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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 041

Date de la décision : 2023-03-07

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : Obsidian Group Inc.

Propriétaire inscrite : Party Beverages Limited

Enregistrement : LMC284,310 pour FREDDA

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‐13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC284,310 pour la marque de commerce FREDDA (la Marque).

[2] La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les
[traduction] « Boissons non gazeuses et gazeuses non alcoolisées » (les Produits).

[3] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être radié.

La procédure

[4] Le 19 août 2021, à la demande de Obsidian Group Inc. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi à Party Beverages Limited (la Propriétaire).

[5] L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des Produits, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, de préciser la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer que la Marque a été employée est du 19 août 2018 au 19 août 2021 (la période pertinente).

[6] La définition pertinente d’« emploi » en l’espèce est énoncée à l’article 4(1) de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[7] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a fourni l’affidavit de Sarath Lankage, le président de la Propriétaire, souscrit le 20 mai 2022 en Ontario.

[8] Seule la Partie requérante a produit des observations écrites. Aucune audience n’a été tenue.

La preuve du Propriétaire

[9] Le déposant explique que la Propriétaire emploie la Marque en liaison avec des boissons gazeuses non alcoolisées, en particulier en tant [traduction] « [qu’]apéros gazeux », couramment définis comme des sodas. La fabrication, la distribution et la vente sont assurées par un tiers, National Dry Company Limited (National Dry) [para 3], tandis que la Propriétaire [traduction] « exerce un contrôle sur tous les aspects de la nature ou de la qualité du soda » [para 4].

[10] Le déposant déclare que [traduction] « La vente la plus récente de soda de marque FREDDA par National Dry à un sous-distributeur était celle de 516 bouteilles, qui a eu lieu en juillet 2018 » [para 5], ce qui se situe à l’extérieur de la période pertinente. Au paragraphe 6, le déposant ajoute que :

[traduction]

« Toutefois, en raison de la manière dont le soda de marque FREDDA de mon entreprise est distribué et vendu au Canada avant d’atteindre le consommateur final, et du fait que la dernière vente du produit à un sous-distributeur a eu lieu quelques semaines avant le début de la période pertinente, le consommateur final pouvait toujours trouver et acheter le soda de marque FREDDA sur les étagères des magasins pendant la période pertinente. ».

[11] Le déposant explique également que le [traduction] « soda a une durée de conservation de 12 mois » et que, compte tenu de sa pratique normale du commerce et du fonctionnement de ses voies de distribution, [traduction] « de nombreux mois s'écouleront avant que le soda de marque FREDDA ne soit entre les mains du consommateur final et que le produit ne soit en rupture de stock chez les détaillants et les services d'alimentation » [para 3].

[12] Au paragraphe 14, le déposant poursuit en déclarant que

[traduction]

« [...] Je peux affirmer en toute confiance que l’emploi du soda de marque FREDDA a eu lieu au cours de la période pertinente en raison de la manière dont mon entreprise a vendu ses produits au Canada pendant plus de trente ans et en raison de la longue durée de conservation du produit FREDDA qui était disponible sur les étagères des magasins aux fins de vente aux consommateurs finaux au cours de la période pertinente. »

[13] Les pièces suivantes sont jointes à l’affidavit :

[14] Le déposant explique que les clients et les distributeurs demandaient que le produit soit disponible en format de 250 ml afin de réduire le nombre de portions par bouteille [para 8]. Le déposant explique en outre qu’il a été difficile de trouver un fournisseur pour les bouteilles de 250 ml [para 9] et que la pandémie de COVID-19 a entraîné une perturbation majeure de la chaîne d’approvisionnement en bouteilles [para 10]. La Propriétaire a trouvé un nouveau fournisseur de bouteilles en Europe, mais à un coût nettement plus élevé, ce qui l’a disqualifié en tant qu’option viable [para 10]. L’affidavit ne précise pas quand exactement ces événements ont eu lieu.

[15] Le déposant poursuit en expliquant la façon dont la pandémie a perturbé l’industrie, provoquant, entre autres, des problèmes de chaîne d’approvisionnement et une réduction des ventes [para 11], et que [traduction] « toutes ces perturbations ont été sans précédent et ont empêché mon entreprise de reprendre les ventes du produit de marque FREDDA à ce jour » [para 12]. Le déposant indique que la Propriétaire a reçu de nombreuses demandes pour les Produits, a obtenu des bouteilles de 355 ml, travaille activement à l’approvisionnement en ingrédients et a l’intention de reprendre la vente des Produits [traduction] « plus tard cette année » [para 13]. Encore une fois, l’affidavit ne précise pas quand exactement ces événements ont eu lieu.

