Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 042

Date de la décision : 2023-03-08

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

Opposante : David Chapman’s Ice Cream Limited/David Chapman’s Ice Cream Limitée

Requérante : Lidl Stiftung & Co. KG

Demande : 1,899,891 pour Little Octo

Introduction

[1] Lidl Stiftung & Co. KG (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce Little Octo (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1,899,891 (la Demande) en liaison avec les produits suivants (les Produits) :

[traduction]

Glace, crème glacée, yogourts glacés et sorbets; confiseries glacées; confiseries glacées contenant de la crème glacée. (les Produits)

[2] David Chapman’s Ice Cream Limited/David Chapman’s Ice Cream Limitée (l’Opposante) s’oppose à la Demande en raison de la confusion alléguée avec ses marques de commerce déposées LI’L qui constituent sa famille de marques LI’L et qui ont été employées antérieurement au Canada par l’Opposante en liaison avec une gamme de confiseries glacées et de produits de crème glacée, ainsi qu’avec des confiseries de yogourt glacé. Les détails complets des enregistrements de l’Opposante sont indiqués à l’annexe A des présentes.

[3] Pour les raisons qui suivent, l’opposition est accueillie.

Le dossier

[4] La Demande a été produite le 18 mai 2018 et revendique une date de priorité fondée sur une demande d’enregistrement correspondante produite en Allemagne, le 4 décembre 2017. La demande d’enregistrement de la Marque est fondée sur deux motifs : l’emploi projeté de la Marque au Canada; et son enregistrement et son emploi en Allemagne en liaison avec le même type de produits. La Demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 8 janvier 2020.

[5] L’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), le 7 juillet 2020, laquelle a été modifiée subséquemment par l’Opposante, après y avoir été autorisée par le registraire le 13 août 2020, en réponse à la demande de la Requérante sollicitant une décision interlocutoire concernant le caractère suffisant de certains paragraphes de la déclaration d’opposition. Par une décision interlocutoire rendue simultanément, le registraire a radié certains des motifs d’opposition invoqués dans la déclaration d’opposition modifiée. Les autres motifs d’opposition sont fondés sur la non‑enregistrabilité de la Marque en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, l’absence de droit à l’enregistrement de la Requérante en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi et l’absence de caractère distinctif de la Marque en vertu de l’article 2 de la Loi, qui concernent tous la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce déposées LI’L de l’Opposante.

[6] Le 9 septembre 2020, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration réfutant les motifs d’opposition.

[7] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de son vice-président, David Chapman, d’abord souscrit le 8 janvier 2021, puis de nouveau souscrit le 5 octobre 2021 (collectivement, l’affidavit Chapman). L’affidavit Chapman porte sur la question de l’emploi par l’Opposante de ses marques de commerce déposées LI’L susmentionnées. M. Chapman n’a pas été contre-interrogé au sujet de son affidavit.

[8] À l’appui de sa Demande, la Requérante a produit la déclaration solennelle de Karine Pommier, une agente de marques de commerce travaillant au sein du service des marques de commerce de l’agent de la Requérante, datée du 23 mars 2021 (la Déclaration Pommier). La Déclaration Pommier vise à produire en preuve les détails de divers enregistrements et demandes d’enregistrement de marques de commerce imprimés à partir de la Base de données sur les marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC). Mme Pommier a été contre-interrogée au sujet de sa déclaration solennelle, et la transcription de son contre-interrogatoire et les réponses aux engagements ont été versées au dossier, comme il en sera discuté ci-dessous.

[9] Seule l’Opposante a produit des observations écrites et était représentée à l’audience.

Remarques préliminaires

[10] À titre préliminaire, je note que, tant dans ses observations écrites qu’à l’audience, l’Opposante s’est opposée à l’admissibilité de la Déclaration Pommier et a soutenu que celle-ci devrait être radiée du dossier, puisque la preuve produite par la Requérante [traduction] « est essentiellement la preuve de M. Laurent Carrière (un associé [du cabinet de l’agent de marques de commerce de la Requérante]), produite au nom d’un agent de marques de commerce ».

