Office de la propriété intellectuelle du Canada
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
Référence : 2023 COMC 030
Date de la décision : 2023-02-20
[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION
Opposante : East India Company Ltd.
Requérante : East India Company (Pub & Eatery)
Demande : 1,878,502 pour EAST INDIA COMPANY & Design
[1] East India Company (Pub & Eatery) (la Requérante) est la propriétaire et l’exploitante d’un restaurant situé à Winnipeg, au Manitoba, et de deux restaurants situés à Ottawa, en Ontario, tous exploités sous la marque de commerce EAST INDIA COMPANY. La Requérante a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce EAST INDIA COMPANY & Design (la Marque), représentée ci-dessous, en liaison avec une variété de produits alimentaires tels que des assaisonnements, des épices, des sauces et des plats à préparer, ainsi qu’avec des services de traiteur et de location d’équipement de traiteur.
[2] East India Company Ltd. (l’Opposante) est une entreprise familiale qui a vu le jour au Canada en 1972 sous la forme d’un commerce de gros axé principalement sur les épices et les produits alimentaires provenant de l’Asie du Sud. L’entreprise familiale a été développée au fil des générations et offre une gamme élargie de produits et de services et qui, notamment, importe, distribue et vend en gros des produits alimentaires, de beauté et de soins de santé provenant du monde entier, tout en étant spécialisée dans les épices et les ingrédients secs. L’Opposante aurait employé les marques de commerce EAST INDIA COMPANY et EAST INDIA COMPANY LTD. & Design (les marques de commerce EAST INDIA COMPANY de l’Opposante) en liaison avec ses produits et services depuis 1982. Elle s’oppose à l’emploi de la Marque en invoquant principalement la confusion avec ses marques de commerce ainsi qu’une allégation de mauvaise foi reposant sur une entente antérieure conclue entre les parties.
[3] Pour les raisons qui suivent, l’opposition est rejetée.
Contexte
[4] La Requérante a produit sa demande d’enregistrement de la Marque le 19 janvier 2018. La Marque a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 25 novembre 2020 en liaison avec les produits et services suivants :
[traduction]
Produits
(1) Marinades
(2) Assaisonnements; épices; thé
(3) Chutney de tomates, chutney à la mangue, sauce tikka massala épicée; sucreries, nommément ladoo, nommément boules à base de farine complète; gulab jamun, nommément boules à base de farine lactée dans de l’eau de rose; fudge
(4) Plats végétariens à préparer composés de légumes, de riz, de yogourt et de pain naan, le riz étant l’ingrédient principal; plats non végétariens à préparer composés de poulet, de bœuf, de porc, de fromage, de légumes, de riz et de pain naan, le riz étant l’ingrédient principal
(5) Sauce de poulet au beurre, sauce de poulet au beurre épicé, sauce korma à la noix de coco, sauce mère au cari, sauce tikka massala, sauce au cari pour vindaloo
Services
(1) Services de traiteur
(2) Location d’équipement pour services de traiteur
[5] La demande comprend une revendication d’emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que le 1er mai 2011 quant aux produits (2) et (5); une revendication d’emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que le 1er mai 2012 quant aux produits (3); une revendications d’emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que le 18 avril 1994 quant aux services; et une revendication d’emploi projeté de la Marque au Canada quant aux produits (1) et (4).
[6] Le 21 mai 2021, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition dans laquelle elle a invoqué des motifs d’opposition fondés sur l’article 38(2)a.1), l’article 16(1)a), l’article 38(2)d) et l’article 38(2)f) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Dans la présente décision, sauf indication contraire, tous les renvois visent la Loi dans sa version modifiée le 17 juin 2019.
[7] La Requérante a produit et signifié sa contre-déclaration le 22 juillet 2021.
[8] L’Opposante a produit, à titre de preuve, l’affidavit de Sapna Jain, directeur et copropriétaire de l’Opposante. M. Jain n’a pas été contre-interrogé.
[9] La Requérante a produit, à titre de preuve, l’affidavit de Sudha Mehra, propriétaire, chef et co-directeur général de la Requérante, ainsi que l’affidavit de Sachit Mehra, propriétaire et co-directeur général de la Requérante. La Requérante a ensuite été autorisée à produire un deuxième affidavit de Sachit Mehra à titre de preuve supplémentaire. Aucun des déposants de la Requérante n’a été contre-interrogé.
[10] Seule la Requérante a produit des observations écrites. Aucune audience n’a été tenue.
[11] Dans un premier temps, je vais résumer les points de vue contradictoires des parties quant à l’entente conclue entre elles, puis j’examinerai les motifs d’opposition.
Entente présumée entre les parties
[12] Le témoignage de M. Jain et le deuxième affidavit de Sachit Mehra se contredisent en ce qui a trait à l’existence d’une entente verbale présumée conclue entre les parties.
