Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2022 COMC 160

Date de la décision : 2022-08-18

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Kabooki A/S

Opposante

et

 

Les Importations N & N inc.

Requérante

 

1,821,448 pour Buki

Demande

Introduction

[1] Kabooki A/S (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce Buki (la Marque) (reproduite ci-dessous) faisant l’objet de la demande no 1,821,448 produite par Les Importations N & N inc. (la Requérante).

[2] La demande est basée sur l’emploi projeté de la Marque en liaison avec les produits et services suivants :

Produits : Vêtements pour enfants.

Services : Vente, nommément, de vêtements pour enfants. Distribution, nommément, de vêtements pour enfants. Conception, nommément, de vêtements pour enfants.

[3] L’opposition est principalement fondée sur une allégation de confusion entre la Marque de la Requérante et la marque de commerce KABOOKI de l’Opposante, enregistrée en liaison avec des produits somme toute identiques.

[4] Pour les raisons qui suivent, j’estime qu’il y a lieu de rejeter la demande.

Dossier

[5] La demande pour la Marque a été produite le 6 février 2017 et annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 27 février 2019.

[6] Une déclaration d’opposition a été produite le 29 avril 2019 en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Il convient de noter à ce stade que, puisque la Loi a été modifiée le 17 juin 2019, tous les renvois dans la présente décision réfèrent à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de ceux visant les motifs d’opposition (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[7] Les motifs d’opposition plaidés par l’Opposante allèguent que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30e) de la Loi; que la Marque n’est pas enregistrable au sens de l’article 12(1)d) de la Loi; et que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi.

[8] La Requérante a produit une contre-déclaration niant chacun des motifs d’opposition plaidés par l’Opposante et faisant valoir des arguments essentiellement liés à l’absence de probabilité de confusion entre les marques en cause. Un extrait du site web de l’Opposante est par ailleurs joint à la contre-déclaration de la Requérante à titre d’annexe CD-A. Puisque cet extrait n’a pas été correctement introduit en preuve, je confirme que l’annexe CD-A à la contre-déclaration de la Requérante ne fait pas partie du dossier.

[9] Les parties ont toutes deux produit de la preuve. Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit une copie certifiée de son enregistrement pour la marque de commerce KABOOKI (LMC976,783) de même qu’un affidavit d’Eric Chamberland, daté du 5 novembre 2019 et accompagné des pièces A à J y afférentes. Au soutien de sa demande, la Requérante a produit une déclaration solennelle de Louis Ruelland, datée du 18 mars 2020 et accompagnée des pièces RA à RF y afférentes. Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

[10] Aucune des parties n’a produit d’observations écrites et seule la Requérante était présente à l’audience qui a été tenue.

Fardeau de preuve

[11] C’est à l’Opposante qu’il incombe au départ d’établir le bien-fondé de son opposition. Ses motifs d’opposition doivent être dûment plaidés et l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits sur lesquels elle appuie chacun de ceux-ci. Une fois ce fardeau satisfait, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun des motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Analyse

Motif fondé sur l’article 12(1)d) – non-enregistrabilité de la Marque

[12] L’Opposante a plaidé que la Marque n’est pas enregistrable au sens de l’article 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec la marque KABOOKI de l’Opposante enregistrée sous le nLMC976,783 en liaison avec les produits suivants:

[Traduction] Vêtements pour enfants, nommément vestes, manteaux, habits de neige, vêtements de neige, vêtements imperméables; tee-shirts, hauts, pulls d’entraînement, cardigans, robes, tuniques; pantalons, jeans, pantalons-collants, shorts; jupes; vêtements de nuit, sous-vêtements; foulards, gants, mitaines, cache-cous, chaussettes, ceintures, collants; articles chaussants pour enfants, nommément chaussures, bottes, sandales, pantoufles; couvre-chefs pour enfants, nommément chapeaux et casquettes.

Clothing for children namely jackets, coats, snow suits, snow wear, rain wear; T-shirts, tops, sweatshirts, cardigans, dresses, tunics; pants, jeans, leggings, shorts; skirts; nightwear, underwear; scarves, gloves, mittens, neckwarmers, socks, belts, tights; footwear for children namely shoes, boots, sandals, slippers; headgear for children namely hats and caps.

[13] Comme l’enregistrement nLMC976,783 allégué par l’Opposante au soutien de ce motif d’opposition est toujours en vigueur sur le registre des marques de commerce, l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait.

