Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2022 COMC 264

Date de la décision : 2022-12-28

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

Opposante : Liberty Merchant Company Ltd.

Requérante : LIDL STIFTUNG & CO. KG

Demande : 1,641,790 pour LIBERTÉ

Aperçu

[1] Liberty Merchant Company Ltd. (l’Opposante), un organisme établi à Vancouver participant à l’industrie des boissons alcoolisées, possède deux marques de commerce déposées pour LIBERTY. Lidl Stiftung & Co. KG (la Requérante) est une entreprise allemande qui, en 2013, a produit la demande pour enregistrer la marque nominale LIBERTÉ (la Marque) en liaison avec les [traduction] « spiritueux, nommément rhum; boissons alcoolisées à base de rhum excluant l’ale, la bière et toute autre boisson contenant du malt » (les Produits). L’Opposante s’oppose à l’enregistrement de la Marque. Les motifs invoqués par l’Opposante seront abordés ci-dessous; toutefois, la question centrale de cette procédure est celle de savoir s’il existe une probabilité de confusion entre ces marques lorsqu’on les évalue en liaison avec leurs produits et services respectifs. Pour les raisons qui suivent, l’opposition est accueillie et la Demande est rejetée.

Le dossier

[2] La Requérante a produit la demande d’enregistrement pour la Marque le 3 septembre 2013. La Demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 13 novembre 2019. Puisque la Marque a été annoncée après l’entrée en vigueur des nombreuses modifications apportées à la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) le 17 juin 2019, en vertu de l’article 69.1, la Loi dans sa version modifiée s’appliquera dans le cadre de cette procédure.

[3] L’Opposante a produit une déclaration d’opposition, en vertu de l’article 38 de la Loi, le 14 janvier 2020. Les motifs d’opposition sont fondés sur la non-enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, l’absence du droit à l’enregistrement en vertu des articles 16(1)a) et c), l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2 de la Loi et l’article 30(2)e), à savoir que la Requérante n’emploie pas ou ne projette pas d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits et les Services.

[4] Les enregistrements LIBERTY invoqués par l’Opposante à l’égard du motif fondé sur la non-enregistrabilité sont les suivants :

[traduction]

L’enregistrement no LMC605,283, couvrant les services de magasins de détail offrant des boissons alcoolisées, excluant tous les types et genres de bières et de boissons à base de bière.

L’enregistrement no LMC949,967, couvrant les spiritueux, nommément vodka, gin, whiskey; l’exploitation d’une distillerie; la fabrication, vente, importation et embouteillage de spiritueux; et l’offre d’un service de dégustation de spiritueux.

[5] La Requérante a réfuté chaque motif d’opposition dans une contre-déclaration produite et signifiée le 5 mars 2020.

[6] Seule l’Opposante a produit des éléments de preuve, comprenant l’affidavit de M. Robert Simpson, est le président, le directeur et la personne ayant le pouvoir de signature de l’Opposante, et l’affidavit de Mme Dulce Campos, une recherchiste employée par le cabinet d’agents de l’Opposante. Aucun des auteurs d’affidavit n’a été contre-interrogé.

[7] L’Opposante a produit des observations écrites, alors que la Requérante ne l’a pas fait. Aucune audience n’a été tenue.

Résumé de la preuve

[8] Pour parvenir à ma décision, j’ai évalué l’ensemble de la preuve et je résume les éléments pertinents ci-dessous.

Preuve de l’Opposante de M. Robert G. Simpson

[9] La preuve de M. Simpson démontre ce qui suit :

· L’entreprise de l’Opposante a été constituée en société en 1987 (affidavit Simpson, para 2).

· Depuis sa [traduction] « création », le revenu canadien net annuel attribué à la vente et à la publicisation des produits et services de l’Opposante arborant la marque LIBERTY se chiffre dans les millions de dollars (affidavit Simpson, para 18).

· L’Opposante a, pendant de nombreuses années, exploité des magasins de détail faisant la vente des boissons alcoolisées dans la région métropolitaine de Vancouver et à Langley, en Colombie-Britannique, en liaison avec les marques de commerce LIBERTY (affidavit Simpson, para 11(b)).

