Contenu de la décision
Office de la propriété intellectuelle du Canada
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
Référence : 2023 COMC 024
Date de la décision : 2023-02-14
[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45
Partie requérante : St. Lawrence Law Firm LLP
Propriétaire inscrite : GP8 Advanced Research Enterprise
Enregistrement : LMC770,398 pour GP8 SPORTWATER & Design
Introduction
[2] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être maintenu.
La procédure
[4] L’avis enjoignait à la Propriétaire inscrite d’indiquer, à l’égard de chacun des Produits, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 16 décembre 2017 au 16 décembre 2020 (la Période pertinente). En l’absence d’emploi, un enregistrement de marque de commerce est susceptible d’être radié, à moins que le défaut d’emploi ne soit attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient.
[5]
La définition d’« emploie » est énoncée à l’article 4(1) de la Loi :
[6] Le 23 novembre 2021, une cession de la marque en faveur de GP8 Advanced Research Enterprise (la Propriétaire) a été enregistrée par le registraire. La date indiquée pour le changement dans le titre est le 12 septembre 2018.
[8] Les deux parties ont produit des observations écrites. Seule la Propriétaire était présente à l’audience.
La preuve
[11] M. Manziaris affirme que, pendant la période pertinente, tant OTEC que la Propriétaire ont employé la Marque pour vendre les Produits au Canada – avant la cession, les Produits étaient fabriqués et vendus par OTEC; après la cession, les Produits étaient fabriqués et vendus par la Propriétaire. Il déclare également que l’activité d’OTEC a été cédée en continuité et qu’il n’y a pas eu d’interruption dans la fabrication ou la distribution des Produits.
[12] M. Manziaris produit, comme Pièce TM-1, trois photographies qui montrent la Marque sur des caisses de produits, des étiquettes de produits et des bouteilles avec l’étiquette de produit jointe. Il affirme que les photographies sont représentatives de la façon dont la Marque apparaissait sur les étiquettes et les emballages des Produits vendus au Canada tout au long de la Période pertinente. Je note que sur l’étiquette du produit, ce dernier est décrit comme « eau purifiée ».
[14] M. Manziaris affirme que OTEC et la Propriétaire ont vendu chacun des Produits (c’est-à-dire boissons pour sportifs, eau aromatisée et eau embouteillée) à des tiers. Il poursuit en indiquant que [traduction] « les produits étaient disponibles à la fois sous forme d’eau embouteillée non aromatisée et d’eau aromatisée » et que les produits [traduction] « sont spécifiquement formulés pour inclure des quantités accrues d’oxygène dissous, ce qui en fait une boisson pour sportifs idéale pour les athlètes, à la fois sous forme aromatisée ou non ». Il déclare également que les produits étaient aromatisés au citron, à la mûre et à la framboise.
[18] La Pièce TM-3 jointe à son affidavit contient des images de panneaux et de camions montrant comment la Marque apparaîtrait aux consommateurs lors d’événements où les produits sont vendus et distribués. Je note que plusieurs des images contiennent la phrase [traduction] « l’évolution de la boisson pour sportifs ». M. Manziaris affirme que les images, qui montrent toutes la Variation, sont représentatives de la façon dont la Marque apparaissait sur de tels panneaux et camions à travers le Canada pendant la Période pertinente.
[19] M. Manziaris poursuit en indiquant que, pendant la Période pertinente, OTEC et la Propriétaire ont vendu les Produits aux consommateurs à la fois directement et par l’intermédiaire de points de vente au détail tiers tels que des épiceries et des marchés. La Propriétaire a travaillé avec certains des points de vente au détail pour faire la promotion des Produits en fournissant des présentoirs en magasin, dont les images sont jointes à la Pièce TM-4 de son affidavit. Une fois encore, M. Manziaris confirme que les images, qui montrent toutes la Variation, sont représentatives de la manière dont la Marque était affichée sur ces articles tout au long de la Période pertinente.
