Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Référence : 2022 COMC 155

Date de la décision : 2022-08-10

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Methanex Corporation

Opposante

et

 

Suez International, société par actions simplifiée

Requérante

 

1,871,598 pour METHANIS

Demande

Aperçu

[1] Suez International, société par actions simplifiée (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce METHANIS (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1,871,598 (la Demande) en liaison avec les produits suivants, tels que révisés par la Requérante :

Systèmes mécaniques pour purifier le biogaz et le convertir en gaz naturel renouvelable, nommément machines d’épuration des gaz et séparateurs pour l’assainissement et la purification des gaz. (Les Produits)

[2] Methanex Corporation (l’Opposante) est une entreprise chimique qui produit et fournit du méthanol. L’Opposante s’oppose à la demande en raison d’une confusion présumée avec son nom commercial « Methanex Corporation » (le nom commercial) et ses marques de commerce déposées METHANEX et METHANEX & Globe Design (collectivement, les Marques METHANEX), dont les détails complets sont indiqués à l’Annexe A aux présentes.

[3] Pour les raisons qui suivent, l’opposition est rejetée.

Le dossier

[4] La Demande a été déposée le 6 décembre 2017 sur la base de l’emploi projeté de la Marque au Canada et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 7 août 2019.

[5] Le 4 octobre 2019, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la Demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Je note que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Comme la Demande a été annoncée après le 17 juin 2019, la Loi, telle que modifiée, s’applique (voir l’article 69.1 de la Loi).

[6] L’Opposante soulève des motifs d’opposition fondés sur la non-enregistrabilité de la Marque en vertu des articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi; l’absence de droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des articles 38(2)c) et 16(1)a) et (1)c) de la Loi; l’absence de droit d’employer la Marque en vertu de l’article 38(2)f) de la Loi; et l’absence de caractère distinctif de la Marque en vertu des articles 38(2)d) et 2 de la Loi.

[7] La Requérante a produit une contre-déclaration niant les motifs d’opposition.

[8] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit un affidavit de son vice-président d’Amérique du Nord, Mark Allard, souscrit le 6 mars 2020 (l’affidavit Allard) et des copies certifiées conformes des enregistrements no LMC405,397 et no LMC908,802 pour les Marques METHANEX. À l’appui de sa Demande, la Requérante a déposé une déclaration solennelle de Michael Theodoulou, qui s’identifie comme étant qu’ingénieur gestionnaire principal de produit – Anaerobic Digestion Systems de Suez Water Technologies & Solutions Canada (Suez Water), assermentée le 27 juillet 2020 (la déclaration Theodoulou). Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

[9] Les deux parties ont produit des observations écrites et ont été représentées à l’audience.

Fardeau de la preuve

[10] L’Opposante a le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de l’existence de chaque motif d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau de preuve initial, la Requérante doit s’acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition en question ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155].

Analyse

Non-enregistrabilité de la Marque en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi

[11] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable, puisqu’elle crée de la confusion avec les Marques METHANEX de l’Opposante.

[12] J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que les enregistrements de l’Opposante sont en règle à la date d’aujourd’hui, qui est la date pertinente pour l’évaluation d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) [Park Avenue Furniture Corp c Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[13] Ainsi, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif d’opposition. Il incombe donc à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque avec l’une ou l’autre des Marques METHANEX de l’Opposante.

Le test en matière de confusion

[14] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[15] Ainsi, l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, mais la confusion portant à croire que les produits ou les services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l’espèce, la question est essentiellement de savoir si un consommateur, qui a un souvenir imparfait des Marques METHANEX de l’Opposante, qui voit les Produits de la Requérante en liaison avec la Marque, penserait qu’ils proviennent de l’Opposante, sont parrainés ou approuvés par elle.

[16] Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. En outre, le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même et varie en fonction des circonstances [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 pour un examen approfondi des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[17] Bien que les marques de commerce des parties soient des mots inventés, aucune d’entre elles n’est intrinsèquement forte.

[18] En effet, il est évident que le mot METHANEX composant les Marques METHANEX de l’Opposante est dérivé du mot « méthanol », qui est exactement le seul produit vendu par l’Opposante. J’ajouterai que je ne considère pas que le dessin stylisé d’un globe terrestre composant la marque METHANEX & Globe Design de l’Opposante confère un caractère distinctif inhérent important, car il est suggestif de la portée internationale des activités commerciales de l’Opposante.

[19] En ce qui concerne la Marque, je note que la Requérante estime qu’elle possède un degré de caractère distinctif inhérent plus élevé que les Marques METHANEX de l’Opposante, étant donné que les produits de la Requérante consistent en un système de machines pour purifier et convertir le biogaz en gaz naturel renouvelable. En d’autres termes, ce n’est pas le gaz naturel renouvelable (également appelé « biométhane », comme l’expliquent les documents joints à la déclaration de Theodoulou, en particulier la brochure METHANIS [Pièce MT-5]) que la Requérante vend, mais les machines permettant de le produire. Toutefois, étant donné que le système de machines de la Requérante est destiné à la récupération du biométhane à partir du biogaz, je suis d’accord avec l’Opposante pour dire que le lien entre la Marque et les produits de la Requérante est également évident.

[20] Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être renforcé parce qu’elle est devenue connue par la promotion ou l’emploi.

[21] Cela m’amène à examiner les preuves et les observations respectives des parties sur ce point.

Examen des preuves – Remarques préliminaires – Que sont le méthane et le méthanol?

[22] Compte tenu de la nature spécialisée et technique des produits respectifs des parties, j’estime qu’il est nécessaire de fournir quelques renseignements généraux sur le méthane et le méthanol. D’après mon examen de l’affidavit Allard (et de la Pièce 4 qui l’accompagne), le méthane et le méthanol peuvent être définis comme suit :

· Le méthanol (également appelé alcool méthylique) est un produit chimique liquide inodore, incolore, soluble dans l’eau et inflammable, dont la formule moléculaire est CH4O ou CH3OH.

Le méthanol est présent naturellement dans l’environnement et, en tant que molécule organique, il est un élément constitutif de la vie.

