Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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A maple leaf on graph paper

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2022 COMC 238

Date de la décision : 2022-11-30

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

Opposante : Groupe Marcelle Inc.

Requérante : Annabis, s.r.o.

Demande : 1901819 pour ANNABIS & Dessin

Introduction

[1] Groupe Marcelle Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce ANNABIS & Dessin, illustrée ci-dessous (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1,901,819 (la Demande), produite par Annabis s.r.o. (la Requérante). La couleur est revendiquée comme caractéristique de la Marque, comme suit :

La couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque de commerce. Le vert, le blanc et le noir sont revendiqués. La croix au centre de la marque de commerce est blanche. Les lettres ANNABIS sont noires. Le dessin de feuille à gauche du mot ANNABIS est vert. La croix blanche figure au centre d’un cercle vert. Dans la partie inférieure gauche, le cercle est vert foncé et passe progressivement au vert clair dans la partie supérieure droite. Un mince anneau blanc entoure le cercle vert. Un large anneau vert entoure le mince anneau blanc.

ANNABIS & Design (colour)

[2] La Demande a été produite le 31 mai 2018, sur la base de l’emploi projeté au Canada en liaison avec l’état déclaratif des produits reproduit ci-dessous (les Produits projetés), ainsi que les classes de Nice connexes (Cl) :

Cl 3 (1) Cosmétiques à base de chanvre, produits de toilette cosmétiques, nommément savons de toilette et eau de toilette, cosmétiques, produits cosmétiques et articles de toilette, nommément produits pour les soins de la peau, notamment crèmes, gels, laits, huiles et graisses, cosmétiques de soins du corps contenant des vitamines, gels de massage à usage autre que médical pour masser les muscles fatigués, préparations de récupération, nommément huiles de récupération musculaire et baumes de récupération musculaire; crèmes nettoyantes de récupération, lait nettoyant de toilette, huiles pour le corps pour le nettoyage, solutions à récurer, essences éthérées aromatiques pour l’aromathérapie; huiles éthérées à usage personnel, eau de toilette, dentifrice, tous les produits susmentionnés contenant du cannabis ou étant faits de cannabis.

Cl 5 (2) Désinfectants tout usage; savons désinfectants; gels antibactériens; savon à mains liquide antibactérien; préparations antiseptiques; antiseptiques; préparations vétérinaires, nommément baumes à base de plantes pour animaux de compagnie, gels au chanvre pour le traitement des troubles de la peau pour animaux de compagnie, shampooing au chanvre pour animaux de compagnie, huile de chanvre biologique pour animaux de compagnie, suppléments nutritifs de chanvre pour animaux de compagnie, préparations vétérinaires pour le traitement des claquages musculaires et pour favoriser la guérison à la suite de blessures aux tendons chez les animaux; huile de chanvre pour utilisation comme supplément alimentaire; fibres alimentaires comme additifs alimentaires; suppléments alimentaires composés d’acides aminés; suppléments à base de plantes sous forme de thé pour la santé et le bien-être en général; supplément alimentaire, nommément supplément nutritif de collagène pour les articulations, le cartilage, les tendons et les ligaments articulaires; suppléments à base de plantes pour la santé et le bien-être en général; baumes analgésiques; baumes analgésiques médicamenteux tout usage; crèmes analgésiques topiques; onguents anti-inflammatoires homéopathiques; huile de cannabidiol [CBD] à usage médical; huile de THC à usage médical; teinture d’iode; huiles de chanvre à usage médical; crèmes pour le traitement de l’eczéma et du psoriasis, des éruptions cutanées, des coups de soleil, de la peau sèche, des varices, des claquages musculaires et pour favoriser la guérison à la suite de blessures aux tendons; suppléments alimentaires de levure; suppléments alimentaires pour la santé et le bien-être en général en poudre; suppléments nutritifs pour la santé et le bien-être en général en poudre; suppléments alimentaires et nutritifs pour favoriser la perte de poids en poudre; protéines en poudre servant de substitut de repas pour utilisation comme supplément alimentaire; produits de soins de la peau pour le traitement de l’acné; baumes pour la peau pour le soulagement de la douleur; gels de massage pour le soulagement de la douleur; émulsions de chanvre pour le soulagement de la douleur et le massage; extraits de supplément à base de plantes pour la santé et le bien-être en général; préparations combinées de vitamines et de minéraux; suppléments alimentaires composés d’oligo-éléments; extraits végétaux pour la santé et le bien-être en général; médicaments pour le soulagement de la douleur; préparations pour le soulagement de la douleur; sels de bain à usage médical; anesthésiques dentaires; poli dentaire, dentifrice médicamenteux pour le traitement des maladies des gencives; bonbons médicamenteux pour le soulagement du rhume; pastilles médicamenteuses pour la gorge; racines médicinales, plantes médicinales et médicaments liquides pour le traitement de la douleur; onguents antiinflammatoires homéopathiques; huile de cannabidiol [CBD] à usage médical; huile de THC à usage médical; huiles de chanvre à usage médical; suppléments alimentaires pour la santé et le bien-être en général en poudre; suppléments nutritifs pour la santé et le bien-être en général en poudre; suppléments alimentaires et nutritifs pour favoriser la perte de poids en poudre; protéines en poudre servant de substitut de repas pour utilisation comme supplément alimentaire; extraits de suppléments à base de plantes pour la santé et le bien-être en général; suppléments alimentaires composés d’oligo-éléments; extraits végétaux pour la santé et le bien-être en général.

