Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2022 COMC 192

Date de la décision : 2022-09-29

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

9344-8462 Québec Inc.

Opposante

et

 

Gouverneur Inc.

Requérante

 

1,827,127 pour INCOMPARABLE

Demande

Introduction

[1] Gouverneur Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement (no 1,827,127) pour la marque de commerce INCOMPARABLE (la Marque) sur la base d’un emploi projeté au Canada en liaison avec divers services associés au domaine de l’hôtellerie et de la restauration.

[2] 9344-8462 Québec Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la Marque en faisant valoir la probabilité de confusion avec une marque de commerce identique, enregistrée et employée au Canada principalement en liaison avec des services dans le domaine de la construction, de l’architecture et de la décoration intérieure.

[3] Pour les raisons qui suivent, j’estime qu’il y a lieu de rejeter en partie la demande d’enregistrement.

Dossier

[4] La demande relative à la Marque a été produite le 13 mars 2017 et annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 4 avril 2018.

[5] Le 30 août 2018, la Requérante a produit une demande d’enregistrement révisée, laquelle a subséquemment été acceptée par le registraire.

[6] Le 4 juin 2019, une déclaration d’opposition a été produite en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‑13 (la Loi). Il convient de noter à ce stade que, puisque la Loi a été modifiée le 17 juin 2019, tous les renvois dans ma décision réfèrent à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de ceux visant les motifs d’opposition (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[7] L’opposition est fondée sur les motifs généraux ci-après :

· eu égard aux dispositions de l’article 12(1)d) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable car elle crée de la confusion avec la marque enregistrée INCOMPARABLE détenue par l’Opposante, objet de l’enregistrement no LMC962,602;

· eu égard aux dispositions de l’article 16(3)a) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement, car, à la date de production de la demande d’enregistrement, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce antérieurement employée au Canada par l’Opposante, à savoir INCOMPARABLE;

· eu égard aux dispositions de l’article 2 de la Loi, la Marque n’est pas distinctive en ce qu’elle ne distingue pas et/ou n’est pas adaptée à distinguer les services de la Requérante des services offerts par l’Opposante en liaison avec la marque INCOMPARABLE.

[8] Le 2 juillet 2019, la Requérante a produit sa contre-déclaration d’opposition par laquelle elle niait les allégués contenus à la déclaration d’opposition.

[9] Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Marc-André Bovet, daté du 29 octobre 2019, et ses pièces O‑1 à O‑14 (l’affidavit Bovet). Le 15 juin 2020, M. Bovet a été contre-interrogé sur son affidavit. La transcription du contre-interrogatoire de même que les engagements qui ont été honorés sont au dossier.

[10] La Requérante n’a pour sa part pas produit de preuve.

[11] Les parties ont toutes deux produit des observations écrites et étaient présentes à l’audience qui a été tenue.

Fardeau de preuve

[12] C’est à l’Opposante qu’il incombe au départ d’établir le bien-fondé de son opposition. Ses motifs d’opposition doivent être dûment plaidés et l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits sur lesquels elle appuie chacun de ceux-ci. Une fois ce fardeau satisfait, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun des motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Article 12(1)d) de la Loi - caractère enregistrable

[13] L’Opposante a plaidé que la Marque n’est pas enregistrable au sens de l’article 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce INCOMPARABLE de l’Opposante enregistrée sous le no LMC962,602 en liaison avec les services suivants:

(1) Professional consultation in the field of building construction, architecture and interior design

(2) Educational services in the field of building construction, architecture and interior design

(3) Advertising services of others, namely building construction services, architectural services and the interior design services

(4) Promoting the sale of goods and services for others through promotional seminars and information sessions and the distribution of related marketing materials for building materials, architectural and interior design concepts

[Traduction] (1) Consultation professionnelle dans les domaines de la construction, de l’architecture et de la décoration intérieure

(2) Services éducatifs dans les domaines de la construction, de l’architecture et de la décoration intérieure

(3) Services de publicité de tiers, nommément de services de construction de bâtiments, de services d’architecture et de services de décoration intérieure

(4) Promotion de la vente de produits et de services pour des tiers par des conférences promotionnelles et des séances d’information ainsi que la distribution de matériel de marketing connexe pour des matériaux de construction, des concepts de conception architecturale et de décoration intérieure

[14] Comme l’enregistrement nLMC962,602 allégué par l’Opposante au soutien de ce motif d’opposition est toujours en vigueur sur le registre des marques de commerce, l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait.