[14] Il revient donc maintenant à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et la marque enregistrée KABOOKI de l’Opposante.

Test en matière de confusion

[15] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ou dans la même classe de la classification de Nice.

[16] Par conséquent, l’article 6(2) de la Loi ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais plutôt sur la probabilité que des produits ou services provenant d’une source soient perçus comme provenant d’une autre source.

[17] En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs selon le contexte [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al, 2006 CSC 23; Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27].

Degré de ressemblance entre les marques

[18] Le degré de ressemblance entre les marques est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [Masterpiece, précitée, au para 49].

[19] Dans le cadre de cette analyse, il ne faut toutefois pas disséquer les marques de commerce en leurs éléments constitutifs, mais plutôt les examiner comme un tout, sans pour autant faire abstraction de composantes dominantes qui auraient une incidence sur l’impression générale des consommateurs. De plus, même s’il est vrai que dans certains cas la première partie d’une marque de commerce sera la plus importante au niveau de la distinction, l’approche à privilégier en examinant le degré de ressemblance consiste à se demander d’abord si l’un des éléments ou aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique [Masterpiece, précitée, au para 64].

[20] Ici, la marque KABOOKI de l’Opposante est composée d’un seul mot inventé.

[21] En ce qui concerne la Marque, elle est composée d’un mot inventé et d’un dessin. À cet égard, la Requérante soutient que l’élément frappant de la Marque de même que celui qui contribue à largement la distinguer de la marque de commerce de l’Opposante est son élément dessin qu’elle qualifie comme étant le « logo », à savoir l’élément rond (la « pastille ») apparaissant à gauche du mot « buki ». Ce logo est, selon la Requérante, un élément qu’un consommateur — sous le coup d’une première impression — remarquerait, sans toutefois nécessairement porter attention à ce qui le compose (soit les lignes qui y sont intégrées et ce qu’elles pourraient ou non représenter). La Requérante ajoute que la syllabe « KA » de même que les deux lettres « OO » faisant partie du mot KABOOKI contribuent de façon importante aux différences visuelles et phonétiques entre les marques en l’espèce. La Requérante soutient également que les marques des parties suggèrent des idées différentes puisque le mot « buki » dans la Marque est inventé alors que la marque de commerce de l’Opposante pourrait être perçue comme une référence au mot du dictionnaire « kabuki » désignant un genre de théâtre japonais.

[22] Je ne peux souscrire à l’argument que le logo, tel que décrit par la Requérante, serait l’élément frappant ou dominant de la Marque. Il est évident à mon avis que le logo ne contient pas des traits ou lignes « aléatoires », mais est plutôt composé de la lettre « k » représentée sur un arrière-plan foncé à l’intérieur d’une pastille et serait vraisemblablement perçu de la sorte. Je remarque d’ailleurs à cet égard qu’il existe un jeu de formes et de contrastes dans la Marque : la forme de la lettre « k » — blanche sur fond noir — intégrée dans ce logo est quasi identique à celle — cette fois noire sur fond blanc — retrouvée dans le mot « buki », et la forme de la pastille est identique à l’arrondi de la lettre « b » composant le mot « buki ». Bref, comme il s’agit essentiellement de la lettre « k » positionnée sur un arrière-plan foncé, je ne considère pas que l’aspect du logo dans la Marque soit particulièrement frappant, ni ne soit dominant par rapport à l’élément « buki ».

[23] Cela dit, il m’apparaît difficile dans les circonstances d’identifier avec certitude comment la Marque serait perçue. Par exemple, il me semble que visuellement et phonétiquement, un consommateur pourrait tout aussi bien percevoir « k buki » que « buki » comme ce qui en ressort. Le fait qu’à quelques occasions dans sa preuve tant la Requérante que son distributeur utilisent « BUKI » ou « Buki » pour référer à la Marque (par exemple, dans des descriptions telles « commande BUKI » ou « Livraison Buki » apparaissant à même certaines des factures de la pièce RD) supporte, du moins dans une certaine mesure, la deuxième hypothèse. Comme déjà mentionné, la Requérante soutient toutefois une position contraire, à savoir que ce serait plutôt le logo qui serait perçu comme ce qui ressort de la Marque.

