Contenu de la décision
Office de la propriété intellectuelle du Canada
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
Référence : 2023 COMC 038
Date de la décision : 2023-02-28
[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS
Opposante : Sunterra Food Corporation
Requérante : Sunterra Horticulture (Canada) Inc.
Demandes : 1,802,477 pour SUNTERRA HORTICULTURE, et
1,802,483 pour SUNTERRA HORTICULTURE & Design
Introduction
[1] Sunterra Food Corporation (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement des marques de commerce SUNTERRA HORTICULTURE (demande no 1,802,477) et SUNTERRA HORTICULTURE & Design, reproduite ci-dessous (demande no 1,802,483) (collectivement, les Marques), qui ont été déposées par Sunterra Horticulture (Canada) Inc. (la Requérante).
[traduction]
(1) Récolte, production et vente de la tourbe de mousse de sphaigne.
[3] La demande no 1,802,477 été déposée en fonction de l’emploi au Canada depuis au moins le 31 août 2001, alors que la demande no 1,802,483 été déposée en fonction de l’emploi au Canada depuis au moins le 10 juillet 2015.
[4] Les Demandes ont été annoncées dans le Journal des marques de commerce du 27 juin 2018. Le 21 août 2018, l’Opposante a déposé une déclaration d’opposition à l’encontre des Demandes en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). De nombreuses modifications à la Loi sont entrées en vigueur le 17 juin 2019 (la nouvelle Loi). La date pour déterminer la version de la Loi applicable aux procédures d’opposition est celle à laquelle la demande faisant l’objet de l’opposition a été annoncée. Les Demandes ayant été annoncées avant le 17 juin 2019, conformément à l’article 70 de la Loi, les motifs d’opposition seront évalués en fonction de la Loi dans sa version du 16 juin 2019.
[5] En ce qui concerne les deux Demandes, l’Opposante soulève des motifs d’opposition fondés sur la non-conformité à l’article 30i), la non-enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)d), l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a), b), et c), et l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2. Les motifs fondés sur la non-enregistrabilité, l’absence de droit à l’enregistrement, et l’absence de caractère distinctif concernent tous l’allégation de confusion entre les Marques et les marques de commerce SUNTERRA de l’Opposante (les Marques SUNTERRA) et le nom commercial Sunterra de l’Opposante. Les détails des Marques SUNTERRA de l’Opposante sont joints à l’annexe A de la présente décision.
[6] Pour les motifs qui suivent, je rejette les Demandes.
Le dossier
[9] À l’appui de ses oppositions, l’Opposante a produit les affidavits : de Ray Price, souscrit le 27 février 2019, ainsi que les Pièces 1 à 9; de Jane Buckingham, souscrit le 22 février 2019, ainsi que la Pièce A; et de Trevor Mazutinec, souscrit le 25 février 2019. Les mêmes affidavits ont été produits à l’appui des deux Demandes. Aucun des déposants de l’Opposante n’a été contre-interrogé sur son affidavit.
[11] Les parties ont toutes deux produit des observations écrites et étaient présentes à l’audience.
Résumé de la preuve
La preuve de l’Opposante
L’affidavit Price
[12] M. Price est le président du groupe Sunterra (Sunterra), qui, selon lui, comprend Sunterra Farms Ltd., Sunterra Meats Ltd., Sunterra Quality Food Markets Inc., Sunterra Enterprises Inc. et l’Opposante, Sunterra Food Corporation. Il déclare qu’en raison de la nature de son poste, et ayant examiné les dossiers d’entreprise pertinents de Sunterra, il possède des connaissances personnelles au sujet des questions énoncées dans son affidavit, sauf lorsque les renseignements sont indiqués comme étant fondés sur ses connaissances et ses croyances.
[14] M. Price déclare que l’Opposante emploie la marque de commerce SUNTERRA depuis au moins aussi tôt que 1990. Il déclare en outre que l’Opposante emploie la marque SUNTERRA FARMS depuis au moins aussi tôt que 1998, sous licence, en liaison avec : [traduction] « bovins et porcs vivants pour abattage; bovins et porcs vivants pour élevage; ensilage; grains; foin; graines oléagineuses; services de consultation en agriculture; services agricoles, nommément alimentation de bovins pour des tiers, vente de bovins vivants pour abattage pour des tiers. » Il déclare que les Marques SUNTERRA sont employées sous licence.
[16] M. Price déclare que les recettes de Sunterra entre 2014 et 2018 étaient supérieures à 750 000 000 $, 115 000 000 $ desquelles étant liées aux Marques SUNTERRA FARMS. Au cours de cette même période, il indique que Sunterra a dépensé près de 3 000 000 $ pour la publicité et la promotion.