[15] Il revient donc maintenant à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et cette marque INCOMPARABLE enregistrée de l’Opposante.

Test en matière de confusion

[16] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ou dans la même classe de la classification de Nice.

[17] Par conséquent, l’article 6(2) de la Loi ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais plutôt sur la probabilité que des produits ou services provenant d’une source soient perçus comme provenant d’une autre source.

[18] En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs selon le contexte [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al, 2006 CSC 23; Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27].

Degré de ressemblance entre les marques

[19] Le facteur énoncé à l’article 6(5)e) de la Loi favorise l’Opposante puisque les marques des parties sont identiques.

Caractère distinctif inhérent des marques et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[20] Comme les deux marques de commerce ici sont composées du même terme courant du dictionnaire, qui a un caractère élogieux, elles possèdent le même faible degré de caractère distinctif inhérent.

[21] En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues, la Requérante n’a produit aucune preuve d’emploi ou de promotion. Il m’est donc impossible de tirer une conclusion sur la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue au Canada.

[22] L’Opposante fait pour sa part valoir que sa marque de commerce a acquis au fil des années un caractère distinctif au Canada parce que l’Opposante en a fait un usage intensif, continu et constant et a cultivé son achalandage en liaison avec cette marque — sous laquelle ses services sont connus et réputés auprès du public — et parce que l’Opposante a fait beaucoup de publicité relative à cette marque en liaison avec ses activités. Plus spécifiquement, l’Opposante fait valoir que :

· Au cours des dernières années, la marque INCOMPARABLE de l’Opposante a été largement et régulièrement présentée dans des annonces visibles dans des magazines, publications et journaux de renom à haut tirage au Canada, bénéficiant ainsi d’une grande exposition médiatique et d’une forte présomption de reconnaissance publique (selon ses pièces O‑8 à O‑13 et ses réponses aux engagements E‑4 à E‑10);

· La preuve au dossier permet d’établir les efforts et dépenses marketing conséquents qui ont été engagés par l’Opposante au fil des années pour assurer la visibilité de sa marque INCOMPARABLE (selon sa réponse à l’engagement E‑11);

· La preuve au dossier permet d’établir que le public canadien a été largement exposé à la marque INCOMPARABLE de l’Opposante à travers différents médias d’information (selon sa pièce O‑7 et ses réponses aux engagements E‑1 à E‑3).

[23] Il convient donc de procéder à une revue de la preuve de l’Opposante.

L’affidavit Bovet et le contre-interrogatoire de M. Bovet

[24] M. Bovet est le président fondateur de l’Opposante, qui se spécialise dans la construction, l’architecture et le design de projets de logement (« housing projects ») [paras 1 et 3].

[25] M. Bovet affirme que la marque INCOMPARABLE de l’Opposante est utilisée au Canada depuis au moins aussi tôt que décembre 2010 [para 7]. Il affirme que cette marque de l’Opposante, telle qu’utilisée dans l’exercice de son activité commerciale, réfère à une façon plus rapide et intelligente de bâtir des logements haute performance, solides, confortables et efficaces d’un point de vue énergétique en remédiant aux lacunes de la construction traditionnelle [para 10]. M. Bovet précise qu’il s’agit de la figure de proue de la technologie brevetée de l’Opposante, une structure de construction modulaire [para 28].

[26] M. Bovet produit, en tant que pièce O‑4, un extrait du site Internet bonestructure.ca affichant la marque de commerce INCOMPARABLE et affirme que ce site de l’Opposante était accessible au public canadien en tout temps. M. Bovet allègue également que ce site est visité par 450 000 visiteurs par année. [paras 11 et 12] Le contre-interrogatoire de M. Bovet a révélé que le nombre total de visiteurs canadiens ayant accédé au site Internet de l’Opposante du 1 janvier 2010 au 9 août 2020 s’élève à 1 060 708, ce qui représente une moyenne quelque peu supérieure à 106 000 visiteurs canadiens par année [transcription, pp 12 et 13; réponse à l’engagement E‑1].