[11] Plus particulièrement, l’Opposante soutient [traduction] « [qu’]il est devenu clair, lors de son contre-interrogatoire, qu’une grande partie de [la preuve de Mme Pommier] constituait un ouï-dire inadmissible ou était fondée sur des renseignements qui lui avaient été fournis par M. Carrière », en ce sens que Mme Pommier n’a pas :

  • n’avait pas préparé la liste des marques de commerce jointes à son affidavit;
  • ne connaissait pas les paramètres de la façon dont M. Carrière a établi la liste;
  • n’était pas au courant des recherches effectuées par M. Carrière et des sources sur lesquelles il s’est appuyé pour établir la liste;
  • ne savait pas si M. Carrière avait écarté des marques de commerce, entre autres.

[12] Toutefois, comme il est expliqué plus en détail dans la transcription du contre-interrogatoire et les réponses aux engagements, la Déclaration Pommier vise simplement à produire en preuve les détails d’une liste d’enregistrement et de demandes d’enregistrement de marques de commerce qu’elle avait reçue de M. Carrière (Pièce KPO-1), ainsi qu’à imprimer ces détails à partir de la Base de données sur les marques de commerce de l’OPIC (Pièce KPO-2). Bien qu’il puisse y avoir un élément subjectif dans la façon dont la liste de marques de commerce a été compilée, les renseignements présentés dans la Pièce KPO-2 sont essentiellement le reflet des dossiers existants du Bureau des marques de commerce. La Requérante aurait pu choisir de produire des copies certifiées de chacun de ces enregistrements et demandes d’enregistrement de marque de commerce. La Requérante a plutôt choisi de produire en preuve les détails de ces enregistrements et demandes d’enregistrement de marque de commerce à titre de pièces jointes à la Déclaration Pommier.

[13] Compte tenu de ce qui précède, je refuse de radier la Déclaration Pommier du dossier. Cela dit, et comme il en sera discuté ci-dessous, il y a des limites quant au poids à accorder à la Déclaration Pommier.

Analyse des motifs d’opposition

Non-enregistrabilité de la Marque

[14] L’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec ses marques de commerce déposées LI’L qui constituent sa famille de marques LI’L.

[15] J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire pour confirmer si tous les enregistrements invoqués par l’Opposante sont en règle à la date d’aujourd’hui, qui est la date pertinente pour l’évaluation d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) [Park Avenue Furniture Corp c Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)]. À cet égard, je note que les enregistrements no LMC626762 et no LMC627607 pour les marques de commerce LI’L BERRY et LI’L JUICY, respectivement, ont tous deux été radiés le 24 septembre 2020 et ne peuvent donc plus étayer un motif fondé sur la non-enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi.

[16] Étant donné que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ses sept autres marques de commerce déposées, la Requérante doit donc établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l’un ou l’autre de ces autres enregistrements invoqués par l’Opposante qui constituent sa famille de marques LI’L.

[17] À cet égard, j’insiste sur le fait que les marques déposées de l’Opposante doivent être examinées individuellement, et non collectivement en tant que « famille de marques », aux fins de l’évaluation de la probabilité de confusion avec la Marque. Toutefois, comme il en sera discuté ci-dessous, la preuve de l’existence d’une famille de marques est une circonstance pertinente dans chaque procédure. Cela dit, à moins d’indication contraire, je concentrerai mon analyse sur la marque de commerce LI’L LOLLY’S de l’opposante, enregistrée sous le no LMC597848.

Test en matière de confusion

[18] Le critère en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[19] Par conséquent, l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais la confusion portant à croire que les produits ou les services provenant d’une des sources proviennent d’une autre source. En l’espèce, la question est essentiellement de savoir si un consommateur, qui a un souvenir imparfait de la marque de commerce LI’L LOLLY’S de l’Opposante, qui voit les Produits de la Requérante en liaison avec la Marque, penserait qu’ils sont vendus par l’Opposante ou autrement proviennent de cette dernière, ou qu’ils sont approuvés, autorisés ou appuyés par l’Opposante.