· Depuis 1999, Liberty Wine Merchants Ltd, une filiale à part entière dont M. Simpson est le directeur général, a employé les marques de commerce LIBERTY sous licence (affidavit Simpson, para 4 et 5).

· Des images de l’affichage extérieur de trois emplacements arborant la marque de commerce LIBERTY (affidavit Simpson, para 11(c), (d) et (e) et Pièces H, I et J).

· Des photos de sacs de papier, de tissu et de plastique utilisés par les magasins de détail Liberty et arborant la marque de commerce LIBERTY, ainsi que l’explication que ceux-ci sont utilisés à chaque magasin de détail de l’Opposante (affidavit Simpson, para 11(f) et Pièce K).

· Des factures de détail représentatives pour appuyer la revendication de ventes des produits de l’Opposante et de la prestation de ses services. Celles-ci couvrent les années 2012, 2013, 2014, 2015 et 2020 et énumèrent des produits qui comprennent du vin (affidavit Simpson, para 11(g) et Pièce L).

· Un exemple d’une affiche promotionnelle en magasin indiquant « LIBERTY at Granville Island » positionnée à proximité d’aliments et de vins (affidavit Simpson, para 11(j)(iii) et Pièce Q).

· Des documents d’archives Internet du site WayBack Machine pour les sites Web www.libertywinemerchants.com et www.libertymerchantcompany.com, en date de la période entre 2012 et 2015, illustrant la marque de commerce LIBERTY accompagnée de renseignements qui comportent la promotion de la vente de détail privée par l’Opposante de vins par l’entremise d’une chaîne de boutiques et de renseignements sur les produits (affidavit Simpson, para 11(a) et (b), Pièces E et F).

· Des articles de journaux du journal Georgia Straight sur les prix donnés au licencié de l’Opposante, Liberty Wine Merchants, en 2014 et 2015 (affidavit Simpson, para 11(i) et Pièce N).

· Des publicités pour des événements de bienfaisance arborant la marque de commerce LIBERTY (affidavit Simpson, para 11(j) et Pièces O et P).

· À l’égard de l’établissement de The Liberty Distillery par l’Opposante, M. Simpson affirme que sa création remonte à 2010 (affidavit Simpson, para 9). Subséquemment à la planification et à la construction, The Liberty Distillery a été ouverte en automne 2013 (affidavit Simpson, para 12).

· Des renseignements d’archives Internet du site Web WayBack Machine comprenant une copie de la page d’accueil pour www.thelibertydistillery.com, indiquant plus d’une centaine de captures depuis 2011. Contrairement aux autres archives de sites Web, aucun contenu du site Web n’est compris (affidavit Simpson, para 11(b)) et Pièce F).

· Les sacs de papier utilisés par The Liberty Distillery, décrits comme [traduction] « articles de marchandise », arborant la marque LIBERTY (affidavit Simpson, para 14 et Pièce S).

· Une facture représentative en date du 27 novembre 2013 ayant trait à la vente de détail de vodka par The Liberty Distillery, accompagnée d’une photo de la bouteille vendue. La marque de commerce LIBERTY est arborée sur la bouteille (affidavit Simpson, para 13 et Pièce R).

· Des prix et des reconnaissances pour la période de 2016 à 2020 quant aux produits et aux services de The Liberty Distillery, ainsi qu’une entrée dans un livre intitulé Whiskey Bible (affidavit Simpson, para 16 et 17 et Pièces T et U). Aucun renseignement au sujet de la portée de la distribution de ce matériel n’est fourni.

Preuve de l’Opposante de Mme Dulce Campos

[10] Mme Campos a mené des recherches de sites Web et a fourni des imprimés de ses résultats. Elle a parcouru le site Web de The Liberty Distillery, ainsi que divers sites de médias sociaux connexes. Certains de ces sites Web affichaient des commentaires de Canadiens.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[11] L’Opposante a le fardeau de preuve initial de produire suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)]. Ce n’est qu’une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau de preuve initial que la Requérante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi invoquées dans la déclaration d’opposition.