[24] Quoi qu’il en soit, si un consommateur percevait « k buki » comme l’aspect frappant de la Marque, j’estime que cela résulterait en un degré de ressemblance très élevé entre les marques en l’espèce, particulièrement aux niveaux phonétique et des idées suggérées étant donné que chacun des mots « k buki » et « kabooki » pourrait être perçu comme une référence ou une allusion au mot « kabuki » et aux notions de jeu, de chant et de danse que ce terme peut évoquer, particulièrement dans un contexte de vêtements pour enfants.

[25] D’un autre côté, si un consommateur percevait « buki » comme l’aspect frappant de la Marque, alors le degré de ressemblance serait atténué. Il se peut toutefois que même dans un tel cas la prononciation et les idées suggérées par les marques ne soient pas fort différentes, puisque je ne suis pas convaincue que la lettre « k » figurant dans la pastille dans la Marque ne pourrait pas malgré cela être perçue, prononcée ou considérée sous le coup d’une première impression comme contribuant à donner un sens à la Marque (à savoir un clin d’œil au mot « kabuki ») lorsque considérée dans son ensemble.

[26] Par conséquent, j’estime que l’appréciation globale du facteur énoncé à l’article 6(5)e) de la Loi favorise l’Opposante.

Caractère distinctif inhérent des marques et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[27] Les marques en l’espèce possèdent un caractère distinctif inhérent semblable. Comme discuté plus haut, les deux sont composées de mots inventés pouvant (possiblement) être perçus comme une référence au mot « kabuki ». L’élément graphique représentant une pastille dans laquelle se trouve la lettre « k » et le lettrage stylisé faisant partie de la Marque n’accroissent pas à mon avis de façon importante son caractère distinctif inhérent, lorsque la Marque est considérée dans son ensemble.

[28] En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues, il convient de procéder à une revue de la preuve des parties.

Preuve de l’Opposante – l’affidavit d’Eric Chamberland

[29] M. Chamberland est vice-président ̶ sports & fitness d’ACI Brands Inc. (ACI), un fournisseur à divisions multiples axé sur l’ensemble des canaux de vente au détail du Canada et des États-Unis [paras 1 et 2].

[30] M. Chamberland affirme que l’Opposante conçoit, produit, met en marché, vend et distribue des vêtements pour enfants sous la marque LEGO Wear, sous licence de « LEGO » [para 5].

[31] M. Chamberland affirme que l’Opposante détient la marque de commerce KABOOKI et est autorisée à employer les marques de commerce de LEGO (« the LEGO Trademarks ») pour les « Produits » (« the Products ») mis en marché et vendus au Canada par l’Opposante [para 6]. Je note que M. Chamberland ne définit pas ce qu’il entend exactement par ce terme. Cela dit, il est permis de croire, vu le contexte et considérant l’affidavit dans son ensemble, que la désignation « Produits » réfère globalement à des vêtements pour enfants vendus en liaison avec la marque de commerce KABOOKI. J’emploierai donc ci-après l’expression « Produits » comme retrouvée dans l’affidavit de M. Chamberland et comme s’entendant d’une référence générale à des vêtements pour enfants.

[32] M. Chamberland affirme qu’ACI est un distributeur autorisé de l’Opposante au Canada qui détient les droits nécessaires à la mise en marché et à la vente des Produits de l’Opposante sur le marché canadien, de même que les droits visant l’emploi de la marque de commerce KABOOKI et les marques de commerce de LEGO au Canada. Il affirme plus spécifiquement que l’Opposante vend les Produits à ACI, qui à son tour les vend à des détaillants canadiens tels Sporting Life, Sports Experts et SAIL. [paras 7 et 9]

[33] M. Chamberland affirme que l’Opposante contrôle en tout temps les caractéristiques et la qualité des Produits vendus en liaison avec la marque KABOOKI en supervisant le processus de fabrication et en effectuant un contrôle de la qualité. Il affirme aussi que l’Opposante surveille et contrôle l’emploi qui est fait de la marque KABOOKI au Canada par ACI et il donne quelques exemples de la façon dont cela est fait. [para 10]

[34] M. Chamberland affirme que la marque de commerce KABOOKI a été employée au Canada en liaison avec les Produits depuis le début (« early ») 2019 [para 8]. Plus spécifiquement, M. Chamberland affirme qu’ACI a placé une commande pour les Produits en janvier 2019, commande qui a été livrée à ACI en juin 2019 [para 12, pièce B]. Il affirme aussi qu’ACI a commandé des échantillons des Produits de l’Opposante en mars 2019 [para 11, pièce A]. À titre illustratif, je reproduis ci-dessous le pied de page apparaissant sur la facture et les pages de confirmation de commande retrouvées aux pièces A et B.