[13] Selon M. Jain, l’Opposante a appris l’existence de la Requérante en 2016 ou vers cette date. L’Opposante a fait savoir à la Requérante qu’elle ne contestait pas l’emploi la marque de commerce EAST INDIA COMPANY par la Requérante, dans la mesure où elle était liée à des services de restauration. Cependant, l’Opposante, par l’intermédiaire d’un individu du nom de Ravi Jain, a informé la Requérante qu’elle s’opposait fermement à l’emploi par la Requérante de la marque de commerce EAST INDIA COMPANY en liaison avec des produits alimentaires de grande consommation, notamment des épices, des herbes et des sauces. M. Jain a indiqué que les parties ont ensuite conclu une entente verbale en 2016, aux termes de laquelle la Requérante a accepté de ne pas employer EAST INDIA COMPANY, ou toute autre marque de commerce semblable pouvant prêter à confusion, en liaison avec des produits alimentaires de grande consommation, tels que des épices et des herbes. Dans un [traduction] « esprit de coopération », M. Jain a ajouté que l’Opposante avait consenti à ce que la Requérante emploie la marque de commerce EAST INDIA COMPANY en liaison avec des sauces. M. Jain a fait remarquer qu’il s’agissait d’une sorte [traduction] d’« engagement d’honneur ». Cependant, contrairement aux termes de l’entente, la Requérante a continué d’employer une marque de commerce presque identique à celles de l’Opposante en liaison avec une gamme de produits élargie.
[14] La version de la Requérante est quelque peu différente. À cet égard, M. Mehra déclare ce qui suit aux paragraphes 3 et 4 de son deuxième affidavit :
[traduction]
Au paragraphe 10 de la preuve de l’Opposante, celle-ci prétend avoir conclu une entente verbale ou un [traduction] « engagement d’honneur » avec la Requérante, qui aurait accepté, aux termes de cette entente, de ne pas employer la marque de commerce EAST INDIA COMPANY, ou toute marque de commerce semblable pouvant prêter à confusion, en liaison avec des produits alimentaires de grande consommation, tels que des épices ou des herbes, à l’exception des sauces.
J’étais le représentant de la Requérante qui s’est entretenu avec Ravi Jain, et je réfute toutes les affirmations relatives à la conclusion d’une entente figurant au paragraphe 10 de la preuve de l’Opposante. L’Opposante et la Requérante n’ont conclu aucune entente verbale ni aucun [traduction] « engagement d’honneur » (ou autre).
[15] L’agent de la Requérante fait également valoir ce qui suit au paragraphe 40 de ses observations écrites :
[traduction]
Au paragraphe 10 de l’affidavit de Sapna Jain, l’Opposante prétend avoir conclu une entente verbale ou un engagement d’honneur avec la Requérante, qui aurait accepté, aux termes de cette entente, de restreindre l’emploi de la Marque de la Requérante, ou de toute marque de commerce semblable pouvant prêter à confusion, en liaison avec des produits alimentaires de grande consommation, notamment des épices et des herbes, sauf des sauces. La Requérante nie les allégations faisant état d’un tel règlement, d’un tel engagement d’honneur ou d’une telle entente verbale. Sachit Mehra, le représentant de la Requérante qui s’est entretenu avec Ravi Jain, a directement et spécifiquement nié toutes ces allégations de règlement et n’a pas été contre-interrogé sur sa preuve. La Requérante constate que l’Opposante n’a produit aucune preuve documentaire à l’appui de ces allégations. En outre, l’entente verbale présumée a été conclue entre la Requérante et Ravi Jain, et non le déposant. Encore une fois, la preuve produite par des tiers constitue une preuve par ouï-dire inadmissible. Nonobstant le fait que cette entente verbale présumée n’a jamais eu lieu et n’existe pas, la Requérante soutient que toute renvoi à l’entente verbale présumée par l’Opposante doit être considérée comme une preuve par ouï-dire inadmissible et être écartée par le registraire.
Motifs d’opposition
Article 38(2)a.1) : la demande a été produite de mauvaise foi
[16]
L’Opposante fait valoir ce qui suit au titre du motif d’opposition prévu à l’article 38(2)a.1) :
[traduction]
La Requérante avait connaissance du portefeuille de marques de commerce et de la marque de l’Opposante, qui ont précédé de manière significative ceux de la Requérante. Les droits de marque de commerce de l’Opposante précèdent de manière significative ceux de la Requérante. L’Opposante a commencé à employer ses marques de commerce en liaison avec, entre autres, des épices et des produits alimentaires et l’importation et la distribution en gros d’épices et de produits alimentaires en 1982. La Requérante connaissait l’Opposante et les droits de marque de commerce de l’Opposante, et a néanmoins cherché à obtenir formellement la protection d’une marque de commerce semblable au point de prêter à confusion dans une industrie identique à celle de l’Opposante. En réalité, les parties ont conclu une entente verbale dans le cadre de laquelle la Requérante ne devait pas étendre sa gamme de produits pour comprendre des produits alimentaires semblables à ceux de l’Opposante.
[17]
L’article 38(2)a.1) de la Loi a été intégré au projet de loi C-86 dans le cadre de la Loi no 2 d’exécution du budget de 2018 (L.C. 2018, ch 27). Ce nouveau motif d’opposition se lit comme suit :
2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants :
[…]
a.1) la demande a été produite de mauvaise foi;
[18]
Comme l’a fait remarquer la Requérante, aucune définition de la « mauvaise foi » n’a été proposée en même temps que cette disposition. L’objectif de l’article 18(1)e), ainsi que du motif d’opposition correspondant, a été décrit dans le Résumé législatif no 42-1-C86-E comme visant « à empêcher l’enregistrement d’une marque de commerce dans le seul but de tirer parti du fait d’empêcher d’autres de l’utiliser » [voir le Résumé législatif no 42-1-C86-E, publié le 14 décembre 2018, à la sous-section B de la section 2.5.7.2]. Bien que la « mauvaise foi » au sens de la Loi n’ait été traitée que de manière limitée dans la jurisprudence canadienne, la Cour fédérale a indiqué que le concept de « mauvaise foi » doit être interprété à la lumière du contexte. Jusqu’à présent, les affaires dont la Cour fédérale a été saisie à cet égard ont visé une conduite grave, notamment des situations où, par exemple, le requérant connaissait la marque de commerce de l’opposant et n’avait aucune intention commerciale d’employer sa marque de commerce, mais cherchait au contraire à obtenir l’enregistrement que pour profiter de la réputation et de l’achalandage de l’opposant [voir Beijing Judian Restaurant Co Ltd c Meng, 2022 CF 743 aux para 30-42].