Analyse et motifs de la décision

Irrecevabilité des preuves présentées dans les observations écrites

[16] À titre préliminaire, je note qu’à l’étape des observations écrites, la Partie requérante a produit un affidavit contenant des faits qui ne sont pas en preuve. Ces observations seront écartées [Ridout & Maybee LLP c Encore Marketing International Inc (2009), 72 CPR (4th) 204 (COMC)]. De plus, dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 45, le registraire ne peut recevoir que la preuve présentée par le propriétaire inscrit ou en son nom [Meredith & Finlayson c Canada (Registraire des marques de commerce) (1991), 40 CPR (3d) 409 (CAF)].

Emploi de la Marque

[17] La Partie requérante soutient qu’aucun poids ne devrait être accordé à tout élément de preuve fourni par le déposant en ce qui concerne le National Dry. Toutefois, sur la base de la déclaration du déposant selon laquelle la Propriétaire exerce un contrôle sur tous les aspects de la nature et de la qualité du soda, je suis disposé à accepter que le déposant connaît les activités de National Dry et que tout emploi de la Marque par National Dry profiterait à la Propriétaire [voir Empresa Cubana Del Tobaco Trading c Shapiro Cohen, 2011 CF 102, au para 84].

[18] Bien qu’il ne soit pas obligatoire de produire des factures pour répondre de façon satisfaisante à un avis prévu à l’article 45 [voir Lewis Thomson & Son Ltd c Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 CPR (3d) 483 (CF 1re inst)], une certaine preuve que des transferts ont eu lieu dans la pratique normale du commerce au Canada au cours de la période pertinente est nécessaire [John Labatt Ltd c Rainier Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)]. Une telle preuve peut prendre la forme de documents comme des factures et des rapports de vente, mais elle peut aussi être obtenue à l’aide de déclarations assermentées claires quant aux volumes de ventes, à la valeur en dollars des ventes ou à des données factuelles équivalentes [voir, par exemple, 1471706 Ontario Inc c Momo Design srl, 2014 COMC 79].

[19] En l'espèce, le déposant a fourni deux factures faisant état de ventes de sodas à des entités canadiennes en février et mars 2018, et a fait renvoi à une vente de 516 bouteilles à un sous-distributeur en juillet 2018; toutes les transactions commerciales ont eu lieu en dehors de la période pertinente. Comme le fait remarquer la Partie requérante, aucune facture n’est jointe quant à cette dernière vente, et le déposant ne confirme pas explicitement que cette vente a eu lieu au Canada ou que cette transaction a finalement abouti à des ventes à des consommateurs canadiens pendant la période pertinente.

[20] Bien que le déposant fasse renvoi à sa pratique normale du commerce aux paragraphes 3, 6 et 14, selon laquelle [traduction] « de nombreux mois s’écoulent avant que le soda de marque FREDDA ne soit entre les mains du consommateur final », il n'y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour me permettre de conclure que les produits vendus dans le cadre des transactions de février, mars et juillet ont été vendus à des consommateurs finaux au Canada au cours de la période pertinente. À cet égard, le registraire doit pouvoir [traduction] « se fonder sur une inférence tirée de faits établis plutôt que sur de la spéculation » pour veiller à ce que chaque élément qu’exige la Loi soit satisfait [voir Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184; voir également Smart & Biggar c Curb, 2009 CF 47]. Les déclarations non étayées, telles que celles des paragraphes 6 et 14 reproduits ci-dessus, ne sont pas des faits avérés, mais de simples déclarations ou de la spéculation.

[21] En outre, l’offre des Produits pendant la période pertinente ne suffit pas à elle seule; il est nécessaire de produire une preuve de transferts dans la pratique normale du commerce au Canada [voir, par exemple, Molson Cos c Halter (1976), 28 CPR (2d) 158 (CF 1re inst); et Gowling, Strathy & Henderson c Royal Bank (1995), 63 CPR (3d) 322 (CF 1re inst)].

[22] De plus, la Partie requérante soutient, et je suis d’accord, que la preuve est muette quant à tout emploi de la Marque en liaison avec des boissons [traduction] « non gazeuses ».

[23] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque au Canada au sens des articles 4 et 45 de la Loi. Je vais maintenant examiner et analyser les circonstances spéciales présentées pour justifier le défaut d’emploi.

Circonstances spéciales

Le test en matière de circonstances spéciales

[24] Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été établie, le registraire doit d’abord déterminer, à la lumière de la preuve, les raisons pour lesquelles la marque de commerce n’a pas été effectivement employée pendant la période pertinente. Ensuite, le registraire doit déterminer si ces raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF) (Harris Knitting Mills)]. La Cour fédérale a conclu que les circonstances spéciales sont des circonstances ou des raisons qui sont [traduction] « inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles » [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst)].

[25] Si le registraire détermine que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit quand même déterminer si ces circonstances justifient la période du défaut d’emploi. Cette détermination repose sur l’examen de trois critères : (i) la durée de la période pendant laquelle la marque de commerce n’a pas été employée; (ii) la question de savoir si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et (iii) la question de savoir s’il existe une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque à court terme [Harris Knitting Mills].

