Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 038

Date de la décision : 2023-02-28

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS

Opposante : Sunterra Food Corporation

Requérante : Sunterra Horticulture (Canada) Inc.

Demandes : 1,802,477 pour SUNTERRA HORTICULTURE, et

1,802,483 pour SUNTERRA HORTICULTURE & Design

Introduction

[1] Sunterra Food Corporation (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement des marques de commerce SUNTERRA HORTICULTURE (demande no 1,802,477) et SUNTERRA HORTICULTURE & Design, reproduite ci-dessous (demande no 1,802,483) (collectivement, les Marques), qui ont été déposées par Sunterra Horticulture (Canada) Inc. (la Requérante).

Sunterra Horticulture & Design

[2] Les deux demandes (les Demandes) ont été produites le 28 septembre 2016, en liaison avec l’état déclaratif des produits et services qui est reproduit ci-dessous :

[traduction]

Produits

Services

(1) Récolte, production et vente de la tourbe de mousse de sphaigne.

[3] La demande no 1,802,477 été déposée en fonction de l’emploi au Canada depuis au moins le 31 août 2001, alors que la demande no 1,802,483 été déposée en fonction de l’emploi au Canada depuis au moins le 10 juillet 2015.

[4] Les Demandes ont été annoncées dans le Journal des marques de commerce du 27 juin 2018. Le 21 août 2018, l’Opposante a déposé une déclaration d’opposition à l’encontre des Demandes en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). De nombreuses modifications à la Loi sont entrées en vigueur le 17 juin 2019 (la nouvelle Loi). La date pour déterminer la version de la Loi applicable aux procédures d’opposition est celle à laquelle la demande faisant l’objet de l’opposition a été annoncée. Les Demandes ayant été annoncées avant le 17 juin 2019, conformément à l’article 70 de la Loi, les motifs d’opposition seront évalués en fonction de la Loi dans sa version du 16 juin 2019.

[5] En ce qui concerne les deux Demandes, l’Opposante soulève des motifs d’opposition fondés sur la non-conformité à l’article 30i), la non-enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)d), l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a), b), et c), et l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2. Les motifs fondés sur la non-enregistrabilité, l’absence de droit à l’enregistrement, et l’absence de caractère distinctif concernent tous l’allégation de confusion entre les Marques et les marques de commerce SUNTERRA de l’Opposante (les Marques SUNTERRA) et le nom commercial Sunterra de l’Opposante. Les détails des Marques SUNTERRA de l’Opposante sont joints à l’annexe A de la présente décision.

[6] Pour les motifs qui suivent, je rejette les Demandes.

Le dossier

[7] Comme il a été indiqué précédemment, l’Opposante a produit ses déclarations d’opposition à l’égard des deux Demandes le 21 août 2018.

[8] La Requérante a produit et signifié ses contre-déclarations le 28 septembre 2018, réfutant les motifs d’opposition.

[9] À l’appui de ses oppositions, l’Opposante a produit les affidavits : de Ray Price, souscrit le 27 février 2019, ainsi que les Pièces 1 à 9; de Jane Buckingham, souscrit le 22 février 2019, ainsi que la Pièce A; et de Trevor Mazutinec, souscrit le 25 février 2019. Les mêmes affidavits ont été produits à l’appui des deux Demandes. Aucun des déposants de l’Opposante n’a été contre-interrogé sur son affidavit.

[10] À l’appui des Demandes, la Requérante a produit le même affidavit de Sterling Dorish, souscrit le 23 octobre 2019, ainsi que les Pièces A à H. M. Dorish a été contre-interrogé au sujet de son affidavit, et les transcriptions et les réponses aux engagements ont été versées au dossier.

[11] Les parties ont toutes deux produit des observations écrites et étaient présentes à l’audience.

Résumé de la preuve

La preuve de l’Opposante

L’affidavit Price

[12] M. Price est le président du groupe Sunterra (Sunterra), qui, selon lui, comprend Sunterra Farms Ltd., Sunterra Meats Ltd., Sunterra Quality Food Markets Inc., Sunterra Enterprises Inc. et l’Opposante, Sunterra Food Corporation. Il déclare qu’en raison de la nature de son poste, et ayant examiné les dossiers d’entreprise pertinents de Sunterra, il possède des connaissances personnelles au sujet des questions énoncées dans son affidavit, sauf lorsque les renseignements sont indiqués comme étant fondés sur ses connaissances et ses croyances.

[13] M. Price affirme que l’Opposante est la propriétaire des Marques SUNTERRA (conformément à l’annexe A de la présente décision), dont des copies sont jointes en titre de Pièce 1 à son affidavit, et qui comprennent des enregistrements pour SUNTERRA FARMS et SUNTERRA FARMS & Design (les Marques SUNTERRA FARMS).

[14] M. Price déclare que l’Opposante emploie la marque de commerce SUNTERRA depuis au moins aussi tôt que 1990. Il déclare en outre que l’Opposante emploie la marque SUNTERRA FARMS depuis au moins aussi tôt que 1998, sous licence, en liaison avec : [traduction] « bovins et porcs vivants pour abattage; bovins et porcs vivants pour élevage; ensilage; grains; foin; graines oléagineuses; services de consultation en agriculture; services agricoles, nommément alimentation de bovins pour des tiers, vente de bovins vivants pour abattage pour des tiers. » Il déclare que les Marques SUNTERRA sont employées sous licence.