[20] Lorsqu’il applique le critère en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, y compris dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. De plus, le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même et varie en fonction des circonstances [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 pour un examen approfondi des principes généraux qui régissent le critère en matière de confusion].

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[21] Les marques de commerce des parties possèdent un caractère distinctif inhérent dans le contexte de leurs produits liés, bien que, sans doute moins dans le cas de la marque de commerce de l’Opposante compte tenu de la connotation suggestive ou du caractère descriptif du deuxième élément, LOLLY’S, qui évoque le mot « lollypop » [sucette] dans le contexte des confiseries glacées et des produits de crème glacée de l’Opposante. Je reviendrai sur ce point au moment d’évaluer le degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties dans les idées qu’elles suggèrent.

[22] Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être renforcé en la faisant connaître par sa promotion ou son emploi.

[23] Rien n’indique que la Marque a été employée ou est devenue connue au Canada en liaison avec les Produits dans une certaine mesure.

[24] En revanche, la preuve d’emploi des marques de commerce déposées LI’L de l’Opposante, produite au moyen de l’affidavit Chapman, établit un emploi assez large de la marque de commerce LI’L LOLLY’S, selon mon examen ci-dessous de l’affidavit Chapman.

L’Affidavit Chapman

[25] Étant donné que la preuve de l’emploi de ses autres marques de commerce déposées LI’L sera pertinente en tant qu’autre circonstance de l’espèce, je résume ci‑dessous les parties de l’affidavit Chapman que je considère comme les plus pertinentes en ce qui a trait à la mesure dans laquelle la marque de commerce LI’L LOLLY’S de l’Opposante et ses autres marques de commerce déposées invoquées qui constitue la famille de marques LI’L ont été employées et promues.

[26] M. Chapman atteste essentiellement ce qui suit :

