Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2022 COMC 128

Date de la décision : 2022-07-05

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Jean-Louis Vill

Opposant

et

 

Ebox Inc.

Requérante

 

1,829,437 pour EBOX TV

Demande

Introduction

[1] Ebox Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement (no 1,829,437) pour la marque de commerce EBOX TV (la Marque) sur la base d’un emploi projeté au Canada en liaison avec les services suivants, tels que révisés :

Diffusion en continu de contenu audiovisuel et multimédia par Internet, nommément émissions de télévision, musique et films; Transmission et diffusion de contenu audiovisuel et multimédia par Internet, nommément émissions de télévision, musique et films; Services de vidéo à la demande; Services de divertissement nommément offre de films et d’émissions de télévision par un service de vidéo à la demande ainsi que de l’information, de critiques, et de recommandations concernant des films et des émissions de télévision; Offre d’un site Web contenant des émissions de télévision, des films et du contenu multimédia de divertissement nommément films et émissions de télévision avec des effets visuels, des animations 2D et 3D et de la musique ainsi que de l’information, des critiques, et des recommandations concernant des émissions de télévision, des films et du contenu multimédia de divertissement nommément films et émissions de télévision avec des effets visuels, des animations 2D et 3D et de la musique; Offre d’accès par télécommunication à des films et à des émissions de télévision; Services de télévision par câble; Services de télévision via internet; Télédiffusion par abonnement; Télédiffusion payante; Diffusion de programmes de télévision via internet; Services de télévision à la carte et souscription de programmes de télévision; Transmission d’émissions de télévision en ligne; Service de câblodistribution; Vente et location de décodeurs de télévision; Vente et location de terminaux pour téléviseurs; Service de divertissement télévisuel nommément divertissement sous la forme de programmes de télévision; Services de divertissement pour ordinateurs de poche, téléphones mobiles et tablettes électroniques nommément films, musique, vidéos, matériel audio-vidéo (à l’exclusion de jeux vidéos) et de texte, nommément livres, pièces de théâtre, dépliants, brochures, bulletins, revues et magazines, ayant trait aux activités sportives et culturelles ainsi qu’à une vaste gamme de sujets d’intérêt général et distribués au moyen de réseaux informatiques; Offre de services de bibliothèque en ligne proposant des livres, des magazines, des photos; Service de vente et de location en ligne de livres, magazines, photos; Service de création de sites Internet; Centre d’appels nommément soutien technique dans le domaine de la télécommunication, services après-vente dans le domaine de la téléphonie, l’internet et la télévision, services d’assistance et services de dépannage lors de pannes du réseau internet, du réseau téléphonique et du réseau télévisuel; Services de conférences téléphoniques; (les Services)

[2] Jean-Louis Vill (l’Opposant) s’oppose à l’enregistrement de la Marque en faisant valoir la probabilité de confusion avec la marque et le nom commercial IBOX TV qu’il allègue avoir antérieurement employés¾et continuer d’employer¾au Canada, principalement en liaison avec des décodeurs de télévision et divers services de diffusion et de transmission de contenu.

[3] Pour les raisons qui suivent, j’estime qu’il y a lieu de rejeter l’opposition.

Dossier

[4] La demande relative à la Marque a été produite le 27 mars 2017 et annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 2 janvier 2019.

[5] Une déclaration d’opposition a été produite le 11 janvier 2019 en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Il convient de noter à ce stade que, puisque la Loi a été modifiée le 17 juin 2019, tous les renvois dans ma décision réfèrent à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de ceux visant les motifs d’opposition (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[6] Les motifs d’opposition plaidés par l’Opposant sont les suivants :

  1. Conformément au paragraphe 38(2)c) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque de la Requérante en liaison avec les Services de la Requérante eu égard aux dispositions des paragraphes [sic] 16(3)a) de la Loi puisqu’à à [sic] la date de production de la Demande, la Marque de la Requérante créait, et crée toujours, de la confusion avec la marque de commerce IBOX TV de l’Opposant qui a été antérieurement employée au Canada, et est toujours employée, en liaison avec les Produits et services de l’Opposant; et

  2. Conformément au paragraphe 38(2)c) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque de la Requérante en liaison avec les Services de la Requérante eu égard aux dispositions des paragraphes [sic] 16(3)c) de la Loi puisqu’à à [sic] la date de production de la Demande, la Marque de la Requérante créait, et crée toujours, de la confusion avec le nom commercial IBOX TV de l’Opposant qui a été antérieurement employé au Canada, et est toujours employé, en liaison avec les Produits et services de l’Opposant.