Cl 30 (3) Produits alimentaires, nommément thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, farine, pain, pâtisseries, confiseries au chocolat, confiseries glacées, crème glacée, miel, sirop de mélasse, levure, levure chimique, sel, moutarde, vinaigre, marinades (condiments), épices, pâtes alimentaires, gaufrettes comestibles, friandises, à savoir bonbons, gelées aux fruits, à savoir confiseries, confiseries sous forme de gomme et de sirop pour confiseries, gomme à mâcher, aromatisant pour gâteaux et biscuits, pâtisseries en tous genres, contenant tous du chanvre sans CBD et sans THC.

[3] La Demande revendique également une date de priorité du 26 février 2018, fondée sur la demande correspondante de la Requérante en République tchèque (Demande no 546045 en liaison avec le même type de produits).

[4] La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 13 janvier 2021. Le 15 mars 2021, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition à l’encontre la Demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi). De nombreuses modifications à la Loi sont entrées en vigueur le 17 juin 2019. Étant donné que la Demande en l’espèce a été annoncée après le 17 juin 2019, la Loi dans sa version modifiée s’applique (voir l’article 69.1 de la Loi).

[5] L’Opposante invoque des motifs d’opposition fondés sur la non-enregistrabilité en vertu des articles 12(1)b) et d), l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a), l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2 et la non‑conformité aux articles 38(2)e) et f) de la Loi.

[6] Pour les raisons qui suivent, je rejette l’opposition.

Le Dossier

[7] Comme je l’ai indiqué, l’Opposante a produit sa déclaration d’opposition le 15 mars 2021.

[8] La Requérante a produit et signifié sa contre-déclaration le 17 mai 2021, niant les motifs d’opposition.

[9] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit d’Andrea Ashton, souscrit le 17 septembre 2021, accompagné des Pièces A à K, et l’affidavit de Pascale Zakaib, également souscrit le 17 septembre 2021, accompagné des Pièces A à H. De plus, l’Opposante a produit des copies certifiées conformes de ses divers enregistrements ANNABELLE comme suit, conformément à l’article 54 de la Loi : LMC331,978, LMC618,718, LMC856,602 et LMC920,280.

[10] Le 12 janvier 2022, la Requérante a fourni une déclaration, conformément à l’article 52(3) du Règlement sur les marques de commerce, selon laquelle elle ne souhaite pas présenter de preuve.

[11] Seule l’Opposante a produit des observations écrites. Aucune audience n’a été demandée.

Aperçu de la preuve

L’Affidavit Ashton

[12] Mme Ashton est une agente de marques de commerce employée par l’agent de l’Opposante.

[13] Dans son affidavit, Mme Ashton joint de nombreuses copies de divers textes législatifs canadiens ainsi que les résultats de recherche de diverses bases de données du gouvernement du Canada, comme suit :

  • Pièce A – une copie du Règlement sur les produits de santé naturels du Canada, DORS/2003-196;

  • Pièce B – une copie de la Loi sur les aliments et drogues du Canada, L.R.C. 1985, ch. F-27;

  • Pièce C – une copie du Règlement sur les aliments et drogues du Canada, C.R.C., ch. 870;

  • Pièce D – une copie du Règlement sur les cosmétiques du Canada, C.R.C., ch. 869;

  • Pièce E – une copie de la Liste critique des ingrédients de cosmétiques du gouvernement du Canada, Liste des ingrédients dont l’usage est interdit dans les cosmétiques, obtenue en ligne le 15 mars 2021;

  • Pièce F – une copie de la Loi sur le cannabis L.C. 2018, ch. 16;

  • Pièce G – une copie du Règlement sur le cannabis DORS/2018/44;

  • Pièce H – une copie du Règlement sur le chanvre industriel du Canada DORS/2018-145;

  • Pièce I – les résultats d’une recherche qu’elle a effectuée le 10 mars 2021 dans la Base de données sur les produits de santé naturels homologués (BDPSNH) du Canada, tenue par Santé Canada, pour le nom Annabis en tant que titulaire de la licence;

  • Pièce J – les résultats d’une recherche qu’elle a effectuée le 10 mars 2021 sur la BDPSNH pour le nom de marque Annabis;

  • Pièce K – les résultats d’une recherche qu’elle a effectuée le 10 mars 2021 dans la Base de données sur les produits pharmaceutiques du Canada, tenue par Santé Canada, pour le nom de l’entreprise Annabis.

L’affidavit Zakaib

[14] Mme Zakaib est gestionnaire de projet, Développement international, pour l’Opposante, une société canadienne de cosmétiques dont le siège social est à Montréal, au Québec.

[15] Elle affirme que l’Opposante est la propriétaire d’une famille de marques de commerce déposées au Canada. Ces marques de commerce comprennent celles qui figurent à l’annexe A de la présente décision, et elles sont les mêmes marques de commerce qui sont invoquées pour des motifs de confusion dans la déclaration d’opposition de l’Opposante, ainsi que l’objet des copies certifiées conformes fournies conformément à l’article 54 de la Loi.