[15] M. Price donne plus de détails sur les produits et services liés aux Marques SUNTERRA FARMS comme suit :

[16] M. Price déclare que les recettes de Sunterra entre 2014 et 2018 étaient supérieures à 750 000 000 $, 115 000 000 $ desquelles étant liées aux Marques SUNTERRA FARMS. Au cours de cette même période, il indique que Sunterra a dépensé près de 3 000 000 $ pour la publicité et la promotion.

[17] Enfin, M. Price affirme que les Marques SUNTERRA FARMS sont présentées en évidence dans le commerce et qu’elles fournissent ce qu’il décrit comme étant :

L’affidavit Buckingham

[18] Mme Buckingham est une recherchiste en marques de commerce auprès de l’agent de l’Opposante.

[19] Mme Buckingham déclare que le 22 février 2019, elle a effectué une recherche dans le Registre canadien des marques de commerce afin de repérer toutes les demandes et tous les enregistrements actifs en instance qui sont composés de, ou contiennent, SUNTERRA dans les classes 31, 35, 40 et 44 de Nice. Elle précise que les résultats de la recherche obtenus couvrent toutes les demandes et tous les enregistrements au Canada accessibles au public jusqu’au 18 février 2019.

[20] Mme Buckingham fournit une copie des résultats de sa recherche à la Pièce A de son affidavit. Les résultats comprennent les données relatives à 24 marques, dont 22 sont la propriété de l’Opposante (21 sont enregistrées, et l’une d’entre elles doit être formalisée [en cours]), et 2 sont la propriété de la Requérante (les dossiers en cours faisant l’objet d’une procédure d’opposition). Le rapport comprend 20 des 23 marques de commerce énumérées par M. Price dans son affidavit, ainsi qu’une marque qui ne figurait pas sur sa liste.

L’affidavit Mazutinec

[21] M. Mazutinec est le gestionnaire de serre de Sunterra Farms Ltd.

[22] M. Mazutinec déclare qu’il a envoyé un courriel à Mike Evans, professeur d’horticulture à l’University of Arkansas, pour lui poser une question sur le cours en ligne de gestion des serres qu’il suivait par l’entremise de son université. Il déclare que, dans sa réponse, il a confondu Sunterra Horticulture avec Sunterra Farms, lui demandant s’il travaillait pour Sunterra Horticulture. Il ne précise pas la date à laquelle cet échange de courriels a eu lieu.

Preuve de la Requérante

L’affidavit Dorish

[23] M. Dorish est le directeur de la Requérante et le président de Sunterra Horticulture (US) Inc., une filiale à part entière de la Requérante.

[24] M. Dorish déclare que la Requérante est une société fédérale en vertu des lois du Canada depuis 2001. Il décrit l’activité de la Requérante comme étant la récolte et la transformation de milieux de culture à base de mousse de tourbe de sphaigne, un revitalisant de sol naturel et organique qui régule l’humidité et l’air autour des racines des plantes afin d’établir des conditions de croissance idéales. Il joint, à titre de Pièce A, un document qui explique ce qu’est la mousse de tourbe, comment elle est utilisée, à quoi elle sert et comment elle est récoltée, transformée et distribuée. La marque figurative SUNTERRA HORTICULTURE apparaît sur chaque page du document ci-joint. Il indique que la mousse de tourbe de sphaigne est utilisée par les serristes commerciaux à grande échelle, les producteurs de champignons et de légumes, les promoteurs de terrains de golf, les vignobles et d’autres entreprises spécialisées dans la culture de produits d’horticulture. Il ajoute que, depuis au moins août 2001, la Requérante a acquis une réputation au Canada en relation avec la marque de commerce SUNTERRA HORTICULTURE en liaison avec la mousse de tourbe de sphaigne et la récolte, la production et la vente de tourbe de sphaigne.

[25] M. Dorish explique que les activités de la Requérante sont saisonnières, d’avril à novembre chaque année. Il affirme que la Requérante ne vend des produits et des services qu’à d’autres entreprises, et non à des clients au détail comme les clients d’épicerie ou les consommateurs individuels. Il explique que, lorsqu’elle vend ses produits à des entreprises, elle ne les vend que par semi-remorque de 53 pieds, qui contient généralement 24 palettes de balles de mousse de tourbe d’environ 1 800 à 2 000 livres, desquelles il joint des photos à titre de Pièce B à son affidavit. M. Dorish déclare que ces palettes de mousse de tourbe sont vendues dans de grands sacs commerciaux comprimés, avec la marque de commerce bien en vue, comme l’illustre la Pièce E. La marque figurative apparaît clairement sur les sacs de mousse de tourbe.

[26] En ce qui concerne les ventes, M. Dorish déclare que la Requérante vend au Canada et expédie ses produits du Canada vers les États-Unis. À l’appui, il déclare que les ventes totales ont augmenté de façon constante, passant d’environ 5,3 millions de dollars en 2007 à environ 23 millions de dollars en 2018, environ 2,9 millions de dollars desquelles ont été effectuées directement à des clients canadiens. Il fournit un tableau avec les chiffres de vente annuels approximatifs pour chaque année depuis 2007 quant aux ventes totales et les ventes au Canada (para 8).

[27] Pour étayer les ventes, M. Dorish joint, à titre de Pièce D, des échantillons de factures datées de 2010 à 2019. Il affirme que ces factures ont été remises aux clients au moment du transfert des produits ou de la prestation des services, et que la marque de commerce SUNTERRA HORTICULTURE est affichée bien en vue sur les produits lorsqu’ils sont livrés aux clients. La marque figurative est affichée dans le haut de plusieurs factures.