[27] M. Bovet produit, en tant que pièce O‑5, un extrait de la page YouTube de l’Opposante contenant une vidéo qu’il allègue démontre la marque INCOMPARABLE de l’Opposante en association avec les services de l’Opposante [para 13]. M. Bovet ne fournit toutefois aucune information quant au nombre de canadiens à avoir visité la page YouTube de l’Opposante ou à avoir visionné cette vidéo.

[28] M. Bovet affirme que, depuis quelques années (« during the course of the past few years »), l’Opposante a adopté une stratégie marketing pour assurer la présence et le développement de sa marque INCOMPARABLE dans le paysage canadien dans le domaine de la construction et du logement. Plus spécifiquement, il affirme que les dépenses publicitaires reliées à cette marque de l’Opposante sont de 75 000$ par année. [paras 14 et 27] Lors de son contre-interrogatoire M. Bovet s’est engagé à fournir, pour chaque année depuis 2010, les dépenses marketing en association avec la marque enregistrée de l’Opposante séparées par média de communication. Bien que le document produit en réponse à l’engagement E‑11 intitulé « BONE Structure - Dépenses annuelles par compte » montre certaines dépenses publicitaires effectuées par l’Opposante (telles celles visant sa page Web ou sa publicité imprimée), force est de constater qu’il ne contient pas de ventilation claire et non équivoque des dépenses marketing reliées à la marque INCOMPARABLE de l’Opposante.

[29] M. Bovet produit, en tant que pièce O‑6, des photographies d’évènements « journées portes ouvertes » tenues au Canada entre 2015 et 2017 où il affirme que la marque de l’Opposante était affichée au public afin de promouvoir les services de l’Opposante. De plus, M. Bovet affirme que ces évènements et conférences (« events and conferences ») attiraient environ 2 000 à 2 500 personnes par année. [paras 15 et 16] Il est à noter que les données de participation alléguées ici semblent viser à la fois les évènements « journées portes ouvertes » référencés et des conférences, conférences sur lesquelles M. Bovet ne fournit aucun détail dans son affidavit.

[30] Le contre-interrogatoire de M. Bovet a révélé que le nombre d’inscriptions aux évènements (sessions d’information et portes ouvertes) organisés par l’Opposante entre 2012 et 2019 comprend un total de 2 666 contacts (« contacts ») et 17 999 prospects (« leads ») [transcription, pp 14 et 15; réponse à l’engagement E‑2]. Dans la mesure où les « prospects » en question sont compris dans le nombre d’« inscriptions », il ne m’apparaît pas invraisemblable qu’il s’agisse de clients potentiels de l’Opposante qui étaient présents aux évènements (par opposition aux « contacts » qui pourraient représenter des clients actuels, ou bien, des contacts purement de réseautage). Cela dit, en l’absence de détails additionnels sur ces évènements et leurs participants, je tends à convenir avec les observations de la Requérante que la référence à des « prospects » demeure quelque peu ambiguë.

[31] M. Bovet produit, en tant que pièce O‑7, un extrait du bulletin d’informations de l’Opposante et allègue que ce dernier est reçu par 53 500 abonnés [paras 17 et 18]. Le contre-interrogatoire de M. Bovet a révélé que le nombre total de « prospects » canadiens inscrits au bulletin d’informations de l’Opposante en 2019‑2020 était de 32 503 [transcription, pp 15 à 17; réponse à l’engagement E‑3].

[32] M. Bovet allègue que la marque de l’Opposante a, depuis quelques années (« over the past few years »), été affichée dans de nombreux magazines, publications et journaux de renom et il produit, en tant que pièces O‑8 à O‑13, ce qu’il qualifie d’impressions de journaux et de magazines canadiens pour les années 2012 à 2014 et 2016 à 2018. Il opine qu’en raison de la taille et du lectorat des publications (« publications size and readership »), la portée estimée de la marque INCOMPARABLE de l’Opposante est de plus de 50 millions de personnes depuis sa création. [paras 19 à 26] Il est à noter que la fréquence, quantité ou date précise de publication des annonces n’est pas indiquée. De plus, les pièces O‑8 à O‑13 ne montrent pas des impressions de journaux, mais plutôt des annonces et épreuves d’annonces que M. Bovet affirme ont été publiées dans les journaux et magazines référencés aux paragraphes 19 à 25 de son affidavit.

