Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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A maple leaf on graph paper

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 023

Date de la décision : 2023-02-07

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

TRADUCTION DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

Opposante : Kenneth Cole Productions, Inc.

Requérante : Mankind Grooming Studio for Men Inc.

Demande : 1,725,560-01 pour MANKIND GROOMING STUDIO FOR MEN & Dessin

Introduction

[1] Mankind Grooming Studio for Men Inc. (la Requérante) est une entreprise de soins corporels située à Toronto, en Ontario, qui offre une variété de services de salon de barbier et d’esthétique pour hommes, y compris la coupe de cheveux, le rasage et la coloration capillaire. La Requérante est actuellement propriétaire d’un enregistrement pour la marque de commerce MANKIND GROOMING STUDIO FOR MEN & Dessin, reproduite ci-dessous (la Marque), en liaison avec divers services de soins corporels, y compris des [traduction] « Services de salon de barbier et d’esthétique pour hommes, nommément manucure, pédicure, […] coupe de cheveux, taille de la barbe, rasage, […] camouflage et coloration capillaire […] » :

MANKIND GROOMING STUDIO FOR MEN & Design

[2] La Requérant a produit la demande no 1,725,560-01 (la Demande) pour étendre l’état déclaratif des produits figurant dans l’enregistrement de la Marque de façon à ajouter des [traduction] « Produits de toilette pour hommes, nommément shampooings, revitalisants, produits pour les cheveux, mousses à raser, crèmes à raser, baumes à barbe, huiles à barbe et désincrustants pour le visage, lotion pour le visage » (les Produits).

[3] Kenneth Cole Productions, Inc. (l’Opposante) est une entreprise dont le siège social est situé à New York, dans l’État de New York, aux États-Unis, qui conçoit, fournit et commercialise un éventail de vêtements, de chaussures et d’accessoires de mode, ainsi que des produits de soins personnels au Canada, aux États-Unis et à l’échelle internationale. L’opposition est principalement fondée sur une allégation selon laquelle la Marque visée par la Demande crée de la confusion avec l’emploi antérieur et l’enregistrement de la marque de commerce MANKIND KENNETH COLE de l’Opposante en liaison avec des produits comme de l’eau de Cologne, du shampooing, des lotions après rasage et des hydratants pour le visage.

[4] Pour les raisons qui suivent, la Demande est rejetée, puisque la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties.

Le dossier

[5] La Demande visant à étendre l’état déclaratif des produits a été produite le 12 mars 2018 et est fondée sur l’emploi projeté. La Demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 25 mars 2020, et l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) le 15 juin 2020.

[6] La Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Puisque la Demande a été annoncée après le 17 juin 2019, la Loi dans sa version modifiée s’applique (voir l’article 69.1 de la Loi).

[7] L’Opposante soulève des motifs d’opposition fondés sur l’enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)d), le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a), le caractère distinctif en vertu de l’article 2, et la non-conformité à l’article 38(2)e) de la Loi.

[8] La Requérante a produit une contre-déclaration réfutant les motifs d’opposition.

[9] Les deux parties ont produit une preuve. Seule l’Opposante a produit des observations écrites et aucune audience n’a été tenue.

Aperçu de la preuve

[10] Les éléments pertinents de la preuve sont résumés ci-dessous et sont examinés plus en détail dans l’analyse des motifs d’opposition.

Preuve de l’Opposante

[11] La preuve de l’Opposante comprend une copie certifiée de son enregistrement pour la marque de commerce MANKIND KENNETH COLE (LMC989,451). L’Opposante a également produit l’affidavit de Marc Goldfarb, souscrit le 12 février 2021 (l’affidavit Goldfarb). M. Goldfarb est le vice-président principal et avocat général de l’Opposante, un poste qu’il occupe depuis janvier 2018.

[12] M. Goldfarb affirme que, compte tenu de son poste, il a accès aux dossiers de l’Opposante en ce qui a trait à la production de demandes d’enregistrement de marques de commerce et à l’emploi de marques de commerce. Sauf indication contraire, la preuve de M. Goldfarb est fondée sur ses connaissances personnelles des dossiers de l’Opposante ou ses connaissances personnelles des dossiers de Parlux, Ltd. (Parlux), le licencié de l’Opposante pour des parfums et des articles connexes, lesquels lui ont été fournis dans le cadre de la présente instance (para 3). M. Goldfarb n’a pas été contre-interrogé au sujet de son affidavit.