· des exemples de photographies qui illustrent cet emploi (Pièce 2) ainsi que l’emploi de la marque nominale et du nom commercial SUNTERRA FARMS en liaison avec des allocutions et des événements de commandite (Pièce 3). Les Marques SUNTERRA FARMS apparaissent dans les photographies sur des panneaux dans le contexte de l’agriculture, notamment devant des silos à grains (décrits comme SUNTERRA FARMS & Design Research Nursery) ainsi que sur la documentation promotionnelle décrivant un projet de serre en partenariat dans le centre de l’Alberta (qui comprend des photos de l’intérieur de la serre où la marque de commerce SUNTERRA FARMS & Design apparaît sur l’équipement de la serre avec ce qui semble être différentes variétés de fraises). La marque nominale et le nom commercial SUNTERRA FARMS apparaissent également sur du matériel promotionnel pour des séminaires et des conférences, y compris deux conférences sur le porc à Banff, en Alberta, dans les années 2018 et 2019, avec un employé de Sunterra Farms décrit à titre de conférencier invité (2018) et Sunterra Farms décrite à titre de commanditaire de l’événement (2019);
· un échantillon de reportages mettant en vedette Sunterra (Pièce 4). La pièce comprend un article paru dans la publication GrainsWest, The Food Issue, daté de 2015, intitulé « A True Success Story for an Alberta Farm Family ». L’article présente Sunterra et l’évolution de ses épiceries, [traduction] « une exploitation agricole familiale axée sur les produits de base qui a lancé une activité de vente au détail directe aux consommateurs […] à la fin des années 90 », et indique que les exploitations agricoles de Sunterra produisent chaque année [traduction] « jusqu’à 120 000 boisseaux de blé et jusqu’à 80 000 boisseaux de canola, principalement pour le marché des produits de base, ainsi qu’une petite quantité d’orge pour la production d’ensilage »;
· des copies de pages du site Web sunterrafarms.ca, lequel, selon M. Price, Sunterra exploite depuis environ 2001 (Pièce 5). Les Marques SUNTERRA FARMS sont clairement affichées sur ces pages, ainsi que la marque de commerce SUNTERRA Design de l’Opposante et une marque de commerce SUNTERRA MEATS, qui donnent un aperçu général de l’activité de l’Opposante. L’activité agricole de l’Opposante semble être principalement dans le domaine de l’élevage; cependant, le site Web semble également faire renvoi à l’agriculture de manière plus générale avec des déclarations telles que : [traduction] « Depuis trois générations, l’entreprise de la famille Price, propriétaire et gérante de Sunterra, met l’accent sur la culture et la commercialisation de produits alimentaires d’une qualité inégalée »;
· des copies du matériel promotionnel et publicitaire, y compris celui utilisé en liaison avec Sunterra Meats et Sunterra Market (Pièce 6). Les Marques SUNTERRA FARMS, ainsi que d’autres Marques SUNTERRA, y compris SUNTERRA Design, SUNTERRA MARKET et SUNTERRA MARKET & Design sont clairement affichées dans l’ensemble de ces documents, qui décrivent l’éventail des activités de l’Opposante. Les documents comprennent des articles, des photographies de produits (y compris une variété de produits de bœuf et de porc de Sunterra Farms) et d’épiceries (y compris l’affichage à l’intérieur et à l’extérieur), des recettes (y compris celles qui mettent en vedette les produits de bœuf et de porc de Sunterra), des calendriers d’événements de Sunterra, des publicités pour les spéciaux des supermarchés, un guide de coupe Sunterra Meats (y compris des renseignements sur les produits de viande spécifiquement produits par Sunterra Farms et/ou cuisinés/préparés sur place aux Sunterra Markets), des menus de traiteur et de produits (mettant en vedette les produits de Sunterra Meats et les aliments préparés des Sunterra Markets), des publicités pour des événements commandités et des événements spéciaux, ainsi que des cartes-cadeaux. Les documents semblent dater de 2012 à 2019 et, une fois de plus, les documents liés à Sunterra Farms se concentrent sur la production de bétail;
· des imprimés des sites Web de l’Opposante sunterramarket.com et sunterrameats.ca (Pièces 7 et 8, respectivement); des imprimés de la Pièce 7 indiquent une date de février 2019. Diverses Marques SUNTERRA de l’Opposante apparaissent sur les sites Web, qui comprennent des renseignements sur l’Opposante et ses entreprises connexes (Sunterra Meats et Sunterra Markets), des achats en ligne avec des représentations de produits et des listes de produits disponibles (aliments préparés Sunterra), des menus de traiteur, des renseignements sur des services tels que des cours de cuisine, des programmes de récompenses/points, des activités/programmes caritatifs et des commandites, des recettes, ainsi que des bulletins d’information; et
· des imprimés des comptes Twitter, Facebook, Instagram et YouTube de Sunterra (Pièce 9) datés de février 2019. À cette date, SUNTERRA Market comptait 2 018 abonnés sur Twitter (et 3 254 gazouillis), 3 894 abonnés sur Instagram (et 1 507 publications), et 31 abonnés à sa chaîne YouTube.
L’affidavit Buckingham
[18] Mme Buckingham est une recherchiste en marques de commerce auprès de l’agent de l’Opposante.
[19] Mme Buckingham déclare que le 22 février 2019, elle a effectué une recherche dans le Registre canadien des marques de commerce afin de repérer toutes les demandes et tous les enregistrements actifs en instance qui sont composés de, ou contiennent, SUNTERRA dans les classes 31, 35, 40 et 44 de Nice. Elle précise que les résultats de la recherche obtenus couvrent toutes les demandes et tous les enregistrements au Canada accessibles au public jusqu’au 18 février 2019.
[20] Mme Buckingham fournit une copie des résultats de sa recherche à la Pièce A de son affidavit. Les résultats comprennent les données relatives à 24 marques, dont 22 sont la propriété de l’Opposante (21 sont enregistrées, et l’une d’entre elles doit être formalisée [en cours]), et 2 sont la propriété de la Requérante (les dossiers en cours faisant l’objet d’une procédure d’opposition). Le rapport comprend 20 des 23 marques de commerce énumérées par M. Price dans son affidavit, ainsi qu’une marque qui ne figurait pas sur sa liste.