[7] Pour les fins de sa déclaration d’opposition, les « Produits et services de l’Opposant » sont définis comme suit :

Décodeurs de télévision (les Produits de l’Opposant)

Diffusion en continu de contenu audiovisuel et multimédia par Internet, nommément émissions de télévision, musique et films; transmission et diffusion de contenu audiovisuel et multimédia par Internet, nommément émissions de télévision, musique et films; offre d’accès par télécommunication à des films et à des émissions de télévision; services de télévision via Internet; télédiffusion par abonnement; diffusion de programmes de télévision via internet; services de télévision à la carte; transmission d’émissions de télévision en ligne; vente de décodeurs de télévision; service de divertissement télévisuel nommément divertissement sous la forme de programmes de télévision (les Services de l’Opposant).

(collectivement les Produits et Services de l’Opposant)

[8] Le 28 mars 2019, la Requérante a volontairement produit une demande d’enregistrement révisée, laquelle a subséquemment été acceptée par le registraire.

[9] La Requérante a par la suite produit sa contre-déclaration d’opposition le 29 mars 2019.

[10] Les parties ont toutes deux produit de la preuve, sommairement résumée ci-dessous. Les parties ont également toutes deux produit des observations écrites et étaient présentes à l’audience qui a été tenue.

Aperçu de la preuve

Preuve de l’Opposant – l’affidavit Vill

[11] La preuve de l’Opposant est constituée de son propre affidavit, daté du 13 mai 2019, et de ses pièces JLV-1 à JLV-3.

[12] L’Opposant indique être un entrepreneur qui commercialise, personnellement, des produits et services sous la marque IBOX TV [para 1].

[13] Plus spécifiquement, l’Opposant indique personnellement utiliser, depuis 2016, la marque IBOX TV en liaison avec les Produits et Services de l’Opposant, de même qu’en liaison avec les services suivants : « services d’accès à Internet, service de téléphonie via Internet, services de téléphonie via Internet permettant de choisir différentes options nommément appels locaux, appels interurbains, appels internationaux, messagerie vocale, afficheur d’appel, appel en attente, renvoi automatique des appels, renvoi automatique conditionnel des appels, services de conférences téléphoniques, service de téléphonie cellulaire » (les Services additionnels de l’Opposant) [para 3]. Je note que toutes les références qui suivent de l’Opposant à des produits et services dans l’ensemble de son affidavit désignent collectivement les Produits et Services de l’Opposant et les Services additionnels de l’Opposant. Ci-dessous, j’emploierai donc la désignation Produits et Services étendus de l’Opposant pour représenter ce à quoi l’Opposant fait référence dans son affidavit.

[14] L’Opposant indique que les Produits et Services étendus de l’Opposant sont vendus et offerts en ligne, à partir d’un site web à l’adresse iboxtv.ca [para 4]. L’Opposant indique avoir enregistré ce nom de domaine le 28 janvier 2016 et joint comme pièce JLV-1 « un extrait des résultats de la recherche WHOIS » y relatif [para 5]. L’extrait de ce registre semble avoir été imprimé le 8 janvier 2019. Je note également que les seuls détails qui y apparaissent concernant le nom de domaine iboxtv.ca visent son statut et sa date de création.

[15] L’Opposant indique que le site web iboxtv.ca « a été mis en ligne » pour faire la promotion des Produits et Services étendus de l’Opposant sous la marque IBOX TV depuis au moins aussi tôt que le 8 mars 2016 [para 6]. L’Opposant joint comme pièce JLV-2 un extrait de ce site imprimé le 8 janvier 2019, obtenu à l’aide de Wayback Machine et archivé en date du 8 mars 2016.