[26] La pertinence du premier critère est évidente, puisque les raisons qui peuvent justifier une brève période de défaut d’emploi peuvent ne pas suffire pour justifier une période étendue de défaut d’emploi; autrement dit, les raisons du défaut d’emploi seront soupesées contre la période du défaut d’emploi [Harris Knitting Mills].

[27] Ces trois critères sont tous pertinents, mais le respect du deuxième critère est essentiel pour conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [Smart & Biggar c Scott Paper Ltd, 2008 CAF 129 (Scott Paper)].

[28] L’intention de reprendre l’emploi à court terme doit être justifiée par « un fondement factuel suffisant » [NTD Apparel Inc c Ryan (2003), 27 CPR (4th) 73 (CF 1re inst) (NTD Apparel)].

Pourquoi la marque de commerce n’a-t-elle pas été employée pendant la période pertinente?

[29] Selon l’affidavit Lankage, le dernier emploi de la Marque aurait eu lieu en juillet 2018 [para 5] et les dernières factures de vente des Produits sont datées de février et mars 2018 [Pièce B]. La Marque a donc été employée pour la dernière fois entre mars et juillet 2018.

[30] Bien que la Propriétaire n’ait pas présenté d’observations, comme il est indiqué dans l’affidavit, il semblerait que les raisons pour lesquelles la Propriétaire n’a pas employé la Marque au cours de la période pertinente étaient les suivantes : la décision de modifier la taille des bouteilles en fonction des réactions des distributeurs et des consommateurs; les difficultés à trouver un nouveau fournisseur de bouteilles et les coûts plus élevés; et la pandémie de COVID-19.

[31] Ainsi, si les déclarations du déposant sont prises sans réserve, la raison du défaut d’emploi de la Marque pendant la période pertinente semble être une combinaison de la décision de la Propriétaire de tenir compte des commentaires des distributeurs et des consommateurs quant à la taille des bouteilles et de la décision de la Propriétaire de rejeter le fournisseur européen de bouteilles en raison de son coût élevé, toutes choses qui ont été compliquées par la pandémie qui a commencé au milieu de la période pertinente.

Les raisons du défaut d’emploi constituent-elles des circonstances spéciales?

[32] Même en acceptant les circonstances décrites dans l’affidavit sans réserve, elles ne constituent pas des circonstances spéciales. Par exemple, le déposant n’explique pas comment la recherche d’une autre taille de bouteille aurait empêché la Propriétaire de continuer à fabriquer et à distribuer les Produits dans des bouteilles de 355 ml pendant la période pertinente. En outre, si la pandémie a pu perturber les activités de la Propriétaire à partir de mars 2020, elle ne représentait que moins de la moitié de la période pertinente, et malgré les difficultés de la Propriétaire à s'approvisionner en bouteilles de 250 ml pendant la pandémie, il n’est pas clair que la Propriétaire aurait repris les ventes au cours de la période pertinente même en l’absence de telles difficultés.

[33] Étant donné que le dernier emploi a eu lieu en 2018, peu avant l’avis du registraire en vertu de l’article 45, l’absence initiale d’emploi semble être le résultat d’une décision commerciale volontaire de changer la taille de la bouteille des Produits. « Qu’elle soit aggravée par la pandémie ou non, une telle décision commerciale volontaire ne constitue pas des circonstances qui sont “inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles” » [BenefitHub, Inc c Frontline Centre Inc, 2021 COMC 233, au para 22].

Les circonstances justifieraient-elles le défaut d’emploi?

[34] Quoi qu’il en soit, même si je devais accepter que les circonstances du propriétaire puissent être considérées comme des circonstances « inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles », je ne suis pas convaincu qu’elles justifient la période du défaut d’emploi en l’espèce. À cet égard, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a respecté les critères établis dans Harris Knitting Mills.

[35] Bien que la période du défaut d’emploi soit relativement courte puisqu'elle a commencé entre mars et juillet 2018, la question de savoir en quoi la décision commerciale de la Propriétaire de changer la taille de sa bouteille était indépendante de sa volonté n’est pas claire. La conclusion que les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté de la propriétaire inscrite est essentielle pour conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [voir Scott Paper]; ce n’est pas le cas en l’espèce.

[36] En outre, l’intention de la Propriétaire de reprendre la vente du produit est au mieux vague et générique, soit [traduction] « plus tard dans l’année », et n’est pas étayée par des éléments factuels. Les circonstances spéciales constituent une exception à la règle générale selon laquelle une marque de commerce qui n’est pas employée doit être radiée [voir NTD Apparel]; les preuves en l’espèce sont insuffisantes pour qu’il s'agisse d’une exception.

Décision

[37] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

_______________________________

Martin Béliveau

Président

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

 

 

Le français est conforme aux WCAG.


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Pour la Partie requérante : CPST Intellectual Property Inc.

Pour la Propriétaire inscrite : Aventum IP Law LLP

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