Au niveau mondial, le méthanol est principalement fabriqué à l’échelle industrielle à partir du gaz naturel. Il peut également être dérivé du méthane par différentes méthodes.

Le méthanol est un produit chimique essentiel utilisé pour produire d’autres dérivés chimiques, qui sont à leur tour utilisés pour produire des centaines de produits de consommation et industriels, notamment des peintures, des plastiques, des matériaux de construction, des mousses, des résines, du polyester, des solvants, de l’antigel et une grande variété de produits de santé et pharmaceutiques.

Le méthanol est également un carburant biodégradable à combustion propre. Environ 45 % de la production mondiale de méthanol est actuellement utilisée dans des applications liées à l’énergie. Par exemple, le méthanol peut être utilisé seul comme carburant pour véhicules ou mélangé directement à l’essence pour produire un carburant efficace à indice d’octane élevé.

· Le méthane est un gaz inodore, incolore et inflammable dont la formule moléculaire est CH4.

Il s’agit d’un composant principal du gaz naturel, qui constitue la majorité du gaz naturel en volume.

En plus d’être présent naturellement dans l’environnement, le méthane peut également être fabriqué, notamment par la combustion de la biomasse et la gestion des déchets (par la décomposition des boues par des bactéries dans les installations de gestion).

Le méthane peut également être utilisé pour produire de l’hydrogène et du plastique.

La preuve de l’Opposante – l’affidavit Allard

[23] Je résume ci-dessous les parties de l’affidavit de M. Allard que je considère comme les plus pertinentes concernant l’étendue de l’emploi et de la promotion des Marques METHANEX.

[24] M. Allard atteste essentiellement de ce qui suit :

METHANEX & DESIGN

[25] À l’appui des affirmations ci-dessus, M. Allard joint les pièces suivantes à son affidavit :

[26] Je note à ce stade que je suis convaincue que tous les emplois faits de l’ancien logo ou du logo actuel (soit seul, soit en combinaison avec l’expression « the power of agility » affichée en taille beaucoup plus petite sous le mot METHANEX) dans les pièces susmentionnées constituent également un emploi de la marque nominale METHANEX, car ce mot se démarque nettement de l’élément figuratif du globe (et d’autres éléments de lecture) [selon Registraire des marques de commerce c Cie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); et Nightingale Interloc c Prodesign (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)].

[27] Tant dans ses observations écrites qu’à l’audience, la Requérante a soutenu que l’affidavit Allard ne démontre pas l’emploi, conformément à l’article 4 de la Loi, des Marques METHANEX en liaison avec le méthanol en soi, ou l’un ou l’autre des services (1), (2), (4) et (5) visés par l’enregistrement no LMC908,802 de l’Opposante. Essentiellement, la Requérante a soutenu que la preuve de l’emploi par l’Opposante est insuffisante à plusieurs égards parce que : (i) aucun des documents produits en pièce ne démontre comment l’une ou l’autre des Marques METHANEX est liée au méthanol produit et distribué par l’Opposante; (ii) les chiffres de vente fournis par M. Allard n’identifient pas ce qui a généré les recettes; et (iii) les factures de la Pièce 10 font renvoi à des quantités de produits seulement – elles ne définissent pas le genre des produits et ne donnent aucune indication sur le lien entre les produits et l’une ou l’autre des Marques METHANEX de l’Opposante au moment de la vente.

[28] Je suis partiellement en désaccord avec la Requérante.

[29] Comme l’a fait valoir l’Opposante lors de l’audience et comme il ressort des documents qu’elle a présentés en pièce, le méthanol est le seul produit qu’elle fabrique. Par exemple, je note que sur les extraits du site Web de l’Opposante joints à la Pièce 4 de l’affidavit Allard, l’activité de l’Opposante est décrite comme suit :

[traduction]

Nous sommes le plus grand producteur et fournisseur de méthanol au monde sur les principaux marchés internationaux en Amérique du Nord, en Asie-Pacifique, en Europe et en Amérique du Sud.

 

Nos sites de production stratégiquement positionnés et notre vaste chaîne d’approvisionnement mondiale nous permettent de fournir à nos clients un approvisionnement fiable et sûr en méthanol.

[…]

Les plus grandes entreprises du monde choisissent Methanex parce qu’elles nous font confiance. Nous offrons à nos clients la tranquillité d’esprit grâce à notre capacité à nous adapter et à répondre rapidement à leurs besoins, et nous assurons un approvisionnement sûr en méthanol grâce à nos opérations sûres, fiables et rentables.

Nous sommes fiers d’être le fournisseur principal de certains des plus grands consommateurs de méthanol au monde. En Amérique du Nord, en Asie-Pacifique, en Europe et en Amérique du Sud, nos clients comptent sur nous pour leur fournir ce composant chimique essentiel utilisé dans d’innombrables produits industriels et de consommation et dans des applications liées à l’énergie.

Grâce à notre vaste chaîne d’approvisionnement mondiale et à notre réseau de distribution de terminaux et d’installations de stockage, nous livrons du méthanol à des clients du monde entier par camion, camion-citerne, barge, train et pipeline. Notre chaîne d’approvisionnement mondiale est soutenue par la plus grande flotte de méthaniers au monde.

[30] Je suis donc d’avis avec l’Opposante qu’on peut raisonnablement déduire que le produit, décrit en volume (kg), dans toutes les factures jointes à la Pièce 10 de l’affidavit Allard, est constitué de méthanol.

[31] Toutefois, je partage l’avis de la Requérante selon lequel les factures produites en pièce ne fournissent aucune indication sur le lien entre le méthanol de l’Opposante et l’une ou l’autre des Marques METHANEX au moment du transfert. En effet, bien que les factures portent la marque METHANEX & Globe Design, rien n’indique que les factures accompagnaient les produits au moment du transfert, de sorte qu’un avis de liaison entre les Marques METHANEX et le méthanol vendu soit donné conformément à l’article 4 de la Loi. En outre, je ne suis pas disposée à supposer que les factures accompagnaient les produits au moment du transfert en l’absence de preuves à cet effet [selon Riches, McKenzie & Herbert c Pepper King Ltd (2000), 2000 CanLII 16133 (CF), 8 CPR (4th) 471]. À cet égard, il convient de noter qu’à l’exception de six factures, la date d’expédition des produits et la date d’émission des factures ne coïncident pas. En outre, pour les quelques factures dont la date d’expédition et la date d’émission sont identiques, les informations relatives à la « Facture à » et à la « Destination » indiquées dans la partie non caviardée des factures ne coïncident pas, mais montrent plutôt des numéros de « Customer # CAN » différents.