Motifs d’opposition rejetés sommairement

Motif d’opposition fondé sur les articles 38(2)a) et 30(2)a)

[12] L’Opposante fait valoir que les Produits décrits comme [traduction] « boissons alcoolisées à base de rhum excluant l’ale, la bière et toute autre boisson contenant du malt » ne sont pas précisés dans des termes ordinaires du commerce puisque l’état déclaratif ne contient pas suffisamment de renseignements pour déterminer le type de boissons.

[13] Les brèves observations de l’Opposante quant à la raison pour laquelle la terminologie ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(2)a) sont essentiellement que la formulation [traduction] « […] autre boisson contenant du malt est vague et ne constitue pas une terminologie commerciale normale ».

[14] Le fardeau de preuve de l’Opposante est léger et elle peut parfois même s’en acquitter au moyen d’arguments seulement [McDonald’s Corporation and McDonald’s Restaurants of Canada Ltd c MA Comacho-Saldana International Trading Ltd carrying on business as Macs International (1984), 1 CPR (3d) 101 à la p. 104 (COMC)]. Cependant, il n’y a aucune preuve versée au dossier qui appuie ce motif et l’Opposante n’a fourni aucune observation convaincante expliquant pourquoi ce terme ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(2)a). Plutôt, l’Opposante s’est simplement opposée à l’expression [traduction] « autre boisson contenant du malt » en affirmant que celle-ci est vague et n’est pas dans les termes ordinaires du commerce puisque [traduction] « autre » est vague et inconcluant. Par conséquent, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial et ce motif d’opposition est sommairement rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)e)

[15] L’Opposante fait valoir que la Requérante n’employait pas, ou ne projetait pas d’employer, la Marque à la date de dépôt de la demande. De nouveau, aucune preuve versée au dossier n’appuie ce motif. De plus, je note que l’Opposante n’a pas mentionné ce motif dans ses observations écrites. Je rejette donc sommairement ce motif d’opposition également.

Motifs d’opposition évalués

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[16] L’Opposante fait valoir en vertu des articles 38(2)b) et 12(1)d) que la Marque n’est pas enregistrable à la lumière des deux enregistrements LIBERTY de l’Opposante. Comme il a été indiqué ci-dessus, l’enregistrement antérieur, LMC605,283, couvre les services de magasins de détail offrant des boissons alcoolisées, excluant tous les types et genres de bières et de boissons à base de bière. Le deuxième enregistrement, LMC949,967, couvre les spiritueux, nommément vodka, gin, whiskey; l’exploitation d’une distillerie; la fabrication, vente, importation et embouteillage de spiritueux; et l’offre d’un service de dégustation de spiritueux.

[17] La date pertinente pour évaluer la probabilité de confusion avec les marques déposées est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce, 1991 CanLII11769 (CAF)].

[18] J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre et je confirme que les enregistrements de l’Opposante no LMC605,283 et LMC949,967 pour LIBERTY existent et sont en règle [Quaker Oats Co of Canada/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d). Je dois maintenant déterminer si la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre la Marque et l’une des marques de commerce déposées LIBERTY de l’Opposante.

Test en matière de confusion

[19] Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris les critères suivants énoncés à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : i) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; ii) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; iii) le genre de produits, services ou entreprises; iv) la nature du commerce; et v) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, y compris dans la présentation, le son ou les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; plutôt, tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. Il n’est pas nécessaire d’accorder un poids égal à chacun de ces facteurs [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc 2006 CSC 22; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27].

[20] La confusion est une question de la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé à la vue de la marque de la Requérante, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de l’Opposante et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur ou pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].

[21] Les marques de commerce doivent être évaluées du point de vue du consommateur anglophone unilingue moyen, du consommateur francophone unilingue moyen et du consommateur bilingue moyen. La confusion parmi l’un de ces groupes est suffisante pour conclure que les marques créent de la confusion [SmithKline Beecham Corp c Pierre Fabre Médicament, 2001 CAF 13, au para 15].