[16] Elle affirme que les marques de commerce ANNABELLE ont été employées au Canada en liaison, notamment, avec des cosmétiques, du maquillage et des préparations de soins de la peau (les produits ANNABELLE) depuis au moins le mois d’août 1967, date de lancement de la marque.

[17] Elle explique que les Produits ANNABELLE sont vendus au Canada dans les magasins de détail et en ligne, y compris par l’entremise du site Web de l’Opposante. Parmi ces détaillants et magasins de commerce électronique tiers figurent, entre autres, Pharmasave, Jean Coutu, Shoppers Drug Mart, Walmart Canada, Pharmaprix et Amazon.

[18] Mme Zakaib affirme que depuis 2016, les ventes annuelles des Produits ANNABELLE par l’Opposante ont toujours été évaluées à plus de 15 millions de dollars canadiens. Elle fournit une ventilation des ventes canadiennes effectuées par l’Opposante pour les années 2016 à 2021 (année partielle) et joint, à titre de Pièce A à son affidavit, des factures représentatives des ventes de Produits ANNABELLE par l’Opposante pendant cette période.

[19] En ce qui a trait à la présentation des Marques de commerce ANNABELLE, elle fournit, à titre de Pièce B de son affidavit, des photographies qui, selon elles, sont représentatives des Produits ANNABELLE vendus par l’Opposante au Canada entre 2016 et 2020.

[20] Mme Zakaib affirme que l’Opposante annonce les Marques de commerce ANNABELLE et les Produits ANNABELLE par l’intermédiaire de son site Web (Pièce C), de ses détaillants tiers (Pièce D) et de ses sites de commerce électronique tiers (Pièce E), au moyen de Milled, un moteur de recherche de bulletins d’information par courriel qui permet aux abonnés d’accéder aux rabais sur les produits (Pièce F), ainsi qu’au moyen des plateformes de médias sociaux comme Facebook (Pièce G) et Instagram (Pièce H).

[21] Enfin, Mme Zakaib fournit des chiffres annuels de publicité pour les années 2016 à 2021 (année partielle) en ce qui a trait à l’annonce par l’Opposante des Produits ANNABELLE au Canada. Elle affirme que cette publicité dépasse les 14,4 millions de dollars canadiens.

Analyse

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b)

[22] L’Opposante soutient que la Marque n’est pas enregistrable puisque, qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des produits, à savoir que la Marque décrit clairement que les produits de la Requérante contiennent du cannabis.

[23] Un opposant peut s’acquitter de son fardeau initial à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) simplement en renvoyant au sens ordinaire que donne un dictionnaire aux mots qui composent la marque du requérant [voir, par exemple, Flowers Canada/Fleurs Canada Inc c Maple Ridge Florist Ltd (1998), 86 CPR (3d) 110 (COMC)]. Un opposant n’a pas nécessairement besoin de produire des éléments de preuve lorsque son argument juridique peut être fondé entièrement sur le sens ordinaire des mots [McIntosh c La-Co Industries Inc, 1998 CanLII 18596 (COMC)].

[24] En l’espèce, l’Opposante n’a produit aucun élément de preuve pertinent pour ce motif ni présenté d’observations à l’appui du fait que la Marque contrevient à l’article 12(1)b) de la Loi. Toutefois, il a également été conclu que, lorsqu’il évalue si une marque de commerce donne une description claire ou une description fausse et trompeuse en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi, le registraire doit non seulement tenir compte de la preuve, mais également appliquer son sens commun à l’évaluation des faits [Neptune SA c Procureur général du Canada (2003), 29 CPR (4th) 497 (CF 1re inst), au para 11]. Ce faisant, je ne peux pas conclure que la Marque est clairement descriptive – il s’agit simplement d’un mot inventé découlant de l’omission de la première consonne dans le mot « cannabis », et, par conséquent, donne simplement une description suggestive de la nature ou des qualités des Produits projetés plutôt qu’une description claire.

[25] Par conséquent, je rejette ce motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) de la Loi, puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[26] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable puisqu’elle crée de la confusion au sens de l’article 6(2) de la Loi avec les marques déposées suivantes de l’Opposante :

· ANNABELLE, LMC331,978;

· ANNABELLE DESSIN, LMC618,718;

· ANNABELLE EXPANDABLE MASCARA, LMC856,602;

· ANNABELLE STAY SHARP, LMC920,280

[27] Les détails des enregistrements susmentionnés de l’Opposante figurent à l’annexe A de la présente décision.

[28] Un opposant s’acquitte de son fardeau initial à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) si un ou plusieurs des enregistrements invoqués sont en règle. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre afin de confirmer l’existence de tout enregistrement invoqué par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Ayant exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire, je confirme que chacune des Marques de commerce ANNABELLE invoquées par l’Opposante est en règle.

[29] Puisque l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial pour ce motif d’opposition, la question devient celle de savoir si la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l’une des Marques de commerce ANNABELLE de l’Opposante.