[32] Je comprends que le méthanol est un produit chimique qui doit être manipulé en toute sécurité et qu’ainsi, l’emballage « traditionnel » peut ne pas s’appliquer. Il n’en demeure pas moins que la preuve au dossier de l’Opposante ne démontre pas comment l’une ou l’autre des Marques METHANEX est associée au méthanol en soi au moment du transfert conformément à l’article 4 de la Loi.

[33] En ce qui concerne les services enregistrés de l’Opposante, je suis d’accord avec la Requérante pour dire qu’à l’exception des services (3) décrits comme « distribution et fourniture de méthanol », l’affidavit d’Allard ne démontre pas l’emploi de l’une ou l’autre des Marques METHANEX avec l’un des services (1), (2), (4) et (5). Comme l’a admis l’Opposante lors de l’audience, les extraits de sites Web « sélectionnés » joints en tant que Pièces 3 et 4 à l’affidavit Allard ne fournissent aucune information concernant ces services particuliers. Je ne veux pas dire par là que l’Opposante ne fournit aucun de ces derniers services, mais seulement qu’il n’existe tout simplement pas de fondement factuel suffisant pour pouvoir déduire l’emploi des Marques METHANEX à l’égard de ces services au Canada.

[34] Comme les chiffres de ventes fournis par M. Allard aux paragraphes 22 et 23 de son affidavit ne sont pas ventilés, je suis d’avis avec la Requérante que je ne peux pas déterminer avec précision quel pourcentage des revenus de l’Opposante est attribuable aux ventes de méthanol et quels revenus sont liés aux services enregistrés de la Requérante. Cependant, en considérant l’affidavit Allard dans son ensemble, je trouve raisonnable de déduire qu’au moins une partie de ces ventes serait attribuable à la distribution et à la fourniture de méthanol en liaison avec les Marques METHANEX. À cet égard, je note que la plupart des factures jointes comme Pièce 10 à l’affidavit Allard se rapportent apparemment à la livraison de méthanol à différentes dates réparties sur une période d’environ un mois. Par exemple, la facture no CA20150000013 datée du 31 janvier 2015 et facturée au #Customer CAN10010 à Toronto indique 31 « Order/Release# » ainsi que les « Transport Details » correspondants au #Customer CAN10262 à Grande Prairie, Canada, entre le 5 et le 30 janvier 2015; et la facture no CA2018000821 datée du 30 juin 2018 et facturée au #Customer CAN10053 à Delta, C.-B., indique 12 « Order/Release# » ainsi que les « Transport Details » correspondants au #Customer CAN10160 à Grande Prairie, Canada, entre le 1er et le 30 juin 2015.

[35] En résumé, compte tenu des lacunes et de l’imprécision de la preuve de l’Opposante quant au mode ou à l’étendue de l’emploi de ses Marques METHANEX, je ne suis pas prête à conclure, comme l’Opposante le souhaite, que ses Marques METHANEX (et son nom commercial) sont devenus bien connus au Canada et qu’elles [traduction] « se classent très haut sur l’échelle du degré de caractère distinctif ». Toutefois, compte tenu du nombre limité de fournisseurs de produits chimiques au Canada (membres de l’ACFPC – environ 50 [Pièce 5 de l’affidavit Allard]), je suis disposée à conclure que l’Opposante est reconnue comme un fournisseur de produits chimiques au Canada et que ses Marques METHANEX (et son nom commercial) sont devenus connus dans une certaine mesure au Canada en liaison avec la distribution et la fourniture de méthanol.

La preuve de la Requérante – la déclaration Theodoulou

[36] Je résume ci-dessous les parties de la déclaration de Theodoulou que je considère comme les plus pertinentes concernant l’étendue de l’emploi et de la promotion de la Marque.

[37] M. Theodoulou déclare essentiellement ce qui suit :

[traduction]

[38] À l’appui des affirmations ci-dessus, M. Theodoulou joint les pièces suivantes à son affidavit :

· Pièce MT-1 : images de l’équipement METHANIS;

· Pièce MT-2 : copie de trois « propositions », notamment :

o une proposition datée du 9 septembre 2019 « pour le système SUEZ Methanis™ pour la purification et la compression du biogaz provenant des digesteurs anaérobies existants de l’installation du CTBM [Centre de traitement de la biomasse de la Montérégie Inc.] située à Saint-Pie dans la région de la Montérégie au Québec »;

o une proposition datée du 19 juin 2019 pour « le système SUEZ Methanis™ pour la purification et la compression du biogaz provenant des digesteurs anaérobies existants de la Gold Bar WWTP [Wastewater Treatment Plant]) située à Edmonton, Alberta » et

o une proposition datée du 14 juin 2018 pour l’installation de biométhanisation de Montréal.

· Pièces MT-3 et MT-4 : des extraits du site Web www.suezwatertechnnologies.com, faisant référence au système de valorisation du gaz METHANIS comme solution pour la gestion du biogaz;

· Pièce MT-5 : une brochure téléchargeable décrivant le système de valorisation du biogaz METHANIS et son fonctionnement;

· Pièce MT-6 : un communiqué de presse de Paris daté du 8 octobre 2019, annonçant que la Ville de Montréal a signé un contrat avec « Suez » pour concevoir, construire, exploiter et maintenir un centre de traitement des déchets organiques dans l’est de l’île de Montréal, et qui comporte une note de bas de page sur le fait que le système METHANIS en fait partie. Comme il est mentionné dans ce communiqué de presse, et comme cela a été expliqué plus en détail par M. Theodoulou, l’installation devrait être mise en service en 2022 et constitue le deuxième contrat remporté en 2019 par la Requérante à Montréal. Plus particulièrement, cette installation est le deuxième centre de traitement des déchets organiques prévu par la Ville de Montréal pour récupérer et détourner ses déchets organiques des sites d’enfouissement. En avril 2019, la Requérante a été sélectionnée par la Ville de Montréal pour concevoir, construire et exploiter le premier centre de traitement des déchets organiques de la ville, situé dans l’arrondissement de Saint-Laurent et utilisant l’équipement METHANIS;

· Pièce 7 un dossier d’une présentation donnée par M. Theodoulou à un « groupe industriel » non identifié de clients potentiels à l’été 2019 à Québec.

