Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2022 COMC 193

Date de la décision : 2022-09-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

D.M.C. SRL

Opposante

et

 

Ermenegildo Giusti

Requérante

 

1,611,381 pour GIUSTI PROSECCO

Demande

Aperçu

[1] Le 25 janvier 2013, Ermenegildo Giusti (le Requérant) a déposé une demande pour enregistrer la marque de commerce GIUSTI PROSECCO (la Marque). La demande d’enregistrement de la Marque est déposée pour emploi en liaison avec du vin et est fondée sur l’emploi par la Requérante depuis le 20 décembre 2012.

[2] La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 20 mai 2015.

[3] Le 10 octobre 2015, D.M.C. SRL (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Cette Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Tous les renvois sont faits à la Loi dans sa version modifiée et les motifs d’opposition seront évalués selon le libellé de la Loi avant sa modification (voir l’article 70 de la Loi). La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration, dans laquelle elle réfute les allégations de l’Opposante.

[4] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit un affidavit de Cristina De Giusti. En réponse, la Requérante a produit l’affidavit d’Ermenegildo Giusti. Les auteurs d’affidavits ont été contre-interrogés sur leur preuve. À titre de contre-preuve, l’Opposante a présenté un deuxième affidavit de Mme De Giusti. Les parties ont toutes deux produit des observations écrites et participé à une audience.

[5] En bref, les motifs d’opposition sont les suivants :

a) La Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 38(2)d) de la Loi, car la marque n’est pas distinctive et, à toutes les dates pertinentes, n’a pas été et ne pouvait pas être distinctive des Produits de la Requérante.

b) La demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30b) de la Loi parce que la Requérante n’aurait pas employé la Marque depuis la date de premier emploi invoquée au Canada, à savoir le 20 décembre 2012.

c) La Marque n’est pas enregistrable en vertu des articles 38(2)b) et 12(1)a) de la Loi, dans la mesure où la Marque est principalement constituée d’un simple nom de famille.

d) La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des articles 16(1)a) et 38(2)c) de la Loi.

Les motifs d’opposition fondés sur les articles 2 et 16(1)a) de la Loi visent les marques de commerce DE GIUSTI, DE GIUSTI (stylisé) et De Giusti ORGOGLIO de l’Opposante.

Question préliminaire – autorisation de modifier la déclaration d’opposition

[6] Dans ses observations écrites, l’Opposante a ajouté une discussion sur un motif d’opposition en vertu de l’article 30i) qui, selon elle, ferait l’objet d’une [traduction] « modification à venir de la déclaration d’opposition ». Une demande écrite de modification de la déclaration d’opposition a été soumise après l’audience, demandant l’ajout du texte souligné ci-dessous :

[traduction]

Article 38(2)c), article 16(1)a), et article 30i).

9. La marque de commerce visée par la demande n’est pas enregistrable en vertu des articles 16(1)a) et 38(2)c) de la Loi, car la Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la marque de commerce. Par exemple, à la date de production de la Demande et à toute date pertinente, la marque de commerce créait de la confusion ou était susceptible de créer de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante, y compris celles énumérées au paragraphe 5 ci-dessus, employées ou révélées au Canada par l’Opposante avant la production de la Demande. En outre, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement, car tout emploi au Canada de la marque de commerce visée par la demande a été fait par la SOCIETA AGRICOLA GIUSTI DAL COL SRL, une tierce partie. De même, la Requérante n’aurait pas pu être convaincue qu’elle avait droit d’employer la marque de commerce GIUSTI PROSECCO au Canada parce que, à la date de production ou à toute autre date pertinente, la Requérante connaissait, ou aurait dû connaître, la marque DE GIUSTI de l’Opposante depuis au moins aussi tôt que 2009.

 

[7] Je ne pense pas qu’il soit dans l’intérêt de la justice d’accorder l’autorisation de déposer la déclaration d’opposition modifiée, étant donné que l’opposition se trouve à un stade très avancé, qu’il n’y a pas de raison satisfaisante pour laquelle une déclaration d’opposition modifiée n’a pas été déposée avant l’audience, que la modification n’est pas importante puisqu’elle n’a aucune chance de succès et que, par conséquent, le préjudice causé à l’Opposante est très limité par suite du refus de l’autorisation. En revanche, le préjudice causé à la Requérante par suite de l’autorisation d’une modification à ce stade serait plus important, car l’Opposante serait autorisée à diviser son affaire et à retarder l’enregistrement de la demande (si la Requérante obtient gain de cause dans l’opposition).