[30] En outre, pour ce qui est de la question de la confusion, je me concentrerai principalement sur l’enregistrement de la Marque de commerce ANNABELLE, no LMC331,978 de l’Opposante, étant donné que je considère que cette marque de commerce représente la meilleure chance de succès de cette dernière, ou au moins une chance équivalente de succès, en raison de l’absence d’autre élément distinctif en l’espèce. Si la Marque ne crée pas de confusion avec cette marque de commerce, elle ne créera pas confusion avec les autres marques de commerce invoquées par l’Opposante.

[31] Je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque risque de créer de la confusion avec la marque de commerce ANNABELLE no LMC331,978 de l’Opposante (la Marque ANNABELLE).

Le test en matière de confusion

[32] Le test en matière de confusion est évalué comme celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’opposant et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].

[33] Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce y compris dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération et le poids qu’il convient de leur accorder n’est pas forcément le même [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc 2006 CSC 22; Veuve Clicquot, supra; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27].

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[34] La Marque de la Requérante se trouve à l’extrémité inférieure du spectre du caractère distinctif inhérent, puisqu’elle suggère des produits qui contiennent du cannabis comme ingrédient. Le dessin de feuille amplifie simplement cette notion. En outre, la matière graphique supplémentaire, à savoir le cercle vert et la croix blanche en arrière-plan, n’est pas trop unique et, par conséquent, à mon avis, n’a pas d’incidence significative sur le caractère distinctif global inhérent de la Marque.

[35] La Marque ANNABELLE de l’Opposante possède un caractère distinctif inhérent plus élevé, puisque le mot ANNABELLE n’a pas de signification claire en relation avec les produits de l’Opposante. Cela dit, ANNABELLE n’est pas un terme inventé, mais un prénom ordinaire; il n’est donc pas possible de conclure, dans l’ensemble, qu’il s’agit d’une caractéristique intrinsèque.

[36] Il est possible de renforcer une marque de commerce en faisant en sorte qu’elle devienne connue au Canada par sa promotion ou son emploi.

[37] La Requérante n’a produit aucune preuve du début de l’emploi de sa Marque.

[38] D’autre part, l’Opposante a déposé une preuve de l’emploi de ses Marques de commerce ANNABELLE. À cet égard, l’affidavit Zakaib démontre un emploi significatif des Marques de commerce ANNABELLE de l’Opposante pour les années 2016 à 2021 en liaison avec les Produits ANNABELLE. La Marque ANNABELLE figure clairement sur les Produits ANNABELLE au moment de leur transfert (affidavit Zakaib, Pièce B), ces produits représentant des ventes importantes de plus de 15 millions de dollars canadiens par année (affidavit Zakaib, para 12 et 13) aux principaux détaillants au Canada (affidavit Zakaib, para 10 et 11). Par ailleurs, les dépenses publicitaires de l’Opposante liées aux Produits ANNABELLE pendant cette période dépassaient les 14 millions de dollars canadiens (affidavit Zakaib, para 22). Par conséquent, je suis prête à accepter que la Marque ANNABELLE de l’Opposante a acquis un degré significatif de caractère distinctif au cours de cette période.

[39] Compte tenu de ce qui précède, j’estime que ce facteur favorise l’Opposante.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[40] Comme je l’ai indiqué, je ne dispose d’aucune preuve démontrant que la Requérante a commencé à employer la Marque au Canada.

[41] Bien que Mme Zakaib atteste que la marque ANNABELLE a été lancée en août 1967 et qu’elle a été employée continuellement au Canada depuis, la preuve à l’appui de son emploi présentée dans l’affidavit de Mme Zakaib porte sur la période de 2016 à 2021. Quoi qu’il en soit, l’emploi par l’Opposante de sa Marque ANNABELLE a duré au moins six ans et a été étendu selon mon analyse en vertu de l’article 6(5)a) de la Loi.

[42] Compte tenu de ce qui précède, j’estime que ce facteur favorise l’Opposante.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de produits et les voies de commercialisation

[43] L’Opposante fait valoir que, selon cette section de l’analyse de la confusion, un facteur qui doit être pondéré est le fait que, même si les produits en question ne sont pas nécessairement identiques, ils peuvent être liés et, à ce titre, le degré de leur relation devrait être un facteur déterminant du risque de confusion des marques [citant Mattel, supra, para 27].

[44] Appliqué en l’espèce, l’Opposante note les ressemblances et le chevauchement entre les produits des parties. Plus précisément, la Marque ANNABELLE de l’Opposante est employée en liaison avec des cosmétiques, du maquillage et des préparations de soins de la peau, tandis que la Demande visant la Marque comprend un éventail de cosmétiques à base de chanvre, de produits cosmétiques et d’articles de toilette, qui contiennent tous du cannabis ou qui sont faits avec du cannabis.

[45] Je suis d’accord avec l’Opposante pour dire que les produits des parties se chevauchent considérablement – elles sont toutes deux dans le domaine des cosmétiques et des produits liés aux cosmétiques. En outre, je ne crois pas que le créneau auquel se consacre la Requérante, à savoir les produits à base de chanvre qui contiennent du cannabis ou qui sont fabriqués à partir de celui-ci, modifie cette conclusion de manière significative. Bien que ces produits de créneau de la Requérante puissent se déplacer par des créneaux ou des voies de commercialisation sélectifs, les enregistrements de l’Opposante n’ont pas ce genre de restriction quant aux voies de commercialisation. Ainsi, les produits des parties pourraient en fin de compte passer par les mêmes voies de commercialisation.