L’entreprise de l’Opposante

[13] M. Goldfarb affirme que l’Opposante vend ses produits tant au détail qu’en ligne, et que plusieurs centaines de grands magasins et magasins spécialisés transportent ses produits dans le monde entier (para 7). L’Opposante conçoit, commercialise et vend ses vêtements, ses chaussures et ses accessoires principalement sous ses marques Kenneth Cole New York, Kenneth Cole Reaction, Reaction Kenneth Cole, Unlist et Gentle Souls (para 8).

[14] M. Goldfarb affirme que les produits de l’Opposante sont disponibles ou ont été vendus au Canada aux emplacements suivants : magasin indépendant de l’Opposante située sur la rue Queen Ouest, à Toronto; grands magasins et magasins spécialisés comme Shoppers Drug Mart, Rexall et Rexall Pharma Plus, Costco Canada, Sears Canada et les grossistes qui desservent ces magasins; magasins canadiens indépendants, dont Avenue Sassy, Boutique Olivier Pour Homme, Dolomiti, Moxxi Boutique et Pragai Couture; et boutiques de commerce électronique de tiers comme amazon.ca, fragrancenet.com et Parfum Online qui vendent des articles aux Canadiens (para 9 et 10).

Les produits de l’Opposante liés à la marque de commerce MANKIND KENNETH COLE

[15] M. Goldfarb affirme qu’au Canada, aux États-Unis et dans le monde entier, Kenneth Cole (qui, je crois, est le créateur éponyme) ou son affilié, l’Opposante, fournissent à Parlux une licence d’emploi de la marque de commerce pour la fabrication et la vente des produits liés à la marque de commerce déposée MANKIND KENNETH COLE, à savoir : [traduction] « Parfums, eaux de Cologne, nommément eau de Cologne après-rasage, parfumerie, déodorants à usage personnel, savon liquide pour le corps, produits pour le corps en vaporisateur, lotions pour le corps, shampooing, lotions après-rasage, hydratants, nommément hydratants pour le corps et hydratants pour le visage » (les Produits de l’Opposante) (para 11).

[16] M. Goldfarb affirme qu’en vertu de la licence, l’Opposante exerce un contrôle sur la nature et la qualité des Produits de l’Opposante qui sont vendus en liaison avec la marque MANKIND KENNETH COLE au moyen d’échantillons, de contrôles de la qualité et de procédures d’approbation (para 12). L’Opposante, par l’entremise de son licencié, a commencé à offrir les Produits de l’Opposante en liaison avec la marque de commerce MANKIND KENNETH COLE en 2015 (para 13).

[17] M. Goldfarb fournit des chiffres de ventes annuelles approximatifs pour les années 2015 à 2018, qui représentent un total de plus de 915 750 $ US (para 14); Parlux a informé M. Golfarb que ces chiffres de vente concernent des parfums, des eaux de Cologne, des produits pour le corps en vaporisateur et des déodorants vendus en liaison avec la marque MANKIND KENNETH COLE (les Produits MANKIND KENNETH COLE) (para 15). La Pièce B est décrite comme des imprimés des chiffres de ventes canadiennes générés par le système financier de Parlux pour les années 2015 à 2018. Parlux a informé M. Goldfarb que ces chiffres représentent exactement les ventes de Produits MANKIND KENNETH COLE au Canada (para 16). En l’absence de contre-interrogatoire ou d’opposition de la part de la Requérante, je suis disposée à accorder le plein poids à cette preuve, puisque je considère qu’il serait raisonnable qu’une relation de concédant de licence et licencié comprenne l’échange de renseignements sur les ventes des Produits de l’Opposante visés par la licence. La Pièce C comprend des photographies des Produits MANKIND KENNETH COLE décrits comme étant représentatifs des produits énumérés dans la Pièce B (para 17). Cette pièce comprend des photographies de contenants de parfums, de déodorants, de produits pour le corps en vaporisateur, de lotions après-rasage et de nettoyants pour les cheveux et le corps arborant, bien en vue, la marque de commerce MANKIND KENNETH COLE sur leur emballage (à la fois sur la bouteille ou le contenant et sur l’emballage extérieur).