[21] La Pièce TM-5 de son affidavit est une facture datée de mai 2019 adressée à un client de l’Ontario qui, selon M. Manziaris, énumère des caisses de Produits aromatisés et non aromatisés. La Variation est affichée dans le coin supérieur droit de la facture. Dans le coin supérieur gauche, il est fait référence à « GP8 Sportwater » et à l’adresse de la Propriétaire. La valeur totale de la facture est de 436,34 $ et elle énumère les trois produits suivants :
· Douze caisses de « 710ML Sportcap 12 PACK Sportwater »;
· Six caisses de « 500ML Sportcap 12 PACK GP8 Lemon Sportwater »;
· Huit caisses de « 330ML Cylinder 23 PACK GP8 Alkaline Water ».
Analyse et motifs de la décision
b)
l’emploi de la marque telle qu’elle est enregistrée;
c)
l’emploi de la Marque en liaison avec les Produits;
d)
les ventes de chacun des Produits.
[23] Dans l’évaluation des observations de la Partie requérante, j’ai gardé à l’esprit que le but et l’objet de l’article 45 de la Loi consistent à assurer une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». À ce titre, le critère relatif à la preuve que la Propriétaire doit respecter est assez faible [Performance Apparel Corp c Uvex Toko Canada Ltd, 2004 CF 448] et une surabondance d’éléments de preuve n’est pas requise [Union Electric Supply Co c Registraire des marques de commerce) (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)]. Néanmoins, il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la Marque a été employée en liaison avec chacun des Produits.
[24] De plus, la preuve dans une procédure en vertu de l’article 45 doit être considérée dans son ensemble – le fait de se concentrer sur des éléments de preuve individuels n’est pas la bonne approche [Kvas Miller Everitt c Compute (Bridgend) Limited (2005), 47 CPR (4th) 209 (COMC); et Fraser Milner Casgrain LLP c Canadian Distribution Channel Inc (2009), 78 CPR (4th) 278 (COMC)]. De plus, la preuve fournie permet raisonnablement de tirer des inférences [Eclipse International Fashions Canada Inc c Shapiro Cohen, 2005 CAF 64].
[25] Enfin, en l’absence d’une preuve contraire, il convient d’admettre sans réserve les déclarations faites par un déposant et d’accorder une crédibilité substantielle aux déclarations contenues dans un affidavit produit dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 [Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Atari Interactive Inc, 2018 COMC 79].
Propriété de la Marque
[26] À titre préliminaire, tant la Partie requérante que la Propriétaire ont fait référence, dans leurs observations écrites, à des faits qui ne sont pas en preuve et qui ont tous trait à la date à laquelle la demande d’inscription de la cession d’OTEC à la Propriétaire a été déposée auprès du registraire. Ces observations seront écartées [Ridout & Maybee LLP c Encore Marketing International Inc (2009), 72 CPR (4th) 204 (COMC)].
[27] La Partie requérante estime que la Propriétaire n’a pas présenté la preuve de la cession. À cet égard, elle décrit le témoignage de M. Manziaris comme une simple déclaration et note que les transactions postérieures à la délivrance d’un avis prévu l’article 45 [traduction] « peuvent à juste titre être considérées avec un certain scepticisme » [Star‑Kist Foods Inc C Canada (Registraire des marques de commerce) (1988), 20 CPR (3d) 46 (CAF)].
Emploi de la Marque telle qu’enregistrée
[33] La Partie requérante soutient que l’emploi de la Variation ne constitue pas un emploi de la Marque. En particulier, la Partie requérante estime que, compte tenu de la faiblesse inhérente des éléments individuels de la Marque (que la Partie requérante décrit comme étant les lettres GP, le chiffre 8 et le terme suggestif SPORTWATER), la caractéristique la plus dominante de la Marque est le dessin particulier du chiffre 8 – [traduction] « notamment son motif brisé ou taché et son chevauchement avec les lettres GP » – qui n’est pas présent dans la Variation.