[28] M. Dorish déclare que la Requérante fait de la publicité sur son site Web, qu’elle exploite depuis le 1er août 2009 (des imprimés de pages du site Web et de l’enregistrement du nom de domaine sont joints en tant que Pièces G et H respectivement), et qu’elle effectue des opérations de marketing et de vente au moyen de réunions en personne avec des cultivateurs et des mélangeurs des sols. La marque de commerce SUNTERRA HORTICULTURE de la Requérante apparaît sur le site Web, sur des imprimés datés du 23 septembre 2019. Sur la page [traduction] « À propos de Sunterra », on peut lire : [traduction] « En tant que l’un des producteurs canadiens de mousse de tourbe de sphaigne les plus récents approvisionnant le marché nord-américain d’un océan à l’autre, l’un de nos principaux avantages concurrentiels est que nos réserves de tourbe sont parmi les plus jeunes de l’industrie ».

[29] Enfin, M. Dorish déclare que la Requérante participe chaque année à des salons professionnels, notamment le Farwest Show et Cultivate, et qu’elle est une exposante régulière pour ce dernier. Il joint à son affidavit, à titre de Pièce F, des imprimés de la liste des exposants de Cultivate 2019, un salon auquel participent, selon lui, des professionnels et des entreprises du monde entier, y compris de nombreux Canadiens et entreprises canadiennes. Il déclare ne pas avoir connaissance d’un cas où un client ou un client éventuel aurait demandé à l’un des représentants commerciaux de la Requérante ce qu’était Sunterra Foods ou si elle était liée d’une manière ou d’une autre à l’épicerie.

Résumé du contre-interrogatoire de M. Dorish

[30] Une variété de questions ont été posées à M. Dorish au sujet de ce en quoi consiste le produit de l’Opposante, ses qualités, son but et la façon dont il est employé. M. Dorish a répondu que la mousse de tourbe de sphaigne est un type particulier de tourbe qui pousse naturellement dans certaines régions du Canada. Il explique en outre que la mousse de tourbe est fibreuse, de sorte qu’elle offre de la porosité, ce qui est la raison principale pour laquelle elle est utilisée pour faire pousser des plantes, des légumes et d’autres types de produits de ce genre. M. Dorish convient avec l’agent de la Requérante que :

[traduction]

la tourbe de sphaigne peut être considérée comme un revitalisant de sol qui enrichit tous les types de sols, améliore l’aération et la texture, possède une grande capacité de rétention d’eau et réduit donc la nécessité d’un arrosage fréquent – et – favorise l’échange d’eau et d’air, la croissance des racines et l’échange de nutriments, joue un rôle tampon pour le sol, retient l’humidité dans les sols secs ou sablonneux, réduit le lessivage des engrais, empêche le sol de durcir et de s’encroûter, aère les sols lourds et lie les sols secs […].

[31] Cependant, M. Dorish n’est pas d’accord avec la description fournie par l’agent de la Requérante de la mousse de tourbe de l’Opposante selon laquelle il s’agit d’une forme de nutriments. À cet égard, il précise [traduction] « [qu’]elle ne contient aucun élément nutritif – il faut y ajouter des éléments nutritifs, et c’est la raison pour laquelle les producteurs l’apprécient. C’est une base qui ne contient rien » (p. 13, lignes 2 à 4).

[32] M. Dorish a été interrogé quant à la vitesse à laquelle les graines ont tendance à germer dans la mousse de tourbe, à savoir si cela se produisait rapidement ou plus rapidement, et quant à la question de savoir si les cultivateurs utilisent la mousse de tourbe pour ses qualités de germination des graines. Il a répondu qu’il ne peut pas le dire, car il ne travaille pas dans le domaine de la germination des graines.

[33] D’autres questions quant à la mousse de tourbe ont été posées à M. Dorish, accompagnées de réponses aux engagements : [traduction]

· La mousse de tourbe est-elle recommandée ou utile pour la culture de tournesols, du soja, du maïs, du canola, de graines de coton, du carthame, de pépins de raisin ou de l’avoine? En réponse aux engagements, il est indiqué qu’il a déclaré ne pas savoir, mais qu’il s’est renseigné auprès de personnes au sein de son entreprise, et que l’entreprise ne connaît pas la réponse.

· La mousse de tourbe est-elle plus ou moins efficace que le foin pour la germination des graines? En réponse aux engagements, il a déclaré ne pas savoir. Encore une fois, il a déclaré qu’il s’est renseigné auprès de personnes au sein de son entreprise à cet égard, et que l’entreprise ne connaît pas la réponse.

[34] En plus de ce qui précède, des questions ont été posées à M. Dorish quant à la preuve de ventes des produits de l’Opposante et d’emploi des marques de commerce de cette dernière. En particulier, M. Dorish a été interrogé au sujet d’un écart dans les recettes de l’Opposante entre 2001 et 2006 dans son affidavit. Il a répondu en indiquant que les dossiers de l’Opposante ne remontent pas si loin. Des questions ont également été posées à M. Dorish quant à la première preuve de vente de produits liés à la marque nominale SUNTERRA HORTICULTURE de l’Opposante ainsi qu’à la marque composée. À cet égard, l’agent de la Requérante note que, bien que la marque composée de l’Opposant revendique une date de premier emploi depuis au moins aussi tôt que le 10 juillet 2015, aucun chiffre de vente précis n’est fourni à cette date, et la première facture présentant cette marque de commerce en preuve est datée du 22 juin 2018. Lorsque M. Dorish a été interrogé quant à la question de savoir si l’Opposante employait la marque composée sur des factures avant cette date, il a répondu qu’il ne s’en souvenait pas. Il s’est toutefois engagé à produire des factures antérieures, en joignant deux exemples de factures datant de 2015 et correspondant à des ventes de produits en liaison avec la marque de commerce SUNTERRA HORTICULTURE & Design. Il indique que le logiciel de comptabilité de l’entreprise utilisé à l’époque ne permettait pas d’apposer un logo sur les factures, de sorte que seul le nom Sunterra Horticulture figure sur les factures.