[8] Je conclus que la modification n’a aucune chance de succès pour les raisons suivantes. Après la production de la preuve, le registraire examine les arguments en ce qui a trait à la preuve [Novopharm Ltd c Astrazeneca AB, 2002 CAF 387]. Un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve de mauvaise foi de la part du requérant [Sapodilla Co Ltd c Bristol Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. En l’espèce, aucune preuve de mauvaise foi n’a été fournie par l’Opposante, ni une preuve qui s’agit d’un cas exceptionnel. En effet, même si la Requérante avait connaissance de la Marque de l’Opposante, la simple connaissance de l’existence des marques de commerce DE GUISTI de l’Opposante et de leur emploi et enregistrement dans d’autres administrations ne permet pas en soi de soutenir une allégation selon laquelle la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait droit d’employer la Marque au Canada [Taverniti SARL c DGGM Bitton Holdings Inc (1986), 8 CPR (3d) 400 (COMC) aux p. 404 à 440; Woot, Inc c WootRestaurants Inc Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197].

Question préliminaire – refus lors du contre-interrogatoire

[9] L’ancien agent de la Requérante a empêché M. Giusti de répondre à de nombreuses questions posées au cours de son contre-interrogatoire en déclarant que ce dernier devait rester dans le cadre de son affidavit (par exemple, voir la discussion aux questions 30 et 31). Dans Coca‑Cola Ltd. c Compagnie française de Commerce International COFCI, S.A.(1991), 35 CPR (3d) 406 (COMC) aux p. 412 et 413, le registraire a expliqué la portée du contre-interrogatoire dans les décisions relatives à l’opposition :

[traduction]

[…] Bien que la portée du contre-interrogatoire ne soit sans doute pas aussi large que celle qui est permise lors de l’interrogatoire préalable dans une action civile, le contre-interrogatoire peut couvrir des questions autres que la question précise à l’égard de laquelle l’affidavit en cause a été présenté. En effet, une opposition n’est pas une simple procédure entre parties, mais nécessite également un examen de l’intérêt public. Ainsi, il est dans l’intérêt public de permettre d’interroger le dirigeant d’une partie requérante au sujet de l’exactitude de la date de premier emploi revendiquée afin d’assurer la légitimité du fondement sur lequel repose la demande d’enregistrement de la partie requérante. La portée élargie du contre-interrogatoire mené dans les procédures de l’opposition découle également (du moins dans le cas d’un motif fondé sur le non-respect de l’alinéa 30b) de la Loi) du fait que les renseignements se rapportant à ce motif sont, pour la plupart, connus de la partie requérante. En conséquence, s’il est jugé que l’affidavit de M. Grivory se limite à la question du genre de marchandises et de la nature du commerce du requérant, j’estime que l’opposant avait néanmoins le droit de mener un contre-interrogatoire élargi de manière à couvrir la question connexe de la date à laquelle le requérant a employé sa marque pour la première fois.

[10] Le défaut de répondre à des questions pertinentes ou de soumettre et signifier des réponses aux engagements peut mener à des conclusions défavorables ou à ce que l’affidavit ne soit pas pris en compte à l’étape de la décision [Joseph E Seagram & Sons Ltd et al c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325, à la p. 332 (COMC)].

[11] Étant donné que le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) concerne l’emploi de la Marque par la Requérante et que l’affidavit traite de la date de premier emploi par la Requérante, je tirerai les conclusions requises quant au refus de la Requérante de répondre aux questions qui mettent en cause la date de premier emploi, notamment les suivantes :

[traduction]

[Q 147] M. Giusti, quand David Walker s’est-il joint à votre entreprise?

[Q 148] Qui est David Walker?

[Q 149] Travaille-t-il toujours pour votre entreprise?

[Q 154] […] Le paragraphe indique – et je cite : (tel que libellé)

« Quand je l’ai rencontré, il avait tous ces vignobles, se souvient Walker. Je lui ai demandé où il vendait son vin, et il m’a répondu nulle part!. Parce qu’il est un fils de fermier et un bâtisseur, il a d’abord acheté la propriété et n’a pas vraiment pensé à la façon de vendre le vin. Maintenant, le travail de Walker consiste à développer Giusti Wines et à faire ressortir son histoire et ses vins sur le marché. »

Vous voyez cela?