[16] L’Opposant avance des chiffres de ventes approximatifs en liaison avec les Produits et Services étendus de l’Opposant de 2016 à la date de signature de son affidavit totalisant 82 000 $ [para 7]. L’Opposant joint comme pièce JLV-3 ce qu’il décrit comme des « preuves de paiement reçus en contrepartie de la vente sous la marque IBOX TV de Produits et Services [étendus] de l’Opposant » [para 8]. Cette pièce comporte en fait quatre relevés de transaction Paypal, de même que ce qui semble être une liste de commandes partiellement caviardée.

[17] L’Opposant fait ensuite état des efforts de promotion de la marque IBOX TV. Plus spécifiquement, il indique faire la promotion des Produits et Services étendus de l’Opposant sur le site web iboxtv.ca et reproduit à même son affidavit un extrait d’une page en date du 14 février 2019, dite représentative du site web depuis ses débuts [para 9]. Je note toutefois que cet extrait ne semble pas tout à fait correspondre à celui référencé plus haut du 8 janvier 2019, obtenu à l’aide de Wayback Machine et archivé en date du 8 mars 2016.

[18] L’Opposant indique également faire un travail d’optimisation et de référencement sur Internet afin que le site web iboxtv.ca ressorte dans les recherches de consommateurs. Il estime avoir personnellement consacré à cette tâche plus de 2000 heures en trois ans. [para 10]

[19] L’Opposant conclut son affidavit en se référant à des exemples de clients et de clients potentiels qui auraient confondu les Produits et Services étendus de l’Opposant avec les Services de la Requérante [paras 11 à 13].

[20] L’Opposant a été contre-interrogé sur son affidavit et la transcription de son contre-interrogatoire est au dossier. L’Opposant a également souscrit certains engagements à cette occasion. Je reviendrai sur des points soulevés lors du contre-interrogatoire de même que sur les engagements qui y ont été souscrits plus loin dans ma décision.

Preuve de la Requérante

[21] La preuve de la Requérante pour sa part est constituée de ce qui suit :

· L’affidavit de Mylène Arsenault, daté du 8 mai 2020, et ses pièces 1 à 6;

· L’affidavit de Martin Latendresse, daté du 8 mai 2020, et ses pièces 1 à 3;

· L’affidavit de Jean-Philippe Béïque, daté du 8 mai 2020, et ses pièces 1 à 32;

· L’affidavit de Queeny-Marie Noche, daté du 25 mai 2020, et ses pièces 1 à 4;

· Des copies certifiées de ses enregistrements no LMC990,150 et LMC1,022,746 pour la marque EBOX.

[22] Aucun des affiants de la Requérante n’a été contre-interrogé.

L’affidavit Arsenault

[23] Mme Arsenault travaille à titre de Gestionnaire des ventes pour la Requérante [para 1].

[24] Le ou vers le 2 juin 2019, Mme Arsenault a contacté l’Opposant au numéro se trouvant sur le site web iboxtv.ca pour des informations visant des services de télévision et d’accès à Internet. L’Opposant a subséquemment communiqué avec elle. Mme Arsenault joint les enregistrements sonores de ses conversations du 3 et 4 juin 2019 avec l’Opposant ainsi que les notes sténographiques de ces conversations, constituant respectivement les pièces 1-A à C et 2 à son affidavit. [paras 2 et 3]

[25] Mme Arsenault affirme par la suite avoir reçu une confirmation d’abonnement, une confirmation de prise en main et un sommaire des frais, dont elle joint une copie comme pièce 3 à son affidavit [para 4]. Je note qu’aucune mention n’est faite de l’Opposant dans ces documents, exception faite des feuillets intitulés « Information de prise en main rapide » où le nom et informations de contact de ce dernier apparaissent sous la rubrique « Identification du représentant ». Aucune mention n’est faite non plus d’IBOX TV.

[26] Mme Arsenault affirme avoir reçu un courriel de l’Opposant avec un « code promo » et un lien pour commander le service d’IPTV avec le fournisseur iptvtvip.com. Une copie de ce courriel est jointe comme pièce 4 à son affidavit ainsi que des captures d’écran du site ipttvtvip.com qu’elle a effectuées. [para 5]

[27] Mme Arsenault affirme aussi avoir reçu des courriels reliés à un abonnement à des services d’accès à Internet d’une entité identifiée comme ACN, qu’elle joint comme pièce 5 à son affidavit [para 6].