[35] En ce qui concerne la marque nominale de l’Opposante, l’agent de la Requérante a noté que la première facture en preuve qui présente Sunterra Horticulture est un nom commercial et qu’elle est datée du 18 novembre 2010. Lorsque M. Dorish a été interrogé quant à la question de savoir si l’Opposante disposait de factures antérieures à 2010, et plus particulièrement de factures émises en 2001, M. Dorish a répondu que l’Opposante ne disposait pas de factures datant de 2001 et, qu’à sa connaissance, il avait fourni la facture la plus ancienne dont il disposait.

Analyse

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[36] L’Opposante soutient que la Requérante ne pouvait pas affirmer qu’elle avait le droit d’employer les Marques au Canada en liaison avec les produits et services décrits dans les demandes, compte tenu de la demande précédente, de l’enregistrement et de l’emploi antérieurs au Canada des Marques SUNTERRA par l’Opposante, ainsi que de l’emploi antérieur du nom commercial Sunterra.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[40] L’Opposante soutient que les marques de commerce visées par la demande ne sont pas enregistrables au sens de l’article 12(1)d) de la Loi, parce que, pendant toute la période pertinente, elles créaient de la confusion avec les Marques SUNTERRA, qui n’ont pas été abandonnées.

[41] Un opposant s’acquitte de son fardeau initial à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) si un ou plusieurs des enregistrements invoqués sont en règle. De plus, le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence d’enregistrements invoqués par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Ayant exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire, je confirme que les enregistrements de l’Opposante invoqués dans le cadre de ce motif sont en règle à la date de cette décision.

[42] Puisque l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial pour ce motif d’opposition, la question devient celle de savoir si la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les Marques et l’une des marques de commerce invoquées par l’Opposante.

[43] En outre, en examinant la question de la confusion, je me concentrerai principalement sur les Marques SUNTERRA FARMS de l’Opposante, car je considère que ces marques représentent le meilleur argument de l’Opposante, étant donné qu’elles ont le lien le plus proche avec les Marques de la Requérante en ce qui concerne la nature des produits et services et le degré de ressemblance.

Quand des marques de commerce créent-elles de la confusion?

[44] Les marques de commerce créent de la confusion lorsqu’il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l’article 6(2) de la Loi :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits ou les services [. . .] liés à ces marques de commerce sont fabriqués [. . .] ou exécutés par la même personne […].

[45] L’article 6(2) ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais la confusion entre des produits ou des services provenant d’une source qui est considérée comme provenant d’une autre source. En l’espèce, la question que soulève l’article 6(2) est celle de savoir si les acheteurs des produits et services de la Requérante croiraient que ces produits et services ont été vendus, exécutés, autorisés, ou sont licenciés par l’Opposante qui vend ses produits et services agricoles sous les Marques SUNTERRA FARMS. Il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion.

Test en matière de confusion

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[51] La Requérante soutient que l’affidavit Price ne ventile pas les ventes par services ou produits spécifiques, et qu’il n’y a pas non plus de preuve d’un avis de liaison des Marques SUNTERRA FARMS de l’Opposante (ou de l’une de ses marques SUNTERRA) avec l’un ou l’autre de ses produits.

[52] Toutefois, compte tenu de l’ensemble de la preuve contenue dans l’affidavit Price, j’admets que les Marques SUNTERRA FARMS de l’Opposante sont devenues connues dans une large mesure, à tout le moins en ce qui concerne ses activités agricoles axées sur le bétail, dans la région du centre de l’Alberta. À cet égard, je suis d’accord avec la Requérante pour dire que l’Opposante semble être une société verticalement intégrée; c’est-à-dire que les produits agricoles de l’Opposante alimentent les épiceries de SUNTERRA pour [traduction] « des produits d’épicerie de base et des plats préparés sains vendus directement aux consommateurs » (affidavit Price, Pièce 4). En outre, l’affidavit Price démontre que les épiceries de détail de l’Opposante sont concentrées géographiquement dans les régions de Calgary et d’Edmonton, et que neuf de ces épiceries de détail proposent des produits de bœuf et de porc produits par l’Opposante. Cependant, M. Price déclare que les exploitations agricoles de l’Opposante produisent également du blé, du canola et de l’orge (affidavit Price, para 7, et voir les photographies de silos à grains de la Pièce 2), et il semble que sa réputation d’agriculteur soit, en partie, ancrée dans ses épiceries de détail, où [traduction] « Sunterra a marié avec succès et habileté l’agriculture de produits de base avec la vente au détail directe au consommateur d’une manière unique et déterminée » (affidavit Price, para 3). Bien que les preuves démontrant l’emploi remontent à 2001 (site Web sunterrafarms.ca, para 12, et Pièce 5, affidavit Price), la preuve de la réputation des Marques et du nom commercial de SUNTERRA FARMS et de la mesure à laquelle ils sont devenus connus au moyen de chiffres de vente significatifs commence en 2014 (115 millions de dollars, affidavit Price, para 8).