[46] Par conséquent, ces facteurs favorisent également l’Opposante.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance

[47] L’Opposante fait valoir que les marques des parties sont très semblables en ce sens que les cinq premières lettres des marques de commerce respectives sont identiques. L’Opposante invoque Pernod Ricard c Molson Canada 2005, CPR (4th) 338, pour faire valoir que la première partie d’une marque de commerce est la plus pertinente aux fins de distinction; et que, lorsque la première partie de la marque est identique ou très semblable, et qu’elle est distinctive, il existe un plus grand risque de confusion [citant Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, 4e édition, § 8:27].

[48] Dans Masterpiece, supra, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énumérés à l’article 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties [Beverley Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstering Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145 (CF), à la page 149, confirmée par (1982), 60 CPR (2d) 70 (CAF)]. La Cour suprême a également fait remarquer que même si le premier mot d’une marque de commerce peut être l’élément le plus important aux fins du caractère distinctif [Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)], il est préférable de se demander lors de la comparaison des marques si l’un des aspects de cellesci est particulièrement frappant ou unique.

[49] En outre, lorsqu’il s’agit d’évaluer le facteur du « degré de ressemblance », on doit utiliser comme critère le point de vue d’une personne qui n’a qu’un vague souvenir imparfait de la marque antérieure. Il faut de plus trancher la question de la ressemblance en tenant compte de l’effet des marques considéré globalement. Il ne faut pas placer les marques côte à côte aux fins de l’analyse des ressemblances et des différences [Oshawa Group Ltd c Creative Resources Co (1982), 61 CPR (2d) 29 à la p. 35 (CAF)].

[50] Bien que les marques de commerce des parties partagent les cinq premières lettres, c’est là que se termine la ressemblance. Ce qui est le plus frappant à mon avis, c’est l’impression laissée au consommateur en ce qui concerne la connotation globale des marques respectives. Autrement dit, l’idée qui sous-tend la Marque de la Requérante est que les produits de cette dernière contiennent du cannabis ou sont faits de cannabis. En effet, comme je l’ai dit, cette notion est amplifiée par l’ajout du dessin de la feuille de cannabis ou de chanvre dans la Marque. En revanche, l’idée suggérée par la Marque ANNABELLE de l’Opposante n’est pas claire en ce qui concerne les produits de cette dernière, mais il est probable que le consommateur penserait qu’ANNABELLE est un prénom féminin. Par conséquent, les idées suggérées par les marques des parties sont tellement divergentes, que l’impression générale laissée par les marques des parties est qu’elles n’ont guère de ressemblance, sinon aucune, à part les lettres qu’elles partagent [pour une conclusion semblable, voir Fuchs Petrolub AG c Castrol Limited, 2015 COMC 211 et Euromed Restaurant Limited c Trilogy Properties Corporation, 2012 COMC 19].

[51] Par conséquent, je conclus que ce facteur favorise grandement la Requérante.

Circonstances de l’espèce – famille de marques de commerce

[52] L’Opposante fait valoir qu’elle possède une famille de marques de commerce au Canada qui incorporent le mot « ANNABELLE » et que l’existence d’une famille de marques de commerce confère à son propriétaire une protection plus étendue que si la détermination était faite exclusivement sur la base de la caractérisation étymologique des marques de commerce concurrentes [citant Mission Pharmacal Co c Ciba‑Geigy Canada Ltd (1990) 30 CPR (3d) 101 (CF 1re inst)].

[53] Lorsqu’il existe une famille de marques de commerce, il peut exister une plus grande probabilité que le public croie qu’une marque de commerce qui est semblable constitue une autre marque de commerce de la famille et, de ce fait, suppose que le produit ou le service lié à cette marque de commerce est fabriqué ou réalisé par la même personne. Il n’y a cependant aucune présomption quant à l’existence d’une famille de marques dans le cadre d’une procédure d’opposition. Une partie cherchant à établir une famille de marques doit démontrer qu’elle emploie plus d’une ou de deux marques de commerce au sein de la famille alléguée [Techniquip Ltd c Canadian Olympic Assn (1998), 145 FTR 59 (CF 1re inst), conf par (1999) 250 NR 302, 250 NR 302 (CAF).

[54] En l’espèce, je suis convaincue que l’Opposante a établi une famille de marques « ANNABELLE », compte tenu de la preuve d’un emploi considérable de ses quatre marques de commerce invoquées. Toutefois, je ne suis pas convaincue que cela a une incidence considérable, le cas échéant, sur la décision finale en l’espèce. La famille invoquée est pour « ANNABELLE », et non pour des marques formatives « ANNA », par exemple. Ma conclusion aurait pu être différente si la famille avait incorporé de nombreuses marques formatives ANNA, de sorte que les consommateurs associeraient ensuite divers dérivés de marques de commerce incorporant ANNA comme première partie de la marque associée à l’Opposante.

Conclusion

[55] Dans l’application du test en matière de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait de la question de la première impression et du souvenir imparfait.