[28] Mme Arsenault affirme enfin avoir reçu un modem par la poste. Elle a pris des photos de la boîte reçue et de son contenu qu’elle joint comme pièce 6 à son affidavit. [para 7] Je note que le nom de l’expéditeur de la boîte en question apparaît comme ACN of Canada Co. et qu’aucune mention n’est faite à cette pièce d’IBOX TV.

L’affidavit Latendresse

[29] M. Latendresse travaille à titre de Gestionnaire des opérations pour la Requérante [para 1].

[30] Au début du mois de juin 2019, M. Latendresse a rempli le formulaire de contact sur le site web iboxtv.ca afin d’obtenir un retour d’appel avec de l’information sur des services d’accès à Internet. Le ou vers le 7 juin 2019, l’Opposant a communiqué avec lui. M. Latendresse joint l’enregistrement sonore de sa conversation avec l’Opposant ainsi que les notes sténographiques de cette conversation, constituant respectivement les pièces 1 et 2 à son affidavit. [paras 2 et 3]

[31] Par la suite, M. Latendresse s’est rendu sur le site iboxtv.ca et a fait des captures d’écran. Il a aussi fait des captures d’écran de l’application CloudTV. Ces captures d’écran sont jointes comme pièce 3 à son affidavit. [para 4]

L’affidavit Béïque

[32] M. Béïque est le Président Directeur général de la Requérante [para 1]. Son affidavit vise principalement à soutenir les prétentions de la Requérante à l’effet : qu’elle utilise la marque EBOX depuis au moins aussi tôt que 1997 [paras 4, 7 à 18 et 58, pièces 2 à 10]; qu’il était normal pour la Requérante de faire évoluer son offre de services vers les services reliés à la diffusion de contenu audiovisuel et multimédia par Internet et autres Services de la Requérante [paras 7, 20 à 35 et 58, pièces 13 à 19]; et que l’Opposant n’offre personnellement aucun de ses produits et services allégués et ne détient d’ailleurs pas les autorisations nécessaires pour ce faire [paras 7, 24 à 28, 31 et 36 à 57, pièces 14, 17 et 21 à 30].

[33] M. Béïque fournit également quelques détails visant des procédures qui auraient été entreprises par la Requérante en Cour supérieure du Québec contre l’Opposant [paras 59 et 60, pièces 31 et 32].

L’affidavit Noche

[34] Mme Noche travaille à titre de technicienne juridique pour les agents représentant la Requérante [para 1]. Elle introduit en preuve les résultats de ses recherches effectuées en ligne (avec le moteur de recherche Google et dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes de l’OPIC) [paras 4 à 6] visant essentiellement à soutenir la prétention de la Requérante qu’il est commun pour des entreprises de télécommunications d’offrir, sous une même marque, des services de fourniture d’accès à Internet et des services de diffusion de contenu.

Fardeau de preuve

[35] C’est à l’Opposant qu’il incombe au départ d’établir le bien-fondé de son opposition. Ses motifs d’opposition doivent être dûment plaidés et l’Opposant doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits sur lesquels il appuie chacun de ceux-ci. Une fois ce fardeau satisfait, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun des motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement - articles 16(3)a) et c) de la Loi

[36] Tel qu’indiqué plus haut, l’Opposant plaide que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au sens des articles 16(1)(a) et (c) de la Loi parce que celle-ci porte à confusion avec la marque et le nom commercial IBOX TV de l’Opposant.

[37] Sous ces motifs, l’Opposant doit démontrer l’emploi de la marque et du nom commercial IBOX TV au Canada avant le 27 mars 2017, de même que le non-abandon de ces derniers en date du 2 janvier 2019.