[53] La Requérante, pour sa part, soutient que sa preuve démontre l’emploi de sa marque nominale SUNTERRA HORTICULTURE au Canada depuis 2001. À l’appui, la Requérante présente des échantillons de factures datées de 2010 à 2020, des chiffres de revenus annuels datant de 2007 à 2018 (affidavit Dorish, para 8), des échantillons de photographies d’emballages de produits et des exemples d’activités promotionnelles comme la participation à des expositions et des extraits de sites Web. Elle note que M. Dorish a expliqué, lors de son contre-interrogatoire, que les dossiers financiers de la Requérante ne remontaient pas au-delà de 2007 et que, par conséquent, les chiffres de vente de 2001 à 2007 n’étaient pas disponibles. En ce qui concerne la marque composée figurative SUNTERRA HORTICULTURE, la facture la plus ancienne démontrant l’emploi de cette marque est datée de 2015; cette date coïncide avec la date de premier emploi revendiquée dans la demande.

[54] En l’absence de preuves supplémentaires concernant l’emploi de la marque nominale SUNTERRA HORTICULTURE de la Requérante avant 2007, il n’est pas possible d’établir l’étendue de cet emploi et de la révélation de cette marque. Toutefois, les chiffres de vente et les factures de la Requérante démontrent que sa marque nominale a été employée dans une certaine mesure depuis 2007, et que sa marque figurative composée a été employée de la même manière depuis 2015. Je reconnais donc que les Marques de la Requérante ont acquis un certain degré de caractère distinctif au cours de cette période, en notant que les ventes de la Requérante au cours de cette période au Canada s’élèvent à plus de 35 millions de dollars.

Article 6(5)b) – la durée d’emploi

[56] Conformément à l’analyse de l’article 6(5)a), la preuve d’emploi de l’Opposante est étayée à partir de 2001 (affidavit Price, para 12 et Pièce 5), tandis que la date de premier emploi étayée par la preuve de la Requérante est 2007 (affidavit Dorish, para 8, chiffres de vente).

[57] Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Articles 6(5)c) et d) – genre des produits ou services et nature du commerce

[58] Les Marques SUNTERRA FARMS de l’Opposante sont enregistrés en liaison avec les produits et services suivants :

[traduction]

Produits

Services

[59] L’Opposante soutient qu’il y a un chevauchement entre les produits de la Requérante et une partie des produits de l’Opposante, nommément [traduction] « ensilage; grains; foin; graines oléagineuses ». À cet égard, l’Opposante soutient que les captures d’écran du site Web figurant dans la Pièce G de l’affidavit Dorish décrivent la mousse de tourbe de la Requérante comme étant [traduction] « utilisée par les cultivateurs pour la production de légumes, de plantes à massif, de champignons », ainsi que comme étant [traduction] « largement utilisée comme support pour les cultivateurs qui mélangent leurs propres sols ». En outre, l’Opposante affirme que la mousse de tourbe de la Requérante peut être utilisée pour favoriser la croissance des différentes graines oléagineuses de l’Opposante.

[60] En outre, l’Opposante soutient que les produits et services de la Requérante peuvent généralement être décrits comme des produits et services agricoles, qui relèvent des mêmes classes de Nice que les produits et services de l’Opposante (à l’exception de la classe 40 de Nice).

[61] Enfin, l’Opposante soutient que les produits et services visés par la demande de la Requérante ne sont pas limités quant aux voies de commercialisation et que l’on peut donc supposer que les voies de commercialisation respectives des parties seraient les mêmes, étant donné que les produits et services de l’Opposante ne sont pas non plus limités quant aux voies de commercialisation. Ainsi, l’Opposante soutient que les produits, les activités et le commerce des parties sont très semblables.

[62] La Requérante affirme que, dans la présente affaire, les critères les plus importants à prendre en considération se trouvent aux articles 6(5)c) et d). À cet égard, la Requérante soutient qu’elle exploite une entreprise de récolte et de traitement de la mousse de tourbe de sphaigne, qui est utilisée par les serriculteurs commerciaux à grande échelle, les producteurs de champignons et de légumes, les promoteurs de terrains de golf, les vignobles et d’autres entreprises qui cultivent des produits horticoles. La Requérante affirme qu’elle ne vend pas à des clients au détail, mais seulement à d’autres entreprises, par commandes de 24 palettes de balles de mousse de tourbe de 1 800 à 2 000 livres.

[63] La Requérante soutient que les parties opèrent sur des marchés substantiellement différents : le marché de l’horticulture commerciale à grande échelle, d’entreprise à entreprise (la Requérante), et l’épicerie de détail, directement au consommateur (l’Opposante). La Requérante affirme que ses produits et services sont utilisés dans le secteur horticole et ne sont pas des produits agricoles.

[64] La Requérante demande au registraire de prendre connaissance de la définition du mot « agriculture » comme étant [traduction] « l’exploitation agricole et les méthodes utilisées pour cultiver les champs et élever du bétail, et s’en occuper ». La Requérante soutient que la mousse de tourbe n’entre pas dans cette définition; elle n’est pas cultivée et constitue une ressource naturelle dans les tourbières. (affidavit Dorish, Pièce A). Ainsi, la Requérante soutient qu’il n’y a pas de chevauchement entre les produits, les services ou les voies de commercialisation des parties.