[33] Lors de son contre-interrogatoire M. Bovet s’est engagé à produire copie des extraits de journaux et de magazines où l’on peut apercevoir les annonces affichant la marque de l’Opposante, mentionnées aux paragraphes 20 à 25 de son affidavit et référencées aux pièces O‑8 à O‑13. Il s’est également engagé à fournir, pour chacun des journaux et magazines mentionnés à ces pièces, la date de parution de chacune des annonces qui y est mentionnée ainsi que le tirage de chaque exemplaire au Canada dans lequel les annonces ont été insérées. [transcription, pp 17 à 26; engagements E‑4 à E‑10] À cet égard, il convient de noter ce qui suit :

· Les annonces initialement contenues à la pièce O‑8 (qui auraient été publiées dans La Presse, The Globe and Mail et Ottawa Magazine) ne sont pas présentes dans les documents produits en réponse à l’engagement E‑4. Ces documents ne font d’ailleurs pas état de quelconque publicité ayant parue dans The Globe and Mail ou dans Ottawa Magazine. La réponse à l’engagement E‑4 contient toutefois d’autres annonces de l’Opposante parues en 2012 notamment dans La Presse et dans Le Journal de Montréal.

· Certaines des annonces initialement contenues à la pièce O‑9 (qui auraient été publiées dans The Globe and Mail, le Toronto Star, le National Post, La Presse, Architecture Canada ainsi que dans les magazines Audi, BMW et Mercedes) ne sont pas présentes dans les documents produits en réponse à l’engagement E‑5 et, exception faite des annonces parues en 2013 dans The Globe and Mail, il n’est pas possible de déterminer dans quelle(s) publication(s) les autres annonces fournies auraient été publiées.

· Plusieurs des annonces initialement contenues à la pièce O‑10 (qui auraient été publiées en 2014 dans The Globe and Mail, The Vancouver Sun, les magazines Audi, BMW et Mercedes, Builder Magazine et In The Hills Magazine) ne sont pas présentes dans les documents produits en réponse à l’engagement E‑6 et, hormis The Globe and Mail, le Toronto Star et The Vancouver Sun, il n’est pas possible de déterminer dans quelle(s) publication(s) les autres annonces fournies auraient été publiées.

· M. Bovet n’a produit aucune réponse aux engagements E‑7 et E‑8 visant les annonces de l’Opposante qui auraient été publiées en 2016‑2017 dans Toronto and Vancouver Home Magazine, Dwell Magazine, Montreal Home Magazine, Air Canada Magazine, Maison Birks Magazine et Toronto Life.

· Les annonces initialement contenues à la pièce O‑13 (qui auraient été publiées en 2018 dans Prestige Design Magazine et dans Halton News) ne sont pas présentes dans les documents produits en réponse à l’engagement E‑9. La réponse à cet engagement E‑9 contient toutefois une autre annonce de l’Opposante parue dans The Globe and Mail.

· Le document produit en réponse à l’engagement E‑10 ne fait pas état des dates de parution des annonces de l’Opposante. Il s’agit simplement d’une copie d’un article Wikipédia intitulé « List of newspapers in Canada by circulation ».

[34] Sur ce dernier point, l’Opposante fait référence à la décision Hilton Worldwide Holding LLP c Solterra (Hastings) Limited Partnership, 2019 COMC 132, où le registraire a pris connaissance d’office du fait que le Toronto Star, le National Post et The Globe and Mail ont une large diffusion au Canada et que les journaux comme The Vancouver Sun, le Winnipeg Free Press, le Montreal Gazette, le Vancouver Province, et le Calgary Herald ont une large diffusion dans leurs régions respectives.

Conclusion sur la mesure dans laquelle la marque est connue

[35] Je conviens avec les observations de la Requérante, faites tant à l’écrit qu’à l’audience, que la preuve de l’Opposante résumée ci-dessus présente de nombreuses lacunes et que les documents produits en réponse aux engagements souscrits lors du contre-interrogatoire de M. Bovet révèlent l’inexactitude de certaines allégations contenues à son affidavit.