[38] Avant d’aller plus loin, je constate que la Requérante—tant dans ses observations écrites qu’à l’audience—soulève des questions préliminaires. D’une part, la Requérante demande qu’il ne soit pas tenu compte de l’affidavit Vill ni des pièces à son soutien. De manière alternative, la Requérante demande que des inférences négatives soient tirées du défaut de l’Opposant de produire auprès du registraire les réponses aux engagements pris lors de son contre-interrogatoire. Comme je trouve que cela facilite la lecture de ma décision, j’examinerai la question portant sur les engagements en premier.

Demande de l’Opposant de produire ses engagements

[39] Je note en effet que lors de son contre-interrogatoire l’Opposant a souscrit certains engagements qui n’ont pas été honorés.

[40] Le jour de l’audience, toutefois, l’Opposant a présenté une demande de prolongation de délai rétroactive en vertu de l’article 47(2) de la Loi en vue de remédier à ce défaut. Subsidiairement, l’Opposant a demandé la permission de soumettre de nouveaux éléments de preuve en vertu de l’article 55 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/2018-227 (le Règlement), ces nouveaux éléments étant les réponses aux engagements souscrits et les pièces qui y sont liées. La Requérante s’est objectée à l’octroi de ces demandes.

[41] J’ai indiqué à l’audience que ma décision sur cette question sera rendue en même temps que la présente décision. J’ai également demandé aux parties de tenir compte dans leurs représentations orales de la possibilité qu’au moins l’une des demandes de l’Opposant formulées à l’audience soit accordée.

[42] L’Opposant avait jusqu’au 19 décembre 2019 pour soumettre au registraire ses réponses aux engagements de la manière prescrite par le Règlement. Au soutien de sa demande de prolongation de délai, l’Opposant fait valoir que les réponses aux engagements ont été fournies à la Requérante le 13 novembre 2019 conformément à la pratique en vigueur avant les changements législatifs et règlementaires entrés en vigueur en juin 2019. L’Opposant fait d’ailleurs valoir que le 14 novembre 2019, la Requérante en a accusé réception et joint copie d’échanges de courriels à cet effet.

[43] L’Opposant note que l’avis du registraire concernant le délai pour le contre-interrogatoire, dans lequel il est indiqué que l’Opposant devra soumettre ses réponses aux engagements au registraire et les signifier à l’autre partie dans un délai d’un mois à compter de la prise d’effet de la signification de la transcription des notes sténographiques, était daté du 19 juillet 2019, soit seulement un peu plus d’un mois après l’entrée en vigueur des modifications à la Loi. Ceci expliquerait, selon l’Opposant, qu’il ait procédé, par erreur, mais de bonne foi, selon l’ancienne pratique et transmis les réponses aux engagements à la Requérante sans les soumettre au registraire. Dans ce contexte, l’Opposant fait valoir qu’il était convaincu que la Requérante, qui a procédé au contre-interrogatoire, allait produire les réponses aux engagements avec la production des notes sténographiques, comme le voulait la pratique pré-19 juin 2019, et que l’Opposant était par conséquent dans une position où il n’était pas raisonnablement évitable pour lui de ne pas produire lesdites réponses aux engagements.

[44] La demande de l’Opposant est tardive, pour dire le moins. Cela étant, à la lumière de ses représentations ci-avant et considérant le préjudice de toute évidence limité pour la Requérante dans les circonstances, je suis prête à considérer les évènements décrits par l’Opposant en l’espèce comme justifiant l’octroi d’une prolongation de délai rétroactive pour lui permettre d’honorer les engagements souscrits lors de son contre-interrogatoire. Les réponses à ces derniers sont donc versées au dossier.

Admissibilité de la preuve de l’Opposant

[45] La deuxième question préliminaire soulevée porte sur l’admissibilité de la preuve de l’Opposant. Plus spécifiquement, la Requérante fait valoir que l’affidavit Vill et les pièces à son soutien doivent être rejetés d’emblée puisque : l’affiant n’est pas en mesure d’affirmer avoir signé l’affidavit en présence d’un commissaire à l’assermentation; et l’affiant n’avait pas les pièces en sa présence lors de la signature de l’affidavit.