[65] La Requérante compare la présente affaire à Triangle Tyre c Gestion André Touchette (2019), 164 CPR (4th) 131 (CF), et Alticor Inc c Nutravite Pharmaceuticals Inc [2004] FCJ no 268, dans lesquelles la preuve a démontré que [traduction] « le type probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties ne se chevauche pas et ne se chevauchera pas ». La Requérante soutient qu’il n’y a aucune preuve établissant que celle-ci vendra un jour ses produits au détail ou que l’Opposante vendra des produits à de grandes entreprises, ou que cette dernière vend actuellement ses produits agricoles bruts à des consommateurs autres que la propre entreprise de l’Opposante, de sorte [traduction] « qu’il n’y a qu’un chevauchement superficiel des produits et services des parties. »

[66] La Requérante soutient qu’alors que l’Opposante prétend que les produits de la Requérante pourraient être utilisés pour faire pousser les cultures de l’Opposante, le déposant (M. Dorish) a explicitement déclaré au cours du contre-interrogatoire qu’il n’a jamais vendu de mousse de tourbe de sphaigne à une entreprise qui l’utilisait pour la culture du tournesol, du soja, du maïs, du canola, des graines de coton, du carthame, des pépins de raisin ou de l’avoine. En fait, M. Dorish n’a jamais entendu parler d’une entreprise utilisant les produits et services de la Requérante pour la culture de produits agricoles.

[67] Enfin, la Requérante soutient que le fait que les produits et services des parties relèvent de la même classification de Nice ne signifie pas qu’ils sont identiques ou qu’ils se chevauchent, comme l’affirme l’Opposante. À cet égard, la Requérante soutient que même le système de classification de Nice établit une distinction entre l’horticulture et l’agriculture au sein des classes communes de Nice partagées par les parties; une distinction qui existe également pour d’autres domaines dans les mêmes classes de Nice, comme l’aquaculture et la foresterie.

[68] Cependant, il semble y avoir un chevauchement entre les produits et services des parties dans la mesure où ils sont tous deux liés à la culture et à la production de plantes ou de cultures, nommément [traduction] « ensilage, le grain, foin, graines oléagineuses » de l’Opposante et la « mousse de tourbe » de la Requérante.

[69] Si je dois prendre connaissance d’office de la définition du mot « agriculture » comme l’a demandé la Requérante, je le ferai également pour le mot « horticulture ». À cet égard, je note les définitions suivantes des mots « agriculture » et « horticulture » tirées du dictionnaire en ligne Merriam-Webster :

[traduction]

Agriculture : la science, l’art ou la pratique de la culture du sol, de la production des cultures et de l’élevage de bétail et, à des degrés divers, de la préparation et de la commercialisation des produits qui en résultent | défricher la terre afin de l’utiliser pour l’agriculture.

Horticulture : la science et l’art de cultiver des fruits, des légumes, des fleurs ou des plantes ornementales.

[70] Les deux définitions susmentionnées englobent la culture et la production des cultures, qui peuvent inclure des fruits et des légumes. Ainsi, s’il existe une distinction entre les deux termes, ils se recoupent également. Je tire cette conclusion indépendamment de la classification de Nice et, en effet, la Loi envisage la confusion nonobstant la classification de Nice.

[71] En ce qui a trait aux affaires invoquées par la Requérante, je conviens que la preuve de la nature véritable des commerces des parties est utile pour déterminer le type probable d’entreprise visé par les états déclaratifs des produits et/ou services de chacune des parties. Bien que j’aie déjà accepté que la preuve de l’Opposante démontre que ses produits Sunterra Farms (principalement des produits de viande) semblent alimenter principalement ses épiceries SUNTERRA, il y a également des preuves que les produits de l’Opposante sont des produits de base qui ne sont pas vendus par les épiceries de détail de l’Opposante (affidavit Price, Pièce 4).

[72] Enfin, la preuve démontre que les exploitations agricoles à grande échelle de l’Opposante comprennent des serres, une exploitation horticole, et M. Dorish a défini les serriculteurs comme des consommateurs des produits de la Requérante (affidavit Dorish, Pièce G). Par conséquent, je considère que le lien entre les produits et services de la Requérante et ceux de l’Opposante est plus que [traduction] « superficiel ».

[73] En conséquence, étant donné que j’estime qu’il y a un chevauchement des produits et services et des activités des parties, ce facteur favorise l’Opposante.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance

[78] Compte tenu de ce qui précède, ce facteur favorise l’Opposante.

Circonstances de l’espèce – famille de marques de commerce

[79] Lorsqu’il existe une famille de marques de commerce, il peut exister une plus grande probabilité que le public estime qu’une marque de commerce qui est semblable constitue une autre marque de commerce de la famille et, de ce fait, suppose que le produit ou le service lié à cette marque de commerce est fabriqué ou réalisé par la même personne. Toutefois, on ne peut pas présumer qu’il existe une famille de marques dans le cadre d’une procédure d’opposition. Une partie qui cherche à invoquer une famille de marques doit démontrer qu’elle emploie plus d’une ou deux des marques de commerce faisant partie de la présumée famille [Techniquip Ltd c Assoc olympique canadienne (1998), 145 FTR 59 (CF 1re inst), conf. par (1999), 3 CPR (4th) 298 (CAF); Now Communications Inc v CHUM Ltd (2003), 32 CPR (4th) 168 (COMC) au para 35].