[19]
Plus récemment, dans l’arrêt Blossman Gas, Inc c Alliance Autopropane Inc, la Cour fédérale a évoqué la jurisprudence du Royaume-Uni et de l’Union européenne qui suggère que la norme permettant de déterminer les éléments constitutifs de la mauvaise foi est objective plutôt que subjective. À cet égard, la Cour a fait renvoi aux six principes suivants régissant la mauvaise foi dans l’Union européenne et au Royaume-Uni :
1) la bonne foi se présume, à moins de preuve du contraire selon la prépondérance des probabilités;
2) la mauvaise foi découle non seulement de la malhonnêteté, mais aussi de [traduction] « certains rapports qui ne respectent pas les normes de comportement acceptables en affaires selon des personnes raisonnables ayant de l’expérience du secteur en question »;
3) le motif d’invalidité fondé sur la mauvaise foi a pour objet de prévenir les abus dans le système des marques de commerce, à l’égard du bureau d’enregistrement des marques ou de tiers;
4) l’analyse servant à déterminer s’il y a mauvaise foi tient compte de tous les facteurs pertinents dans l’affaire en question;
5) le tribunal judiciaire ou administratif est appelé à déterminer ce que le demandeur savait et à ensuite décider si, à la lumière de cette connaissance, la conduite de ce dernier était malhonnête ou ne respectaient pas les normes de comportement acceptables en affaires, selon la norme ordinaire de la personne honnête et non aux yeux du demandeur; et
6) il faut tenir compte de l’intention du demandeur : Walton International Ltd v Verweij Fashion BV, [2018] EWHC 1608 (Ch) au para 186, citant Red Bull GmbH v Sun Mark Ltd, [2012] EWHC 1929 (Ch) aux para 130–138.
[20]
À mon avis, la présente affaire repose sur les dires contradictoires des témoins et il m’est difficile d’évaluer la crédibilité de ces derniers puisque tous les éléments de preuve sont présentés sous forme d’affidavit et n’ont pas été contestés dans le cadre d’un contre-interrogatoire. Comme il est indiqué dans l’affaire Mougey v Janzen, 2007 CanLII 80878, les [traduction] « engagements d’honneur » sont difficiles à prouver. Je considère toutefois qu’il est étonnant qu’il n’y ait pas eu de preuve documentaire de l’entente. J’estime, par exemple, qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que, de nos jours, l’Opposante ait au moins fait un suivi auprès de la Requérante au moyen d’un courriel confirmant leur entente.
[21]
Quoi qu’il en soit, en examinant l’ensemble de la preuve, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe en vertu de ce motif pour les raisons suivantes. Premièrement, la preuve de l’Opposante quant à l’entente verbale présumée est une preuve par ouï-dire et rien ne démontre la nécessité ou la fiabilité de celle-ci. À cet égard, comme l’indique le deuxième affidavit de M. Sachit Mehra, la preuve de l’Opposante fait valoir que l’entente présumée a été conclue entre la Requérante et Ravi Jain, et non entre la Requérante et le déposant de l’Opposante, Sapna Jain. Cette preuve est donc inadmissible.
[22]
En outre, la preuve indique que les parties ont coexisté sur le marché en employant des marques semblables (bien que pour des produits et services quelque peu différents) pendant de nombreuses années. À cet égard, l’Opposante prétend avoir employé ses marques de commerce en liaison avec son entreprise familiale depuis les années 1980. Entre-temps, la preuve de la Requérante, comme il en sera question plus loin, indique que celle-ci a enregistré et employé une marque de commerce presque identique en liaison avec ses services de restauration depuis les années 1990. Le fait que la Requérante a demandé l’enregistrement d’une marque de commerce presque identique à celle qu’elle avait déjà enregistrée et employée en liaison avec ses services de restauration pendant des années me semble être un argument légitime pour obtenir une autre marque de commerce, qui ne dépasse pas les « normes de comportement acceptables en affaires ». Il est donc raisonnable de conclure que l’intention de la Requérante quant à la demande d’enregistrement de la Marque était de faire croître ses activités et non d’exploiter la réputation et l’achalandage de l’Opposante.
[23] Par conséquent, le motif fondé sur l’article 38(2)a.1) est rejeté.
Article 16(1)a) – droit à l’enregistrement
[24] L’Opposante soutient que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi, étant donné l’emploi antérieur par l’Opposante de ses marques de commerce EAST INDIA COMPANY au Canada en liaison avec ses épices et produits alimentaires.