[36] Considérant cette preuve dans son ensemble, je suis néanmoins prête à accepter les affirmations de M. Bovet que la marque INCOMPARABLE de l’Opposante est employée depuis décembre 2010, qu’elle est affichée sur le site Internet de l’Opposante (visité en moyenne par un peu plus de 106 000 canadiens par année) et que l’Opposante a tenu des évènements portes ouvertes où cette marque était affichée au public (auxquels au moins un certain nombre de canadiens se sont inscrits). Également, la marque INCOMPARABLE de l’Opposante semble effectivement avoir été annoncée dans certains journaux et publications tant à vaste diffusion au Canada (tel The Globe and Mail) que dans leurs régions respectives (tel La Presse, Le Journal de Montréal ou Toronto Star). La preuve à cet égard manque toutefois à mon avis la précision et la substance nécessaires pour établir que l’exposition publique et médiatique de cette marque soit aussi large ou importante que le soutient l’Opposante dans ses observations. Qui plus est, la preuve de l’Opposante n’établit pas un usage en liaison avec tous les services couverts par son enregistrement. À mon sens, la preuve au dossier démontre au mieux l’emploi de la marque de commerce INCOMPARABLE en liaison avec des services de construction, d’architecture et de conception de maisons de même qu’en liaison avec la mise à disposition d’informations dans les domaines de la construction et de l’architecture. Par conséquent, je suis tout au plus en mesure de conclure que la marque de l’Opposante est devenue un peu connue au Canada en liaison avec ces services.

[37] J’estime donc que le facteur énoncé à l’article 6(5)a) de la Loi, qui englobe à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis des marques de commerce, favorise l’Opposante.

Période pendant laquelle les marques ont été en usage

[38] À la lumière de la discussion ci-dessus, le facteur énoncé à l’article 6(5)b) de la Loi favorise aussi l’Opposante.

Genre de services ou entreprises et nature du commerce

[39] En considérant les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d), il faut comparer le libellé des services de la demande d’enregistrement pour la Marque avec celui de l’enregistrement plaidé par l’Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[40] La demande d’enregistrement pour la Marque couvre les services suivants, tels que révisés :

(1) Operation of convenience stores; management services in the area of hotels and restaurants, namely planning, monitoring and management of renovation of integrated hotel complexes and catering services for third parties.

(2) Hall rental services for banquets, meetings, seminars and conventions; operation, management, leasing and sale of commercial buildings, retirement housing and long term care facilities and property management services.

(3) Temporary accommodation services, namely: operation of hotel, motel, resort and apartment complexes, operation of restaurants, bars, piano-bars, discothèques and cafés; management services for others and for the applicant of a network for making hotel reservations.

(4) Fitness and health spa services.

[Traduction] (1) Exploitation de dépanneurs; services de gestion dans le secteur des hôtels et des restaurants, nommément planification, surveillance et gestion ayant trait à la rénovation de complexes hôteliers ainsi que services de traiteur pour des tiers.

(2) Services de location de salles pour banquets, réunions, conférences et congrès; exploitation, gestion, location et vente de bâtiments commerciaux, de maisons de retraite et d’établissements de soins prolongés ainsi que services de gestion de biens immobiliers.

(3) Services d’hébergement temporaire, nommément exploitation de complexes hôteliers, d’ensembles de motels, de centres de villégiature et d’immeubles à appartements; exploitation de restaurants, de bars, de pianos-bars, de discothèques et de cafés; services de gestion pour des tiers et pour le requérant d’un réseau pour la réservation d’hôtels.

(4) Services de spa pour la santé et la bonne condition physique.

[41] À l’audience, l’Opposante a concédé que son objection ne vise en fait que les services (1) énoncés ci-dessus. Mon analyse se limitera donc strictement à ces services contestés.

[42] L’Opposante fait valoir que bien que les services couverts par chacune des marques en cause ne soient pas identiques, la complémentarité de ces services dans les domaines de l’habitation, du bâtiment, de la construction, de l’architecture, de l’aménagement et du design d’intérieur doit être un important facteur d’évaluation de la probabilité de confusion.