[Page 77, ligne 3] Dans cet article daté du 9 avril 2015, il y a un paragraphe au milieu de la deuxième page qui commence – ou la troisième page : (tel que libellé)

« Sept Canadiens ont travaillé directement pour les vins Giusti », et je cite : « L’un d’eux est David Walker, un sommelier bien connu de Calgary, qui a notamment été directeur des vins au Fairmont Banff Springs et propriétaire de l’ancien magasin de vins 100 Wines by David Walker. Walker et Giusti se sont rencontrés par hasard, après qu’un autre amateur de vin a offert à [Walker] du Giusti Brut Prosecco. Walker a été séduit par la qualité et a été rencontrer Giusti dans son bureau de Calgary. J’ai été frappé par son énergie et son enthousiasme, dit Walker. » Vous voyez où c’est écrit, M. Giusti?

[160] Très bien. Cela vous aide-t-il à vous souvenir de qui est M. Walker?

[Q 161] […] plus loin dans cet article, il y a un paragraphe qui commence par « L’équipe des vins Giusti est dirigée par ». La dernière phrase de ce paragraphe indique : (tel que libellé)

« Les vins ne sont en vente que depuis août 2014, mais le marché canadien est la priorité, affirment Giusti et son équipe. »

[Q 162] Donc, M. Giusti, je vous suggère que la date de la première vente au Canada est en août 2014?

Question préliminaire – objection à la contre-preuve

[12] Une contre-preuve appropriée répond directement aux points soulevés dans la preuve de la Requérante, lesquels sont imprévus. Elle ne devrait pas comprendre de preuve qui aurait pu être déposée dans le cadre la preuve principale de l’opposant [Lemon Hart Rum Co c Bacardi & Co, 2015 COMC 75, au para 22; Halford c Seed Hawk Inc, 2003 CFPI 141 (CF 1re inst) aux para 14 et 15]. L’article 54 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/2018-227, permet la production d’une contre-preuve [voir également l’article 43 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195, qui indique que la contre-preuve doit se limiter strictement aux questions en réponse]. La contre-preuve de l’Opposante concernant le fait que Giusti est un nom de famille et les copies d’articles marqués à des fins d’identification dans le contre-interrogatoire ne sont pas admissibles, car il ne s’agit pas d’une contre-preuve appropriée. Cette preuve porte sur une question qui a été soulevée pour la première fois en contre-interrogatoire et aurait dû faire partie de la preuve principale [Halford c Seed Hawk, précité, aux para 14 et 15].

Fardeau

[13] C’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’opposant a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p. 298].

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)a)

[14] L’Opposante soutient que la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle est principalement constituée d’un simple nom de famille.

[15] La date pertinente pour évaluer ce motif d’opposition est la date de production de la demande [Jurak Holdings Ltd c Matol Biotech Laboratories Ltd (2007), 64 CPR (4th) 195 (COMC) conf. par. 2008 CF 1082].

[16] Dans Jurak Holdings Ltd (COMC), le registraire a résumé le critère relatif à l’article 12(1)a) au paragraphe 16 :

La jurisprudence faisant autorité sur la question de la non-enregistrabilité d’une marque de commerce n’étant principalement que le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes est la suivante : Canada (Registraire des marques de commerce) c Coles Book Stores Ltd, [1974] RCS 438, 4 CPR (2d) 1, Gerhard Horn Investments Ltd c Registraire des marques de commerce (1983), 73 CPR (2d) 23 (FCTD) et Standard Oil Co c Canada (Registraire des marques de commerce), [1968] 2 C. de l’É.523, 55 CPR 49. Comme l’expose cette jurisprudence, le critère relatif à l’alinéa 12(1)a) est double :

1) la première condition, et la plus importante, est de savoir si la marque est le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou décédé depuis peu;

2) dans l’affirmative, le registraire doit alors décider si, dans l’esprit du consommateur canadien moyen, la marque n’est « principalement qu[’] » un nom ou un nom de famille plutôt qu’autre chose.

[17] La Marque est constituée du nom de famille Giusti de la Requérante et du mot PROSECCO, qui est un type de vin. Compte tenu de ce qui précède, je suis d’accord avec la Requérante pour dire que la marque de commerce dans son ensemble ne contrevient pas à l’article 12(1)a) de la Loi parce que, dans son intégralité, elle n’est pas principalement un simple nom ou un nom de famille [Molson Cos. c John Labatt Ltd., 1981 CanLII 2786 (CF)]. Le fait que le mot PROSECCO est descriptif ne rend pas la Marque non enregistrable en vertu de l’article 12(1)a) de la Loi. Une marque de commerce qui comprend la combinaison d’un nom de famille et d’un terme descriptif est enregistrable [Molson Cos, précité]. Le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)a) de la Loi est donc rejeté.

Motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

[18] Le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est le suivant :

[traduction]

[…] la [Marque] n’est pas, et à toutes les dates pertinentes, n’a pas été et ne pouvait pas être, distinctive des Produits de la Requérante. Par exemple, eu égard à l’article 2 de la Loi, la [Marque] – étant confondue, ou susceptible d’être confondue, avec les [Marques de commerce de l’Opposante]… qui ont été employées de façon répandue et continue ou révélées au Canada depuis bien avant le 25 janvier 2013, date de dépôt de la Demande – n’est pas adaptée pour distinguer et ne distingue pas les Produits de la Requérante des produits, services et affaires d’autres personnes.

[19] La date pertinente à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’absence du caractère distinctif est la date de production de l’opposition, soit le 20 octobre 2015 [Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc. c Stargate Connections Inc. (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[20] Le requérant a le fardeau ultime de démontrer que la Marque distingue véritablement ses services de ceux d’autres personnes partout au Canada ou est adaptée à les distinguer [Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)]. Il incombe toutefois à un opposant de s’acquitter du fardeau initial de prouver les allégations de fait au soutien de son motif fondé sur l’absence de caractère distinctif. Selon la décision Bojangles' International LLC c Bojangles Café Ltd. (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF) au para 33, la marque d’un opposant doit être connue au moins dans une certaine mesure pour annuler le caractère distinctif établi d’une autre marque, et sa réputation au Canada devrait être importante, significative ou suffisante.

[21] La preuve de l’Opposante provient de Mme De Giusti, la directrice principale de l’Opposante. L’Opposante est une entreprise familiale qui exploite une chaîne de cafés bien connus en Italie (para 2).

· L’Opposante a adopté et employé la marque de commerce DE GIUSTI sur des produits tels que le vin, les bières, les boissons non alcoolisées, les boissons et jus de fruits, les boissons distillées et les services de fourniture d’aliments et de boissons, effectuant la vente d’aliments et de boissons depuis au moins 2008 (para 5).

· La marque de commerce DE GIUSTI et les versions stylisées de cette marque sont enregistrées dans un certain nombre de pays, dont les États-Unis, l’Union européenne et l’Italie (Pièce A).

· Le volume total des ventes de vin prosecco vendu sous la marque DE GIUSTI est présenté à l’annexe C et indique les ventes réalisées dans les pays suivants : AT, AUS, BIH, CH, CHN, CZ, DE, ES, HU, IT, KOR, MON, RO, SRB, TWN, LBN, et USA. Le Canada n’est pas compris comme pays où il y a eu des ventes.

· L’Opposante maintient une présence en ligne sur le site Web manuelcaffe.it, sur le site Web degiusti.eu, sur Facebook et sur YouTube où la marque de commerce DE GIUSTI est présentée en liaison avec du vin (para 7, Pièce E). Bien que Mme De Guisti indique que ces sites Web sont disponibles au Canada, rien ne prouve qu’ils ont été consultés par des Canadiens.

· L’Opposante a investi des sommes considérables dans la publicité et la promotion de la marque DE GIUSTI en Europe et ailleurs, y compris dans des périodiques (Pièce F). Il n’y a aucune preuve que l’un de ces périodiques a été diffusé au Canada.

· L’Opposante a entamé une opposition dans l’Union européenne contre une demande semblable déposée par une société contrôlée par la Requérante et ses observations sont jointes à titre de Pièce D. Je ne vois rien dans ces observations ou dans le dépôt de l’opposition qui soit pertinent pour cette opposition.

· L’Italie est le premier producteur et exportateur de vin – le volume de vin importé au Canada en 2014 en provenance de ce pays était de 384,9 millions de litres (para 11 et 12). Mme De Guisti déclare ce qui suit :

[traduction]

Parmi les consommateurs de vin, y compris les Canadiens qui voyagent en Europe ou aux États-Unis et qui consomment du vin italien, la marque de commerce DE GIUSTI est devenue bien connue. Pour les raisons qui précèdent, la marque de commerce DE GIUSTI a été révélée au Canada, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce.