[18] M. Goldfarb affirme que les Produits MANKIND KENNETH COLE sont annoncés et offerts en vente aux consommateurs canadiens sur des sites Web de tiers comme Perfume Online (perfumeonline.ca), Fragrance Buy (fragrancebuy.ca), Walmart (walmart.ca), Ace Gifts Plus (acegiftsplus.ca), Eleganscents (eleganscents.ca) et Shoppers Drugs Mart (shoppersdrugmart.ca). La Pièce D comprend des captures d’écran représentatives de ces pages Web, lesquelles ont été prises le 6 novembre 2020 (para 18).

[19] M. Goldfarb affirme que la marque de commerce MANKIND KENNETH COLE de l’Opposante figure également bien en vue dans les annonces destinées aux consommateurs canadiens et diffusées par divers moyens, y compris en ligne et par l’entremise de médias sociaux sur les comptes de l’Opposante, y compris Facebook, YouTube et Instagram. La Pièce E comprend des captures d’écran représentatives de ces publications illustrant les Produits MANKIND KENNETH COLE, en particulier des parfums (para 19).

Preuve de la Requérante

[20] La preuve de la Requérante comprend une copie certifiée de son enregistrement no LMC990,832 pour la Marque en liaison avec les services suivants : [traduction] « Services de salon de barbier et d’esthétique pour hommes, nommément manucure, pédicure, traitements faciaux, services d’épilation à la cire et massages, coupe de cheveux, taille de la barbe, rasage, entretien de la barbe, camouflage et coloration capillaire, ainsi que services d’enseignement et de formation offerts au personnel de salons de barbier » (les Services de soins corporels). La Requérante a également produit l’affidavit d’Ioana Ancuta Miron, souscrit le 14 octobre 2021 (l’affidavit Miron). Mme Miron est la directrice de la Requérante et occupe ce poste depuis le 26 février 2015; elle est également barbière chez la Requérante. Mme Miron affirme que les faits énoncés dans son affidavit découlent de ses connaissances personnelles ou des renseignements contenus dans les dossiers pertinents de la Requérante qui conservés dans la pratique normale du commerce et auxquels elle a accès. Mme Miron n’a pas été contre-interrogée au sujet de son affidavit.

L’entreprise de soins corporels de la Requérante

[21] Mme Miron affirme que la Requérante a été fondée à Toronto en 2009. Le premier emplacement a ouvert ses portes le 19 octobre 2009 sur la rue Richmond Ouest, et un deuxième emplacement a ouvert ses portes le 20 septembre 2011 sur l’avenue Eglington Est, puis déménagé sur l’avenue Redpath. À l’heure actuelle, huit barbiers travaillent à ces deux emplacements (para 3).

[22] Mme Miron affirme que la Marque est employée par la Requérante liaison avec les Services de soins corporels depuis au moins le 19 octobre 2009 (para 6). La Requérante présente la Marque sur les enseignes extérieures et intérieures des emplacements où elle exécute les Services de soins corporels, sur les capes de barbier portées par les clients au moment de l’exécution des Services de soins corporels, sur les sacs donnés aux clients qui achètent des produits de soins corporels et sur les chemises portées par les membres du personnel au moment de l’exécution des Services de soins corporels (para 8). Des exemples représentatifs de la façon dont la Marque est ainsi présentée sont joints à titre de Pièces A1 à A5. La Marque figure bien en vue dans chaque exemple.

[23] Mme Miron affirme que la Requérante présente également la Marque dans ses annonces, notamment : sur son site Web situé à l’adresse www.mankindgrooming.com, qui est actif depuis 2009 et qui reçoit plus de 600 000 visiteurs chaque année; sur les comptes de médias sociaux de la Requérante, y compris Facebook, Instagram et Twitter; sur des cartes de rendez-vous ou d’affaires; sur 5 000 baumes pour lèvres remis à des clients entre 2017 et 2019; sur le côté extérieur de deux véhicules conduits par le personnel de la Requérante; et par le parrainage d’activités de bienfaisance, y compris le vélothon « 100 Guys Who Care » de 2016 et le vélothon entre Toronto et Montréal « People with AIDS » de 2019. Lors des deux événements, le personnel de la Requérante a participé en portant des débardeurs de vélo arborant la Marque. Les Pièces B1 à B6 illustrent la Marque telle qu’elle figure dans chaque forme d’annonce. La Marque figure bien en vue dans chaque exemple.