Degré de ressemblance entre les marques de commerce

[22] La Cour suprême du Canada a suggéré dans Masterpiece, au para 49, qu’une évaluation de la ressemblance entre les marques est là où la plupart des analyses relatives à la confusion devraient commencer. Si les marques ne se ressemblent pas, il est peu probable qu’une conclusion robuste relative aux autres facteurs puisse mener à une conclusion de l’existence d’une probabilité de confusion.

[23] Dans ses observations écrites, l’Opposante invoque une définition provenant du dictionnaire en ligne Merriam-Webster pour le mot « liberty », ainsi qu’une traduction en ligne du mot LIBERTÉ provenant du site Web www.translate.com. Bien que la définition et la traduction n’aient pas été versées en preuve, je peux exercer mon pouvoir judiciaire de prendre connaissance d’office de la signification habituelle des mots [Pfizer Co Ltd c Deputy Minister of National Revenue, 1975 1 RCS 456 à la p. 463].

[24] Je note que dans le dictionnaire Canadian Oxford Dictionary (2 ed.), le mot « liberty » signifie 1. la liberté de la captivité, de l’emprisonnement, de l’esclavage ou du contrôle despotique, sa personnification; ou 2. le droit ou le pouvoir de faire ce que l’on veut.

[25] De plus, je note que le dictionnaire Pocket Oxford-Hachette French Dictionary (4 ed.) établit une équivalence entre « liberty » et « liberté ».

[26] La ressemblance dans la signification des mots « liberty » et « liberté » me permet de conclure que les marques communiquent la même idée, à tout le moins aux consommateurs bilingues.

[27] J’estime également qu’il existe une ressemblance importante entre les marques dans leur forme écrite ou dans le son, et ce, qu’elles soient évaluées par un locuteur francophone, anglophone ou bilingue. Sur le plan de la présentation, seule la lettre finale distingue les marques. Les mots, dans le son, partagent également une ressemblance phonétique. Les définitions du dictionnaire reproduites ci-dessus me permettent de conclure que les idées suggérées par les marques respectives des parties sont les mêmes.

[28] J’estime donc qu’il existe un degré élevé de ressemblance entre la Marque et les marques de commerce LIBERTY de l’Opposante. Ce critère favorise l’Opposante.

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[29] Ce facteur législatif exige une analyse en deux parties qui évalue le caractère unique inhérent des marques de commerce en liaison avec les produits ou les services ainsi que la mesure dans laquelle elles sont devenues connues au Canada, par exemple, au moyen de l’emploi ou des activités promotionnelles. Une marque qui est un mot inventé ou qui comporte un mot ordinaire qui n’est pas associé aux produits ou services connexes aura un degré plus élevé de caractère distinctif inhérent qu’une marque qui est élogieuse, suggestive ou descriptive des produits ou des services.

[30] La Marque et les deux marques de commerce LIBERTY de l’Opposante possèdent un caractère distinctif inhérent puisque les mots « liberty » et « liberté » n’ont aucune signification en liaison avec les produits et les services des parties.

[31] Comme il a été indiqué ci-dessus, la Requérante n’a produit aucune preuve et je ne peux évaluer la mesure dans laquelle la Marque est connue au Canada.

[32] La preuve incontestée de M. Simpson est que l’Opposante a profité de ventes se chiffrant dans les millions de dollars annuellement, et ce, depuis sa création, en liaison avec les produits ou les services de marque LIBERTY. J’interprète [traduction] « création » comme signifiant la date de constitution en société, soit 1987.

[33] Bien que la preuve d’emploi des marques LIBERTY de l’Opposante ne soit pas aussi précise ou exhaustive qu’elle pourrait l’être, j’estime que l’Opposante a démontré l’emploi de la marque de commerce en liaison avec les services de magasins de détail offrant des boissons alcoolisées depuis au moins aussi tôt que 1987. Cette conclusion est principalement fondée sur les déclarations incontestées de M. Simpson (para 2 et 18 de son affidavit) accompagnées des illustrations de l’affichage extérieur de la marque de commerce LIBERTY (Pièces H, I et J de son affidavit) et des factures ayant trait à la vente de produits qui comprennent des vins (Pièces L de son affidavit). Ces ventes auraient permis à la marque de devenir connue dans une certaine mesure en liaison avec ces services.