L’Opposante n’a toutefois pas produit de preuves pour étayer les affirmations de Mme De Guisti selon lesquelles les Canadiens qui ont voyagé en Europe ou aux États-Unis ou qui consomment du vin italien connaîtraient la marque de commerce DE GIUSTI.

 

L’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve

[22] L’Opposante n’a pas établi que l’une ou l’autre de ses marques de commerce jouit d’une réputation suffisante auprès des Canadiens pour annuler le caractère distinctif de la Marque. Il n’y a aucune preuve établissant que les vins ou les autres boissons alcoolisées de l’Opposante portant la mention « De Giusti » sur l’étiquette ont été vendus au Canada (Q 209). Il n’existe aucune preuve quant à la connaissance au Canada de l’emploi des marques de commerce de l’Opposante à l’étranger. Comme l’a déclaré la Cour fédérale au paragraphe 33 de la décision Bojangles’, « le propriétaire d’une marque de commerce étrangère ne peut pas simplement affirmer que sa marque de commerce est connue au Canada; il doit plutôt présenter une preuve claire à ce sujet ». En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a)

[23] L’Opposante soutient que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi, car, à la date de premier emploi de la Marque par la Requérante, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce DE GIUSTI de l’Opposante employées et révélées au Canada.

[24] La date pertinente pour évaluer la probabilité de confusion en vertu de ce motif est le 20 décembre 2012.

[25] Pour s’acquitter de son fardeau de preuve, l’Opposante doit démontrer qu’elle a employé ou révélé une ou plusieurs de ses marques de commerce au Canada avant le 20 décembre 2012 et qu’elle n’a pas abandonné cette marque de commerce en date du 20 mai 2015 [voir l’article 16(5)].

[26] L’article 5 de la Loi explique ce qui est nécessaire pour qu’une marque soit « révélée » :

5. Une personne est réputée faire connaître une marque de commerce au Canada seulement si elle l’emploie dans un pays de l’Union, autre que le Canada, en liaison avec des produits ou services, si, selon le cas :

L’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve en ce qui concerne l’emploi au Canada

[27] L’Opposante n’a pas fourni de faits suffisants pour me permettre de conclure que l’emploi a été démontré conformément à l’article 4 de la Loi. L’Opposante ne fournit aucune preuve de ventes à des clients au Canada.

L’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve en ce qui concerne la révélation

[28] Pour s’acquitter de son fardeau de preuve, l’Opposante doit démonter qu’avant le 20 décembre 2012 :

1. une de ses marques a été employée dans un autre pays de l’Union;

2. ses produits ont été distribués au Canada ou ont fait l’objet d’une publicité dans des publications imprimées ou à la radio, conformément à l’article 5; et

3. cette marque était devenue bien connue au Canada par suite de cette distribution ou de cette annonce (ce qui exige que la marque soit connue dans une région importante du Canada [voir Marineland Inc. c Marine Wonderland and Animal Park Ltd. (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re inst)]).

[29] Bien que Mme De Giusti n’ait pas fourni de preuve de la distribution des produits de l’Opposante au Canada, ni d’émissions de radio ou de publicités dans des publications imprimées qui circulent au Canada, elle a fourni la preuve de la présence en ligne de l’Opposante sur le site Web manuelcaffe.it, sur le site Web degiusti.eu, sur Facebook et sur YouTube. Lors de l’audience, l’Opposante a déclaré qu’elle s’était acquittée de son fardeau de preuve par le biais de cette preuve en ligne, soulignant que la publicité en ligne est l’équivalent moderne de la publicité imprimée et radiophonique. Cependant, un tel emploi en ligne ne peut pas satisfaire aux exigences de la révélation [HomeAway.com, Inc. c Hrdlicka, 2012 CF 1467, au para 30]. Même si j’avais accepté qu’il puisse l’être, il n’y a aucune preuve que l’une des marques de l’Opposante soit bien connue au Canada en raison de cette publicité. En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30b)

[30] L’Opposante soutient que :

[traduction]

La demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30b) de la Loi parce que la Requérante n’a pas employé la [Marque] au Canada depuis la date de premier emploi revendiquée, soit le [20] décembre 2012.

[31] L’article 30b) exige l’emploi continu de la marque de commerce visée par la demande dans la pratique normale du commerce, de la date revendiquée à la date de production de la demande [Benson & Hedges (Canada) Ltd c Labatt Brewing Co (1996), 67 CPR (3d) 258 (CF 1re inst) à la p. 262].