[25] L’article 16(1)a) de la Loi dans sa version modifiée se lit comme suit :
16 (1) Tout requérant qui a produit une demande conforme au paragraphe 30(2) en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce enregistrable a droit, sous réserve de l’article 38, d’obtenir cet enregistrement à l’égard des produits ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande ou à la date à laquelle la marque a été employée pour la première fois au Canada, la première éventualité étant à retenir, la marque n’ait créé de la confusion
a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;
[26] Bien que le libellé de cet article, tel que modifié, suggère qu’il n’y a qu’une seule date importante à retenir au titre de ce motif, c’est-à-dire la date de production de la demande ou la date de premier emploi de la marque de commerce au Canada, selon la première de ces éventualités, dans une situation telle que la présente, où plusieurs éléments sont invoqués pour justifier la demande d’enregistrement de produits et de services, y compris des revendications de dates différentes de premier emploi ainsi que des revendications d’emploi projeté, il peut y avoir plus d’une date importante à retenir selon la preuve fournie. À mon avis, cela signifie qu’il peut y avoir jusqu’à 4 dates pertinentes différentes à prendre en compte dans ce cas : le 18 avril 1994 (pour les services [1] et [2]); le 1er mai 2011 (pour les produits [2] et [5]); le 1er mai 2012 pour les produits (3); et le 19 janvier 2018 (soit la date de dépôt de la demande) pour les produits (1) et (4), en supposant que la preuve appuie l’emploi à partir des dates revendiquées avant la production de la demande.
[27] Par conséquent, je commencerai mon analyse quant à ce motif en examinant la preuve de la Requérante afin de déterminer quelles dates de premier emploi revendiquées, le cas échéant, sont étayées par la preuve de la Requérante.
[28] Le contenu du premier affidavit de Sachit Mehra et de l’affidavit de Sudha Mehra est presque identique, et les éléments les plus pertinents peuvent être résumés comme suit :
· La Requérante est la propriétaire et l’exploitante d’un restaurant à Winnipeg, au Manitoba, et de deux restaurants à Ottawa, en Ontario, qui sont tous exploités sous la marque EAST INDIA COMPANY.
· En plus de la Marque, la Requérante est propriétaire de EAST INDIA COMPANY PUB & EATERY, EAST INDIA PUB & EATERY & Design (enregistrements no LMC546,656 et no LMC853,014) et EAST INDIA COMPANY, ainsi qu’EAST INDIA COMPANY & Design (enregistrements no LMC853,013 et no LMC853,010).
· La Requérante a constamment et continuellement affiché la Marque sur ses menus depuis sa création en 1994.
· La Marque de la Requérante a été affichée bien en vue sur le site Web de la Requérante depuis que la Requérante a enregistré le nom de domaine www.eastindiaco.com en 1996; des copies de captures d’écran du site Web de la Requérante prises entre le 10 février 2005 et le 30 juillet 2019 sont fournies à titre de pièces.
· Le déposant déclare que les produits de la Requérante sont disponibles sous la forme de plats préparés pour la livraison, et sous la forme de plats préparés à emporter. Des copies d’une photographie du sac de livraison ou de plats à emporter de la Requérante, sur lequel la Marque figure bien en vue, sont jointes à titre de Pièce H. La Requérante a employé la Marque sur ses emballages de façon constante depuis sa création en 1994.
· Lorsque les clients demandent des services de traiteur ou de location d’équipement de traiteur à la Requérante, ils doivent remplir un formulaire de demande de services de traiteur, qui affiche de façon bien visible la Marque de la Requérante; des captures d’écran du formulaire de demande prises entre le 29 janvier 2012 et le 16 septembre 2016 sont fournies à titre de pièces.
· La Requérante a constamment et continuellement employé la Marque de la Requérante sur ses porte-serviettes, ses salières et poivrières, ses bols, ses assiettes et ses serviettes depuis sa création en 1994 lorsqu’elle fournit des services de restauration dans des lieux éloignés de ses restaurants ou lorsqu’elle organise des événements dans l’un de ses restaurants.
· Depuis 2011, la Requérante vend certains produits de façon constante et continue par l’entremise de chaînes d’épicerie au détail nationales et locales, notamment Save-On-Foods, Co-op Food Store, Farm Boy, Metro Marquis Québec, et d’innombrables autres petits détaillants indépendants et marchés agricoles; les copies conformes des photographies des produits de détail de la Requérante affichant la Marque de la Requérante sont produites à titre de Pièce O.
· La Marque est visible pour les consommateurs des produits destinés directement aux consommateurs sur tous les emballages et documents qu’ils reçoivent de la Requérante. La Pièce P est une copie conforme d’une photographie promotionnelle des mélanges d’épices garam masala et de sel d’assaisonnement de la Requérante prise le 18 décembre 2012. La Marque est affichée de façon constante et continue sur l’emballage de ces produits depuis le 1er mai 2011.
· La Pièce Q est une copie conforme d’une photographie du mélange d’épices garam masala, du mélange d’épices chai tea masala et de la sauce pour poulet au beurre de la Requérante prise le 18 décembre 2012. La Marque est affichée de façon constante et continue sur l’emballage de ces produits depuis le 1er mai 2011.
· La Pièce R est une copie conforme d’une photographie des produits de mélange d’épices et de sauce de la Requérante prise le 18 juillet 2014 ou vers cette date. La Marque de la Requérante est visible sur l’emballage de ces produits. Les Marques de la Requérante ont été affichées de manière constante et continue sur l’emballage de ces produits depuis le 1er mai 2011.
· Les Pièces S, T et U sont des copies de photographies des affiches sur lesquelles figure la Marque à l’extérieur des restaurants de la Requérante à Winnipeg et à deux endroits à Ottawa, datées entre septembre 2007 et octobre 2018.
· La Pièce Z est une copie conforme d’un exemple de facture datée du 3 mars 2022 représentant l’achat par un client du spécial buffet dîner proposé au restaurant de la Requérante. Cette facture affiche bien en évidence les Marques de la Requérante. Les factures de la Requérante affiché les Marques de la Requérante de façon constante et continue depuis sa création en 1994.