[34] Pour examiner la question de savoir si la présentation de la Variation constitue l’affichage de la Marque la question à se poser est celle de savoir si la Marque était affichée d’une manière telle qu’elle a conservé son identité et qu’elle est demeurée reconnaissable malgré les différences entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée [Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF). Pour trancher cette question, il faut se pencher sur la question de savoir si les « traits dominants » de la marque de commerce déposée ont été conservés [Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)]. L’évaluation de la question de savoir si tous les éléments sont des traits dominants et si la variation est suffisamment mineure pour permettre de conclure qu’il y a eu emploi de la marque de commerce telle qu’enregistrée est une question de fait qui doit être tranchée au cas par cas.
[35] La Partie requérante s’appuie sur l’affaire Cassels Brock & Blackwell LLP c Ultimate Garage Inc, 2010 COMC 101 dans laquelle le registraire a commenté les caractéristiques dominantes d’une marque qui consistait en une silhouette de maison à l’intérieur de laquelle étaient affichés les mots « ULTIMATE GARAGE ». Le registraire a déterminé que la silhouette de la maison était une caractéristique dominante de la marque qui n’avait pas été préservée, ce qui a entraîné la perte de l’impression générale créée par la marque de commerce telle qu’elle était enregistrée.
[36] En l’espèce, la caractéristique dominante de la Marque est l’élément GP8, tant du point de vue visuel que phonétique, et non le dessin particulier du chiffre 8 comme le suggère la Partie requérante. En effet, les différences dans le dessin du chiffre 8 mises en évidence par la Partie requérante ne seraient remarquées par un consommateur qu’après une comparaison minutieuse côte à côte.
[37] Si l’on compare la marque à la Variation, l’impression générale créée par la Marque n’a pas été perdue, et la Marque n’a pas perdu son identité en raison des différences de conception du chiffre 8. La Marque demeure reconnaissable. La caractéristique dominante de la Marque, à savoir l’élément GP8, est toujours présente dans la Variation. La caractéristique dominante ayant été préservée, je conclus que la présentation de la Variation constitue une présentation de la Marque.
Emploi de la Marque en liaison avec les Produits
[41] La Partie requérante fait plusieurs critiques des images des Pièces TM-2 à TM-4. En particulier, la Partie requérante soutient que les images ne constituent pas un emploi de la Marque, étant donné qu’une grande partie du matériel est de nature promotionnelle, et qu’elles ne prouvent pas non plus les ventes des Produits.
[42] Je suis convaincu que les paragraphes 13 à 16 de l’Affidavit Manziaris, ainsi que les Pièces TM-2 à TM-4, fournissent des renseignements sur la pratique normale du commerce de la Propriétaire, qui consistent à promouvoir et à vendre les Produits directement aux consommateurs lors d’événements spéciaux et par l’intermédiaire de détaillants. Les pièces présentées fournissent des échantillons représentatifs du matériel promotionnel utilisé lors d’événements spéciaux et dans les commerces de détail. Ayant déterminé que la Marque était affichée sur l’étiquetage et l’emballage des produits vendus au Canada, je n’ai pas besoin d’examiner si l’un de ces éléments constituait un avis de liaison entre la Marque et les Produits au moment du transfert.
Ventes de chacun des Produits
[44] En outre, la Partie requérante soutient que je dois déterminer si les preuves démontrent l’usage de la marque pour chacun des produits et que la Propriétaire ne peut pas se fonder sur les preuves fournies pour un produit pour justifier l’emploi à l’égard d’un autre produit [John Labatt Ltd c Rainier Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)]. Cela signifie qu’après avoir fait une distinction dans l’état déclaratif des produits, la Propriétaire est tenue de fournir la preuve de l’emploi de la Marque à l’égard de chacun des produits [Stikeman Elliott LLP c Parmx Cheese Co, 2015 COMC 102].