[32] Il incombe au requérant de démontrer que sa demande est conforme à l’article 30b) de la Loi. Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve, un opposant doit fournir suffisamment de preuves admissibles à partir desquelles on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question [John Labatt Ltd, précité]. Le fardeau incombant à un opposant est moins lourd en ce qui concerne la question du non-respect de l’article 30b) parce que les faits étayant l’emploi d’une marque de commerce relèvent particulièrement des connaissances du requérant [Tune Masters c Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC), à la p. 89]. Un opposant peut aussi démontrer que la preuve d’un requérant est clairement incompatible avec la date de premier emploi revendiquée ou remettre en question la véracité de la date de premier emploi revendiquée [Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323, aux para 33 à 38].

L’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve

[33] Les conclusions défavorables tirées lors du contre-interrogatoire de M. Giusti sont suffisantes pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve initial. En particulier, le refus de M. Giusti de répondre aux questions pertinentes concernant la date et l’étendue de l’emploi de la Marque et les rapports contraires selon lesquels l’emploi de la Marque n’avait pas commencé avant 2014 sont suffisants pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve initial.

La Requérante s’acquitte de son fardeau ultime

[34] Les preuves de la Requérante sont suffisantes pour qu’elle s’acquitte de son fardeau ultime, même si elle a refusé de répondre aux questions lors du contre-interrogatoire :

[35] Compte tenu du volume des ventes à l’agent, la Requérante s’est acquittée du fardeau ultime de démontrer l’emploi à la date revendiquée. Bien que la facture indique que 30 caisses sont des [traduction] « ÉCHANTILLONS NON DESTINÉS À LA VENTE », les quelque 9 000 bouteilles de prosecco restantes ont une valeur unitaire de 8,00 €. J’en déduis donc que ces bouteilles ne sont pas des échantillons ou des ventes symboliques.

[36] La Loi indique clairement que l’emploi d’une marque de commerce à n’importe quel moment de la chaîne de distribution suffit à démontrer l’emploi au sens de l’article 4 de la Loi, et que cet emploi profitera au propriétaire à condition que les produits portant la marque de commerce proviennent du propriétaire [Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CF 1re inst); Osler, Hoskin & Harcourt c Canada Registraire des marques de commerce), (1997), 1997 CanLII 5927 (CF), 77 CPR (3d) 475 (CF 1re inst); Malcolm Johnston & Associates c A & A Jewellers Ltd (2000), 2000 CanLII 15759 (CF), 8 CPR (4th) 56 (CF 1re inst)].

[37] Il existe en l’espèce des preuves de ventes de la Societá Agricola Giusti Dal Col S.r.l. à Rheingold Agents le 16 octobre 2012. Lors du contre-interrogatoire, M. Giusti explique que Rheingold Agents est l’importateur, et que la régie des alcools effectue la vente aux consommateurs (Q 128 à 134). Bien qu’il ne soit pas tout à fait clair dans la transcription si le prosecco a été expédié le 16 octobre 2012 ou en décembre 2012 (Q 137 à 146), je ne pense pas que cela soit important en l’espèce.

[38] Cela suffit à démontrer le transfert de propriété au Canada, car les produits ont été livrés aux transporteurs dans un autre pays et la livraison au Canada a été effectuée [Ridout c Hj Heinz Company Australia Ltd., 2014 CF 442]. Dans les circonstances où une facture a été fournie indiquant la vente d’un nombre considérable de bouteilles pour plus de 80 000 € à un importateur pour la vente par la régie des alcools et où une conclusion défavorable a été tirée des questions lors du contre-interrogatoire, je ne trouve pas que les conclusions défavorables tirées pendant l’examen signifient que, selon la prépondérance des probabilités, la Requérante n’avait pas démontré l’emploi de la Marque à la date revendiquée. En concluant ainsi, je note que les articles discutant de l’intégration de M. Walker dans GUISTI WINES et des ventes à partir de 2014 ne sont pas compris dans la preuve dans le cadre de cette opposition.

[39] Comme la Requérante s’est acquittée de son fardeau de preuve, je rejette ce motif d’opposition.


Décision

[40] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

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Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

 

Le français est conforme aux WCAG.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : le 10 mai 2022

COMPARUTIONS

Yuri Chumak POUR L’OPPOSANTE

 

Andrea Long POUR LA REQUÉRANTE

AGENTS AU DOSSIER

Yuri Chumak

POUR L’OPPOSANTE

Method Law Professional Corporation

POUR LA REQUÉRANTE

 

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