[29] Bien que la preuve de la Requérante fournisse peu de précisions sur les ventes de ses produits et services sous la Marque aux dates de premier emploi revendiquées, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau de preuve de démontrer l’emploi depuis au moins 1994 en liaison avec ses services (1) et (2), et depuis le 1er mai 2011 en liaison avec ses produits (2) et (5). Je suis en mesure de tirer cette conclusion sur la base des déclarations sous serment non contestées et non contredites des déposants de la Requérante [Louis Varoutsos c Hebrew Strength‑Power Corporation, 2020 COMC 86 au para 31]. La date pertinente pour ces produits est donc 1994 et le 1er mai 2011, respectivement.
[30] Cependant, étant donné que la Requérante n’a pas démontré l’emploi antérieur de sa Marque en liaison avec les produits (3) à partir de la date revendiquée de premier emploi du 1er mai 2012, la date pertinente pour ce motif d’opposition en ce qui a trait à ces produits et aux produits (1) et (4), qui se fonde sur un emploi projeté, sera la date de production de la demande, c’est-à-dire le 19 janvier 2018.
[31] Je vais à présent déterminer si l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial de démontrer que sa Marque était employée ou connue avant chacune des dates pertinentes respectives.
[32] Selon le déposant de l’Opposante, M. Sapna Jain, l’Opposante est une entreprise familiale intergénérationnelle qui a été lancée en 1972 sous la forme d’un commerce de gros axé sur les épices et les produits alimentaires de l’Asie du Sud. L’Opposante a commencé à employer ses marques de commerce EAST INDIA COMPANY, EAST INDIA COMPANY LTD & Design et EAST INDIA COMPANY & Circle Design en 1982. M. Jain a expliqué que, depuis que lui et son frère ont hérité de l’entreprise familiale de leurs parents, l’entreprise s’est développée pour atteindre environ 657 clients récurrents à travers le Canada, un chiffre qui ne tient pas compte des clients qui achètent des produits dans leur magasin de détail de façon ponctuelle, ni de la clientèle croissante à l’extérieur du Canada.
[33] Bien que M. Jain ait joint de nombreuses pièces à son affidavit pour corroborer ses affirmations, bon nombre de ces pièces, y compris une lettre de l’un des concurrents de l’Opposante confirmant que cette dernière exerçait ses activités au Canada au début des années 1980, un relevé bancaire, une lettre du courtier en douane de l’Opposante pour l’importation, la distribution, la vente en gros et au détail de produits secs en vrac, et une lettre de l’un des fournisseurs de l’Opposante, sont des preuves de tiers et constituent donc des preuves par ouï-dire inadmissibles.
[34] J’estime que la preuve la plus pertinente de M. Jain est la suivante :
· Des photographies non datées d’échantillons d’emballages de chili de Kashmiri, de cardamome, de sel de bain rose, de Channa rôti et de diverses épices sur lesquelles figurent une ou plusieurs des marques de commerce de l’Opposante ou le nom commercial de l’Opposante (Pièce E);
· Une copie d’un permis de vente daté du 18 octobre 1994, indiquant le nom et l’adresse de l’entreprise EAST INDIA COMPANY de l’Opposante à Mississauga, en Ontario (Pièce G);
· Des échantillons de factures sur lesquelles figurent les marques de commerce de l’Opposante, datées du 26 juin 2017 pour du poivre noir; du 23 avril 2019 pour de la poudre de cari, du paprika hongrois, de la poudre de piment fort, de la coriandre, des oignons cuits, des piments ancho et du quinoa; et du 4 août 2021 pour du cumin entier (Pièce H).
[35] La preuve de l’Opposante ne me permet pas de conclure qu’elle a démontré l’emploi d’une de ses marques de commerce à partir de la date pertinente la plus ancienne, soit 1994. Bien que l’Opposante prétende avoir commencé à employer ses marques de commerce en 1982, les témoignages de tiers ainsi qu’une copie d’un permis de vente indiquant le nom et l’adresse de l’Opposante ne sont tout simplement pas suffisants pour démontrer l’emploi d’une quelconque marque de commerce de l’Opposante en liaison avec des produits au titre de l’article 4(1) de la Loi. Puisque j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau quant aux services visés par la demande, ce motif est rejeté en ce qui a trait à ces services.
[36] Bien que M. Jain ait également produit des photographies représentant des échantillons d’emballages de certains produits de l’Opposante sur lesquels figurent les marques de l’Opposante, il n’a pas indiqué si ces photos sont représentatives de celles employées précédemment, et ces photos ne sont pas datées. De plus, les échantillons de factures joints à titre de Pièce H sont datés entre 2017 et 2021, soit après la date pertinente dans le cadre du présent motif pour les produits (2) et (5). Je considère donc que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve au titre du présent motif en ce qui a trait aux produits (2) et (5). Ce motif est donc rejeté en ce qui a trait aux produits (2) et (5).
[37] La date pertinente en ce qui a trait aux autres produits visés par la demande, les produits (1) et (4), est la date de production de la demande, c’est-à-dire le 19 janvier 2018. J’estime que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de démontrer l’emploi de ses marques de commerce en liaison avec le poivre noir avant cette date pertinente. À cet égard, l’échantillon de facture daté du 16 juin 2017 pour le poivre noir affiche la marque EAST INDIA COMPANY LTD & Design de l’Opposante, présentée ci-dessous. J’estime que l’emploi de cette marque de commerce couvre également l’emploi de la marque nominale EAST INDIA COMPANY, dans la mesure où ces mots constituent l’élément dominant de la marque figurative de l’Opposante. L’analyse quant à la confusion portera donc sur ces marques de commerce en liaison avec les produits de poivre.