L’affidavit Mazutinec
[21] M. Mazutinec est le gestionnaire de serre de Sunterra Farms Ltd.
[22] M. Mazutinec déclare qu’il a envoyé un courriel à Mike Evans, professeur d’horticulture à l’University of Arkansas, pour lui poser une question sur le cours en ligne de gestion des serres qu’il suivait par l’entremise de son université. Il déclare que, dans sa réponse, il a confondu Sunterra Horticulture avec Sunterra Farms, lui demandant s’il travaillait pour Sunterra Horticulture. Il ne précise pas la date à laquelle cet échange de courriels a eu lieu.
Preuve de la Requérante
L’affidavit Dorish
[24] M. Dorish déclare que la Requérante est une société fédérale en vertu des lois du Canada depuis 2001. Il décrit l’activité de la Requérante comme étant la récolte et la transformation de milieux de culture à base de mousse de tourbe de sphaigne, un revitalisant de sol naturel et organique qui régule l’humidité et l’air autour des racines des plantes afin d’établir des conditions de croissance idéales. Il joint, à titre de Pièce A, un document qui explique ce qu’est la mousse de tourbe, comment elle est utilisée, à quoi elle sert et comment elle est récoltée, transformée et distribuée. La marque figurative SUNTERRA HORTICULTURE apparaît sur chaque page du document ci-joint. Il indique que la mousse de tourbe de sphaigne est utilisée par les serristes commerciaux à grande échelle, les producteurs de champignons et de légumes, les promoteurs de terrains de golf, les vignobles et d’autres entreprises spécialisées dans la culture de produits d’horticulture. Il ajoute que, depuis au moins août 2001, la Requérante a acquis une réputation au Canada en relation avec la marque de commerce SUNTERRA HORTICULTURE en liaison avec la mousse de tourbe de sphaigne et la récolte, la production et la vente de tourbe de sphaigne.
[25] M. Dorish explique que les activités de la Requérante sont saisonnières, d’avril à novembre chaque année. Il affirme que la Requérante ne vend des produits et des services qu’à d’autres entreprises, et non à des clients au détail comme les clients d’épicerie ou les consommateurs individuels. Il explique que, lorsqu’elle vend ses produits à des entreprises, elle ne les vend que par semi-remorque de 53 pieds, qui contient généralement 24 palettes de balles de mousse de tourbe d’environ 1 800 à 2 000 livres, desquelles il joint des photos à titre de Pièce B à son affidavit. M. Dorish déclare que ces palettes de mousse de tourbe sont vendues dans de grands sacs commerciaux comprimés, avec la marque de commerce bien en vue, comme l’illustre la Pièce E. La marque figurative apparaît clairement sur les sacs de mousse de tourbe.
[26] En ce qui concerne les ventes, M. Dorish déclare que la Requérante vend au Canada et expédie ses produits du Canada vers les États-Unis. À l’appui, il déclare que les ventes totales ont augmenté de façon constante, passant d’environ 5,3 millions de dollars en 2007 à environ 23 millions de dollars en 2018, environ 2,9 millions de dollars desquelles ont été effectuées directement à des clients canadiens. Il fournit un tableau avec les chiffres de vente annuels approximatifs pour chaque année depuis 2007 quant aux ventes totales et les ventes au Canada (para 8).
[27] Pour étayer les ventes, M. Dorish joint, à titre de Pièce D, des échantillons de factures datées de 2010 à 2019. Il affirme que ces factures ont été remises aux clients au moment du transfert des produits ou de la prestation des services, et que la marque de commerce SUNTERRA HORTICULTURE est affichée bien en vue sur les produits lorsqu’ils sont livrés aux clients. La marque figurative est affichée dans le haut de plusieurs factures.
[28] M. Dorish déclare que la Requérante fait de la publicité sur son site Web, qu’elle exploite depuis le 1er août 2009 (des imprimés de pages du site Web et de l’enregistrement du nom de domaine sont joints en tant que Pièces G et H respectivement), et qu’elle effectue des opérations de marketing et de vente au moyen de réunions en personne avec des cultivateurs et des mélangeurs des sols. La marque de commerce SUNTERRA HORTICULTURE de la Requérante apparaît sur le site Web, sur des imprimés datés du 23 septembre 2019. Sur la page [traduction] « À propos de Sunterra », on peut lire : [traduction] « En tant que l’un des producteurs canadiens de mousse de tourbe de sphaigne les plus récents approvisionnant le marché nord-américain d’un océan à l’autre, l’un de nos principaux avantages concurrentiels est que nos réserves de tourbe sont parmi les plus jeunes de l’industrie ».
[29] Enfin, M. Dorish déclare que la Requérante participe chaque année à des salons professionnels, notamment le Farwest Show et Cultivate, et qu’elle est une exposante régulière pour ce dernier. Il joint à son affidavit, à titre de Pièce F, des imprimés de la liste des exposants de Cultivate 2019, un salon auquel participent, selon lui, des professionnels et des entreprises du monde entier, y compris de nombreux Canadiens et entreprises canadiennes. Il déclare ne pas avoir connaissance d’un cas où un client ou un client éventuel aurait demandé à l’un des représentants commerciaux de la Requérante ce qu’était Sunterra Foods ou si elle était liée d’une manière ou d’une autre à l’épicerie.