Pied de page :

[35] Il convient de noter à ce stade que dans la plupart des exemples d’emploi de la marque de commerce KABOOKI produits en preuve, celle-ci figure sous la même forme stylisée que celle illustrée au paragraphe précédent. Je suis satisfaite que l’emploi de cette forme stylisée vaut pour l’emploi de la marque nominale KABOOKI, laquelle préserve à mon avis son identité et demeure somme toute reconnaissable dans le contexte de son emploi [selon Registraire des marques de commerce c Compagnie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); et Nightingale Interloc c Prodesign (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)]. J’ajouterai que si je suis dans l’erreur sur ce point, cela ne changerait pas le résultat ultime de mon analyse sous ce motif d’opposition fondé sur la marque nominale enregistrée de l’Opposante.

[36] M. Chamberland affirme qu’en 2019, l’achat des Produits de l’Opposante par ACI a excédé 230 000 $ US et il fournit une ventilation du nombre d’unités achetées par types de Produits [para 13]. Bien que volumineuse, je note que l’énumération des Produits ainsi vendus se limite somme toute aux seuls items suivants : vestes, habits de neige, cardigans, pantalons de ski, gants, mitaines, cache-cous et chapeaux.

[37] M. Chamberland fournit également des photographies de certains vêtements dites représentatives de ceux qui ont été vendus à ACI en 2019. Ces photographies montrent notamment des « étiquettes KABOOKI » (« KABOOKI hangtags »), étiquettes qui — selon les affirmations de M. Chamberland — sont jointes aux Produits de l’Opposante lorsque ceux-ci sont envoyés à des détaillants canadiens, de même qu’au moment de la vente de ces produits par des détaillants à des consommateurs. [paras 13 à 20, pièces C à H] À la revue des étiquettes, je note qu’elles arborent la Marque de même que des mentions sensiblement similaires à celles reproduites au paragraphe 34 ci-dessus retrouvées sur la facture et la confirmation de commande des pièces A et B. Je note aussi que certaines étiquettes affichent des prix exprimés en de nombreuses devises étrangères et pas en dollars canadiens. Toutefois, ceci ne m’apparaît pas nécessairement fatal à la lumière des factures produites par M. Chamberland attestant de la vente de Produits au Canada. Par ailleurs, cela n’empêcherait vraisemblablement pas un détaillant canadien d’également apposer ses propres étiquettes de prix sur les Produits revendus.

[38] M. Chamberland affirme qu’ACI a reçu des commandes pour les Produits de l’Opposante de la part de SAIL, de Sporting Life et de Sports Experts et il joint des copies de factures datées de 2019, dites représentatives de celles émises par ACI pour la vente de ces Produits [para 21, pièce I]. Je note qu’il existe une corrélation claire entre divers produits initialement commandés par ACI et ceux ultimement facturés à des détaillants ontariens et québécois (voir, par exemple, les noms et codes de produits incluant certaines couleurs et grandeurs à la pièce B et ceux apparaissant à la pièce I).

[39] En termes de publicité, M. Chamberland affirme qu’ACI a participé à une exposition chez Sports Experts pour présenter les Produits de l’Opposante. M. Chamberland affirme également qu’ACI fait la promotion des Produits de l’Opposante à travers des catalogues tant en ligne, que papier. Il fournit un lien pour accéder à un catalogue en ligne, de même qu’une copie de la dernière page (le dos) d’un catalogue de produits papier, dite représentative de la dernière page des catalogues fournis aux détaillants canadiens. [paras 22 à 24] Je note que si l’Opposante souhaitait que le contenu d’un catalogue en ligne soit pris en considération à titre de preuve, M. Chamberland aurait dû en fournir une copie et la joindre comme pièce à son affidavit. Je note aussi qu’aucun détail n’est fourni en ce qui concerne l’exposition, la consultation des catalogues en ligne ou la circulation des catalogues papier en question.