[80] De plus, lorsqu’une famille de marques est invoquée, une considération pertinente est celle de savoir si la caractéristique commune aux marques de l’Opposante se trouve dans des marques de commerce appartenant à d’autres personnes [Techniquip, précité]. L’Opposante soutient qu’elle a produit la preuve de l’état du registre par le biais de l’affidavit Buckingham, qui démontre qu’elle possède 24 enregistrements de marques comportant le mot SUNTERRA. En outre, l’Opposante soutient que l’état du registre montre qu’il n’y a pas d’autres enregistrements de la marque de commerce SUNTERRA détenus par des tiers dans les classes de Nice partagées par la Requérante et l’Opposante.

[81] La Requérante soutient qu’il faut accorder peu ou pas de poids à la preuve de Mme Buckingham, car celle-ci n’a effectué qu’une recherche restreinte du mot SUNTERRA dans des classes spécifiques de Nice. En outre, la Requérante soutient que Mme Buckingham n’a pas recherché de variations visuelles ou sonores semblables du terme SUNTERRA, et qu’elle n’a pas non plus compris des classes de produits qui chevaucheraient les produits et services de l’Opposante.

[82] S’il est vrai que les paramètres de recherche de Mme Buckingham étaient étroits pour les raisons invoquées par la Requérante, je suis convaincue que l’Opposante a établi une famille de marques SUNTERRA au moyen de l’affidavit Price. À cet égard, il existe des preuves d’emploi de plusieurs Marques SUNTERRA, notamment Sunterra Market et Sunterra Market & Design (affidavit Price, Pièces 6, 7, 8 et 9), Sunterra Farms et Sunterra Farms & Design (affidavit Price, Pièces 2, 5 et 6), Sunterra (affidavit Price, Pièces 5 et 6) et Sunterra Catering (affidavit Price, Pièce 6). Il existe également une preuve d’emploi de la marque de commerce SUNTERRA MEATS (affidavit Price, Pièces 5, 6 et 8). En outre, il ressort clairement des éléments de preuve que la famille de marques et l’activité de l’Opposante ont leurs racines dans l’agriculture et sont devenues bien connues à cet égard. En effet, compte tenu de la preuve d’emploi de ces marques, y compris que l’Opposante possède neuf épiceries Sunterra Market, exploite deux installations de transformation de la viande Sunterra Meats ainsi qu’une grande exploitation agricole établie depuis longtemps, et que les recettes de Sunterra entre 2014 et 2018 dépassaient 750 000 000 $, dont 115 000 000 $ à titre de recettes générées liaison avec les Marques SUNTERRA FARMS (affidavit Price, para 8), je suis disposée à déduire que les consommateurs reconnaîtraient les marques susmentionnées comme une « famille » de marques de commerce de Sunterra. J’ajouterai que la Requérante n’a pas démontré que la caractéristique commune aux marques de l’Opposante, à savoir « Sunterra », se trouve dans des marques de commerce appartenant à d’autres personnes.

[83] Par conséquent, j’estime qu’il s’agit là d’une circonstance de l’espèce qui favorise l’Opposante.

Circonstances de l’espèce – confusion sur le marché

[84] L’Opposante soutient qu’elle a produit la preuve d’une confusion réelle par l’affidavit Mazutinec.

[85] La Requérante soutient cependant que le témoignage de M. Mazutinec constitue du ouï-dire et qu’il est incomplet; il n’est ni fiable ni nécessaire, et il ne fournit pas de date à laquelle la communication alléguée a eu lieu ni de copie du courriel.

[86] La Requérante soutient en outre [traduction] « [qu’]en l’absence du témoignage de M. Mazutinec concernant un prétendu échange de courriels avec un Américain pris au hasard, la preuve démontre en fait que [les marques des parties] coexistent sur le marché canadien depuis […] le mois d’août 2001 ». La Requérante soutient que, malgré cette longue coexistence, l’Opposante n’a produit aucune preuve fiable d’une confusion réelle chez les consommateurs canadiens, et qu’il convient donc de tirer une conclusion négative concernant la probabilité d’une confusion.

[87] Je conviens que le seul cas de confusion allégué constitue du ouï-dire et, de toute façon, ne fait pas renvoi à un cas allégué avec un consommateur canadien.

[88] En ce qui concerne la coexistence, je note que M. Dorish déclare dans son affidavit qu’il [traduction] « n’a jamais eu connaissance d’un cas où un client ou un client éventuel aurait demandé à l’un de nos représentants commerciaux ce qu’était Sunterra Foods ou si nous étions liés d’une manière ou d’une autre à l’épicerie ». Cette déclaration, cependant, ne fait pas renvoi à SUNTERRA FARMS.

[89] En outre, les preuves fournies par l’Opposante montrent que ses activités sont concentrées en grande partie dans le centre de l’Alberta. D’autre part, la preuve de la Requérante montre que ses produits sont récoltés en Saskatchewan (affidavit Dorish, Pièce A), avec des factures émises à partir du Manitoba à des clients presque exclusivement au Nouveau-Brunswick, au Québec, au Manitoba, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique (affidavit Dorish, Pièce D). La Pièce D ne comporte qu’une seule facture reflétant une vente en Alberta, qui est datée du 26 septembre 2019, soit moins d’un mois avant la date de l’affidavit de M. Dorish. Il semble donc que les produits et services des parties ne se sont jamais chevauchés géographiquement dans une mesure qui permettrait de démontrer une coexistence de façon significative.