[34] J’estime que l’emploi de LIBERTY en liaison avec les spiritueux, nommément vodka, gin et whiskey, l’exploitation d’une distillerie et la vente de spiritueux a débuté à un moment donné en novembre 2013. Cette détermination est fondée sur la déclaration de M. Simpson selon laquelle la distillerie a été ouverte en automne 2013 (para 12 de son affidavit) et la copie de ce qu’il décrit comme la facture no 16 de The Liberty Distillery et une photo de la bouteille de vodka avec laquelle cette vente en particulier est associée (Pièce R de l’affidavit de M. Simpson).

[35] Je conclus également qu’il existe une preuve limitée de la promotion des produits et des services de l’Opposante, et que cela aurait accru la mesure dans laquelle les marques de commerce LIBERTY étaient connues au Canada. Par exemple, les marques de commerce LIBERTY qui figurent sur l’affichage extérieur et intérieur et sur les sacs font la promotion des produits et services de l’Opposante (Pièces H, I, J, K et Q de l’affidavit de M. Simpson). Dans le même ordre d’idées, l’exploitation du site Web de l’Opposante, ainsi que de son licencié (Pièces E et F de l’affidavit de M. Simpson), pourraient accroître la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au fil des années. Cependant, puisque je ne dispose d’aucun renseignement quant au nombre de visites de ces sites Web faites par des Canadiens, je n’ai pas accordé un poids important à cette partie de la preuve. Je ne suis également pas en mesure d’accorder un poids important à la preuve de Mme Campos à l’égard des renseignements relatifs au site Web et aux médias sociaux de l’Opposante. Mme Campos ne possède aucune connaissance personnelle du contenu de ce matériel et il n’y a aucune indication quant à la raison pour laquelle cela n’a pas été présenté par M. Simpson qui, présumément, posséderait plus de connaissances relatives à ces sites Web.

[36] Je conclus donc que le critère du caractère distinctif inhérent et de la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues favorise l’Opposante.

Période pendant laquelle les marques ont été en usage

[37] Comme il a été mentionné ci-dessus sous l’en-tête précédent, l’Opposante a démontré l’emploi de sa marque depuis 1987. Le premier emploi par l’Opposante de sa marque de commerce LIBERTY semble se limiter aux boissons alcoolisées sous la forme de vins. Je conclus donc que, pour ce motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), la date pertinente étant la date de ma décision, l’Opposante peut invoquer une longue période d’emploi de sa marque de commerce LIBERTY, enregistrement no LMC605,283, couvrant des services de magasins de détail offrant des boissons alcoolisées excluant tous les types et les genres de bières et de boissons à base de bières. L’emploi de la marque de commerce LIBERTY enregistrée sous le no LMC949,967, en liaison avec la distillerie associée aux produits et aux services, a commencé à l’automne 2013, comme il en a été question ci-dessus. Par conséquent, à l’égard de la distillerie associée aux produits et aux services relatifs à l’enregistrement no LMC949,967, l’Opposante profite d’une période d’emploi plus courte, mais tout de même importante.

[38] Puisque la Requérante n’a démontré aucun emploi de la Marque, le critère de la période d’emploi pendant laquelle les marques ont été en usage favorise l’Opposante.

Genre de produits, services ou entreprises et nature du commerce

[39] Lors de l’examen du genre des produits et services des parties dans le contexte de l’évaluation de la probabilité de confusion, ce sont les états déclaratifs dans la demande et les enregistrements invoqués qui régissent [Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); et Miss Universe, Inc c Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)]. Ainsi, la comparaison est établie entre les Produits de la Requérante et les produits et services de l’Opposante.