[56] En l’espèce, bien que les facteurs 6(5)a) à d) favorisent l’Opposante, le facteur le plus important dans cette analyse est le degré de ressemblance [Masterpiece, supra]. En l’espèce, je conclus que les marques de commerce des parties sont, dans l’ensemble, sensiblement différentes, même si elles partagent des lettres communes, compte tenu des idées très disparates suggérées entre elles, de sorte que la confusion est peu probable. En outre, étant donné qu’il existe une telle différence entre les marques de commerce des parties, je n’estime pas que la famille de marques de commerce « ANNABELLE » de l’Opposante constitue une considération pertinente.

[57] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a)

[58] L’Opposante soutient que la Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque, étant donné qu’à la date de production réputée, soit le 26 février 2018, et pendant toute la période pertinente, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante (conformément à l’annexe A de la présente décision) qui avaient été antérieurement employées au Canada en liaison avec les cosmétiques.

[59] L’Opposante a le fardeau initial de démontrer que l’une ou plusieurs de ses marques de commerce alléguées à l’appui de ce motif d’opposition a ou ont été employées ou révélées avant la date de production réputée de la Demande, à savoir le 26 février 2018, ou la date du premier emploi de la Marque au Canada, et n’a ou n’ont pas été abandonnées à la date de l’annonce de la Demande visant la Marque (en l’espèce, le 13 janvier 2021) [article 16(3) de la Loi] [voir, par exemple, Earthrise Farms c Saretzky (1997), 85 CPR (3d) 368 (COMC) aux para 17 et 18 en ce qui concerne la date de production réputée à titre de date de production de priorité]. Étant donné que la Requérante n’a produit aucune preuve, la date pertinente pour l’Opposante en vertu de ce motif est la date de production réputée de la Demande.

[60] J’accepte, selon mon analyse aux termes des articles 6(5)a) et b) de la Loi en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), que l’Opposante a ainsi employé ses marques de commerce au Canada avant la date pertinente.

[61] Toutefois, en l’espèce, malgré la différence de date pertinente en vertu de ce motif d’opposition, mes conclusions concernant la confusion en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi s’appliquent également ici.

[62] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) de la Loi est également rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[63] L’Opposante soutient que la Marque n’est pas distinctive, compte tenu des dispositions des articles 38(2)d) et 2 de la Loi, parce qu’elle ne distingue pas les produits de la Requérante de ceux de l’Opposante en liaison avec lesquels cette dernière a employé ses marques de commerce, et qu’elle n’est pas adaptée à les distinguer ainsi.

[64] L’Opposante a le fardeau initial d’établir les faits qu’elle invoque au soutien de son motif d’absence de caractère distinctif. Une fois qu’elle s’est acquittée du fardeau, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer que la Marque distingue réellement ses produits et services de ceux d’autres personnes ou qu’elle est adaptée à les distinguer ainsi [voir Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst) à la p. 298; Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd, (1985) 4 CPR (3d) 272 (COMC); Imperial Tobacco Canada Limited c Philip Morris Products SA, 2013 COMC 175 au para 24, conf par 2014 CF 1237 aux para 15 et 16, et 68; et JTI-Macdonald TM Corp c Imperial Tobacco Products Limited, 2013 CF 608, para 55].

[65] Cela signifie que, pour s’acquitter du fardeau initial qui lui incombe en vertu de ce motif, l’Opposante doit établir qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, à savoir le 15 mars 2021, une ou plusieurs des marques de commerce invoquées par l’Opposante étaient devenues suffisamment connues pour annuler le caractère distinctif de la marque et que la réputation de sa marque au Canada était importante, suffisante ou significative [voir Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 48 CPR (4th) 427; Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF); et Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44, à la p. 58 (CF 1re inst)].

[66] Je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en vertu de ce motif d’opposition. Je reconnais que les marques de commerce ANNABELLE de l’Opposante ont été bien connues au Canada en liaison avec les produits ANNABELLE, compte tenu des ventes importantes à de nombreux grands détaillants et des dépenses publicitaires importantes démontrées dans l’affidavit Zakaib.

[67] Toutefois, malgré la différence de date pertinente en vertu de ce motif d’opposition, mes conclusions concernant la confusion en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi s’appliquent également ici. Par conséquent, comme j’ai conclu que la Marque ne crée pas de confusion avec les Marques ANNABELLE de l’Opposante, je conclus que le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère non distinctif doit échouer.

[68] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 2 de la Loi est également rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)e)

[69] L’Opposante fait valoir qu’au moment de la production de la demande, et pendant toute la période pertinente, la Requérante n’employait pas ni ne projetait d’employer la Marque au Canada en liaison avec les produits spécifiés dans la Demande, puisque la marque de commerce ANNABIS n’a pas été approuvée en vertu du Règlement sur les produits de santé naturels, DORS/2003-196 (le « Règlement sur les PSN »).

[70] Les principes énoncés dans les affaires relatives à l’ancien motif d’opposition fondé sur l’article 30e), qui se fondent sur la question de savoir si un requérant avait une intention réelle d’employer la marque de commerce au Canada, sont instructifs à l’égard de ce nouveau motif. Comme pour le motif fondé sur l’ancien article 30e), étant donné que les faits pertinents sont plus facilement accessibles au requérant et qu’il les connaît davantage en vertu d’un motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)e), le fardeau de preuve pour un opposant relativement à ce motif est léger et la quantité d’éléments de preuve nécessaires pour s’en acquitter peut être très faible [Allergan Inc c Lancôme Parfums & Beauté & Cie, société en nom collectif (2007), 64 CPR (4th) 147 (COMC); Canadian National Railway c Schwauss (1991), 35 CPR (3d) 90 (COMC); Green Spot Co c John M Boese Ltd (1986), 12 CPR (3d) 206, aux p. 210-11 (COMC)].