Résumé du contre-interrogatoire de M. Dorish
[30] Une variété de questions ont été posées à M. Dorish au sujet de ce en quoi consiste le produit de l’Opposante, ses qualités, son but et la façon dont il est employé. M. Dorish a répondu que la mousse de tourbe de sphaigne est un type particulier de tourbe qui pousse naturellement dans certaines régions du Canada. Il explique en outre que la mousse de tourbe est fibreuse, de sorte qu’elle offre de la porosité, ce qui est la raison principale pour laquelle elle est utilisée pour faire pousser des plantes, des légumes et d’autres types de produits de ce genre. M. Dorish convient avec l’agent de la Requérante que :
[traduction]
[31] Cependant, M. Dorish n’est pas d’accord avec la description fournie par l’agent de la Requérante de la mousse de tourbe de l’Opposante selon laquelle il s’agit d’une forme de nutriments. À cet égard, il précise [traduction] « [qu’]elle ne contient aucun élément nutritif – il faut y ajouter des éléments nutritifs, et c’est la raison pour laquelle les producteurs l’apprécient. C’est une base qui ne contient rien » (p. 13, lignes 2 à 4).
· La mousse de tourbe est-elle recommandée ou utile pour la culture de tournesols, du soja, du maïs, du canola, de graines de coton, du carthame, de pépins de raisin ou de l’avoine? En réponse aux engagements, il est indiqué qu’il a déclaré ne pas savoir, mais qu’il s’est renseigné auprès de personnes au sein de son entreprise, et que l’entreprise ne connaît pas la réponse.
· La mousse de tourbe est-elle plus ou moins efficace que le foin pour la germination des graines? En réponse aux engagements, il a déclaré ne pas savoir. Encore une fois, il a déclaré qu’il s’est renseigné auprès de personnes au sein de son entreprise à cet égard, et que l’entreprise ne connaît pas la réponse.
[34] En plus de ce qui précède, des questions ont été posées à M. Dorish quant à la preuve de ventes des produits de l’Opposante et d’emploi des marques de commerce de cette dernière. En particulier, M. Dorish a été interrogé au sujet d’un écart dans les recettes de l’Opposante entre 2001 et 2006 dans son affidavit. Il a répondu en indiquant que les dossiers de l’Opposante ne remontent pas si loin. Des questions ont également été posées à M. Dorish quant à la première preuve de vente de produits liés à la marque nominale SUNTERRA HORTICULTURE de l’Opposante ainsi qu’à la marque composée. À cet égard, l’agent de la Requérante note que, bien que la marque composée de l’Opposant revendique une date de premier emploi depuis au moins aussi tôt que le 10 juillet 2015, aucun chiffre de vente précis n’est fourni à cette date, et la première facture présentant cette marque de commerce en preuve est datée du 22 juin 2018. Lorsque M. Dorish a été interrogé quant à la question de savoir si l’Opposante employait la marque composée sur des factures avant cette date, il a répondu qu’il ne s’en souvenait pas. Il s’est toutefois engagé à produire des factures antérieures, en joignant deux exemples de factures datant de 2015 et correspondant à des ventes de produits en liaison avec la marque de commerce SUNTERRA HORTICULTURE & Design. Il indique que le logiciel de comptabilité de l’entreprise utilisé à l’époque ne permettait pas d’apposer un logo sur les factures, de sorte que seul le nom Sunterra Horticulture figure sur les factures.
[35] En ce qui concerne la marque nominale de l’Opposante, l’agent de la Requérante a noté que la première facture en preuve qui présente Sunterra Horticulture est un nom commercial et qu’elle est datée du 18 novembre 2010. Lorsque M. Dorish a été interrogé quant à la question de savoir si l’Opposante disposait de factures antérieures à 2010, et plus particulièrement de factures émises en 2001, M. Dorish a répondu que l’Opposante ne disposait pas de factures datant de 2001 et, qu’à sa connaissance, il avait fourni la facture la plus ancienne dont il disposait.
Analyse
Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)
[37] Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i) de la Loi, un motif invoqué en vertu de l’article 30i) ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsqu’il y a des preuves de mauvaise foi de la part du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p. 155; et Cerverceria Modelo, SA de CV c Marcon (2008), 70 CPR (4th) 355 (COMC), à la p. 369]. En l’espèce, comme le soutient la Requérante, il a fourni la déclaration exigée par l’article 30i) de la Loi. De plus, il n’y a pas de preuve de mauvaise foi ou de circonstance exceptionnelle.
Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)
[41] Un opposant s’acquitte de son fardeau initial à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) si un ou plusieurs des enregistrements invoqués sont en règle. De plus, le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence d’enregistrements invoqués par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Ayant exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire, je confirme que les enregistrements de l’Opposante invoqués dans le cadre de ce motif sont en règle à la date de cette décision.
Quand des marques de commerce créent-elles de la confusion?
L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits ou les services [. . .] liés à ces marques de commerce sont fabriqués [. . .] ou exécutés par la même personne […].
[45] L’article 6(2) ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais la confusion entre des produits ou des services provenant d’une source qui est considérée comme provenant d’une autre source. En l’espèce, la question que soulève l’article 6(2) est celle de savoir si les acheteurs des produits et services de la Requérante croiraient que ces produits et services ont été vendus, exécutés, autorisés, ou sont licenciés par l’Opposante qui vend ses produits et services agricoles sous les Marques SUNTERRA FARMS. Il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion.