[38] L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve initial en vertu de ce motif quant au poivre, je dois maintenant établir si la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce EAST INDIA COMPANY LTD de l’Opposante au sens de l’article 6 de la Loi.
[39] Les marques de commerce créent de la confusion lorsqu’il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l’article 6(2) de la Loi :
L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.
[40] Il y a confusion lorsque les clients confondent les produits ou services d’une source avec ceux d’une autre source. En l’espèce, je dois déterminer si l’emploi de la Marque par la Requérante est susceptible de faire croire aux clients que les produits de la Requérante (1) et (4) ont été produits ou autorisés par l’Opposante ou ont fait l’objet d’une licence octroyée par celle-ci.
[41] Le critère en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs dont il faut tenir compte, au moment de décider si deux marques créent de la confusion, sont « toutes les circonstances de l’espèce, y compris » celles mentionnées expressément aux articles 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.
[42] Les critères énoncés à l’article 6(5) ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux varie en fonction du contexte propre à chaque affaire [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au para 54]. Je renvoie également à Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 (CanLII), 92 CPR (4th) 361, au paragraphe 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques de commerce, est souvent le facteur qui revêt le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.
[43] Lorsqu’on examine le degré de ressemblance entre les marques, on doit les considérer dans leur totalité; il n’est pas exact de les placer côte à côte et de comparer et observer des ressemblances ou des différences entre les éléments ou les composantes des marques [Veuve Clicquot, supra au paragraphe 20].
[44] Il existe forcément un degré élevé de ressemblance entre les marques de commerce des parties en l’espèce, car les deux sont composées essentiellement des mêmes mots disposés dans le même ordre, c’est-à-dire EAST INDIA COMPANY et EAST INDIA COMPANY ou EAST INDIA COMPANY LTD. Les idées suggérées par les deux marques sont également très proches puisque les deux marques suggèrent que les produits et services liés à leurs marques proviennent d’une société en lien avec l’Inde orientale.
[45] L’impression visuelle globale créée par les marques de commerce des parties est cependant quelque peu différente. À cet égard, la Marque est composée du dessin d’un lion entouré d’un cercle, alors que la marque de commerce nominale de l’Opposante ne contient aucun dessin et sa marque figurative est composée des mots EAST INDIA COMPANY LTD. écrits en caractères gras accompagnés du dessin de trois feuilles de tailles et de couleurs différentes.
[46] Dans l’ensemble, je conclus que ce facteur milite en faveur de l’Opposante.
[47] Les deux marques suggèrent le lieu d’origine des produits et services qui leur sont liés. En général, les désignations géographiques ne sont pas intrinsèquement distinctives [California Fashion Industries Inc c Reitmans (Canada) Ltd (1991), 38 CPR (3d) 439 (CF 1re inst) au para 13; Multi-Marques Inc c Nat’s Ah Pizza Ltd, 2009 CanLII 82138 (COMC) au para 27]. Toutefois, les éléments du dessin des marques de commerce de chaque partie, à savoir le dessin du lion dans la Marque et le dessin de la feuille dans la marque de commerce figurative de l’Opposante, ajoutent un certain degré de caractère distinctif inhérent à ces marques de commerce.
[48] En ce qui a trait à la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues, comme il est indiqué ci-dessus, l’Opposante prétend avoir employé ses marques de commerce en liaison avec ses activités depuis 1982. La seule preuve à l’appui de la réputation de l’Opposante dans l’industrie alimentaire est cependant constituée de lettres de divers tiers prêts à confirmer qu’ils font affaire avec l’Opposante depuis les années 1980. Bien que je puisse comprendre la nécessité pour une petite entreprise comme celle de l’Opposante de présenter une telle preuve par ouï-dire, il n’en demeure pas moins que je ne dispose d’aucune raison pour laquelle je devrais estimer que cette preuve est fiable. En outre, comme l’a fait remarquer la Requérante, l’inconvénient d’obtenir des preuves directes n’écarte pas la nécessité de démontrer l’emploi conformément à la Loi [Carbon Trust c Pacific Carob Trust, 2013 CF 946 au para 20].
[49] Le déposant de l’Opposante a également déclaré que les marques de commerce de l’Opposante ont acquis une réputation et un achalandage très forts grâce à l’emploi et à l’annonce étendus de la marque de l’Opposante. Toutefois, les seules preuves produites à l’appui de cette affirmation sont des photographies non datées d’échantillons d’emballages sur lesquels figurent les marques de commerce de l’Opposante, une copie d’un contrat de location, une copie d’une autorisation de vente et trois échantillons de factures sur lesquels figurent les marques de commerce de l’Opposante. À mon avis, cette preuve est loin d’être suffisante pour établir que les marques de commerce de l’Opposante ont été connues dans une mesure plus que minime au Canada. J’aurais pensé qu’après avoir exercé ses activités pendant plus de 30 ans, l’Opposante aurait été en mesure de fournir davantage de preuves documentaires de la promotion et de l’annonce de ses activités.
[50] Compte tenu de ce qui précède, je ne peux que constater que les marques de commerce de l’Opposante sont devenues connues dans une mesure limitée au Canada.
[51] La Requérante, pour sa part, n’a pas démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les produits (1) ou (4) à la date de production de la demande. Comme il est indiqué ci-dessus, l’emploi de la Marque a été démontré en liaison avec ses assaisonnements, épices et thés depuis au moins aussi tôt que le 1er mai 2011.