  • l’Opposante est une entreprise familiale qui a été créée par les parents de M. Chapman. L’entreprise de l’Opposante est passée d’une petite crèmerie à Markdale (Ontario), en 1973, à l’un des plus grands fabricants indépendants de crème glacée au Canada, connu sous le nom de « CHAPMAN’S » [para 1 et 3];
  • en juillet 2007, l’Opposante comptait 85 distributeurs indépendants qui travaillaient pour elle, dont 25 distributeurs répartis partout à Terre-Neuve, au Nouveau-Brunswick, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Colombie-Britannique, au Québec et au Labrador, et en octobre 2020, l’Opposante comptait toujours plus de 85 distributeurs qui travaillaient pour elle [para 4];
  • l’Opposante offre des produits de crème glacée de [traduction] « qualité » depuis plus de 45 ans. À l’heure actuelle, l’Opposante est le [traduction] « premier » producteur indépendant de crèmes glacées en Ontario, le plus grand fabricant de yogourts glacés et de sorbets au Canada, et le troisième plus grand fabricant de crèmes glacées et de produits nouveaux au Canada (derrière Nestlé et Unilever) [para 5 et Pièce A – extraits du site Web de l’Opposante situé à l’adresse www.chapmans.ca];
  • au fil des ans, l’Opposante a déployé un effort concerté pour se distinguer des autres fabricants canadiens en développant divers emballages, saveurs et spécialités uniques et innovateurs. Par exemple, l’Opposante a été l’un des premiers fabricants canadiens de crèmes glacées à développer une gamme de produits et de yogourts glacés sans lactose, ainsi que des produits sans arachides et noix, sans sucre ajouté et sans lactose, qui ont été et continuent d’être reconnus par des programmes nutritionnels partout au Canada. En 2004, l’Opposante a commencé à offrir des produits biologiques et, en 2005, l’Opposante a rendu plusieurs de ses produits [traduction] « sans gluten » pour répondre aux besoins des consommateurs ayant une forme quelconque d’allergie cœliaque, ou une intolérance au gluten, dans leur régime alimentaire. L’Opposante est une promotrice de la sensibilisation accrue à des modes de vie plus sains et de la réponse aux besoins des personnes ayant des besoins particuliers, et elle a reçu des éloges de la part de l’Association canadienne du diabète et de WeightWatchers pour avoir répondu aux besoins des amateurs de crèmes glacées ayant des besoins alimentaires particuliers [para 6];
  • dans le cadre des efforts susmentionnés, en 2002, l’Opposante a lancé une gamme de confiseries glacées et de produits de crème glacée LI’L, qui a été élargie plus tard, en 2004, à des confiseries de yogourt glacé. Cette gamme était une gamme de produits moins caloriques visant à essayer de promouvoir un mode de vie plus sain. Depuis son lancement, l’élément LI’L a été employé de façon continue dans un certain nombre de marques de commerce de l’Opposante liées à cette gamme de produits, y compris ses autres enregistrements de l’Opposante qui sont invoqués. L’Opposante a également employé d’autres marques LI’L dans le passé (par exemple, LI’L SLIDERS, LI’L BERRY et LI’L JUICY) [para 7, qui comprend également un tableau donnant des exemples de certains des emballages que l’Opposante a utilisés, le nombre approximatif d’emballages qui ont été imprimés ou distribués au Canada, ainsi que les dates de premier emploi au Canada de chacune marques de commerce déposées de l’Opposante qui sont invoquées (à l’exception l’enregistrement no TMA681675), à savoir LI’L SAMMICH (2004), LI’L LOLLY (2003), LI’L FUDGY (2004), LI’L TREATS (2002), LI’L FROSTY (2004), et LI’L YOGURT N’ JUICY (2004); et la Pièce C – extraits du catalogue de produits de 2019 de l’Opposante, qui montre certains des [traduction] « produits LI’L les plus populaires, y compris [l]es produits ROCKET LI’L LOLLY, LI’L LOLLY et LI’L SAMMICH [de l’Opposante] »;
  • les produits présentés chaque année dans le catalogue de produits de l’Opposante peuvent différer selon la demande des produits et la stratégie de commercialisation de l’Opposante. M. Chapman explique que, même si tous les produits peuvent ne pas être inclus dans le catalogue ou être vendus au cours d’une saison ou d’une année, cela ne signifie pas que l’Opposante ne vend plus le produit. Il affirme également qu’une sélection des produits LI’L a toujours été incluse dans les catalogues de produits de l’Opposante depuis au moins 2004;
  • les crèmes glacées, confiseries glacées et confiseries de yogourt glacé de l’Opposante qui arborent les marques de commerce déposées LI’L sont vendues partout au Canada dans des épiceries. Certains des détaillants de l’Opposante annoncent les produits de l’Opposante non seulement dans leurs dépliants, mais aussi en ligne [para 8, qui comprend également un graphique décrivant une sélection plus récente de ces magasins; et Pièce D – captures d’écran des sites Web de divers détaillants en ligne, comme Walmart.ca, Loblaws.ca et GroceryGateway.com];
  • les produits de l’Opposante sont également vendus par des réseaux de grandes surfaces et de dépanneurs, ainsi que, entre autres, par des chaînes de restaurants nationales, des entreprises de traiteur, des hôtels et des casinos [para 8];
  • les marques de commerce déposées LI’L ont fait l’objet d’une large promotion en liaison avec les produits de crème glacée et confiseries glacées de l’Opposante, notamment dans des annonces imprimées et des annonces à la radio, à la télévision et en ligne, ainsi que dans divers sites de médias sociaux, sur des coupons, sur des dépliants, sur des affichettes d’étagères, etc. En fait, en 2004, l’Opposante a dépensé plus de 850 000 $ pour annoncer ses produits, et de 2004 à la première date de signature de l’affidavit de M. Chapman, les dépenses engagées pour annoncer les produits LI’L ont dépassé 1,5 million de dollars [para 9 à 12; Pièce E – échantillon représentatif de documents promotionnels qui arborent les marques de commerce déposées LI’L de l’Opposante, et tableau indiquant les dates et les types d’annonces; Pièce F – exemples d’annonces diffusées par l’entremise de médias sociaux; et Pièce G – exemples d’annonces diffusées par l’entremise de sites Web de tiers];
  • à la suite de vastes campagnes de commercialisation et de marchandisage de l’Opposante, et grâce à la qualité de ses produits, les produits de marque LI’L sont devenus certains des principaux produits de l’Opposante. Entre janvier 2010 et le 30 septembre 2020 seulement, les ventes canadiennes de produits de marque LI’L de l’Opposante ont dépassé 66 millions de dollars.