Test en matière de confusion
[47] Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération et le poids qu’il convient de leur accorder n’est pas nécessairement le même [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22; Veuve Clicquot, précité; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27].
[48] Les Marques et les Marques SUNTERRA FARMS de l’Opposante ont un degré de caractère distinctif inhérent semblable. À cet égard, toutes les marques de commerce sont composées en partie du mot inventé SUNTERRA et d’un terme descriptif qui se rapporte aux domaines d’activité et de commerce des parties respectives. Les éléments figuratifs de chacune des marques figuratives des parties n’ajoutent pas beaucoup au caractère distinctif global de leurs marques; les éléments figuratifs ne sont pas dominants et reflètent soit un élément, soit une idée des marques (c’est-à-dire – comme dans les champs représentés dans la marque de la Requérante, ou le soleil représenté dans la marque de l’Opposante).
[50] L’Opposante soutient que ses marques de commerce sont devenues bien connues grâce à un emploi et à une promotion de longue date, comme le prouve l’affidavit Price. À cet égard, l’Opposante prétend qu’elle emploie la marque de commerce SUNTERRA depuis au moins 1990, et la marque nominale SUNTERRA FARMS, en liaison avec les produits et services visés par ses enregistrements, depuis au moins 1998. L’Opposante note en outre ce qui suit dans l’affidavit Price : [traduction]
Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues
· entre 2014 et 2018, l’Opposante a généré plus de 750 millions de dollars de recettes, dont plus de 115 millions de dollars en liaison avec les Marques SUNTERRA FARMS. Au cours de cette même période, l’Opposante a dépensé près de 3 millions de dollars pour la publicité et la promotion (affidavit Price, para 8);
[52] Toutefois, compte tenu de l’ensemble de la preuve contenue dans l’affidavit Price, j’admets que les Marques SUNTERRA FARMS de l’Opposante sont devenues connues dans une large mesure, à tout le moins en ce qui concerne ses activités agricoles axées sur le bétail, dans la région du centre de l’Alberta. À cet égard, je suis d’accord avec la Requérante pour dire que l’Opposante semble être une société verticalement intégrée; c’est-à-dire que les produits agricoles de l’Opposante alimentent les épiceries de SUNTERRA pour [traduction] « des produits d’épicerie de base et des plats préparés sains vendus directement aux consommateurs » (affidavit Price, Pièce 4). En outre, l’affidavit Price démontre que les épiceries de détail de l’Opposante sont concentrées géographiquement dans les régions de Calgary et d’Edmonton, et que neuf de ces épiceries de détail proposent des produits de bœuf et de porc produits par l’Opposante. Cependant, M. Price déclare que les exploitations agricoles de l’Opposante produisent également du blé, du canola et de l’orge (affidavit Price, para 7, et voir les photographies de silos à grains de la Pièce 2), et il semble que sa réputation d’agriculteur soit, en partie, ancrée dans ses épiceries de détail, où [traduction] « Sunterra a marié avec succès et habileté l’agriculture de produits de base avec la vente au détail directe au consommateur d’une manière unique et déterminée » (affidavit Price, para 3). Bien que les preuves démontrant l’emploi remontent à 2001 (site Web sunterrafarms.ca, para 12, et Pièce 5, affidavit Price), la preuve de la réputation des Marques et du nom commercial de SUNTERRA FARMS et de la mesure à laquelle ils sont devenus connus au moyen de chiffres de vente significatifs commence en 2014 (115 millions de dollars, affidavit Price, para 8).
[53] La Requérante, pour sa part, soutient que sa preuve démontre l’emploi de sa marque nominale SUNTERRA HORTICULTURE au Canada depuis 2001. À l’appui, la Requérante présente des échantillons de factures datées de 2010 à 2020, des chiffres de revenus annuels datant de 2007 à 2018 (affidavit Dorish, para 8), des échantillons de photographies d’emballages de produits et des exemples d’activités promotionnelles comme la participation à des expositions et des extraits de sites Web. Elle note que M. Dorish a expliqué, lors de son contre-interrogatoire, que les dossiers financiers de la Requérante ne remontaient pas au-delà de 2007 et que, par conséquent, les chiffres de vente de 2001 à 2007 n’étaient pas disponibles. En ce qui concerne la marque composée figurative SUNTERRA HORTICULTURE, la facture la plus ancienne démontrant l’emploi de cette marque est datée de 2015; cette date coïncide avec la date de premier emploi revendiquée dans la demande.
[54] En l’absence de preuves supplémentaires concernant l’emploi de la marque nominale SUNTERRA HORTICULTURE de la Requérante avant 2007, il n’est pas possible d’établir l’étendue de cet emploi et de la révélation de cette marque. Toutefois, les chiffres de vente et les factures de la Requérante démontrent que sa marque nominale a été employée dans une certaine mesure depuis 2007, et que sa marque figurative composée a été employée de la même manière depuis 2015. Je reconnais donc que les Marques de la Requérante ont acquis un certain degré de caractère distinctif au cours de cette période, en notant que les ventes de la Requérante au cours de cette période au Canada s’élèvent à plus de 35 millions de dollars.
Article 6(5)b) – la durée d’emploi
[57] Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.
