Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Référence : 2022 COMC 182

Date de la décision : 2022-09-20

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Maria Josephina Struik

Opposante

et

 

Churrasqueira Red Rooster B.B.Q. Grill Corp.

Requérante

 

1,870,921 pour RED ROOSTER PORTUGUESE BBQ

Demande

Introduction

[1] Maria Josephina Struik (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce RED ROOSTER PORTUGUESE BBQ (la Marque) (représentée ci-dessous), qui fait l’objet de la demande no 1,870,921 présentée par Churrasqueira Red Rooster B.B.Q. Grill Corp. (la Demande) :

RED ROOSTER PORTUGUESE BBQ

[2] La demande est fondée sur l’emploi de la Marque par la Requérante en liaison avec les services de restaurant depuis au moins aussi tôt que le 1er janvier 2007.

Le dossier

[3] La demande a été déposée le 1er décembre 2017 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 18 mars 2020.

[4] Le 18 septembre 2020, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition invoqués sont fondés sur les articles 12(1)d) (l’enregistrabilité), 16(1)a) et 16(1)c) (le droit à l’enregistrement), et 2 (le caractère distinctif) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). La Loi a été modifiée le 17 juin 2019 et, conformément à l’article 70 de la Loi, les motifs d’opposition seront évalués en fonction de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019.

[5] Les motifs d’opposition de l’Opposante prévus aux articles 16(1)a), 16(1)a) et le caractère distinctif sont principalement fondés sur une allégation de confusion entre la Marque et les marques de commerce RD ROOSTERS et RD ROOSTERS & Design de l’Opposante, représentées ci-dessous :

[6] Les deux parties ont présenté des preuves. L’Opposante a produit comme preuve l’affidavit d’Amanda Suzanne Gabrielle St-Amour, une adjointe juridique de l’ancien agent de marques de l’Opposante, qui joint des copies des enregistrements de l’Opposante pour les marques RD ROOSTERS et RD ROOSTERS & Design. La Requérante a produit comme preuve l’affidavit de Solvera Gomes, [traduction] « une agente de la Requérante » et la fille de ses fondateurs. Mme Gomes fournit des éléments de preuve concernant l’emploi de la Marque par la Requérante. Seule la Requérante a produit des observations écrites. Aucune audience n’a eu lieu.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[7] C’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la demande est conforme aux exigences de la Loi. Cependant, une opposante doit d’abord produire suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p. 298; Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Analyse des motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[8] L’Opposante a soutenu que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante présentées ci-dessous :

 

[9] La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de la décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[10] Comme les deux enregistrements existent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de ce motif d’opposition [voir Quaker Oats Co of Canada Ltd c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC) concernant le pouvoir discrétionnaire du registraire de consulter le registre dans le contexte d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)]. En conséquence, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et chacun de ces enregistrements.

Test en matière de confusion

[11] Le test permettant de trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice. En procédant à une telle évaluation, je dois prendre en considération toutes les circonstances pertinentes, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22; Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23].

[12] Le test en matière de confusion est évalué comme une question de la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé à la vue de la marque du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir d’une marque de commerce de l’opposante et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques [Veuve Clicquot, précité, au para 20].

Degré de ressemblance

[13] Dans la plupart des cas, degré de ressemblance entre les marques de commerce en question est souvent le facteur qui aura probablement la plus grande influence sur l’analyse de la confusion [Masterpiece, précité, au para 49]. On doit considérer le degré de ressemblance entre les marques, notamment dans leur présentation, leur son, et dans les idées qu’elles suggèrent. Cependant, il faut éviter de placer les marques de commerce côte à côte dans le but de les examiner attentivement et d’en relever les similitudes ou les différences; chaque marque de commerce doit être considérée dans son ensemble [Veuve Clicquotprécité].