[39] Tant dans ses observations écrites qu’à l’audience, l’Opposante a soutenu que [traduction] « la déclaration de M. Theodoulou indique clairement que l’achèvement du premier système de machines commercialisé sous la marque n’est pas prévu avant au moins 2022 » et que [traduction] « puisqu’aucun transfert de propriété ne peut avoir lieu avant l’achèvement du projet, il ne peut y avoir d’emploi de la [Marque] à l’égard des Produits au sens de l’article 4 de la Loi ». Je suis d’accord avec l’Opposante.

[40] Je suis également d’avis avec l’Opposante que même en supposant que la Marque soit devenue connue par des présentations à quelques personnes, l’étendue du caractère distinctif acquis est [traduction] « insignifiante à la lumière de l’emploi à long terme des [Marques METHANEX et du nom commercial de l’Opposante] ». Par ailleurs, je note que la Requérante ne semble pas nier que la Marque n’a pas acquis de caractère distinctif significatif par son emploi au Canada.

Conclusion sur ce premier facteur

[41] Compte tenu de la combinaison du caractère distinctif inhérent et acquis des marques de commerce des parties, je conclus que ce facteur favorise l’Opposante, mais uniquement en ce qui concerne la distribution et la fourniture de méthanol.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[42] Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, ce facteur est également favorable à l’Opposante en ce qui concerne la distribution et la fourniture de méthanol.

Le genre de produits, services ou entreprises; et la nature du commerce

[43] Pour évaluer le genre des produits, des services ou de l’entreprise et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des produits de la Requérante avec l’état déclaratif des produits et services dans l’enregistrement invoqué par l’Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. Toutefois, il faut lire ces états déclaratifs en essayant de déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce prévu par les parties plutôt que tous les commerces possibles pouvant être visés par le libellé. Une preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile à cet égard [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); American Optional Corp cAlcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[44] Les Produits de la Requérante couvrent un système de machines qui transforme le biogaz en gaz naturel renouvelable, tandis que les Marques METHANEX de l’Opposante couvrent le méthanol, ainsi que divers services relatifs à la fourniture et à la distribution de méthanol et à l’exploitation de sites de production de méthanol, entre autres choses.

[45] Comme le reconnaît l’Opposante, il n’y a pas de chevauchement dans les déclarations de produits et services. Toutefois, l’Opposante soutient que les grandes ressemblances et la parenté dans la nature du méthane et du méthanol rendent les différences entre ce qui semble être des produits et services clairement distincts beaucoup moins évidentes. Plus particulièrement, l’Opposante soutient que :

[traduction]

56. Le système de machines associé à la [Marque] est destiné à récupérer le méthane du biogaz pour l’injecter directement dans les pipelines de gaz naturel (le méthane est un composant principal du gaz naturel […]). Le gaz naturel/méthane est une source de combustible énergétique. Le méthanol est également une source de combustible énergétique. Les applications de ces deux produits chimiques se chevauchent également en dehors de l’utilisation de l’énergie, par exemple pour la production de plastiques. Les deux produits chimiques sont inflammables, inodores et incolores, et partagent une composition moléculaire presque identique. Si une machine qui produit un produit ne propose pas un produit très similaire, ils ne peuvent pas, au minimum, être trop différents. Les deux produits ne sont pas identiques, mais ils doivent être considérés, à tout le moins, comme étant liés. […] la composition chimique des deux produits chimiques est presque identique, à l’exception d’une partie d’oxygène présente dans le méthanol.

57. En outre et surtout, compte tenu de l’usage intense et prolongé, l’Opposante devrait avoir droit à une protection représentant l’expansion naturelle et progressive de ses produits et services établis. L’Opposante exploite des sites et des terminaux qui produisent du méthanol. Selon nous, la construction d’un système de machines qui récupère un produit chimique étroitement lié (le méthane) pour la production d’une substance dont les applications se chevauchent (le carburant) n’est pas du tout farfelue.

58. L’enregistrement [de l’Opposante LMC908,802 pour le logo actuel] couvre bien plus que le méthanol. Il couvre notamment les services suivants, dont la nature recouvre directement ou est étroitement similaire aux services à fournir par la Requérante ou Suez Water :

LMC908802

(1) Services de gestion des affaires ayant trait à la production et au marketing du méthanol […] expertise industrielle relative […] à la manipulation sécuritaire du méthanol

(3) exploitation de terminaux de stockage de méthanol

(4) exploitation d’installations de production de méthanol, y compris […] d’installations de traitement de gaz naturel pour la production de méthanol, exploitation d’installations pour l’équipement, les services publics, la manutention des matériaux et les infrastructures […]

[…]

59. La déclaration Theodoulou […] indique que la Requérante ou Suez Water doit exploiter les équipements et installations de production de biométhane pour au moins certains de ses clients. […] Ainsi, alors que la Demande ne concerne que le système de machines, les offres commerciales réelles de la Requérante vont bien au-delà et comprennent des services d’exploitation et d’expertise industrielles, qui se recoupent directement avec ceux couverts par l’enregistrement du logo actuel.