Articles 6(5)c) et d) – genre des produits ou services et nature du commerce
[traduction]
[59] L’Opposante soutient qu’il y a un chevauchement entre les produits de la Requérante et une partie des produits de l’Opposante, nommément [traduction] « ensilage; grains; foin; graines oléagineuses ». À cet égard, l’Opposante soutient que les captures d’écran du site Web figurant dans la Pièce G de l’affidavit Dorish décrivent la mousse de tourbe de la Requérante comme étant [traduction] « utilisée par les cultivateurs pour la production de légumes, de plantes à massif, de champignons », ainsi que comme étant [traduction] « largement utilisée comme support pour les cultivateurs qui mélangent leurs propres sols ». En outre, l’Opposante affirme que la mousse de tourbe de la Requérante peut être utilisée pour favoriser la croissance des différentes graines oléagineuses de l’Opposante.
[61] Enfin, l’Opposante soutient que les produits et services visés par la demande de la Requérante ne sont pas limités quant aux voies de commercialisation et que l’on peut donc supposer que les voies de commercialisation respectives des parties seraient les mêmes, étant donné que les produits et services de l’Opposante ne sont pas non plus limités quant aux voies de commercialisation. Ainsi, l’Opposante soutient que les produits, les activités et le commerce des parties sont très semblables.
[62] La Requérante affirme que, dans la présente affaire, les critères les plus importants à prendre en considération se trouvent aux articles 6(5)c) et d). À cet égard, la Requérante soutient qu’elle exploite une entreprise de récolte et de traitement de la mousse de tourbe de sphaigne, qui est utilisée par les serriculteurs commerciaux à grande échelle, les producteurs de champignons et de légumes, les promoteurs de terrains de golf, les vignobles et d’autres entreprises qui cultivent des produits horticoles. La Requérante affirme qu’elle ne vend pas à des clients au détail, mais seulement à d’autres entreprises, par commandes de 24 palettes de balles de mousse de tourbe de 1 800 à 2 000 livres.
[63] La Requérante soutient que les parties opèrent sur des marchés substantiellement différents : le marché de l’horticulture commerciale à grande échelle, d’entreprise à entreprise (la Requérante), et l’épicerie de détail, directement au consommateur (l’Opposante). La Requérante affirme que ses produits et services sont utilisés dans le secteur horticole et ne sont pas des produits agricoles.
[64] La Requérante demande au registraire de prendre connaissance de la définition du mot « agriculture » comme étant [traduction] « l’exploitation agricole et les méthodes utilisées pour cultiver les champs et élever du bétail, et s’en occuper ». La Requérante soutient que la mousse de tourbe n’entre pas dans cette définition; elle n’est pas cultivée et constitue une ressource naturelle dans les tourbières. (affidavit Dorish, Pièce A). Ainsi, la Requérante soutient qu’il n’y a pas de chevauchement entre les produits, les services ou les voies de commercialisation des parties.
[65] La Requérante compare la présente affaire à Triangle Tyre c Gestion André Touchette (2019), 164 CPR (4th) 131 (CF), et Alticor Inc c Nutravite Pharmaceuticals Inc [2004] FCJ no 268, dans lesquelles la preuve a démontré que [traduction] « le type probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties ne se chevauche pas et ne se chevauchera pas ». La Requérante soutient qu’il n’y a aucune preuve établissant que celle-ci vendra un jour ses produits au détail ou que l’Opposante vendra des produits à de grandes entreprises, ou que cette dernière vend actuellement ses produits agricoles bruts à des consommateurs autres que la propre entreprise de l’Opposante, de sorte [traduction] « qu’il n’y a qu’un chevauchement superficiel des produits et services des parties. »
[66] La Requérante soutient qu’alors que l’Opposante prétend que les produits de la Requérante pourraient être utilisés pour faire pousser les cultures de l’Opposante, le déposant (M. Dorish) a explicitement déclaré au cours du contre-interrogatoire qu’il n’a jamais vendu de mousse de tourbe de sphaigne à une entreprise qui l’utilisait pour la culture du tournesol, du soja, du maïs, du canola, des graines de coton, du carthame, des pépins de raisin ou de l’avoine. En fait, M. Dorish n’a jamais entendu parler d’une entreprise utilisant les produits et services de la Requérante pour la culture de produits agricoles.
[67] Enfin, la Requérante soutient que le fait que les produits et services des parties relèvent de la même classification de Nice ne signifie pas qu’ils sont identiques ou qu’ils se chevauchent, comme l’affirme l’Opposante. À cet égard, la Requérante soutient que même le système de classification de Nice établit une distinction entre l’horticulture et l’agriculture au sein des classes communes de Nice partagées par les parties; une distinction qui existe également pour d’autres domaines dans les mêmes classes de Nice, comme l’aquaculture et la foresterie.
[traduction]
Agriculture : la science, l’art ou la pratique de la culture du sol, de la production des cultures et de l’élevage de bétail et, à des degrés divers, de la préparation et de la commercialisation des produits qui en résultent | défricher la terre afin de l’utiliser pour l’agriculture.
[70] Les deux définitions susmentionnées englobent la culture et la production des cultures, qui peuvent inclure des fruits et des légumes. Ainsi, s’il existe une distinction entre les deux termes, ils se recoupent également. Je tire cette conclusion indépendamment de la classification de Nice et, en effet, la Loi envisage la confusion nonobstant la classification de Nice.