[24] Mme Miron affirme que la Requérante a été présentée dans des médias de Toronto. À titre d’exemple, Mme Miron renvoie à un segment télévisé sur la chaîne CP24, qui a été diffusé le 16 juillet 2021, au sujet de la réouverture de la Requérante après un confinement de huit mois en raison de la COVID-19 (para 10). La Pièce C contient des captures d’écran de cette vidéo et la Marque est visible sur une chemise portée par un membre du personnel et sur une cape de barbier portée par un client.

[25] Mme Miron affirme que depuis sa création, la Requérante a constamment présenté la Marque avec la silhouette d’un homme, en orange, à la place de la lettre « I » dans le mot « MANKIND » (para 11).

[26] Mme Miron affirme qu’avant la pandémie de COVID-19 de 2020-2021, les barbiers de la Requérante effectuaient 25 000 coupes de cheveux par année en moyenne (para 12).

[27] Mme Miron n’est au courant d’aucun cas où le public aurait demandé s’il existait une affiliation ou un lien entre la Requérante et l’Opposante ou aurait cru que les Services de soins corporels étaient fournis par l’Opposante (para 13).

Fardeau ultime et fardeau de preuve

[28] C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante en faveur de la Requérante après avoir examiné l’ensemble de la preuve, le litige doit être tranché à l’encontre de la Requérante. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Limited c Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p. 298].

Analyse des motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[29] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable parce que, en contravention à l’article 12(1)d), la Marque crée de la confusion avec l’enregistrement de l’Opposante pour la marque de commerce MANKIND KENNETH COLE.

[30] La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[31] J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire pour consulter le registre et confirmer que cet enregistrement existe toujours [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à ce motif d’opposition. Par conséquent, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée de l’Opposante.

Test en matière de confusion

[32] Pour déterminer si deux marques de commerce créent de la confusion, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énoncées à l’article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre des produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce, y compris dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs, et un poids différent sera accordé à chacun selon le contexte [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772 (CSC), au para 54; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 49 CPR (4th) 401].

[33] Le test en matière de confusion est évalué comme une question de la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé à la vue de la marque du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce de l’opposant et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques [Veuve Clicquot, précité, au para 20]. De plus, lorsqu’il est probable que le public présumera que les produits ou les services du requérant sont approuvés, autorisés ou appuyés par l’opposant, de sorte qu’il existe un état de doute et d’incertitude dans l’esprit de la clientèle, il s’ensuit que les marques de commerce créent de la confusion [voir Glen-Warren Productions Ltd c Gertex Hosiery Ltd (1990), 29 CPR (3d) 7 (CF 1re inst), au para 21].

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[34] Aucune des parties n’a présenté de preuve quant au sens des éléments nominaux des marques de commerce en question. Toutefois, le registraire peut prendre connaissance d’office de définitions du dictionnaire [voir Tradall SA c Devil’s Martini Inc, 2011 COMC 65 (COMC), au para 29], ce que j’ai fait en l’espèce en me référant au Canadian Oxford Dictionary (2e édition).

[35] J’estime que la marque de commerce MANKIND KENNETH COLE de l’Opposante possède un degré limité de caractère distinctif inhérent parce que le mot MANKIND suggère quelque peu des [traduction] « hommes, par rapport [à des] femmes » (tel que défini dans le Canadian Oxford Dictionary, 2e édition), et que les autres éléments sont intrinsèquement faibles, puisqu’il s’agit du prénom et du nom de famille KENNETH COLE [Sarah Coventry v Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238 (CF 1re inst); Ricard c Molson Breweries, a Partnership, 1999 CanLII 19465; Boutique Jacob Inc c Joseph Limited, 2015 COMC 121]. L’enregistrement de l’Opposante est présenté en lettres majuscules et n’est donc pas limité à une police ou à une couleur particulière [Les Restaurants La Pizzaiolle Inc c Pizzaiolo Restaurants Inc (2015), 2015 CF 240].

[36] En ce qui a trait à la Marque de la Requérante, je conclus que son caractère distinctif inhérent est également limité compte tenu de la nature suggestive du mot MANKIND et du caractère descriptif de l’expression « grooming studio for men ». Toutefois, à mon avis, la Marque possède un caractère distinctif inhérent légèrement plus élevé compte tenu de l’inclusion d’un élément figuratif qui présente la silhouette d’un homme à la place de la lettre « I » dans le mot MANKIND sur un fond sombre.