Preuve de la Requérante – déclaration solennelle de Louis Ruelland

[40] M. Ruelland est le directeur général de la Requérante, une entreprise spécialisée dans la conception, la fabrication et la vente de vêtements pour enfants depuis plus de 20 ans. [paras 1 et 3]

[41] M. Ruelland affirme que dès 2018, la Requérante a conçu et produit une collection d’habits de neige pour enfants en association avec la Marque et il joint comme pièce RA un document détaillant le contenu de cette collection [para 7]. Bien qu’une des deux pages jointes est incomplète, je note que ces pages dépeignent des habits de neige pour garçons et filles de 2 à 8 ans (« Snowsuit (coat+pants) ») et qu’elles arborent toutes deux la Marque.

[42] M. Ruelland affirme que la Requérante a par la suite conçu et produit des collections d’habits de neige pour enfants en association avec la Marque pour les années 2019 et 2020 et il joint comme pièce RB des documents détaillant le contenu de ces collections [para 8]. Je note notamment la présence de feuillets décrivant les détails techniques des vêtements pour enfants associés à la Marque.

[43] M. Ruelland affirme que durant la même période et depuis aussi tôt que le 18 décembre 2017, la Requérante a vendu et distribué sa collection d’habits de neige en association avec la Marque sur le territoire canadien et il joint comme pièce RC deux commandes de la société J. M. Clément Ltée (Clément) [para 9]. M. Ruelland affirme également que Clément a par la suite effectué des commandes pour la collection de vêtements associée à la Marque en 2018 et 2019 et il joint comme pièce RD quelques factures à cet effet [para 10]. Je note que les commandes reçues par la Requérante le 18 décembre 2017 et illustrées à la pièce RC visent sa collection hiver 2018, semblent prévoir une possibilité d’annulation, et annoncent une livraison en septembre 2018. Au moins une partie de ces commandes semble par ailleurs avoir été livrée et facturée seulement à l’automne 2018, tel que cela appert de la pièce RD (voir par exemple la commande no 222104 en partie transposée sur les factures nos 71306 et 71879 respectivement datées des 28 septembre et 23 octobre 2018).

[44] M. Ruelland explique que Clément est une importante entreprise de vente au détail dans la province de Québec qui exploite 29 magasins au Canada [para 11]. Aucun détail n’est toutefois fourni quant à l’emplacement des magasins en question au pays.

[45] M. Ruelland affirme enfin qu’en plus de vendre les vêtements de la collection de la Requérante associée à la Marque dans ses boutiques, Clément vend également ladite collection via sa boutique en ligne sur le site clement.ca et il joint comme pièce RF des extraits de ce site web qui semblent avoir été imprimés le 16 mars 2020 [para 12]. Il est difficile de voir si les habits de neige montrés sur ces extraits arborent effectivement la Marque. Je note toutefois que la Marque apparaît à quelques endroits à même les pages de ce site web. Cela dit, aucune statistique n’est fournie en ce qui concerne la consultation du site web.

Conclusion sur la mesure dans laquelle les marques des parties sont devenues connues

[46] À l’audience, la Requérante a soulevé quelques lacunes dans la preuve de M. Chamberland, incluant notamment l’imprécision entourant le terme « Produits », des étiquettes dites « problématiques » (principalement en raison de la façon dont la Marque y apparaît et des prix qui n’y sont pas en dollars canadiens), de même qu’un manque de détails et de clarté concernant les efforts publicitaires déployés.

[47] À mon avis, la preuve de chacune des parties résumée ci-dessus présente son lot de lacunes. Par exemple, la preuve de la Requérante ne fait état d’aucune dépense publicitaire ou promotionnelle et ne contient pas de détails sur la façon dont la Marque est promue. De même, en termes de ventes, aucun chiffre n’est fourni par M. Ruellant – la preuve de la Requérante faisant simplement état de huit factures jointes en pièce RD de la déclaration de M. Ruellant, totalisant approximativement 115 000 $ en ventes à un seul et même détaillant, à savoir Clément. En ce qui concerne la preuve de l’Opposante, bien que M. Chamberland affirme que l’achat des Produits de l’Opposante par ACI ait excédé 230 000 $ US et qu’il détaille le nombre d’unités achetées par types de Produits, il n’en demeure pas moins que la preuve de l’Opposante établit seulement la vente au Canada de quelques-uns des articles vestimentaires couverts par l’enregistrement de l’Opposante. Qui plus est, les ventes effectuées par ACI à des détaillants canadiens semblent se limiter au Québec et en Ontario, dans une proportion indéterminée. Enfin, en termes de publicité et de promotion, M. Chamberland ne fournit aucune dépense, ni de détails concernant l’exposition référencée, le contenu ou la consultation des catalogues promotionnels disponibles en ligne, ou la circulation des catalogues promotionnels en format papier.