[52] Par conséquent, je ne conclus pas que ce facteur favorise l’une ou l’autre des parties.
[53] En ce qui a trait à la mesure dans laquelle elles ont été connues, bien que l’Opposante affirme avoir employé ses marques de commerce en liaison avec ses produits depuis aussi tôt que 1982, la preuve de l’Opposante n’étaye qu’une date de premier emploi, soit 2017. La Requérante, en revanche, n’a pas démontré l’emploi de ses produits (1) et (4) à la date de production de sa demande. Ce facteur favorise donc l’Opposante.
[54] Comme il est indiqué ci-dessus, les seuls produits et services visés par la demande qui sont en cause à cette date pertinente ultérieure sont les produits (1) – les marinades, et les produits (4) – les plats à préparer végétariens et non végétariens. Le seul produit pour lequel l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de démontrer l’emploi est le poivre. À mon avis, les produits des parties ne sont donc reliés que dans la mesure où ils appartiennent à la catégorie générale des produits alimentaires.
[55] Quant aux voies de commercialisation des parties, la preuve de l’Opposante indique qu’elle vend ses produits à partir de son magasin de détail. La preuve de la Requérante, en revanche, indique qu’elle vend ses produits à un certain nombre d’épiceries différentes et qu’elle offre ses services à partir de ses restaurants. À mon avis, bien que les produits des parties puissent emprunter les mêmes voies de commercialisation, étant donné qu’il n’y a aucun lien entre les marinades et les plats à préparer de la Requérante et le poivre de l’Opposante, je ne vois aucune raison de supposer qu’ils seraient vendus à proximité immédiate dans ces voies, c’est-à-dire qu’ils ne figureraient pas sur la même étagère dans les épiceries.
[56] Compte tenu de ce qui précède, j’estime que ce facteur favorise l’Opposante, mais seulement dans une mesure limitée.
[57] Comme il a été indiqué précédemment, la Requérante est également propriétaire des autres marques de commerce suivantes, désignées collectivement par la Requérante comme étant les [traduction] « marques de la Requérante » :
Marque de commerce
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Numéro de demande/d’enregistrement
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Produits
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Services
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LMC853,014
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[traduction]
(1) Assaisonnements.
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[traduction]
(1) Services de restaurant, de banquet, de traiteur, de brasserie et de casse-croûte.
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LMC853,010
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[traduction]
(1) Assaisonnements.
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EAST INDIA COMPANY
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LMC853,013
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[traduction]
(1) Assaisonnements.
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[traduction]
(1) Services de restaurant, de banquet, de traiteur, de brasserie et de casse-croûte
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EAST INDIA COMPANY PUB & EATERY
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LMC546,656
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[traduction]
(1) Services de restaurant, de banquet et de traiteur, et vente au détail et en gros d’aliments, de boissons et d’épices.
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EAST INDIA COMPANY
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Demande no 1,878,428
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Identiques à ceux liés à la Marque
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Identiques à ceux liés à la Marque
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[58] Les déposants de la Requérante affirment que les marques de commerce de la Requérante ont été abondamment employées dans des documents publicitaires, y compris des publicités imprimées, des publicités par courrier direct et des articles promotionnels. La Requérante a également produit des photographies des affiches apposées à l’extérieur de son restaurant d’Ottawa situé au 219, rue Somerset Ouest, datées de septembre 2007 et d’avril 2009, qui sont représentatives de l’emploi des affiches à ce restaurant depuis sa création en 2000. La Pièce Z est une copie d’un échantillon de facture daté du 3 mars 2022, représentant l’achat par un client d’un spécial buffet dîner offert au restaurant de la Requérante affichant bien en évidence certaines des marques de commerce de la Requérante. Les déposants affirment que ces factures ont affiché les marques de commerce de la Requérante de façon constante et continue depuis l’ouverture du premier restaurant de la Requérante en 1994.
[59] D’abord, il est bien établi que l’article 19 de la Loi ne confère pas au propriétaire d’un enregistrement le droit automatique d’obtenir l’enregistrement d’autres marques, même si celles-ci sont étroitement liées à l’enregistrement initial [Coronet‑Werke Heinrich Schlerf GmbH c Produits Menagers Coronet Inc (1984), 4 CPR (3d) 108, à la p. 115 (COMC); Groupe Lavo Inc c Proctor Gamble Inc (1990), 32 CPR (3d) 533, aux p. 553 à 538 (COMC)].
[60] Cela étant dit, l’emploi d’une marque de commerce déposée antérieurement au Canada peut être une circonstance de l’espèce pertinente qui réduit la probabilité de confusion [Caesarstone Sdot-Yam Ltd c Ceramiche Caesar SPA, 2016 CF 895]. En l'espèce, la marque de commerce nominale déposée de la Requérante no LMC853,013 et les produits qui y sont liés sont plus semblables à la marque de commerce de l'Opposante que ne le sont la Marque et les produits visés par la demande examinés dans le cadre du présent motif.
[61] Par conséquent, bien que je n’estime pas que ce facteur soit décisif pour la question de confusion, je conclus qu’il s’agit d’une circonstance de l’espèce qui favorise la Requérante.