[71] L’Opposante soutient qu’au Canada, tous les produits de santé naturels sont assujettis au Règlement sur les PSN et que ces produits comprennent, entre autres, des vitamines et des minéraux, des remèdes à base de plantes, des médicaments homéopathiques, des médicaments traditionnels comme les médicaments traditionnels chinois et ayurvédiques (Indiens de l’Est), des probiotiques, des acides aminés et des acides gras essentiels. Les exigences d’octroi de licence de mise en marché du Règlement sur les PSN s’appliquent à toute personne ou entreprise qui fabrique, emballe, étiquette et/ou importe pour la vente commerciale au Canada des produits de santé naturels.

[72] L’Opposante soutient que l’affidavit Ashton démontre que la Requérante n’a pas demandé ou obtenu une licence de mise en marché pour les produits ANNABIS, comme l’exige le Règlement sur les PSN. Par conséquent, l’Opposante fait valoir qu’elle s’est acquittée de son fardeau initial; par conséquent, il incombe maintenant à la Requérante de démontrer qu’elle se conforme à l’article 38(2)e) de la Loi.

[73] L’Opposante soutient que, étant donné que la Requérante n’a produit aucun élément de preuve dans le cadre de la présente procédure, elle n’a pas démontré qu’au moment de la production de la demande, elle employait ou projetait d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits projetés.

[74] Toutefois, en l’espèce, le fait que la Requérante n’a pas encore demandé une telle licence, s’il y a lieu, ne me semble pas suffisant pour mettre en doute l’intention de la Requérante d’employer la Marque à l’avenir. Rien ne permet de penser que la Requérante ne demandera pas et n’obtiendra pas une telle licence à l’avenir, au besoin. En fait, le processus de demande ne semble pas être long, comme il est énoncé à l’article 6 du Règlement sur les PSN, de sorte qu’il n’est pas déraisonnable que la Requérante n’ait pas encore demandé une licence de mise en marché, s’il y a lieu.

[75] Par conséquent, je ne conclus pas que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau au titre de ce motif d’opposition, et le motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)e) de la Loi est donc rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f)

[76] L’Opposante fait valoir qu’au moment de la production de la Demande, et pendant toute la période pertinente, la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits de la Requérante, parce que la vente de ces produits au Canada contrevient :

  1. au Règlement sur les PSN, à la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C., ch. F-27,et au Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870 en ce sens que la marque ANNABIS n’a pas été approuvée au Canada;

  2. au Règlement sur les cosmétiques C.R.C., ch. 869, et à la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985), parce que le cannabis, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur le cannabis, figure sur la Liste des ingrédients dont l’usage est interdit dans les cosmétiques;

  3. à la Loi sur le cannabis L.C. 2018, ch. 16, au Règlement sur le cannabis DORS/2018-144 et au Règlement sur le chanvre industriel DORS/2018/145 parce que les produits de la Requérante ne satisfont pas aux exigences d’exemption pour l’importation, l’exportation et la vente en gros de produits à base de cannabis ou de chanvre au Canada.

[77] Étant donné que l’article 38(2)f) de la Loi porte sur la question de savoir si un requérant peut légalement employer la marque de commerce visée par la demande au Canada, je conclus que la jurisprudence relative à l’article 30i) de l’ancienne Loi peut éclairer l’interprétation de l’article 38(2)f) de la Loi.

[78] La non-conformité à l’article 30i) a été constatée lorsqu’un cas prima facie de non-conformité à une loi fédérale est établie [voir par exemple Interprovincial Lottery Corp c Currency Capital Corp (2006), 51 CPR (4th) 447 (COMC) et Canadian Bankers’ Assn c Richmond Savings Credit Union (2000), 8 CPR (4th) 267 (COMC)]. Afin d’obtenir gain de cause en vertu de ce motif d’opposition, l’Opposante doit établir un cas prima facie de contravention à la Loi sur les aliments et drogues (en ce sens que la Requérante n’obtiendra pas une licence de mise en marché au besoin en vertu du Règlement sur les PSN) et/ou un cas prima facie de contravention à la Loi sur le cannabis (en ce sens que la Requérante ne satisfait pas aux exigences d’exemption concernant le cannabis comme ingrédient des Produits projetés).

[79] J’ai déjà traité des observations concernant le Règlement sur les PSN en vertu du motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)e). Toutefois, je répète qu’en vertu de ce motif le fait que la Requérante n’ait pas encore demandé de licence de mise en marché n’est pas déterminant. En effet, il n’y a aucune preuve en l’espèce à l’appui qu’une telle licence, si elle est nécessaire, ne serait pas accordée à la Requérante.

