirer des inférences raisonnables de la preuve fournie [voir Eclipse International Fashions Canada Inc c Shapiro Cohen, 2005 CAF 64]. Par conséquent, aux fins de la présente procédure, tout emploi de la marque a été fait par la Propriétaire elle-même.

[22] Essentiellement, en se demandant qui a pu fabriquer les produits, la Partie requérante se demande en quelque sorte si la Propriétaire a droit à l’enregistrement. Cependant, comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Ridout & Maybee srl c Omega SA, 2005 CAF 306, la validité de l’enregistrement n’est pas en litige dans une procédure prévue à l’article 45. Il est préférable de traiter les questions de propriété en produisant une demande auprès de la Cour fédérale en vertu de l’article 57 de la Loi.

Emploi pendant la période pertinente

[23] La Partie requérante attire l’attention sur le fait que Labatt LP a vendu les produits visés par l’enregistrement à la AGLC plus de dix mois avant la période pertinente. En particulier, la Partie requérante soutient que la facture (GT-3) n’établit pas une preuve prima facie d’emploi au cours de la période pertinente. La Partie requérante affirme également que la suppression des renseignements sur les prix figurant sur la facture ainsi que les rabais reflétés dans les reçus de vente des tiers (GT-4) indiquent que les ventes ont été effectuées à un prix symbolique.

[24] En ce qui concerne les ventes antérieures à la période pertinente, à mon avis, la facture ne vise pas à prouver l’emploi de la Marque au cours de la période pertinente, mais plutôt à présenter une étape dans la chaîne de distribution des produits visés par l’enregistrement et, par conséquent, dans la pratique normale du commerce de la Propriétaire. Quoi qu’il en soit, ce qui est pertinent en l’espèce n’est pas de savoir si la Propriétaire a fourni les produits visés par l’enregistrement à la AGLC au cours de la période pertinente, mais si ceux-ci ont été transférés au Canada au cours de cette période. En l’espèce, M. Tarnawsky indique clairement que les produits disponibles à la AGLC ont été vendus par les distributeurs de la Propriétaire à des consommateurs finaux au cours de la période pertinente. Ses déclarations sont corroborées par les éléments de preuve indiquant le transfert de possession à des consommateurs canadiens au cours de la période pertinente [selon Manhattan Industries Inc. c Princeton Manufacturing Ltd. (1971), 4 CPR (2d) 6 (C.F. 1re inst.)].

[25] En ce qui a trait à l’allégation d’un prix symbolique, j’ai examiné les reçus de vente et constaté que les rabais n’étaient pas systématiquement appliqués aux produits de la Propriétaire. En outre, les rabais étaient également appliqués aux produits de tiers figurant également sur les reçus. De plus, la grande quantité de caisses vendues à la AGLC ainsi que la grande quantité de ventes aux consommateurs finaux ne permettent pas de conclure que les transactions ne constituent pas de véritables transactions commerciales.

[26] Compte tenu de tout ce qui précède, je suis convaincue que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec le produit visé par l’enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Décision

[27] En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera maintenu.

 

Ann-Laure Brouillette

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme,

Hortense Ngo

 

 

Le français est conforme aux WCAG.

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2022-03-07

COMPARUTIONS

Bruno Barrette

Pour la Propriétaire inscrite

Michelle Easton

Pour la Partie requérante

AGENTS AU DOSSIER

Barrette Legal INC.

Pour la Propriétaire inscrite

Gowling WLG (Canada) LLP

Pour la Partie requérante

 

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