[48] Au final, nonobstant ces lacunes et les représentations faites lors de l’audience, je suis prête à accepter, considérant l’affidavit de M. Chamberland dans son ensemble, que la marque de commerce de l’Opposante est employée depuis 2019 en liaison avec certains vêtements pour enfants (soit des vestes, habits de neige, cardigans, pantalons de ski, gants, mitaines, cache-cous et chapeaux). Je suis également prête à accepter que la Marque est employée depuis 2018 en liaison avec des produits similaires (à savoir essentiellement des habits de neige). Cela dit, en raison des imprécisions soulevées ci-dessus, je suis tout au plus prête à conclure que les marques des parties sont devenues minimalement connues au Canada.

[49] J’estime donc que le facteur énoncé à l’article 6(5)a) de la Loi, qui englobe à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis des marques de commerce, ne favorise de façon manifeste aucune des parties.

Période pendant laquelle les marques ont été en usage

[50] Le facteur énoncé à l’article 6(5)b) de la Loi favorise la Requérante puisqu’elle a démontré l’emploi de la Marque depuis 2018 par opposition à 2019 dans le cas de l’Opposante.

Genre de produits, services ou entreprises et nature du commerce

[51] La Requérante ne conteste pas que les produits des parties sont identiques (les marques couvrant toutes deux des vêtements pour enfants) et que les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) de la Loi favorisent l’Opposante. Elle fait toutefois valoir que ces facteurs ne sont pas déterminants en l’espèce et ne devraient pas l’emporter sur celui concernant le degré de ressemblance entre les marques.

Conclusion sur la probabilité de confusion

[52] Tel que précédemment mentionné, le degré de ressemblance entre les marques de commerce est effectivement l’un des critères les plus importants dans l’appréciation de la probabilité de confusion et prend d’avantage d’importance dans les cas où les produits sont les mêmes ou se ressemblent.

[53] Comme je trouve que les marques en l’espèce se ressemblent tout compte fait plus qu’elles ne diffèrent, que les produits sont identiques et qu’il existe un chevauchement potentiel dans les voies de commercialisation des parties, je conclus que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et la marque KABOOKI de l’Opposante.

[54] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi est accueilli.

Motifs restants sommairement rejetés

Article 30e) – non-conformité de la demande

[55] L’Opposante a plaidé que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30e) de la Loi parce que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque au Canada.

[56] Aucune preuve ou observation n’a toutefois été fournie à l’appui de cette allégation. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30e) de la Loi est sommairement rejeté.

Article 2 – absence de caractère distinctif de la Marque

[57] L’Opposante a plaidé que la Marque n’est pas distinctive et n’est pas adaptée à distinguer les produits et services de la Requérante de ceux de l’Opposante (« those of the Opponent »). Dans le contexte, je comprends que l’Opposante réfère ici aux produits offerts en liaison avec sa marque de commerce KABOOKI.

[58] Pour s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante doit démontrer que sa marque KABOOKI était suffisamment connue en date du 29 avril 2019 pour annuler le caractère distinctif de la Marque. Plus spécifiquement, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce était connue au Canada au moins jusqu’à un certain point, ayant acquis une réputation « importante, significative ou suffisante » ou était autrement « bien connue dans une région précise du Canada ». [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, aux paras 25 à 34]

[59] Comme cela ressort de ma discussion ci-dessus de l’affidavit de M. Chamberland, bien que j’ai conclu à l’existence d’un emploi de sa marque KABOOKI, la preuve de l’Opposante contient des lacunes qui m’empêchent de conclure que cette marque de commerce était devenue connue à la date de production de la déclaration d’opposition au point requis par la jurisprudence pour affecter le caractère distinctif de la Marque.

[60] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 2 de la Loi est aussi rejeté.


Décision

[61] En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Iana Alexova

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2022-06-02

COMPARUTIONS

Aucune comparution

Pour l’Opposante

 

Gabriel St-Laurent

Pour la Requérante

 

AGENTS AU DOSSIER

NORTON ROSE FULBRIGHT CANADA LLP/S.E.N.C.R.L.,S.R.L.

Pour l’Opposante

ROBIC

Pour la Requérante

 

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