[46] En réponse, l’Opposant à simplement soumis à l’audience que c’est « plate » (je comprends regrettable ou ennuyant) de répondre au type d’allégation formulée par la Requérante; que cela ne fait que remettre en question l’intégrité du commissaire à l’assermentation; que le document soumis à titre de preuve de l’Opposant contient bien les signatures requises et qu’il n’y a pas vraiment de raison pour que sa forme soit davantage questionnée.

[47] Il est clairement indiqué à l’article 49 du Règlement que la preuve relative à une procédure d’opposition doit être soumise au registraire au moyen d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle. L’article 41(1)a) de l’ancien Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195—visant plus spécifiquement la preuve de l’Opposant au moment où elle a été produite—était essentiellement au même effet. Bref, la preuve présentée doit être sous forme d’un document souscrit ou d’une déclaration faite sous serment devant un commissaire à l’assermentation.

[48] Or, tel qu’il appert de l’extrait de son contre-interrogatoire reproduit ci-dessous, je constate que l’Opposant affirme effectivement avoir été seul lors de la signature de son affidavit et ne pas se souvenir d’avoir vu Mme Veilleux, la commissaire à l’assermentation dont la signature appert sur l’affidavit et les pièces produites à son soutien.

Q. Et vous étiez où quand vous avez signé cette déclaration?

R. Au bureau de BCF à Québec.

Q. Est-ce que vous étiez seul à ce moment-là?

R. Oui.

Q. Oui. Est-ce que vous avez vu madame Veilleux?

R. Je ne sais pas.

[page 6, ligne 21 à page 7, ligne 2]

[49] Il ressort également de son contre-interrogatoire que l’Opposant ne pense pas avoir eu les pièces en sa possession lors de la signature de son affidavit :

Q. […] Qu’est-ce que vous aviez avec vous quand vous avez signé la déclaration?

R. Je m’en souviens pas.

Q. Vous ne vous en souvenez pas?

R. Non.

Q. O.K. Est-ce que vous vous souvenez si vous aviez une copie de la pièce JLV-1, JLV-2 et JLV-3 avec vous?

R. Certainement pas, non, je me souviens pas. Je pense pas les avoir eues avec moi.

[page 7, lignes 3 à 11]

[50] Pour être validement assermenté un affidavit doit avoir été signé en présence d’un commissaire à l’assermentation et l’affiant doit avoir en sa possession au moment de la signature les pièces au soutien de son affidavit, lesquelles le commissaire doit assermenter en présence de l’affiant. Or, cela ne semble pas être le cas ici.

[51] Par conséquent, nonobstant ses observations formulées à cet égard à l’audience, je suis d’avis que l’affidavit de l’Opposant est vicié et n’est pas admissible. Je ne peux donc tenir compte de ce document. Le contre-interrogatoire de l’Opposant ainsi que ses réponses aux engagements n’étant pas selon moi suffisants, je conclus que l’Opposant ne s’est pas acquitté de son fardeau initial et je rejette chacun de ses motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement.

[52] Si je suis dans l’erreur en rejetant les motifs d’opposition pour cette raison, j’ajouterai que—même si l’affidavit de l’Opposant avait été admissible—cela n’aurait pas changé l’issue de la présente procédure. Plus spécifiquement, j’estime que la preuve de l’Opposant contient plusieurs affirmations imprécises qui ne sont par ailleurs pas corroborées par la preuve documentaire fournie. Je me limiterai aux quelques commentaires suivants sur ces lacunes et imprécisions.

Commentaires sommaires subsidiaires sur la preuve de l’Opposant

[53] Premièrement, l’Opposant a concédé à l’audience que sa preuve ne démontre pas l’emploi de la marque de commerce IBOX TV en liaison avec les Produits de l’Opposant.

[54] Deuxièmement, tel que cela ressort du résumé qui en est fait ci-haut, l’Opposant allègue dans son affidavit avoir employé la marque et le nom commercial IBOX TV avec des services plus étendus que ceux qui ont été invoqués au soutien de sa déclaration d’opposition. Puisque la déclaration d’opposition n’a pas été modifiée pour les inclure, je n’aurais pas été en mesure de tenir compte des Services additionnels de l’Opposant dans mon analyse. Ceci aurait été particulièrement problématique parce que, comme je l’ai déjà mentionné, toutes les assertions de l’Opposant visant des produits et services dans l’ensemble de son affidavit réfèrent aux Produits et Services étendus de l’Opposant.