[40] Les états déclaratifs doivent être lus dans l’optique de déterminer le type probable de l’entreprise ou du commerce envisagé par les parties plutôt que tous les commerces possibles que pourrait englober la formulation.

[41] Puisque les deux parties prennent part à la vente de boissons alcoolisées, les produits et les services sont très semblables. Les vins et les spiritueux sont considérés comme des produits d’une industrie [Carling Breweries Ltd c le Registraire des marques de commerce (1972), 8 CPR (2d) 247 (CF 1re inst), au para 18]. En ce qui a trait aux spiritueux de l’Opposante et aux services connexes couverts par son enregistrement no LMC949,967, j’estime que les produits et les services connexes sont étroitement liés, appartiennent à la même catégorie explicite des spiritueux et font partie de la même industrie. En ce qui a trait aux services de magasins de détail de l’Opposante offrant des boissons alcoolisées couvertes par son enregistrement no LMC605,283, j’estime que les produits et les services se chevauchent et font partie de la même industrie.

[42] En l’absence d’une preuve du contraire de la part de la Requérante, et puisque les deux parties exercent leurs activités dans la même industrie, il semble y avoir une possibilité de chevauchement dans les voies de commercialisation.

[43] J’estime donc que la ressemblance entre les produits, les services et l’entreprise ainsi que le chevauchement des voies de commercialisation favorisent l’Opposante.

Conclusion – confusion

[44] Il existe une probabilité de confusion lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne. Il y a également confusion lorsque les consommateurs croient que les produits et services sont en quelque sorte approuvés, autorisés ou parrainés par un opposant [Big Apple Ltd c BAB Holdings Inc (2000), 8 CPR (4th) 252 (COMC), au para 13]. Comme il en a été question ci-dessus, c’est le degré de ressemblance qui forme le critère législatif qui aura probablement le plus d’influence pour déterminer la question de savoir si une probabilité de confusion existe. C’est particulièrement le cas lorsque les voies de commercialisation, les produits et les services respectifs sont semblables ou se chevauchent [Reynolds Consumer Products Inc c PRS Mediterranean Ltd, 2013 CAF 119, 111 CPR (4th) 155, aux para 26 à 30].

Confusion avec l’enregistrement de l’Opposante no LMC949,967

[45] Après avoir examiné les facteurs législatifs et toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion. En raison de la ressemblance dans les marques de commerce elles-mêmes, le genre étroitement lié des produits et des services, des voies de commercialisation qui se chevauchent, ainsi que de la mesure dans laquelle la marque de commerce LIBERTY de l’Opposante est devenue connue, j’estime qu’un consommateur, au moment de voir la Marque en liaison avec les Produits, conclura probablement que ces produits sont fabriqués, vendus ou approuvés par l’Opposante.

Confusion avec l’enregistrement de l’Opposante no LMC605,283

[46] De nouveau, après avoir examiné les facteurs législatifs et toutes les circonstances de l’espèce relatifs à l’enregistrement no LMC605,283, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion. En raison de la ressemblance dans les marques de commerce elles-mêmes, le genre étroitement lié des produits et des services, des voies de commercialisation qui se chevauchent, ainsi que de la mesure dans laquelle la marque de l’Opposante est devenue connue, j’estime qu’un consommateur, au moment de voir la Marque en liaison avec les Produits, conclura probablement que ces produits sont fabriqués, vendus ou approuvés par l’Opposante.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) – Absence de droit à l’enregistrement

[47] L’Opposante a invoqué les articles 38(2)c) et 16(1)a), faisant valoir que la Requérante n’avait pas droit à l’enregistrement de la Marque en raison de l’emploi antérieur par l’Opposante de sa marque de commerce LIBERTY. Comme c’est le cas avec le motif fondé sur l’article 12(1)d) abordé ci-dessus, ce motif dépend de la question de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce LIBERTY de l’Opposante.

[48] L’analyse diffère en raison de la date pertinente antérieure à l’égard de ce motif d’opposition relatif au droit à l’enregistrement. Puisqu’il n’existe aucune preuve d’emploi de la Marque, la probabilité de confusion doit être évaluée à la date de dépôt de la demande, à savoir le 3 septembre 2013. Pour que ce motif soit accueilli, l’Opposante doit également établir que la marque de commerce invoquée n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la Marque, à savoir le 13 novembre 2019 (article 16(3) de la Loi).