[37] Il est possible de renforcer une marque de commerce en la faisant connaître par sa promotion ou son emploi. L’affidavit Goldfarb comprend des exemples représentatifs de l’emploi de la marque de commerce de l’Opposante en liaison avec les Produits de l’Opposante depuis 2015. L’affidavit Goldfarb fournit également des chiffres de ventes annuelles au Canada pour les Produits MANKIND KENNETH COLE entre 2015 et 2018, qui représentent un total d’environ 915 000 $ US. Des exemples d’annonces représentatives visant les consommateurs canadiens sont également fournis. Même si la portée de ces annonces n’est pas claire (par exemple, ni les dépenses en publicité de l’Opposante ni le nombre de visiteurs canadiens qui accèdent aux divers médias sociaux de l’Opposante ne sont indiqués), et que seuls des renseignements partiels sur les ventes sont fournis (aucun renseignement après 2018), je suis disposée à conclure que la marque de commerce de l’Opposante est devenue connue au moins dans une certaine mesure au Canada.

[38] Bien que la Requérante ait fourni une preuve d’emploi de la Marque en liaison avec ses Services de soins corporels, il n’y a aucune preuve que la Marque est devenue connue dans une certaine mesure en liaison avec les Produits visés par la Demande.

[39] Dans l’ensemble, compte tenu du caractère distinctif acquis beaucoup plus important de la marque de commerce de l’Opposante au Canada, je conclus que ce facteur, lequel est une combinaison du caractère distinctif inhérent et acquis, favorise l’Opposante.

Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[40] La preuve indique que la marque de commerce MANKIND KENNETH COLE de l’Opposante est employée par l’Opposante au Canada depuis 2015. Bien que la Requérante ait fourni une preuve d’emploi de la Marque en liaison avec ses Services de soins corporels remontant à octobre 2009, elle n’a produit aucune preuve indiquant qu’elle a commencé à employer la Marque en liaison avec les Produits (la Demande comprend une revendication d’emploi projeté en liaison avec les Produits). Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Genre des produits, services ou entreprises, et nature du commerce

[41] L’enregistrement de l’Opposante couvre les produits [traduction] « Parfums, eaux de Cologne, nommément eau de Cologne après-rasage, parfumerie, déodorants à usage personnel, savon liquide pour le corps, produits pour le corps en vaporisateur, lotions pour le corps, shampooing, lotions après-rasage, hydratants, nommément hydratants pour le corps et hydratants pour le visage », et la preuve de l’Opposante établit l’emploi en liaison avec des parfums, des eaux de Cologne, des produits pour le corps en vaporisateur et des déodorants.

[42] La Demande vise des produits de soins corporels qui chevauchent directement les produits visés par l’enregistrement de l’Opposante ou qui sont étroitement liés à ceux-ci. En ce qui concerne la nature du commerce, les Produits décrits dans la Demande sont de nature à pouvoir être vendus dans les mêmes magasins (magasins traditionnels ou en ligne) que les produits de l’Opposante. En effet, rien dans la description des Produits figurant dans la Demande ne semble limiter les voies de commercialisation de la Requérante.

[43] Dans l’ensemble, je considère que ces facteurs favorisent l’Opposante.

Degré de ressemblance

[44] Dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, au paragraphe 49, la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques, est souvent le facteur qui revêt le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

[45] Lorsqu’on examine le degré de ressemblance, il est préférable de commencer par se demander s’il y a un aspect de la marque de commerce qui est particulièrement frappant ou unique [Masterpiece, précité, au para 64]. À mon avis, un aspect frappant de la marque de commerce MANKIND KENNETH COLE de l’Opposante est le mot MANKIND, puisqu’il ne fait pas partie d’un nom (contrairement aux autres éléments de la marque de commerce) et compte tenu de sa position dans la marque [Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183, à la p. 188 (CF 1re inst)].

[46] Je considère également que le mot MANKIND est un élément frappant de la Marque de la Requérante compte tenu de sa position dans la Marque et la nature descriptive des autres mots « grooming studio for men ». Le mot MANKIND figure également dans une taille de caractères beaucoup plus grande que les autres mots du dessin de la Marque. Un autre élément frappant de la Marque est le dessin d’une silhouette d’homme utilisé à la place de la lettre « I » dans le mot MANKIND; cet élément permet de distinguer les marques dans la présentation. Bien que la Requérante indique que la silhouette figure toujours en orange, je remarque que la Demande ne contient aucune revendication de couleur correspondante et que l’enregistrement de l’Opposante ne contient aucune restriction quant aux couleurs dans lesquelles sa marque de commerce peut figurer.