[80] En ce qui a trait aux autres parties du motif fondé sur l’article 38(2)f), l’Opposante soutient que la demande contrevient au Règlement sur les cosmétiques et à la Loi sur les aliments et drogues, puisque les Produits projetés comportent une déclaration selon laquelle « tous les produits susmentionnés contenant du cannabis ou étant faits de cannabis ».

[81] De plus, l’Opposante soutient qu’au moment de la production de la demande, la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque opposée au Canada en liaison avec les Produits projetés parce que les produits de la Requérante ne satisfaisaient pas aux exigences d’exemption pour l’importation, l’exportation et la vente en gros de cannabis et de produits à base de chanvre au Canada.

[82] Plus précisément, l’Opposante fait valoir que, conformément à l’article 2(1) du Règlement sur le chanvre industriel, est soustrait à l’application de la Loi sur le cannabis tout dérivé ou produit de dérivé importé, exporté ou vendu en gros, si la concentration en THC d’un échantillon représentatif de chaque lot du dérivé ou du produit est d’au plus 10 μg/g d’après les essais effectués par un laboratoire compétent au moyen d’une méthode d’essai validée et que […] b) dans le cas de la vente en gros, le contenant externe, à l’exclusion du contenant d’expédition, ou l’enveloppe externe du dérivé ou du produit porte une étiquette sur laquelle figure la mention « Contient au plus 10 μg/g de THC — Contains 10 μg/g THC or less ».

[83] L’Opposante soutient que la Demande indique clairement que les produits de la Requérante sont des cosmétiques de chanvre et que ces produits contiennent du cannabis ou sont faits de cannabis. L’Opposante soutient en outre qu’il n’y a aucune indication dans la Demande que la concentration de THC contenue dans les produits de la Requérante est d’au plus 10 μg/g et que la Requérante n’a fourni aucune preuve démontrant que ses produits satisfont aux exigences d’exemption. Par conséquent, selon l’Opposante, la Commission des oppositions doit conclure que les produits de la Requérante ne satisfont pas aux exigences d’exemption.

[84] En l’espèce, cependant, rien ne prouve que la concentration de THC qui serait contenue dans les Produits projetés de la Requérante dépasserait 10 μg/g « d’après les essais effectués par un laboratoire compétent au moyen d’une méthode d’essai validée », pas plus qu’il n’y a de preuve indiquant que la Requérante n’étiquetterait pas ses produits en conséquence, comme il est exigé pour être exempté de l’application de la Loi sur le cannabis. De plus, la liste des ingrédients dont l’emploi est interdit dans les produits cosmétiques (affidavit Ashton, Pièce E) indique clairement que cette interdiction est assujettie à des exemptions en vertu de la Loi sur le cannabis. Par conséquent, l’Opposante n’a pas réussi à établir la preuve prima facie qu’il y avait eu contravention à la Loi sur le cannabis. En effet, en l’absence de preuve du contraire, il est raisonnable de supposer que la Requérante se conformera à toutes les lois pertinentes [voir Imperial Tobacco Canada Limited c Dickson, 2016 COMC 89, aux para 79 et 80].

[85] Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f) est rejeté.

Décision

[86] Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

___________________________

Kathryn Barnett

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Liette Girard

 

Le français est conforme aux WCAG.


Annexe A

Marques de commerce déposées de l’Opposante

Marque de commerce

Numéro d’enregistrement

Produits et services

ANNABELLE

LMC331,978

(1) Faux cils, ongles artificiels, poudres pour le visage, brosses et pinceaux à cosmétique de tout genre, crayons pour sourcil, crayons contours, traceurs pour les lèvres, poudres pour le visage et fard à joues, crayons contours et ombres à paupières, rouges à lèvres, vernis à ongles, durcisseurs d’ongles, ensemble de manicure, guides pour les sourcils, guides pour les lèvres, brosse à friser pour les cils, rouleaux, peignes, épingles à cheveux, filets à cheveux, perruques, postiches, crèmes faciales, crèmes pour le corps, parfums, eaux de cologne et teinture à cheveux pour les femmes.

ANNABELLE & DESIGN

LMC618,718

(1) Cosmétiques, nommément rouges à lèvres, poudres, fard à joues, cache-cernes, eye-liners, ombres à paupières, fards à cils, crayons à lèvres, produits pour le polissage des ongles, teinture pour les lèvres, fond de teint, démaquillant pour les yeux, scellant pour rouge à lèvres, brillant à lèvres, laque à lèvres, soin des ongles, nommément vernis de base pour ongles, sèche-vernis et protecteurs pour les ongles; crayons à sourcils.

(2) Limes d’émeri.

(3) Taille-crayons de maquillage.

(4) Brosses, éponges, houpettes (sic) et applicateurs pour cosmétiques.

ANNABELLE EXPANDABLE MASCARA

LMC856,602

(1) Cosmétiques; mascara.

ANNABELLE STAY SHARP

LMC920,280

(1) Cosmétiques, maquillage, traceur pour les yeux, cosmétiques à sourcils et crayons à sourcils, mascara, ombre à paupières, crayon à lèvres, rouge à lèvres, brillant à lèvres, fond de teint, poudre, produit bronzant, fard à joues, correcteur.


 

Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience n’a été tenue

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Norton Rose Fulbright Canada LLP/S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Pour la Requérante : Gowling WLG (Canada) LLP

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