[62] Le déposant de l’Opposante soutient qu’aux occasions suivantes, l’Opposante a été informée par des clients réels et possibles de cas de confusion réelle sur le marché :
• Un courriel provenant d’un client possible qui a consulté une boîte du chef préparée par l’Opposante le 21 septembre 2018, qui indique ce qui suit : [traduction] « J’ai un peu pensé que cette entreprise ressemblait à la vôtre – la sauce de poulet au beurre je veux dire » (Pièce J);
• Le 26 octobre 2016, l’Opposante a reçu par erreur un courriel de Metro pour une rencontre, alors que Metro avait en fait prévu de rencontrer la Requérante en tant qu’acheteur possible des produits de la Requérante, et non pas l’Opposante (Pièce I);
• Le 2 octobre 2021, l’Opposante a reçu une facture de FedEx qui a été émise à la Requérante (Pièce L).
[63] Un seul des exemples fournis par l’Opposante est antérieur à la date pertinente pour ce motif d’opposition. Dans cet exemple, l’Opposante a reçu par erreur un courriel qui était destiné à la Requérante. Je n’estime pas qu’il s’agisse d’un exemple de confusion réelle. À cet égard, il est plus probable que cet incident soit une erreur et non la conséquence de la première impression d’un client qui aurait déduit que la source des produits ou services de la Requérante était l’Opposante. Je n’estime donc pas que cette preuve favorise l’Opposante.
Circonstance de l’espèce – marques faibles
[64] J’estime que la jurisprudence quant aux marques de commerce faibles favorise la Requérante. Il est bien établi qu’une marque de commerce faible (c’est-à-dire, une marque possédant un faible degré de caractère distinctif inhérent) n’a pas droit à une protection étendue [General Motors Corp v Bellows (1949), 10 CPR 101 aux p. 115 et 116 (CSC)], et que des différences relativement mineures suffiront à les distinguer [Prince Edward Island Mutual Insurance Co c Insurance Co of Prince Edward Island (1999), 86 CPR (3d) 342 (CF 1re inst) aux paras 32-34]. Dans Provigo Distribution Inc c Max Mara Fashion Group SRL (2005), 46 CPR (4th) 112 (CF 1re inst), au para 31, le juge de Montigny explique :
Comme les deux marques en elles-mêmes sont faibles, il est juste d’affirmer que même de petites différences suffiraient à les différencier. S’il en était autrement, le premier utilisateur de termes couramment employés se verrait conférer injustement un monopole de ces termes. Les tribunaux ont également justifié cette conclusion en affirmant qu’on s’attend à ce que le public soit plus prudent lorsque des noms commerciaux faibles comme ceux-ci sont employés […].
[65] S’il est possible que le degré de caractère distinctif attribuable à une marque faible soit renforcé par un emploi intensif [Sarah Coventry Inc v Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238 au para 6 (CF 1re inst)], je n’estime pas que c’est le cas pour les marques de commerce EAST INDIA COMPANY de l’Opposante.
[66] Eu égard à l’article 6(5), j’estime que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, il n’y a pas de risque raisonnable de confusion entre la Marque et l’une ou l’autre des marques de commerce EAST INDIA COMPANY de l’Opposante. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai notamment tenu compte du fait que les marques de commerce de l’Opposante possèdent un caractère distinctif inhérent limité, que l’Opposante n’a pas établi une réputation significative pour ses marques de commerce, qu’il y a très peu de lien entre les produits en cause dans le cadre de ce motif et qu’il existe des différences visuelles entre les marques de commerce qui en réduisent la ressemblance. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.
[67] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas distinctive au sens des articles 38(2)d) et 2 de la Loi, en ce qu’elle ne distingue pas et n’est pas adaptée à distinguer les produits et services visés par la demande des produits de l’Opposante en liaison avec lesquels les marques de l’Opposante ont été employées et connues.
[68] Pour s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer qu’à la date de production de l’opposition (c’est-à-dire, le 21 mai 2021), une ou plusieurs des marques de commerce de l’Opposante étaient devenues suffisamment connues au Canada pour annuler le caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst) à la p. 58].
[69] Compte tenu de la preuve de l’Opposante résumée ci-dessus, je ne suis pas convaincue que l’Opposante se soit acquittée de fardeau de preuve initial. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.
[70] L’Opposante soutient que la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque au Canada à la date de production de la demande, car la Marque prêtait à confusion avec les marques de commerce de l’Opposante, ce que la Requérante aurait dû savoir et ce qui a mené à une entente verbale de coexistence dans le cadre de laquelle la Requérante s’engageait à ne pas employer sa marque de commerce en liaison, entre autres, avec des produits alimentaires.
[71] L’article 38(2)f) de la Loi prévoit ce qui suit :
f) à la date de production de la demande au Canada, déterminée compte non tenu du paragraphe 34(1) [de la Loi, qui porte sur les dates de priorité], le requérant n’avait pas le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec ces produits ou services.
Cet article se rapporte au droit légal de la Requérante d’employer la marque de commerce (c’est-à-dire, conformément aux lois fédérales pertinentes et aux autres obligations juridiques), contrairement au droit de la Requérante de déposer la marque (relativement à la marque de commerce d’une autre personne, conformément à l’article 16 de la Loi) [voir Methanex Corporation c Suez International, société par actions simplifiée, 2022 COMC 15].
[72] Le seul fait de soutenir que la Marque visée par la demande prête à confusion avec une marque précédemment employée (par opposition à une marque précédemment enregistrée) n’est donc pas un fait qui, à lui seul, peut étayer le motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f). En outre, comme il est indiqué ci-dessus, la preuve de l’Opposante quant à l’entente verbale présumée est une preuve par ouï-dire et est, par conséquent, inadmissible.
[73] Par conséquent, ce motif est rejeté.
Décision
[74] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.
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Cindy R. Folz
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
Ali Alaoui Benhachem
Le français est conforme aux WCAG.