60. Nous soutenons que même si la plupart des services visés par l’enregistrement du logo actuel sont spécifiquement liés au méthanol et que l’exploitation, les conseils et les services offerts par la Requérante ou Suez Water sont liés au méthane, la relation étroite entre le méthanol et le méthane rend toute différence dans le genre des services insignifiante, voire dénuée de sens. C’est d’autant plus vrai que le méthanol et le méthane sont des substances dangereuses. […]. Nous invitons la Commission à déduire que la nature de l’exploitation des deux installations présente un niveau élevé de similitudes. Si l’enregistrement de la [Marque] était accordé, cela reviendrait à permettre à la Requérante de contrefaire les Marques enregistrées ou de déprécier d’une autre manière l’achalandage de ces dernières, compte tenu des services réels que la Requérante ou Suez Water entendent fournir sous la [Marque] pour une substance étroitement liée. Les services que la Requérante ou Suez Water ont l’intention de rendre chevauchent directement les services que l’Opposante offre depuis longtemps.

[46] Respectueusement, je ne suis pas d’accord avec la position de l’Opposante pour les raisons suivantes.

[47] Comme le souligne la Requérante, il convient de distinguer le fournisseur d’un produit chimique, qui est un composant utilisé dans de multiples produits de toutes sortes, du producteur de machines destinées à des clients qui souhaitent transformer des déchets en méthane, une source d’énergie.

[48] Comme l’atteste l’affidavit Allard, l’Opposante est une entreprise chimique, productrice et fournisseur d’une matière première, le méthanol. Il n’y a aucune référence à un quelconque emploi ou à un quelconque enregistrement de la marque de commerce METHANEX (ou du nom commercial) en rapport avec un quelconque produit dérivé du méthanol. Il n’y a pas non plus de référence ni de preuve d’un quelconque usage de la marque de commerce METHANEX (ou du nom commercial) par l’Opposante en relation avec un quelconque service de transformation du méthanol en un quelconque produit fini.

[49] Comme le montre la déclaration de Theodoulou, la Requérante construit des machines sur mesure et travaille dans le domaine de la gestion intelligente et durable des ressources. La Requérante ne produit pas de méthane – ses machines sont destinées aux clients qui souhaitent purifier et transformer le biogaz en gaz naturel renouvelable (biométhane).

[50] À cet égard, je suis d’accord avec la requérante pour dire qu’en faisant l’« équation » entre le méthane et le méthanol, comme il est indiqué au paragraphe 56 des observations écrites de l’Opposante reproduites ci-dessus, l’Opposante établit un « lien artificiel ». L’Opposante ne compare pas son méthanol avec le produit de la Requérante.

[51] Je partage également l’avis de la Requérante selon lequel l’argument de l’Opposante exposé au paragraphe 57 de ses observations écrites, reproduit ci-dessus, n’est pas convaincant. Comme l’a noté la Requérante au paragraphe 60 de ses observations écrites :

[traduction]

Non seulement l’Opposante, bien établie au niveau mondial, ne s’est jamais étendue à la conception technique et à la construction de machines de quelque nature que ce soit pour des tiers, mais il n’existe aucune preuve suggérant de quelque manière que ce soit qu’il s’agit d’une progression naturelle pour cette entreprise. Les compétences, les travaux d’ingénierie, le savoir-faire et l’expertise de la Requérante n’ont aucun dénominateur commun avec les activités de l’Opposante.

[52] J’ajouterai à cet égard qu’à l’audience, l’Opposante s’est également appuyée sur l’extrait suivant du résumé de l’historique de l’entreprise de l’Opposante [Pièce 1 de l’affidavit Allard] pour faire valoir que puisque l’Opposante a développé une expertise dans l’exploitation de sites de production de méthanol, il n’y aurait aucune raison pour qu’elle ne puisse pas développer des machines comme les produits de la Requérante :

[traduction]

1998 : Methanex termine la mise à niveau environnementale, d’une valeur de 5 millions de dollars canadiens, de son système de traitement des eaux usées au site de production de Kitimat.

[53] Respectueusement, je ne trouve pas cet argument plus convaincant. Le simple fait que l’Opposante ait effectué une mise à niveau environnementale de son système de traitement des eaux usées en 1998 est insuffisant en soi pour tirer une conclusion significative quant à l’expertise de l’Opposante dans le développement d’un tel système de machines, sans compter que si l’Opposante avait développé une telle expertise, on se serait attendu à ce que M. Allard le dise particulièrement et développe ce sujet dans son affidavit.

[54] Je suis également d’avis avec la Requérante que le domaine d’activité de l’Opposante (industrie chimique) ainsi que celui de la Requérante (filière anaérobie) sont très spécialisés.

[55] Comme le souligne la Requérante au paragraphe 63 de ses observations écrites, de nombreuses déclarations différentes dans l’affidavit Allard confirment le degré de spécialisation des produits et des activités de l’Opposante :

[56] De même, à la lecture de l’affidavit de Theodoulou, on comprend l’utilisation et la destination du système de machines de la Requérante et sa complexité. Comme l’explique M. Theoduolou au paragraphe 20 de son affidavit, la Requérante vend et installe des systèmes d’équipement de traitement du gaz basés sur une technologie de séparation des gaz. Ses clients sont principalement des municipalités, mais il peut s’agir de n’importe quelle installation de biogaz : stations d’épuration des eaux usées, entreprises industrielles qui transforment des aliments et disposent de processus résiduels pour digérer les déchets et produire du biogaz, ou propriétaires privés d’une installation de biogaz renouvelable. Tous les systèmes sont fabriqués sur mesure, selon les spécifications de chaque client, et le prix dépend de la taille de l’installation du client, dans une fourchette de 2 000 000 à 10 000 000 de dollars canadiens. Le délai entre la demande du client et la livraison sur place est compris entre 12 et 18 mois.

[57] Je conviens avec la Requérante que les coûts de conception et de mise en œuvre des machines de la Requérante et le temps nécessaire à cette mise en œuvre sont éloquents quant à la nature très spécialisée des Produits de la Requérante.

[58] Enfin, contrairement à ce que peut suggérer l’argument de l’Opposante exposé aux paragraphes 58 à 60 de ses observations écrites reproduites ci-dessus, rien n’indique que la Requérante exploitera les équipements et les installations de production de biométhane pour ses clients en liaison avec la Marque. À cet égard, je crois comprendre que les propositions et le communiqué de presse joints en tant que Pièces MT-2 et MT-6 à l’affidavit de Theodoulou font uniquement renvoi à l’équipement METHANIS comme faisant partie de l’offre globale de la Requérante. Quoi qu’il en soit, et surtout, la demande ne concerne que le système de machines.