[27] Je note que dans tous les exemples d’emploi et de promotion des marques de commerce déposées LI’L, les marques étaient toujours présentées en combinaison avec la marque de commerce distincte CHAPMAN’S. Toutefois, il est bien établi que plus d’une marque de commerce peut être employée ensemble sur le même produit [AW Allen Ltd c Warner Lambert Canada Inc (1985), 6 CPR (3d) 270 (CF 1re inst), à la p. 272]. Je note également que dans la plupart, voire la totalité de ces exemples, le premier élément LI’L des marques de commerce LI’L est écrit en caractères plus petits que le deuxième élément, comme le montrent les exemples ci-dessous :

[28] Dans le même ordre d’idées, je note que dans plusieurs de ces exemples, la marque de commerce LI’L LOLLY’S est présentée sans l’apostrophe et le « S ». Néanmoins, je suis convaincue que l’emploi de toutes les formes stylisées de chacune des marques de commerce LI’L, telles que produites en preuve, constituent un emploi de chaque marque nominale déposée LI’L, qui, à mon avis, conserve son identité et reste globalement reconnaissable dans le contexte de son emploi [selon Registraire des marques de commerce c Compagnie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, 1985 CanLII 5537, 4 CPR (3d) 523 (CAF); et Nightingale Interloc c Prodesign (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)]. À cet égard, il convient de rappeler que chaque enregistrement des marques nominales LI’L permet à l’Opposante de l’employer « dans la taille, le style de lettres, la couleur ou le motif de son choix », ce qui est toutefois compris comme voulant qu’« il faut faire attention de ne pas accorder une portée trop large au principe formulé au paragraphe 55 de l’arrêt Masterpiece, puisqu’il ne serait ainsi plus nécessaire d’enregistrer une marque figurative lorsque l’on possède une marque verbale » [Pizzaiolo Restaurants inc c Les Restaurants La Pizzaiolle inc, 2016 CAF 265, au para 33]

Conclusion concernant ce premier facteur

[29] Selon mon examen ci-dessus de l’affidavit Chapman dans son ensemble, je conclus qu’il est raisonnable de conclure que chacune des autres marques de commerce LI’L invoquées (à l’exception de la marque de commerce LI’L YOGURT DIPS enregistrée sous le no TMA681675, à l’égard de laquelle aucune donnée sur la date de premier emploi et le nombre approximatif d’emballages vendus n’a été fournie dans le tableau détaillé figurant au paragraphe 7 de l’affidavit) est devenue connue au moins dans une certaine mesure au Canada, particulièrement les produits LI’L SAMMICH et LI’L LOLLY’S les plus populaires de l’Opposante.

[30] Par conséquent, l’évaluation globale du facteur de l’article 6(5)a), qui est une combinaison de caractère distinctif inhérent et acquis, favorise en fin de compte l’Opposante.

Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[31] Étant donné qu’il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque au Canada et que la marque de commerce LI’L LOLLY’S de l’Opposante est employée depuis 2003, ce facteur favorise également l’Opposante.

Genre des produits, services ou entreprises, et nature du commerce

[32] Les Produits et les produits de l’Opposante sont les mêmes ou se chevauchent clairement. En l’absence de preuve contraire, je suis d’accord avec l’Opposante que les Produits pourraient être vendus dans les mêmes magasins de détail, et peut-être côte à côte, si la Requérante commençait à vendre les Produits au Canada. Par conséquent, ces facteurs favorisent également l’Opposante.

Degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[33] Lorsqu’on examine le degré de ressemblance entre les marques de commerce, on doit les considérer dans leur totalité; il n’est pas exact de les placer côte à côte et de comparer et d’observer des ressemblances ou des différences entre les éléments ou les composantes des marques de commerce [Veuve Clicquot, précité, au para 20].

[34] Dans Masterpiece, précité, au paragraphe 64, la Cour a également indiqué que, bien que dans certains cas, le premier mot ou la première syllabe d’une marque de commerce soit l’élément le plus important aux fins de la distinction, l’approche préférable à l’examen de la ressemblance consiste à « se demander d’abord si l’un des aspects de celleci est particulièrement frappant ou unique ».

[35] En ce qui concerne la Marque, je ne considère ni LITTLE ni OCTO comment étant nécessairement plus frappant ou plus dominant, puisque la marque de commerce serait perçue comme étant l’expression unique LITTLE OCTO. En comparaison, compte tenu de la connotation descriptive du deuxième élément LOLLY’S de la marque de commerce LI’L LOLLY’S de l’Opposante, je conclus que l’élément LI’L, qui est le premier élément de la marque, est l’élément le plus frappant ou dominant de celle-ci.

[36] Cela dit, je suis d’accord avec l’Opposante que la Marque présente au moins un certain degré de similitude avec la marque de commerce LI’L LOLLY’S de l’Opposante. Les marques de commerce des parties comprennent toutes le mot LITTLE, ou son équivalent phonétique LI’L, comme premier élément, qui combiné à un deuxième élément, crée une [traduction] « expression accrocheuse » où LITTLE (LI’L) qualifie le mot qui le suit. Le sens à attribuer au mot OCTO dans le contexte complet de la Marque en liaison avec les Produits n’est pas clair. Compte tenu de la définition de ce mot dans le dictionnaire, et sans le bénéfice d’observations sur la ou les idées particulières que suggère la Marque, j’estime que l’expression LITTLE OCTO pourrait sans doute évoquer l’idée d’un petit quelque chose qui a huit composants ou ingrédients. Par conséquent, la Marque, comme la marque de commerce LI’L LOLLY’S de l’Opposante, pourrait possiblement être perçue comme suggérant une caractéristique des produits.

Autres circonstances de l’espèce

Famille de marques

[37] À titre de circonstance de l’espèce en ce qui a trait à la question de la confusion, la Requérante s’est fondée sur l’adoption et l’emploi de sa famille de marques de commerce LI’L. L’Opposante soutient que, puisqu’elle a établi l’existence d’une famille de marques LI’L liées à des produits similaires, il s’ensuit que les consommateurs seraient plus susceptibles de présumer qu’une nouvelle marque de commerce comportant pratiquement le même premier élément et ayant la même [traduction] « architecture » ou [traduction] « construction » liées à des produits similaires appartient à l’Opposante plutôt qu’à la Requérante. Autrement dit, la Marque serait interprétée, à première vue, comme un autre membre de la famille de marques de commerce LI’L de l’Opposante.

[38] Il est vrai que, lorsque des marques de commerce qui ont une caractéristique ou un élément commun sont toutes enregistrées au nom d’un seul propriétaire, cela donne lieu à la présomption selon laquelle ces marques forment une famille de marques employées par ce seul propriétaire [voir McDonald’s Corp c Alberto-Culver Co (1995), 61 CPR (3d) 382 (COMC); McDonald’s Corp c Yogi Yogurt Ltd (1982), 66 CPR (2d) 101 (CF 1re inst)]. En l’espèce, je suis convaincue, à la lumière de la preuve fournie, que la Requérante possède une famille de marques LI’L et qu’elle a employé et annoncé ces marques de commerce au Canada. Par conséquent, je considère qu’il s’agit d’une circonstance pertinente de l’espèce qui favorise l’Opposante.

Preuve de l’état du registre

[39] La Déclaration Pommier semble introduire une preuve de l’état du registre en ce qui a trait à des marques de commerce comprenant le mot LITTLE (ou son équivalent phonétique), bien que cette preuve ne soit pas explicitement décrite ainsi.