[90] Compte tenu de ce qui précède, je ne trouve pas qu’il s’agit d’une circonstance de l’espèce qui favorise l’une ou l’autre des parties.

Conclusion

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[93] L’Opposante soutient que les Marques de la Requérante ne sont pas distinctives au sens de l’article 2 de la Loi puisqu’elles ne distinguent pas, et ne sont pas adaptées pour distinguer, les produits et services présentés dans les Demandes des produits et services de tiers, y compris ceux de l’Opposante.

[94] Afin de s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, l’Opposante doit établir qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 21 août 2018, une ou plusieurs des Marques SUNTERRA de l’Opposante ou le nom commercial de l’Opposante Sunterra étaient devenus connus dans une mesure suffisante pour annuler le caractère distinctif des Marques. Dans Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF) au para 33, la Cour fédérale a indiqué qu’une marque pouvait annuler le caractère distinctif d’une autre marque si elle était connue dans une certaine mesure au Canada ou si elle est bien connue dans une région particulière du Canada.

[95] La Requérante soutient que la preuve de l’Opposante n’établit pas que les Marques SUNTERRA de l’Opposante ont acquis une réputation suffisante sur le marché canadien pour annuler le caractère distinctif des Marques.

[96] Je ne suis pas d’accord. Je suis convaincue que l’affidavit de M. Price démontre que les marques SUNTERRA de l’Opposante sont devenues bien connues dans le centre de l’Alberta. J’ai accepté que l’affidavit Price démontre l’emploi d’une famille de marques de commerce SUNTERRA, avec d’importantes ventes connexes pendant de nombreuses années.

[97] De plus, la différence dans la date pertinente sous ce motif d’opposition n’a aucune influence sur mes conclusions relatives au motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d). Par conséquent, compte tenu de la probabilité de confusion entre les Marques et les Marques SUNTERRA FARMS de l’Opposante, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque avait un caractère distinctif en date du 21 août 2018.

[98] Par conséquent, le motif d’opposition relatif au caractère distinctif est accueilli.

Autres motifs d’opposition – articles 16(1)a), b), et c)

[99] Puisque j’ai déjà conclu en faveur de l’Opposante à l’égard de ses motifs d’opposition fondés sur les articles 12(1)d) et 2, j’omettrai d’aborder les autres motifs d’opposition fondés sur les articles 16(1)a), b), et c).

Décision

[100] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette les demandes selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

_______________________________

Kathryn Barnett

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

 

Le français est conforme aux WCAG.


Annexe A

Marques SUNTERRA de l’Opposante

Marque de commerce

Numéro d’enregistrement

Produits et Services

SUNTERRA FARMS

LMC578,838

 

[traduction]

Produits :

Services :

SUNTERRA FARMS & Design

LMC578,676

SUNTERRA MARKETPLACE & DESIGN

LMC518,902

[traduction]

Produits :

Produits alimentaires, nommément : fruits et légumes frais, viandes et volaille fraîches et surgelées; produits laitiers, nommément : lait, beurre, fromage, yogourts, crème glacée; produits préparés à base de viande, nommément : plats de résistance préparés à la viande et à la volaille, plats de résistance prêts à cuire, plats de résistance prêts à servir, plats de résistance prêts à réchauffer; charcuterie; plats cuisinés, nommément : salades préparées, sandwiches; produits de boulangerie, nommément : pains, brioches, gâteaux, biscuits, tartelettes, croissants, pains cuits en galette, tartes; desserts préparés, nommément : crèmes-desserts préparées, gélatine, desserts prêts à servir; poissons frais et surgelés; crustacés frais et surgelés; boissons, nommément : café, thé, jus, eau embouteillée, boissons gazeuses; plateaux d’aliments contenant un assortiment de produits alimentaires, nommément : craquelins, viandes préparées, fruits, et fromages; paniers à offrir contenant des fruits ou d’autres produits alimentaires, nommément : thé, café, craquelins, biscuits à levure chimique, biscuits, confitures, gelées et fromages.

Services :

SUNTERRA CATERING

LMC549,589

SUNTERRA MARKETPLACE & Design

LMC549,616

SUNTERRA CATERING & Design

LMC549,590

SUNTERRA MARKET & Design

LMC549,517

SUNTERRA CELLAR

LMC580,268

[traduction]

Services :

SUNTERRA CELLAR & Design

LMC644,374

SUNTERRA BISTRO & DESIGN

 

LMC516,265

[traduction]

Services :

SUNTERRA MARKETPLACE

LMC583,190

SUNTERRA MARKETPLACE

LMC578,965

[traduction]

Services :

SUNTERRA FRESH REWARDS

LMC581,760

[traduction]

Services :

SUNTERRA FRESH REWARDS & Design

LMC583,280

SUNTERRA & DESIGN

LMC581,803

[traduction]

Services :

SUNTERRA

LMC578,601

SUNTERRA CELLAR

LMC520,416

[traduction]

Produits :

SUNTERRA CELLAR & DESIGN

LMC516,268

SUNTERRA

LMC584,720

[traduction]

Produits :

SUNTERRA & DESIGN

LMC582,298

SUNTERRA BISTRO

LMC510,051

[traduction]

Services :

SUNTERRA MARKET

LMC424,572

[traduction]

Produits :

Services :

SUNTERRA MARKET & DESIGN

LMC424,573

 


 

Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2023-01-23

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Eric Macramalla

Pour la Requérante : Mitchell Charness

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Gowling WLG (Canada) LLP

Pour la Requérante : Ridout & Maybee LLP

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