[59] Ceci m’amène à discuter de la nature du commerce.

[60] Dans ses observations écrites, l’Opposante affirme que :

62. À en juger les Produits, nous estimons qu’il est juste de supposer que l’univers pertinent des clients de la Requérante est constitué d’organisations qui possèdent ou ont accès à une grande quantité de biomasse ou de biogaz. Bien qu’elle ne soit pas limitée dans la demande, la déclaration de Theodoulou identifie spécifiquement les produits à vendre principalement aux municipalités et aux industries. (paragraphe 11).

63. L’Opposante produit du méthanol et offre divers services concernant le méthanol. Compte tenu des nombreuses applications potentielles du méthanol, l’univers pertinent des clients de l’Opposante est diversifié et comprend notamment le secteur industriel. […].

64. L’Opposante est le plus grand producteur et fournisseur de méthanol au monde, et l’un des rares fournisseurs de produits chimiques au Canada. L’Opposante est membre de l’ACFPC, qui compte parmi ses membres des entreprises qui produisent des biocarburants à partir de la biomasse (et qui possèdent donc probablement des machines et des systèmes pour produire des biocarburants). Ainsi, même si la [Marque] n’est pas employée en liaison avec le produit chimique réel, la relation de causalité directe entre le système et le produit dérivé et généré par ce système doit être considérée comme essentiellement identique aux fins de l’analyse relative à la confusion des marques de commerce. L’Opposant est une commanditaire et une conférencière régulières des événements et conférences de l’industrie, et y participe avec des fonctionnaires et des représentants du gouvernement, des politiciens, en plus des industries. Puisque ce groupe de personnes est également la clientèle cible des produits, la différence dans le genre de commerce et le circuit commercial entre la Marque opposée et les Marques enregistrées ne peut être significative. La certification Responsible Care® et les différents prix remportés (dont celui de l’environnement) ont valu à l’Opposante une reconnaissance en matière de protection de l’environnement. Nous pensons que la protection de l’environnement est une caractéristique importante des produits. Tout ce qui précède indique que, bien que le chevauchement de la nature des clients puisse ne pas sembler évident à la vue de la Demande et des enregistrements des Marques enregistrées, il est raisonnable, voire hautement probable, que la Marque opposée et les Marques enregistrées soient rencontrées par le même groupe de personnes.

[61] En revanche, la Requérante affirme que :

65. L’environnement de l’usine montre la complexité des produits de la Requérante sous sa marque de commerce METHANIS. En outre, l’appel d’offres montre comment un contrat est obtenu et qui sont les personnes susceptibles d’analyser et de comprendre les propositions faites. Seuls les ingénieurs spécialisés dans ce type d’installation ont la capacité de comprendre les graphiques, les plans et la structure potentielle de la machine et de prendre une décision sur les propositions.

(v) Les circuits commerciaux de l’Opposante et de la Requérante ne se chevauchent pas

Opposante

66. M. Allard nous informe que la Requérante contrôle ses propres circuits de distribution :

Requérante

67. Comme l’a dit M. Theodoulou, le produit METHANIS est vendu principalement aux municipalités et aux grandes industries et est destiné à la digestion anaérobie des matières organiques pour [convertir le biogaz brut en gaz naturel renouvelable destiné à être injecté dans les pipelines] :

- eaux usées industrielles;

- eaux usées municipales;

- gestion des biosolides;

- déchets organiques municipaux et industriels.

68. Ces projets de grande envergure sont gérés par des membres spécialisés des industries et des municipalités. Comme on peut facilement le déduire, ces projets sont gérés par des ingénieurs sur le terrain.

69. Comme le dit le témoin de la Requérante, ses clients sont principalement des municipalités, mais il peut s’agir de n’importe quelle installation de biogaz. […]

71. Contrairement à ce qui est mentionné dans les observations écrites de l’Opposante […] le « consommateur plutôt mythique » décrit [par le juge Cattanach dans l’affaire Canadian Schenley Distilleries Ltd c Canada's Manitoba's Distillery (1975), 25 CPR (2d) 1, à la p. 5] ne correspond pas aux consommateurs ordinaires ultimes, ni pour la Requérante ni pour l’Opposante. Il ressort très clairement de la documentation fournie par la Requérante que ses clients doivent comprendre les exigences en matière de machinerie, de conception et de construction afin de purifier et de convertir le biogaz en gaz naturel renouvelable. Les clients non informés ne peuvent pas étudier les appels d’offres de toutes les soumissions reçues pour évaluer qui devrait remporter le contrat qui représenterait des millions de dollars.

(vi) Les clients des deux parties n’achètent pas de manière précipitée

72. Les preuves apportées par les deux parties sont éloquentes quant aux types de produits, d’entreprises, aux coûts de conception et de mise en œuvre des machines de la Requérante, à la durée de cette mise en œuvre et à la clientèle concernée.

[62] Sauf indication contraire ci-dessous, je suis généralement d’accord avec les observations ci-dessus de la Requérante.

[63] Lors de l’audience, l’Opposante a développé ses arguments et a ajouté qu’il existait un chevauchement potentiel entre les clients respectifs des parties dans la mesure où les clients de l’Opposante peuvent également inclure des industries qui génèrent de grandes quantités de biomasse ou d’eaux usées. L’Opposante a donné, verbalement, l’exemple d’un de ses clients qui est un fabricant de panneaux de bois et dont le processus de fabrication génère de grandes quantités de déchets de bois et d’eaux usées. Lorsqu’elle a été interrogée sur cet exemple particulier lors de l’audience, l’Opposante s’est appuyée sur le document « Methanex : methanol frequently asked questions » [compris dans la Pièce 4 de l’affidavit Allard], qui explique que « le méthanol est utilisé par les fabricants de produits chimiques dans la production d’autres produits chimiques industriels qui sont utilisés pour fabriquer d’innombrables produits de consommation et industriels tels que les matériaux de construction et les plastiques » [je souligne]. L’Opposante est allée plus loin et a soumis l’hypothèse que certains de ses clients pourraient utiliser les produits de la Requérante pour produire du biométhane et le revendre à l’Opposante pour produire du méthanol.