[40] La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où elle permet de faire des déductions quant à l’état du marché [Ports International Ltd c Dunlop Ltd, 1992 CarswellNat 1431 (COMC); et Welch Foods Inc c Del Monte Corp, 1992 CarswellNat 178 (CF 1re inst)]. Les déductions quant à l’état du marché ne peuvent être tirées de cette preuve que si un grand nombre de marques de commerce pertinentes sont trouvées [Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 1992 CanLII 14792 (CAF), 43 CPR (3d) 349 (CAF); McDowell c Laverana GmbH & Co KG, 2017 CF 327, aux para 41 à 46]. Les marques de commerce pertinentes comprennent celles qui : (i) sont déposées ou autorisées et fondées sur l’emploi; (ii) concernent des produits et services similaires à ceux visés par les marques en cause; et (iii) comprennent l’élément en cause en tant qu’élément important [Sobeys West Inc c Schwan’s IP, LLC, 2015 COMC 197].

[41] La Requérante n’a présenté aucune observation, et la Déclaration Pommier ne formule aucun commentaire sur les détails des enregistrements et demandes d’enregistrement de marque de commerce joints à titre de Pièce KPO-2. Par conséquent, il n’est pas clair quelles déductions favorables à la Requérante, le cas échéant, peuvent être tirées de cette preuve. Quoi qu’il en soit, autres que les questions d’admissibilité, l’Opposante a soutenu à l’audience qu’un certain nombre des renvois indiqués dans la Déclaration Pommier ont été subséquemment radiés ou abandonnées ou que leurs états déclaratifs ont été modifiés pour supprimer des produits de crème glacée, c’est-à-dire :

[42] Commentant chacun des autres enregistrements et demandes d’enregistrement de marque de commerce de tiers inclus dans la Pièce KPO-2, l’Opposante a soutenu à l’audience qu’aucune de ces marques de commerce ne ressemble autant aux marques de commerce déposées LI’L de l’Opposante que la Marque de la Requérante ou, subsidiairement, que leurs états déclaratifs des produits liés ne visent pas des produits de crème glacée, mais des produits différents.

[43] Premièrement, je note que plusieurs des demandes d’enregistrement de marque de commerce énumérées dans la Pièce KPO-2 doivent être ignorées, puisque leurs détails ne démontrent pas qu’elles sont autorisées et fondées sur l’emploi. J’ajouterai que le registraire n’a pas l’obligation de vérifier le statut de chacun des nombreux enregistre et demandes d’enregistrement énumérés dans la Déclaration Pommier afin de confirmer leur exactitude à la date pertinente pour évaluer le présent motif d’opposition, sans compter que la Requérante a choisi de ne pas présenter d’observations à cet égard.

[44] Deuxièmement, à l’exception des marques de commerce dont il est question plus en détail ci-dessous, je suis d’accord avec l’Opposante que tous les autres enregistrements et demandes d’enregistrement de marque de commerce de tiers joints à la Pièce KPO-2 semblent être très différents, puisqu’ils n’incluent pas l’élément LITLLE ou LI’L en soi (par exemple, l’enregistrement no LMC944739 pour LILISE et l’enregistrement no LMC839861 pour LILLIPOPS), ou que l’élément LITTLE ou LI’L n’est pas leur élément dominant ou n’est pas employé dans une [traduction] « interprétation » similaire à celle des marques de commerce des parties (par exemple, l’enregistrement no 1543653 pour LITTLES IDEAS HAPPY MOMENTS & Dessin).

[45] Cela laisse les enregistrements de marque de commerce suivants, que je considère comme étant les plus pertinents :

Marque de commerce

Numéro d’enregistrement

Produits et services

LI’L NANA & Dessin

 

LMC1014455

[traduction] « (1) Desserts froids et glacés, nommément confiseries glacées, crème glacée molle, coupes glacées,
boissons fouettées, laits fouettés et crème glacée; matériel promotionnel, nommément […]. (1) Services de restaurant; vente de desserts froids et glacés et de matériel promotionnel […]. »

LITTLE BEAN & Dessin

LMC935181

Divers produits et services alimentaires, notamment : [traduction] « boissons contenant de la crème glacée ».