[55] Troisièmement, quant aux chiffres de ventes approximatifs allégués au paragraphe 7 de son affidavit, l’Opposant n’indique pas qu’ils sont reliés à la marque et/ou au nom commercial IBOX TV. Ils ne sont pas non plus ventilés par mois incluant pour l’année 2017, ni d’ailleurs par produits ou par services. L’Opposant a également précisé en contre‑interrogatoire [pages 67 à 72] que ces chiffres sont une combinaison de ventes générées pour le compte d’ACN (une entité qui lui verse une commission en retour) et de revenus obtenus « via Paypal ». Les documents intitulés « Sales insights » reçus comme réponse à l’engagement E-7 n’apportent pas grande précision additionnelle, notamment puisque deux de ces trois documents—soit ceux datés entre les 1 janvier et 31 décembre 2016 et entre les 1 janvier et 31 décembre 2017—sont incomplets (la portion des graphiques illustrant ce qui aurait pu fournir une ventilation par mois pour les années 2016 et 2017 étant manquante). Les documents intitulés « Sommaire des commissions » pour leur part contiennent une énumération de certains services, mais se basent vraisemblablement sur des chiffres de ventes pour ACN et datent au plus tôt d’août 2017. Les documents reçus à titre de réponse à cet engagement E-7 ne contiennent par ailleurs aucune référence à l’Opposant ou à IBOX TV.

[56] Quatrièmement, quant aux relevés de transaction fournis, je note encore une fois qu’aucun ne fait référence à l’Opposant. Aucun non plus ne contient de nom ou d’adresse de consommateurs, ni même d’adresse de livraison. En ce qui concerne la liste de commandes partiellement caviardée, je suis d’accord avec les représentations de la Requérante à l’effet que, même en acceptant que c’est bien le nom de l’Opposant qu’on aperçoit aux deux entrées caviardées identifiées à l’aide d’un point rouge, il demeure qu’il n’y a aucune indication de la provenance de cette liste, à quoi elle sert réellement, ni quels sont les produits ou services auxquels les rubriques intitulées « Produit » et « Statut » (« Order connected » / « Connecté ») font référence. Ces deux entrées sont par ailleurs datées du 17 février 2017, date qui ne correspond à aucun des relevés de transaction fournis par l’Opposant.

[57] Enfin, l’Opposant indique avoir enregistré le nom de domaine iboxtv.ca à la fin janvier 2016. Or, l’enregistrement d’un nom de domaine n’aurait pas en soi démontré un emploi à titre de marque de commerce ou de nom commercial et la preuve de l’Opposant est exempte d’éléments documentaires établissant que ce nom de domaine, de fait, lui appartient. À mon avis, la preuve de l’Opposant est également exempte d’éléments documentaires supportant la prétention que tout service annoncé sur ce site l’aurait nécessairement été pour le compte de l’Opposant ou aurait été fourni directement par ce dernier.

[58] Par conséquent, même si son affidavit avait été admissible en l’espèce, j’aurais somme toute conclu que l’Opposant ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve initial de démontrer qu’il avait employé, au Canada, dans le cours normal du commerce, la marque ou le nom commercial IBOX TV en liaison avec les Produits et Services de l’Opposant préalablement à la date de production de la demande d’enregistrement pour la Marque et qu’il n’avait pas abandonné cette marque ou ce nom commercial lors de la publication de la Marque au Journal des marques de commerce.

[59] À la lumière de ce qui précède, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de me pencher sur les prétentions de la Requérante à l’effet que l’Opposant ne détient pas les autorisations nécessaires pour offrir ses produits et services allégués.

Décision

[60] En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Iana Alexova

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2022-05-24

COMPARUTIONS

Pascal Lauzon

Pour l’Opposant

 

Cindy Bélanger

Pour la Requérante

 

AGENTS AU DOSSIER

BCF S.E.N.C.R.L./BCF LLP

Pour l’Opposant

Cindy Bélanger (Legault Joly Thiffault S.E.N.C.R.L.)

Pour la Requérante

 

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