[43] La Requérante fait pour sa part valoir que l’Opposante ne peut prétendre — du simple fait que l’état déclaratif des services dans son enregistrement contient les termes « construction », « architecture » et « design d’intérieur » — revendiquer un monopole sur tout service qui pourrait toucher de près ou de loin ces trois domaines. La Requérante note aussi que les domaines de l’habitation et de l’aménagement ne sont pas présents dans les services couverts par l’enregistrement que détient l’Opposante et qui plus est, que cet enregistrement ne couvre pas des services de construction de bâtiments, mais plutôt des services de consultation, d’éducation, de publicité ainsi que de promotion dans le domaine de la construction de bâtiments. La requérante fait donc valoir que les marques des parties visent des services très différents, l’une étant dans le domaine de la consultation, de l’éducation, de la publicité (pour des tiers) ainsi que de la promotion (pour des tiers) reliés au domaine de la construction, de l’architecture ainsi que du design d’intérieur tandis que l’autre est dans le domaine général de l’hôtellerie et de la restauration.

[44] La marque de l’Opposante est effectivement enregistrée en liaison avec des services de consultation professionnelle, des services éducatifs, et des services de publicité et de promotion pour des tiers dans les domaines de la construction, de l’architecture et de la décoration intérieure. J’estime néanmoins qu’il existe un chevauchement, une similarité ou, du moins, un lien entre les services de consultation dans les domaines de la construction et de l’architecture à l’enregistrement de l’Opposante et les services de planification et gestion de rénovations couverts par la Marque (et ce malgré la précision contenue à la demande que ces services de la Requérante ont spécifiquement trait à de complexes hôteliers). Je n’en dirais toutefois pas autant des services d’exploitation de dépanneurs de la Requérante ainsi que de ses services de traiteur pour des tiers dont la nature diffère foncièrement des services couverts par l’enregistrement de l’Opposante.

[45] Il me semble en effet qu’offrir un conseil ou avis professionnel en matière de construction de bâtiments pourrait inclure des aspects de planification, administration ou organisation (gestion) y reliés. Par ailleurs, le lien entre les domaines de la construction et de l’architecture et celui de la rénovation m’apparaît évident et je note que le libellé de l’enregistrement de l’Opposante ne contient pas de limitation quant aux bâtiments visés (résidentiels ou commerciaux) et est donc suffisamment large pour éventuellement englober des services de consultation professionnelle visant la construction d’un complexe hôtelier. En ce sens, bien qu’il faille tenir compte des commerces véritables, je rappelle aussi qu’il convient de considérer le droit d’une partie d’exploiter une voie donnée plutôt que de se concentrer uniquement sur si elle le fait ou non.

Conclusion sur la probabilité de confusion

[46] À la vue de ce qui précède, et particulièrement du fait que les marques des parties sont identiques et de l’existence d’un lien entre certains de leurs services, je conclus que la Requérante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, l’absence de probabilité de confusion en ce qui concerne les services suivants couverts par sa demande d’enregistrement : [Traduction] « services de gestion dans le secteur des hôtels et des restaurants, nommément planification, surveillance et gestion ayant trait à la rénovation de complexes hôteliers ». Par conséquent, celle-ci ne s’est pas déchargée de son fardeau ultime les concernant et le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est accueilli en partie.

Autres motifs d’opposition

[47] Comme l’Opposante a déjà en partie obtenu gain de cause à l’égard de son motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi, je n’examinerai pas les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(3)a) et 2 de la Loi. J’ajouterai toutefois que ces autres motifs portent aussi sur la question de la confusion et que la position de l’Opposante n’est pas plus forte à l’égard de ces motifs, à leurs dates pertinentes respectives, qu’elle ne l’est à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), à la date d’aujourd’hui.

Décision

[48] Compte tenu de ce qui précède, en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement en ce qui a trait aux « management services in the area of hotels and restaurants, namely planning, monitoring and management of renovation of integrated hotel complexes » ([Traduction] « services de gestion dans le secteur des hôtels et des restaurants, nommément planification, surveillance et gestion ayant trait à la rénovation de complexes hôteliers ») et je rejette l’opposition en ce qui a trait au reste des services, le tout en vertu de l’article 38(12) de la Loi.

 

Iana Alexova

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2022-06-09

COMPARUTIONS

Hilal Elayoubi

Pour l’Opposante

 

Gabriel St-Laurent

Pour la Requérante

 

AGENTS AU DOSSIER

BENOÎT & CÔTÉ INC.

Pour l’Opposante

ROBIC

Pour la Requérante

 

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