LITTLE SHEEP et

LITTLE SHEEP & Dessin

LMC1073997 et LMC1074083

Divers produits et services alimentaires, notamment : [traduction] « crème glacée » et [traduction] « glaces alimentaires ».

[46] Même si j’acceptais que l’existence de ces trois enregistrements constituât une circonstance de l’espèce favorisant la Requérante, je ne suis pas disposée à leur accorder un poids important en l’espèce. En effet, compte tenu du faible nombre d’enregistrements pertinents et en l’absence de preuve de l’état du marché relativement à l’une ou l’autre de ces marques de commerce de tiers, je ne suis pas disposée à tirer des déductions favorables à la Requérante au regard de la Déclaration Pommier. Il convient de mentionner à cet égard que M. Chapman déclare, au paragraphe 14 de son affidavit, qu’en raison de sa vaste expérience et de sa participation dans l’industrie de la crème glacée, il connaît les efforts de commercialisation et les marques des concurrents de l’Opposante au Canada, et qu’il n’est au courant d’aucun autre produit de crème glacée vendu au Canada qui emploie l’élément LI’L (ou un élément similaire dans le son) comme marque.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[47] Compte tenu de la mesure dans laquelle la marque de commerce LI’L LOLLY’S de l’Opposante a été employée et de la période pendant laquelle celle-ci a été en usage, du fait que les produits et les voies de commercialisation des parties sont les mêmes ou peuvent se chevaucher, et du fait que l’Opposante a établi qu’elle possède une famille de marques de commerce LI’L, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité de confusion. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est accueilli.

[48] Étant donné que l’Opposante a eu gain de cause à l’égard de sa marque de commerce LI’L LOLLY’S, il n’est pas nécessaire de tenir compte des autres marques de commerce invoquées en vertu de ce motif.

Absence de droit à l’enregistrement de la Requérante

[49] L’Opposante a fait valoir que la Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque, puisque, à la date de production de la Demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce déposées LI’L de l’Opposante qui constituent sa famille de marques LI’L.

[50] Afin de s’acquitter de son fardeau initial en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi, l’Opposante doit démontrer que, à la date de production de la Demande, l’une ou plusieurs de ses marques de commerce invoquées a été employée antérieurement au Canada et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la Demande [article 16(3) de la Loi]. Comme pour le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), je concentrerai mon analyse sur la marque de commerce LI’L LOLLY’S de l’Opposante.

[51] Selon mon examen ci-dessus de l’affidavit Chapman, je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en ce qui a trait à cette marque. Étant donné que la différence entre les dates pertinentes n’a aucune incidence importante sur ma conclusion concernant le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), comme discuté ci-dessus, j’arrive à la même conclusion que celle que j’ai tirée concernant la probabilité de confusion en ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).

[52] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16 est accueilli.

[53] Étant donné que l’Opposante a eu gain de cause à l’égard de sa marque de commerce LI’L LOLLY’S, il n’est pas nécessaire de tenir compte des autres marques de commerce invoquées en vertu de ce motif.

Autre motif d’opposition

[54] Étant donné que l’Opposante a eu gain de cause à l’égard de deux motifs d’opposition, il n’est pas nécessaire d’examiner l’autre motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque.

Décision

[55] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la Demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

_______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Anne Laberge, trad. a.

 

Le français est conforme aux WCAG.


Annexe A

Je reproduis ci-dessous les détails complets des enregistrements de l’Opposante, tels qu’ils sont énoncés dans sa déclaration d’opposition. À cet égard, je note l’erreur typographique dans l’orthographe de la marque de commerce LI’L LOLLY (enregistrement no LMC597848).


 

Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2023-02-07

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Stephanie N. Vaccari

Pour la Requérante : Aucune comparution

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Baker & McKenzie LLP

Pour la Requérante : ROBIC

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