[47] En ce qui concerne les idées suggérées, il y a une ressemblance, en ce sens que les marques des deux parties partagent le mot MANKIND. Toutefois, l’ajout du nom KENNETH COLE dans la marque de l’Opposante permet de distinguer les marques en ce qui a trait aux idées qu’elles suggèrent, dans la mesure où KENNETH COLE serait reconnu comme identifiant la source des produits de l’Opposante.

[48] Dans l’ensemble, malgré les différences entre les marques, je conclus qu’il existe un degré significatif de ressemblance entre les marques des parties, particulièrement dans le son, puisque MANKIND est un élément frappant des marques de commerce des deux parties. Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante, bien que seulement légèrement.

Circonstances de l’espèce – absence de preuve de confusion malgré la coexistence

[49] Mme Miron affirme qu’elle n’est au courant d’aucun cas où un membre du public aurait demandé s’il existait une affiliation ou un lien entre la Requérante et l’Opposante ou aurait cru que les Services de soins corporels étaient exécutés par l’Opposante (affidavit Miron, au para 13). Les Produits de l’Opposante sont des produits de soins corporels qui sont étroitement liés aux Services de soins corporels de la Requérante.

[50] La Cour fédérale a indiqué que la mesure dans laquelle on peut tirer une conclusion d’absence de confusion réelle dépend des circonstances [Scott Technologies Inc c 783825 Alberta Ltd (Scott Safety Supply Services), 2015 CF 1336, au para 69 (Scott Technologies); Caesarstone Sdot-Yam Ltd c Ceramiche Caesar SPA, 2016 CF 895 (Caesarstone)]. Dans Scott Technologies, la Cour fédérale a fait remarquer ce qui suit :

La mesure dans laquelle un tribunal peut tirer une conclusion à partir d’une absence de confusion réelle dépend des circonstances. Dans l’affaire Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd, 1987 CanLII 8953 (CAF), [1988] 3 CF 91 (Mr Submarine), la Cour d’appel fédérale a reconnu au paragraphe 29 que l’absence de preuve de confusion réelle était « un fait important », étant donné que les parties avaient utilisé leurs marques de commerce respectives en lien avec des entreprises de restauration de la région de Dartmouth au cours des dix années antérieures. Il convient de comparer cet arrêt avec la décision Absolute Software Corporation c Valt.X Technologies Inc, 2015 CF 1203 (Absolute) dans laquelle j’ai conclu au paragraphe 8 que ce manque de preuve de confusion réelle n’était [traduction] « pas surprenant, étant donné que la défenderesse est une entreprise en démarrage et en croissance et qu’elle avait vendu jusqu’alors moins de 2 000 $ de produits ».

[51] Les faits en l’espèce se situent quelque part entre ceux dans Mr Submarine et ceux dans Absolute. Bien qu’il existe une preuve de coexistence, la durée de celle-ci est inférieure à dix ans. L’Opposante affirme avoir commencé à employer sa marque de commerce au Canada en 2015 et, bien qu’elle n’indique pas le mois, les ventes annuelles pour 2015 sont peu élevées (moins de 1 000 $ US), de sorte que je présume que l’emploi par l’Opposante a commencé à la fin de 2015. L’Opposante indique les ventes annuelles correspondant aux ventes de produits de soins corporels en liaison avec sa marque de commerce en 2016, en 2017 et en 2018, mais aucun autre renseignement sur les ventes annuelles n’est fourni (malgré le fait que l’affidavit a été souscrit en février 2021). La preuve de la Requérante indique que cette dernière emploie la Marque en liaison avec les Services de soins corporels depuis le 19 octobre 2009. Bien qu’aucun chiffre de ventes ne soit fourni, la Requérante remarque qu’avant la pandémie de COVID-19 en 2020-2021, lorsque la Requérante a dû fermer en raison d’un confinement, la Requérante effectuait 25 000 coupes de cheveux par année en moyenne (para 10 et 12).