[45] La preuve d’une seule vente peut suffire pour établir l’emploi aux fins d’une procédure en vertu de l’article 45, pour autant qu’elle présente les caractéristiques d’une opération commerciale authentique et qu’elle ne soit pas perçue comme ayant été délibérément fabriquée ou inventée en vue de protéger l’enregistrement [voir Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1re inst)]. Compte tenu du témoignage de M. Manziaris concernant la pratique normale du commerce de la Propriétaire, je suis convaincu que la facture de la Pièce TM-5 représente une vente dans la pratique normale du commerce.
[47] M. Manziaris affirme que la facture est représentative de la vente des produits arborant la Marque qui a été effectuée par la Propriétaire et par OTEC. En outre, l’adresse fournie par GP8 Sportwater sur la facture est la même que celle du propriétaire. Sur cette base, je suis disposé à déduire que la facture a été émise par la Propriétaire.
· Douze caisses de « 710ML Sportcap 12 PACK Sportwater »;
· Six caisses de « 500ML Sportcap 12 PACK GP8 Lemon Sportwater »;
· Huit caisses de « 330ML Cylinder 23 PACK GP8 Alkaline Water ».
[50]
Toutefois, selon une lecture équitable de l’ensemble de la preuve, je suis convaincu que les deux premiers produits énumérés sur la facture, notamment Sportwater et GP8 Lemon Sportwater, correspondent à de l’eau aromatisée et à de l’eau embouteillée qui affichaient la Marque, comme le montre la Pièce TM-1. Cela dit, je dois encore déterminer si cette preuve constitue aussi une vente de boissons pour sportifs.
[51] Comme il est indiqué ci-dessus, la Partie requérante s’appuie sur l’affaire John Labatt pour affirmer que la Propriétaire ne peut pas se fonder sur des preuves fournies pour un produit pour démontrer l’emploi à l’égard d’un autre produit. Cela dit, il est important de se rappeler que la Cour dans John Labatt a déclaré au paragraphe 13 que :
La précision de marchandises autres que la bière suggère, en l’absence de preuve contraire, que chacune d’elles est effectivement différente des autres dans une certaine mesure et de la « bière » elle-même, sinon les mots « ale », « porter », « stout », boissons à base de malt, sirop de malt et extraits de malt sont superflus. [Non souligné dans l’original]
[52] Par conséquent, la décision, John Labatt n’établit pas une règle absolue selon laquelle l’emploi d’une marque de commerce à l’égard d’un produit ne peut constituer l’emploi de cette marque à l’égard d’un autre produit. La question doit plutôt être tranchée en fonction de la preuve dans chaque cas.
[54] En l’espèce, j’ai la preuve que l’eau aromatisée et l’eau embouteillée de la Propriétaire ont été commercialisées en tant que boissons pour sportifs parce qu’elles [traduction] « sont spécifiquement formulées pour contenir des quantités accrues d’oxygène dissous, ce qui en fait une boisson pour sportifs idéale pour les athlètes ». En d’autres termes, le produit est essentiellement deux produits dans une seule bouteille – à la fois une eau et une boisson pour sportifs. Sur cette base, je suis convaincu que je dispose de preuves démontrant l’emploi de la Marque sur les boissons pour sportifs, l’eau aromatisée et l’eau embouteillée.
Décision
[56] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera maintenu selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.
_______________________________
Robert A. MacDonald
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
Hortense Ngo
Le français est conforme aux WCAG.
Comparutions et agents inscrits au dossier
DATE DE L’AUDIENCE : 2023-01-30
Pour la Partie requérante : Aucune comparution
Pour la Propriétaire inscrite : Simon Hitchens
Pour la Partie requérante : St. Lawrence Law Firm LLP
Pour la Propriétaire inscrite : Fasken Martineau Dumoulin LLP