[71] En ce qui a trait aux affaires invoquées par la Requérante, je conviens que la preuve de la nature véritable des commerces des parties est utile pour déterminer le type probable d’entreprise visé par les états déclaratifs des produits et/ou services de chacune des parties. Bien que j’aie déjà accepté que la preuve de l’Opposante démontre que ses produits Sunterra Farms (principalement des produits de viande) semblent alimenter principalement ses épiceries SUNTERRA, il y a également des preuves que les produits de l’Opposante sont des produits de base qui ne sont pas vendus par les épiceries de détail de l’Opposante (affidavit Price, Pièce 4).
[72] Enfin, la preuve démontre que les exploitations agricoles à grande échelle de l’Opposante comprennent des serres, une exploitation horticole, et M. Dorish a défini les serriculteurs comme des consommateurs des produits de la Requérante (affidavit Dorish, Pièce G). Par conséquent, je considère que le lien entre les produits et services de la Requérante et ceux de l’Opposante est plus que [traduction] « superficiel ».
Article 6(5)e) – le degré de ressemblance
[75] L’Opposante soutient que le degré de ressemblance est largement en sa faveur. À cet égard, l’Opposante soutient que la partie commune, dominante et distinctive des marques de chaque partie constitue le premier élément de SUNTERRA.
[76] Je conviens qu’il existe un degré important de ressemblance entre les marques des parties puisque l’élément le plus frappant dans les deux marques est identique. De plus, l’élément frappant est le premier élément des maques, et c’est souvent la première partie d’une marque de commerce qui est considérée habituellement la plus importante pour l’évaluation de la probabilité de confusion [Conde Nast Publications Inc c Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst), à la p. 188].
[77] En outre, contrairement à la position de la Requérante, je suis d’accord avec l’observation de l’Opposante selon laquelle les deuxièmes parties descriptives des marques des parties, à savoir les mots HORTICULTURE et FARMS, peuvent même amplifier la probabilité de confusion. Ainsi, compte tenu de la relation entre l’horticulture et l’agriculture, les idées suggérées par les marques des parties dans leur ensemble, à la lumière de ces mots descriptifs, ne sont pas très éloignées. En outre, comme il a été indiqué précédemment, je considère que les éléments figuratifs des marques des parties ne sont pas dominants et font écho à un élément ou à une idée des marques (c’est-à-dire – comme dans les champs représentés dans la marque figurative de la Requérante, ou le soleil représenté dans la marque figurative de l’Opposante). Par conséquent, je suis d’accord avec l’Opposante pour dire que les éléments figuratifs ne sont pas suffisants pour dissiper la confusion.
[78] Compte tenu de ce qui précède, ce facteur favorise l’Opposante.
Circonstances de l’espèce – famille de marques de commerce
[79] Lorsqu’il existe une famille de marques de commerce, il peut exister une plus grande probabilité que le public estime qu’une marque de commerce qui est semblable constitue une autre marque de commerce de la famille et, de ce fait, suppose que le produit ou le service lié à cette marque de commerce est fabriqué ou réalisé par la même personne. Toutefois, on ne peut pas présumer qu’il existe une famille de marques dans le cadre d’une procédure d’opposition. Une partie qui cherche à invoquer une famille de marques doit démontrer qu’elle emploie plus d’une ou deux des marques de commerce faisant partie de la présumée famille [Techniquip Ltd c Assoc olympique canadienne (1998), 145 FTR 59 (CF 1re inst), conf. par (1999), 3 CPR (4th) 298 (CAF); Now Communications Inc v CHUM Ltd (2003), 32 CPR (4th) 168 (COMC) au para 35].
[80] De plus, lorsqu’une famille de marques est invoquée, une considération pertinente est celle de savoir si la caractéristique commune aux marques de l’Opposante se trouve dans des marques de commerce appartenant à d’autres personnes [Techniquip, précité]. L’Opposante soutient qu’elle a produit la preuve de l’état du registre par le biais de l’affidavit Buckingham, qui démontre qu’elle possède 24 enregistrements de marques comportant le mot SUNTERRA. En outre, l’Opposante soutient que l’état du registre montre qu’il n’y a pas d’autres enregistrements de la marque de commerce SUNTERRA détenus par des tiers dans les classes de Nice partagées par la Requérante et l’Opposante.
[81] La Requérante soutient qu’il faut accorder peu ou pas de poids à la preuve de Mme Buckingham, car celle-ci n’a effectué qu’une recherche restreinte du mot SUNTERRA dans des classes spécifiques de Nice. En outre, la Requérante soutient que Mme Buckingham n’a pas recherché de variations visuelles ou sonores semblables du terme SUNTERRA, et qu’elle n’a pas non plus compris des classes de produits qui chevaucheraient les produits et services de l’Opposante.
[82] S’il est vrai que les paramètres de recherche de Mme Buckingham étaient étroits pour les raisons invoquées par la Requérante, je suis convaincue que l’Opposante a établi une famille de marques SUNTERRA au moyen de l’affidavit Price. À cet égard, il existe des preuves d’emploi de plusieurs Marques SUNTERRA, notamment Sunterra Market et Sunterra Market & Design (affidavit Price, Pièces 6, 7, 8 et 9), Sunterra Farms et Sunterra Farms & Design (affidavit Price, Pièces 2, 5 et 6), Sunterra (affidavit Price, Pièces 5 et 6) et Sunterra Catering (affidavit Price, Pièce 6). Il existe également une preuve d’emploi de la marque de commerce SUNTERRA MEATS (affidavit Price, Pièces 5, 6 et 8). En outre, il ressort clairement des éléments de preuve que la famille de marques et l’activité de l’Opposante ont leurs racines dans l’agriculture et sont devenues bien connues à cet égard. En effet, compte tenu de la preuve d’emploi de ces marques, y compris que l’Opposante possède neuf épiceries Sunterra Market, exploite deux installations de transformation de la viande Sunterra Meats ainsi qu’une grande exploitation agricole établie depuis longtemps, et que les recettes de Sunterra entre 2014 et 2018 dépassaient 750 000 000 $, dont 115 000 000 $ à titre de recettes générées liaison avec les Marques SUNTERRA FARMS (affidavit Price, para 8), je suis disposée à déduire que les consommateurs reconnaîtraient les marques susmentionnées comme une « famille » de marques de commerce de Sunterra. J’ajouterai que la Requérante n’a pas démontré que la caractéristique commune aux marques de l’Opposante, à savoir « Sunterra », se trouve dans des marques de commerce appartenant à d’autres personnes.