[14] J’évaluerai d’abord le degré de ressemblance entre la Marque et la marque de commerce RD ROOSTERS de l’Opposante. À mon avis, il existe un degré élevé de ressemblance visuelle entre les marques de commerce des parties, dans la mesure où l’élément frappant de la Marque (RED ROOSTER) ne diffère que de deux lettres de la marque de commerce de l’Opposante. Il existe une certaine ressemblance dans le son et dans l’idée suggérée, car les deux marques comprennent le mot ROOSTER et suggèrent donc un coq. Dans le cas de la Marque, un coq rouge. Dans le cas de la marque RD ROOSTER de l’Opposante, on ne sait pas clairement comment le RD serait compris, que ce soit comme « red », les initiales « RD » ou comme « ROAD ». En ce qui concerne l’idée suggérée par la marque de commerce RD ROOSTER de l’Opposante, j’estime que les consommateurs ne seraient pas sûrs de ce qui est suggéré, qu’il s’agisse d’un coq rouge, d’un coq sur la route ou d’un coq portant les initiales RD. Dans l’ensemble, je conclus donc que les marques ont un certain degré de ressemblance. En tirant cette conclusion, je tiens compte de la jurisprudence telle que Conde Nast Publications Inc. c Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183, à la p. 188 (CF 1re inst) qui soutient le principe selon lequel la première partie d’une marque de commerce peut être la plus importante.

[15] En ce qui concerne le degré de ressemblance entre la Marque et la marque figurative RD ROOSTERS & Design, il existe un degré de ressemblance quant à l’idée suggérée dans la mesure où les deux marques suggèrent un coq. Le degré de ressemblance dans la présentation ou le son entre les marques de commerce est atténué par les éléments nominaux de la Marque et les différentes caractéristiques dominantes de leurs dessins, notamment l’absence de silhouette et de scène de ferme dans la Marque.

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce

[16] Les marques de commerce des parties possèdent un degré semblable de caractère distinctif inhérent. En ce qui concerne la Marque, elle comprend un dessin de coq distinctif et les mots « RED ROOSTER ». Les mots PORTUGESE BBQ n’ajoutent pas de caractère distinctif à la Marque, car ils sont descriptifs des services de restaurant. En ce qui concerne la marque de commerce RD ROOSTERS, cette marque possède un caractère distinctif inhérent, car RD ROOSTERS n’est pas un terme ayant une quelconque signification. En ce qui concerne la marque de commerce RD ROOSTERS & Design, cette marque de commerce est un dessin distinctif représentant la silhouette d’un coq sur une scène de ferme.

Mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[17] Il est possible de renforcer une marque de commerce en la faisant connaître par son emploi ou sa promotion. Ce facteur favorise la Requérante qui a démontré l’emploi de la Marque, contrairement à l’Opposante qui n’a pas démontré l’emploi de l’un ou l’autre de ses enregistrements.

[18] Bien que les enregistrements de l’Opposante soient basés sur l’emploi, cela ne me permet que de supposer un emploi minimal [Entre Computer Centers Inc c Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC), à la p. 430]. L’emploi minimal ne permet pas de conclure qu’une marque de commerce a été révélée de façon significative ni qu’une marque de commerce a nécessairement été employée de façon continue.

[19] Mme Gomes affirme que la Requérante exploite ses restaurants RED ROOSTER PORTUGESE BBQ en liaison avec la Marque dans la région du Grand Toronto depuis 2001 (para 3 à 5; Pièces A et B). La Marque est apparue sur la signalisation extérieure, sur les menus et sur Internet (Pièces A-C, E). Mme Gomes indique que les restaurants de la Requérante ont servi plusieurs milliers de clients (para 7).

Période d’emploi

[20] Ce facteur favorise considérablement la Requérante qui a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec des services de restaurant depuis 2001 (affidavit Gomes, para 5, Pièce B). Dans l’arrêt Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp, [1998] 3 CF 534 (CAF), la Cour d’appel fédérale confirme que la période pendant laquelle une marque de commerce a été en emploi est un facteur auquel il faut accorder du poids lors de l’évaluation de la confusion :

La période pendant laquelle une marque a été en usage est manifestement un facteur susceptible de faire naître la confusion chez le consommateur quant à l’origine des marchandises ou des services. Par rapport à une marque qui fait son apparition, une marque qui est employée depuis longtemps est présumée avoir fait une certaine impression à laquelle il faut accorder un certain poids. Il est important de se rappeler que le terme « emploi » est défini par la Loi et qu’il a donc un sens particulier.