[64] En toute déférence, je suis d’avis que l’Opposante confond les différentes utilisations du méthanol avec celles d’autres produits chimiques industriels, qui sont produits à partir du méthanol et qui sont utilisés pour fabriquer une vaste gamme de produits de consommation et industriels. De plus, bien que je reconnaisse que M. Allard déclare, en termes généraux, au paragraphe 17 de son affidavit que [traduction] « l’éthanol peut également être dérivé du méthane par différentes méthodes, notamment par oxydation directe du méthane […], ainsi que par la biomasse et le biogaz par gazéification de la glycérine, un sous-produit de la production de biodiesel », je crois comprendre, d’après le résumé de l’historique de l’entreprise de l’Opposante [Pièce 1], que la production industrielle de méthanol de l’Opposante est dérivée du gaz naturel. Plus particulièrement, l’approvisionnement en gaz naturel de l’Opposante provient à la fois de son propre développement et de l’acquisition de réserves de gaz naturel (par exemple au Chili) ou d’accords d’approvisionnement en gaz naturel à long terme avec des tiers (par exemple, Painted Pony Energy Ltd. pour l’usine de méthanol existante de l’Opposante à Medicine Hat, en Alberta). Tout cela pour dire que je ne suis pas prête à accorder du poids à l’hypothèse élaborée ci-dessus par l’Opposante sur la base de la preuve au dossier, sans compter que l’on se serait attendu à ce que M. Allard le dise particulièrement et s’étende sur ce sujet dans son affidavit. Cela dit, je suis d’accord avec l’Opposante pour dire que l’on ne peut pas exclure la possibilité que les clients de l’Opposante comprennent des industries qui génèrent de grandes quantités de biomasse ou d’eaux usées et qu’il y a donc un chevauchement potentiel entre les clients respectifs des parties.

[65] Néanmoins, en supposant qu’il existe un chevauchement potentiel entre les clients des parties, je suis d’accord avec la Requérante pour dire que, compte tenu de la nature hautement spécialisée des Produits de la Requérante et des produits et services enregistrés de l’Opposante, « le consommateur plutôt mythique » ne correspond pas aux consommateurs ordinaires ultimes de la Requérante ou de l’Opposante. Cela étant, j’estime qu’il est raisonnable de déduire que les Produits de la Requérante et les produits et services enregistrés de l’Opposante ne s’adresseront probablement pas aux mêmes personnes au sein de ces industries à grande échelle.

[66] Enfin, si je reconnais que l’Opposante et la Requérante peuvent toutes deux être engagées dans la protection de l’environnement – comme l’illustre le « SUEZ Water Technologies & Systems Return on Environment Award » de 2017 remporté par l’Opposante [selon la liste de certains des prix remportés par l’Opposante fournie au paragraphe 27 de l’affidavit Allard], je suis d’accord avec la Requérante pour dire que cela est insuffisant pour tirer une conclusion significative quant au chevauchement potentiel existant entre les clients ciblés par les parties, car les considérations/questions environnementales peuvent être très larges.

[67] En résumé, compte tenu du fait que les parties ne sont pas des concurrentes, qu’elles ne vendent pas le même genre de produits et qu’elles sont hautement spécialisées dans leur domaine respectif, tout comme leurs clients, je conclus que les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) favorisent la Requérante.

Degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[68] Lorsqu’on examine le degré de ressemblance entre les marques, on doit les considérer dans leur totalité; il n’est pas exact de les placer côte à côte et de comparer et observer des ressemblances ou des différences entre les éléments ou les composantes des marques de commerce [Veuve Clicquot, précité, au para 20].

[69] Dans Masterpiece, précité au paragraphe 64, la Cour a en outre indiqué que, bien que dans certains cas, le premier mot ou la première syllabe d’une marque de commerce soit l’élément le plus important aux fins de la distinction, l’approche préférable à l’examen de la ressemblance consiste à « se demander d’abord si l’un des aspects de celle‑ci est particulièrement frappant ou unique ».

[70] En l’espèce, la Marque et la marque de commerce METHANEX de l’Opposante sont toutes deux composées d’un mot inventé de trois syllabes, sans caractéristique frappante ou dominante. De même, si la marque METHANEX & Globe Design comprend également un dessin stylisé d’un globe terrestre, je ne considère pas que ce dessin soit particulièrement frappant ou unique, compte tenu de sa connotation très suggestive dans le contexte des activités commerciales internationales de l’Opposante. J’ajouterai à cet égard que je ne considère pas non plus que cet élément figuratif soit une caractéristique dominante de la marque METHANEX & Globe Design, en particulier lorsque la marque est prononcée ou en ce qui concerne les idées suggérées.

[71] Étant donné que la Marque et les Marques METHANEX ne diffèrent que par leurs dernières syllabes (« NEX » vs « NIS »), il y a donc un degré considérable de ressemblance entre elles dans la présentation ou le son. Cependant, d’un point de vue conceptuel, les marques de commerce des parties diffèrent lorsqu’elles sont considérées dans le contexte des produits et/ou services qui y sont liés. Comme il a été indiqué précédemment, il est évident que les Marques METHANEX de l’Opposante sont dérivées du mot « méthanol », qui est exactement le seul produit vendu par l’Opposante, alors que la Marque est dérivée du mot « méthane » puisque le système de machines de la Requérante est destiné à la récupération du biométhane à partir du biogaz.

[72] Étant donné que la ressemblance entre les marques des parties est due à la présence de la composante commune hautement suggestive et évocatrice « METHAN », je suis d’accord avec la Requérante pour dire que cela diminue l’importance de cette composante et que les consommateurs, dans un tel contexte, auront tendance à distinguer les caractéristiques non communes des marques de commerce des parties.