[52] La mesure dans laquelle les parties ont mené leurs activités dans les mêmes régions géographiques n’est pas claire. Les Services de soins corporels de la Requérante et la majorité de ses initiatives publicitaires semblent se limiter à la région de Toronto (enseignes de magasin, annonces sur des véhicules, baumes à lèvres offerts gratuitement à la clientèle et présentation par une station de télévision locale de Toronto), tandis que les Produits de l’Opposante semblent être vendus plus largement, y compris dans de grands magasins et des magasins spécialisés ayant une présence nationale (Shoppers Drug Mart, Rexall et Costco Canada).

[53] Dans l’ensemble, je conclus qu’il s’agit d’une circonstance pertinente qui favorise la Requérante, bien que seulement légèrement.

Circonstance de l’espèce – enregistrement antérieur de la Requérante

[54] Comme il a été mentionné ci-dessus, la Requérante est déjà propriétaire d’un enregistrement pour la Marque en liaison avec les Services de soins corporels. Toutefois, il est bien établi que l’article 19 de la Loi ne confère pas au propriétaire d’un enregistrement le droit automatique d’obtenir d’autres enregistrements [Coronet‑Werke Heinrich Schlerf GmbH c Produits Ménagers Coronet Inc, 4 CPR (3d) 108 (COMC); et Groupe Lavo Inc c Proctor & Gamble Inc, 32 CPR (3d) 533 (COMC)]. Cela dit, la Requérante a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les Services de soins corporels visés par son enregistrement, et les Produits (les produits de soins corporels) visés par la Demande sont étroitement liés à ses Services de soins corporels. Par conséquent, je conclus qu’il s’agit d’une circonstance pertinente qui favorise la Requérante [Caesarstone, précitée, aux para 50 à 56].

Conclusion quant au motif fondé sur l’article 12(1)d)

[55] Après avoir tenu compte de toutes les circonstances de l’espèce, et en particulier du degré de ressemblance entre les marques de commerce, du chevauchement dans le genre des produits et les voies de commercialisation (ou de leur lien étroit), du caractère distinctif acquis et de la période pendant laquelle la marque de l’Opposante a été en usage, je conclus, au mieux pour la Requérante, que la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante est équitablement partagée entre une conclusion de confusion et une conclusion d’absence de confusion. Bien que l’absence de preuve de confusion malgré la coexistence des marques de commerce des parties, et l’enregistrement et l’emploi antérieurs de la Marque par la Requérante en liaison avec les Services de soins corporels constituent des circonstances pertinentes de l’espèce qui favorisent la Requérante, elles ne sont pas suffisantes pour l’emporter sur la considération globale des facteurs de l’article 6(5) examinés ci-dessus. En outre, je remarque que, étant donné que la preuve d’emploi de la Requérante en liaison avec les Services de soins corporels se rapporte largement à la région de Toronto, il se peut que l’argument de la Requérante soit encore plus faible à l’extérieur de cette région géographique particulière.

[56] Étant donné le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce incombe à la Requérante, je dois donc trancher à l’encontre de la Requérante. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a)

[57] L’Opposante a fait valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, puisque, à la date de production de la Demande, à savoir le 12 mars 2018, et à tout moment pertinent, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce MANKIND KENNETH COLE de l’Opposante, qui était employée antérieurement au Canada en liaison avec des parfums, eaux de Cologne, nommément eau de Cologne après-rasage, parfumerie, savon liquide pour le corps, produits pour le corps en vaporisateur, shampooing et lotions après-rasage.

[58] L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial au moyen de sa preuve, démontrant l’emploi de sa marque de commerce bien avant la date pertinente pour ce motif d’opposition.

[59] À mon avis, la date pertinente antérieure pour ce motif d’opposition ne modifie pas de façon significative l’analyse relative à la confusion significative présentée ci-dessus à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d). Par conséquent, la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer qu’il n’y avait aucune probabilité de confusion à la date pertinente pour le motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement et le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) est également accueilli.

Autres motifs d’opposition

[60] Étant donné que l’Opposante a déjà eu gain de cause à l’égard de deux motifs d’opposition, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs d’opposition.

Décision

[61] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la Demande visant à étendre l’état déclaratif des produits et services pour ajouter les Produits, conformément aux dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

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Jennifer Galeano

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Anne Laberge, trad. a.

 

Le français est conforme aux WCAG.


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Norton Rose Fulbright Canada LLP/S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Pour la Requérante : Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., s.r.l.

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