Genre de produits, services ou entreprises; et nature du commerce

[21] Il existe un chevauchement direct entre les services de restaurant de la Requérante et ceux de l’Opposante. En ce qui concerne les voies de commercialisation, étant donné que les services en question sont identiques, il est raisonnable de supposer que leurs voies de commercialisation se chevauchent également, particulièrement en l’absence de preuve du contraire. Par conséquent, ces facteurs favorisent l’Opposante.

Conclusion

[22] Le critère à appliquer est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la Marque alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce RD ROOSTERS ou RD ROOSTERS & Design de l’Opposante et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour les examiner de plus près.

[23] Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, in particulier du degré de ressemblance, la mesure dans laquelle elle est devenue connue et la période pendant laquelle la Marque a été employée par rapport aux marques de commerce de l’Opposante, comme une question de première impression et de souvenir imparfait, je conclus que la Requérante s’est acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer que la prépondérance des probabilités lui est favorable quant à la question de la probabilité raisonnable confusion. Pour arriver à cette conclusion, je note qu’en vertu de l’article 6(2) de la Loi, la question de la confusion porte sur la probabilité de confusion des services d’une source avec ceux d’une autre source, et non sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est rejeté.

Motifs d’opposition fondés sur les articles 16(1)a) et 16(1)c)

[24] L’Opposante allègue dans la déclaration d’opposition que la Requérante n’est pas la personne ayant droit d’enregistrer la Marque compte tenu de l’emploi par l’Opposante de ses marques et noms commerciaux énumérés ci-dessous.

Marques de commerce

Noms de marque

RD ROOSTERS

ROOSTERS DESIGN

ROOSTERS DINER INC.

 

ROOSTERS DINER

 

ROOSTERS DINER SPANISH

ROOSTER DINER DIXIE LEE

[25] Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’appui des motifs d’opposition non fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement, l’Opposante devait démontrer qu’elle avait employé l’une de ses marques de commerce [pour le motif prévu à l’article 16(1)a)] et l’un de ses noms commerciaux [pour le motif prévu à l’article 16(1)c)] à la date de production de la demande ou en 2001, date de premier emploi de la marque de commerce au Canada, comme en témoigne l’affidavit de Mme Gomes. L’Opposante ne l’a pas fait. En outre, bien que les enregistrements de marques de commerce de l’Opposante soient fondés sur l’emploi, cela ne suffit pas pour que l’Opposante puisse s’acquitter de son fardeau à l’égard d’un motif d’opposition prévu à l’article 16(1)a). [Rooxs, Inc c Edit-SRL (2002), 23 CPR (4th) 265 (COMC), à la p. 268]. Ces motifs sont par conséquent rejetés.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[26] L’Opposante allègue dans la déclaration d’opposition que la Marque n’est pas distinctive, car ne distingue pas, et n’est pas adaptée pour distinguer, les services de restaurant de la Requérante des produits et services avec lesquels l’Opposante a précédemment employé et continue d’employer les marques de commerce et noms commerciaux énoncés en ce qui concerne les motifs d’opposition fondés sur l’article 16.

[27] Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’appui de ce motif d’opposition, l’Opposante devait démontrer qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, le 18 septembre 2020, une ou plusieurs de ses marques de commerce ou noms commerciaux étaient connus dans une certaine mesure au moins et que la réputation d’une ou plusieurs de ces marques ou noms commerciaux au Canada était importante, significative ou suffisante [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 1981 CanLII 2834 (CF), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 2006 CF 657 (CanLII), 48 CPR (4th) 427 (CF)]. L’Opposante ne l’a pas fait. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

Décision

[28] Compte tenu de ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément à l’article 38(12) de la Loi.

 

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

Le français est conforme aux WCAG.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

AGENTS AU DOSSIER

Aucun agent nommé

POUR L’OPPOSANTE

John H. Simpson

POUR LA REQUÉRANTE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.