[73] En résumé, je conclus que les marques de commerce des parties sont à peu près aussi semblables qu’elles sont différentes.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[74] Comme il est indiqué dans Dion Neckwear, précité, à la page 163, « il n’est pas nécessaire que le registraire soit convaincu hors de tout doute que la confusion est improbable. Si la norme de preuve “hors de tout doute” devait s’appliquer, les requérants seraient, dans la plupart des cas, confrontés à un fardeau insurmontable parce qu’en matière de risque de confusion, la certitude est une denrée rare. »

[75] Compte tenu de l’analyse qui précède, je conclus que la Requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’un consommateur ayant un souvenir imparfait des Marques METHANEX de l’Opposante ne serait pas susceptible de conclure que les produits de la Requérante visés par la demande proviennent de la même source ou sont autrement liés ou associés aux produits et services de l’Opposante.

[76] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est rejeté.

Autres motifs d’opposition

[77] Les motifs d’opposition invoqués en vertu des articles 2, 16(1)a) et 16(1)c) de la Loi sont tous fondés, en partie ou en tout, sur une allégation selon laquelle il existe une probabilité de confusion entre la Marque et une ou plusieurs des Marques METHANEX de l’Opposante et/ou son nom commercial.

[78] Le meilleur argument de l’Opposante sur la question de la confusion était le motif d’opposition prévu à l’article 12(1)d), car ce motif d’opposition avait une date pertinente qui permettait de prendre en considération tous les éléments de preuve de l’Opposante concernant sa réputation. Les motifs d’opposition fondés sur les articles 2, 16(1)a) et 16(1)c) ont tous des dates pertinentes antérieures.

[79] Dans ces circonstances, étant donné que l’Opposante n’a pas eu gain de cause à l’égard de son motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), pour essentiellement les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus pour ce motif, je conclus que l’Opposante n’obtient pas non plus gain de cause relativement à ses motifs d’opposition fondés sur les articles 2, 16(1)a) et 16(1)c) de la Loi.

[80] Enfin, en ce qui concerne le motif d’opposition prévu à l’article 38(2)f), je note que l’Opposante soutient que la Requérante n’est pas la personne ayant droit d’employer la Marque en liaison avec les Produits parce que :

[traduction]

[…] l’usage intense et prolongé par l’Opposante des [Marques METHANEX] et du nom commercial, qui sont très semblables à la [Marque] sur le plan de l’apparence, du son et de l’idée suggérée, et dans le même domaine, qui se chevauche ou qui est très lié à celui-ci.

[81] J’estime que ce motif d’opposition, tel qu’il a été invoqué, ne soulève pas un motif d’opposition approprié pour les raisons suivantes.

[82] Un motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f) qui allègue qu’un requérant « n’avait pas le droit d’employer la marque de commerce » au Canada à la date de dépôt de la demande est distinct d’un motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)c) qui allègue qu’un requérant « n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement ». En effet, l’article 38(2)f) aborde le droit du requérant d’employer la marque de commerce (c.-à-d., conformément aux lois fédérales pertinentes et aux autres obligations juridiques interdisant « l’emploi » de la marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi) contrairement au droit du requérant d’enregistrer la marque (c.-à-d., relativement à la marque de commerce d’une autre personne, en vertu de l’article 16 de la Loi.

[83] En l’espèce, les faits plaidés ne sont pas ceux qui peuvent appuyer un motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f). Par conséquent, ce motif est également rejeté.


Décision

[84] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

 

Le français est conforme aux WCAG.


Annexe A

Détails sur les marques enregistrées invoquées par l’Opposante dans sa déclaration d’opposition

Marque de commerce

Numéro d’enregistrement/

Date d’enregistrement

Produits et/ou Services/

Déclaration d’emploi

METHANEX

LMC405,397

20 novembre 1992

Produits :

Produits chimiques, nommément méthanol.

 

Déclaration d’emploi produite le 30 septembre 1992 à l’égard des produits.

LMC908,802

22 octobre 2013

Produits :

Méthanol.

 

Services :

(1) Services de gestion des affaires ayant trait à la production et au marketing du méthanol, y compris analyse du marché pour cerner la demande et l’offre de méthanol, définition des stratégies globales de prestation des services, analyse de la faisabilité commerciale de l’utilisation du méthanol comme produit, établissement de budgets, suivi des coûts et gestion de l’approvisionnement en méthanol; négociation et exécution de contrats et d’ententes commerciales ayant trait à la vente, à la fourniture et à la distribution du méthanol; services d’approvisionnement, nommément achat de méthanol pour des tiers; offre d’une expertise industrielle relative au développement du marché du méthanol, à la manipulation sécuritaire du méthanol et à l’utilisation du méthanol comme produit.

(2) Offre de capital de risque, de capital de développement, de capitaux propres et de fonds de placement pour le développement du marché du méthanol et l’utilisation du méthanol comme produit.

(3) Distribution et fourniture de méthanol; exploitation de terminaux de stockage de méthanol; offre d’installations d’accostage de navires; offre d’installations portuaires de chargement de navires; exploitation d’installations portuaires de chargement; offre de services de transport maritime, ferroviaire et terrestre, de chaîne logistique, de stockage et de livraison de méthanol; offre de services de transport maritime d’essence, de carburant, de substances inflammables et de produits chimiques pour des tiers.

(4) Exploitation d’installations de production de méthanol, y compris d’installations d’admission, de compression, de conversion, de distillation, de transformation et de traitement de gaz naturel pour la production de méthanol; exploitation d’installations pour l’équipement, les services publics, l’accès, la manutention des matériaux et les infrastructures connexes à l’exploitation d’installations de production de méthanol.

(5) Recherche et développement dans le domaine du méthanol, de l’énergie et de l’énergie renouvelable nécessitant l’utilisation de méthanol.

 

Déclaration d’emploi produite le 17 juillet 2015 à l’égard des produits et des services.

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2022-06-06

COMPARUTIONS

Jessica T. Yeung

Pour l’Opposante

Chantal Desjardins

Pour la Requérante

AGENTS AU DOSSIER

VanTek Intellectual Property LLP (also D/B/A VanTek IP LLP)

Pour l’Opposante

Lavery, de Billy, LLP

Pour la Requérante

 

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