[49] La preuve est que l’Opposante a employé sa marque LIBERTY en liaison avec ces services de magasins de détail depuis au moins aussi tôt que 1987. En effet, en date de 2013, l’Opposante exploitait plusieurs magasins de détail (para 11(b) de l’affidavit de M. Simpson).

[50] Les factures qui appuient les ventes dans la pratique normale du commerce sont en date de la période de 2012 à 2015 et de 2020 (voir les Pièces H, I et J de l’affidavit de M. Simpson). Je note que celles-ci sont décrites comme constituant un échantillon représentatif, non pas exhaustif. Tenant compte de la déclaration de M. Simpson relative à son examen des dossiers financiers, selon laquelle les revenus nets annuels se chiffrent dans les millions de dollars depuis la création de l’entreprise (para 18 de l’affidavit de M. Simpson), j’estime que l’Opposante n’avait pas abandonné sa marque LIBERTY en date du 13 novembre 2019.

[51] L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif par rapport à la marque LIBERTY employée par l’Opposante en liaison avec des services de magasins de détail offrant des boissons alcoolisées.

[52] En ce qui a trait de la question de savoir si l’Opposante s’est acquittée de son fardeau en liaison avec les produits et services associés à sa distillerie, je m’appuie sur la déclaration de M. Simpson que l’établissement The Liberty Distillery a été ouvert en automne 2013. Ainsi, l’Opposante n’a pas démontré l’emploi de sa marque de commerce LIBERTY en liaison avec des produits ou des services associés à la distillerie à la date pertinente du 3 septembre 2013. Je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer l’emploi antérieur de sa marque de commerce LIBERTY en liaison avec les produits et services associés à la distillerie. Je limiterai donc mon analyse de la probabilité de confusion aux services de magasins de détail de l’Opposante offrant des boissons alcoolisées excluant tous les types et les genres de bières et de boissons à base de bières.

[53] L’analyse de la ressemblance de la Marque avec la marque LIBERTY employée par l’Opposante en liaison avec des services de magasins de détail offrant des boissons alcoolisées, dans le cadre de ce motif, est identique à celle du motif relatif à l’enregistrabilité abordé ci-dessus.

[54] Bien que l’Opposante doive invoquer une période d’emploi plus courte en raison de la date pertinente antérieure, puisque la Requérante n’a démontré aucun emploi de la Marque au Canada, le critère du caractère distinctif inhérent et de la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues, ainsi que la période pendant laquelle les marques ont été en usage, favorisent l’Opposante.

[55] De plus, la ressemblance dans les produits, les services, les entreprises et les voies de commercialisation s’applique toujours, nonobstant le fait que cette évaluation se limite aux ventes de détail par l’Opposante de boissons alcoolisées sous la forme de vins. Comme il en a été question ci-dessus, les vins et les spiritueux sont considérés comme des produits d’une industrie [Carling Breweries Ltd, précité] et la Requérante n’a pas démontré ou affirmé qu’une quelconque distinction existe. De plus, le fait que l’Opposante, qui prenait part à l’origine à la vente de vins, prend part maintenant à la vente de spiritueux souligne le lien naturel entre ces types d’entreprises. Par conséquent, j’estime que ces critères favorisent l’Opposante. Par conséquent, ce motif d’opposition relatif au droit à l’enregistrement est également accueilli.

Remarques finales – autres motifs

[56] Puisque j’ai déjà conclu que deux motifs d’opposition de l’Opposante sont accueillis, je n’estime pas qu’il soit nécessaire d’aborder les autres motifs d’opposition.

Décision

[57] Pour les raisons exposées ci-dessus et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

William Desroches

 

Le français est conforme aux WCAG.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comparutions et agents inscrits au dossier

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Accupro Trademark Services LLP

Pour la Requérante : Robic

 

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