Circonstances de l’espèce – confusion sur le marché
[88] En ce qui concerne la coexistence, je note que M. Dorish déclare dans son affidavit qu’il [traduction] « n’a jamais eu connaissance d’un cas où un client ou un client éventuel aurait demandé à l’un de nos représentants commerciaux ce qu’était Sunterra Foods ou si nous étions liés d’une manière ou d’une autre à l’épicerie ». Cette déclaration, cependant, ne fait pas renvoi à SUNTERRA FARMS.
[89] En outre, les preuves fournies par l’Opposante montrent que ses activités sont concentrées en grande partie dans le centre de l’Alberta. D’autre part, la preuve de la Requérante montre que ses produits sont récoltés en Saskatchewan (affidavit Dorish, Pièce A), avec des factures émises à partir du Manitoba à des clients presque exclusivement au Nouveau-Brunswick, au Québec, au Manitoba, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique (affidavit Dorish, Pièce D). La Pièce D ne comporte qu’une seule facture reflétant une vente en Alberta, qui est datée du 26 septembre 2019, soit moins d’un mois avant la date de l’affidavit de M. Dorish. Il semble donc que les produits et services des parties ne se sont jamais chevauchés géographiquement dans une mesure qui permettrait de démontrer une coexistence de façon significative.
Conclusion
[91] Après avoir examiné l’ensemble des circonstances, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime d’établir qu’il n’existe pas de probabilité de confusion entre ses Marques et les Marques SUNTERRA FARMS de l’Opposante. Je parviens à cette conclusion parce sous l’angle de la première impression, bien que les produits et services des parties ne soient pas identiques, il existe un lien et un chevauchement entre les produits, les services et les domaines d’activités des parties. En outre, il existe un degré élevé de ressemblance entre les marques de commerce des parties, les marques de l’Opposante possèdent un caractère distinctif inhérent et ont acquis un caractère distinctif, et l’Opposante a démontré l’existence d’une famille de marques de commerce Sunterra.
[92] Le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est donc accueilli à l’égard des deux Demandes de la Requérante. Ainsi, je n’ai pas besoin d’examiner la probabilité de confusion entre les Marques et les autres Marques SUNTERRA de l’Opposante.
Motif d’opposition fondé sur l’article 2
[94] Afin de s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, l’Opposante doit établir qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 21 août 2018, une ou plusieurs des Marques SUNTERRA de l’Opposante ou le nom commercial de l’Opposante Sunterra étaient devenus connus dans une mesure suffisante pour annuler le caractère distinctif des Marques. Dans Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF) au para 33, la Cour fédérale a indiqué qu’une marque pouvait annuler le caractère distinctif d’une autre marque si elle était connue dans une certaine mesure au Canada ou si elle est bien connue dans une région particulière du Canada.
[96] Je ne suis pas d’accord. Je suis convaincue que l’affidavit de M. Price démontre que les marques SUNTERRA de l’Opposante sont devenues bien connues dans le centre de l’Alberta. J’ai accepté que l’affidavit Price démontre l’emploi d’une famille de marques de commerce SUNTERRA, avec d’importantes ventes connexes pendant de nombreuses années.
[97] De plus, la différence dans la date pertinente sous ce motif d’opposition n’a aucune influence sur mes conclusions relatives au motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d). Par conséquent, compte tenu de la probabilité de confusion entre les Marques et les Marques SUNTERRA FARMS de l’Opposante, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque avait un caractère distinctif en date du 21 août 2018.
[98] Par conséquent, le motif d’opposition relatif au caractère distinctif est accueilli.
Autres motifs d’opposition – articles 16(1)a), b), et c)
Décision
_______________________________
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
Hortense Ngo
Le français est conforme aux WCAG.
Annexe A
Marques SUNTERRA de l’Opposante
Marque de commerce
|
Numéro d’enregistrement
|
|
---|---|---|
|
Produits :
|
|
|
||
|
Produits :
|
|
|
||
|
||
|
||
Services :
|
||
|
||
|
Services :
|
|
Services :
|
||
Services :
|
||
|
||
|
Services :
|
|
Produits :
|
||
|
||
Produits :
|
||
|
||
Services :
|
||
Produits :
|
||
|
Comparutions et agents inscrits au dossier
DATE DE L’AUDIENCE : 2023-01-23
Pour l’Opposante : Eric Macramalla
Pour la Requérante : Mitchell Charness
AGENTS AU DOSSIER
Pour l’Opposante : Gowling WLG (Canada) LLP
Pour la Requérante : Ridout & Maybee LLP