Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 050

Date de la décision : 2023-03-15

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

Opposant : Bridgestone Corporation

Requérante : Xingyuan Tire Group Co., Ltd

Demande : 1900186 pour AMBERSTONE

Introduction

[1] Bridgestone Corporation (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement du dessin‑marque AMBERSTONE (la Marque), qui fait l’objet de la demande d’enregistrement no 1900186 produite par Xingyuan Tire Group Co., Ltd (la Requérante). La Marque est reproduite ci-dessous :

Design trademark: AMBERSTONE

[2] La demande d’enregistrement de la Marque est fondée sur l’emploi projeté en liaison avec les produits suivants de la classe de Nice 12 :

[traduction] Pneus pour roues de véhicule; pneumatiques; chambres à air pour pneumatiques; chapes pour le rechapage de pneus; clous pour pneus; pneus d’automobile; chambres à air pour pneus de vélo; pneus sans chambre à air pour vélos; pneus pleins pour roues de véhicule; carcasses de pneumatiques.

[3] L’opposition est principalement fondée des motifs selon lesquels la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce BRIDGESTONE de l’Opposante, employées et enregistrées antérieurement en liaison avec des produits et services connexes identiques ou similaires.

[4] Sauf indication contraire, tous les renvois visent la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13, dans sa version modifiée le 17 juin 2019 (la Loi).

Le dossier

[5] La demande d’enregistrement de la Marque a été produite le 22 mai 2018. La demande a été annoncée aux fins d’opposition le 19 février 2020.

[6] Le 28 février 2020, l’Opposante s’est opposée à la demande en produisant une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi. Les motifs d’opposition sont fondés sur la non-conformité à l’article 30(2) de la Loi, la non-enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, l’absence de droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1) de la Loi, l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2 de la Loi, et l’absence de droit à l’emploi de la Marque en vertu de l’article 38(2)f) de la Loi.

[7] La Requérante a produit une contre-déclaration le 29 avril 2020.

[8] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit et signifié la preuve suivante :

· affidavit de Lynn Hsu, souscrit le 27 août 2019 dans le Connecticut (l’Affidavit Hsu);

· copies certifiées de cinq enregistrements de marque de commerce de l’Opposante.

[9] À l’appui de sa demande, la Requérante a produit et signifié l’affidavit d’Eric Devenny, souscrit le 28 décembre 2020 à Ottawa (l’Affidavit Devenny).

[10] Aucun des déposants n’a été contre-interrogé. Les deux parties ont déposé des observations écrites; seule l’Opposante était représentée à l’audience.

Aperçu de la preuve de l’Opposante

[11] L’Opposante est la propriétaire des cinq enregistrements de marque de commerce BRIDGESTONE suivants (collectivement, les Marques de commerce Bridgestone). Étant donné que les enregistrements visent une grande variété de produits et services, les produits et services enregistrés qui sont reproduits ci-dessous ne sont que les produits et services visés par les enregistrements qui sont liés aux pneus et qui sont les plus pertinents à la présente procédure.

Marque de commerce

Produits et services

BRIDGESTONE

LMC114978
1959-08-14

[traduction] (1) Pneus de véhicule durs et pneumatiques.

[…]

Logo

Description automatically generated

LMC315459
1986-06-20

 

[traduction] (1) Pneus, chambres à air, roues de véhicule […]

IT’S BRIDGESTONE OR NOTHING

LMC730607
2008-12-10

[traduction] (1) Pneus de véhicule.



LMC875223
2014-04-08

[traduction] (1) […] pneus; pneus pour pelles racleuses; pneus pour niveleuses; pneus pour pelles chargeuses; pneus pour rouleaux compresseurs; pneus pour grues sur roues; pneus pour grues; pneus pour déneigeuses; pneus pour paveuses; pneus pour véhicules hors route; pneus pour véhicules d’exploitation minière […] pneus pour voitures de tourisme; pneus pour camions; pneus pour autobus; pneus pour voitures de course; pneus pour automobiles; pneus rechapés pour voitures de tourisme; pneus rechapés pour camions; pneus rechapés pour autobus; pneus rechapés pour voitures de course; pneus rechapés; pneus rechapés pour automobiles […] pneus pour véhicules automobiles à deux roues […] pneus de vélo […]

[traduction] (1) Services de vente au détail et services de vente en gros d’automobiles, de pneus ainsi que de pièces et d’accessoires pour automobiles […] réparation et entretien d’automobiles ainsi que de pièces connexes; réparation et entretien de pneus pour automobiles; rechapage de pneus; réparation et entretien de véhicules automobiles à deux roues ainsi que de pièces connexes; réparation et entretien de pneus pour véhicules automobiles à deux roues; réparation et entretien de vélos ainsi que de pièces connexes; réparation et entretien de pneus pour vélos; réparation et entretien de pneus pour aéronefs; services de réparation de crevaison et de rechapage de pneus […]

Text, logo, company name

Description automatically generated

LMC876163
2014-04-22

[traduction] (1) […] pneus; pneus pour pelles racleuses; pneus pour niveleuses; pneus pour pelles chargeuses; pneus pour rouleaux compresseurs; pneus pour grues sur roues; pneus pour grues; pneus pour déneigeuses; pneus pour paveuses; pneus pour véhicules hors route; pneus pour véhicules d’exploitation minière […] pneus pour voitures de tourisme; pneus pour camions; pneus pour autobus; pneus pour voitures de course; pneus pour automobiles; pneus rechapés pour voitures de tourisme; pneus rechapés pour camions; pneus rechapés pour autobus; pneus rechapés pour voitures de course; pneus rechapés; pneus rechapés pour automobiles; chambres à air pour voitures de tourisme; chambres à air pour camions; chambres à air pour autobus; chambres à air pour voitures de course; chambres à air pour automobiles; roues et jantes pour voitures de tourisme; roues et jantes pour camions; roues et jantes pour autobus; roues et jantes pour voitures de course; roues et jantes pour automobiles; véhicules automobiles à deux roues ainsi que pièces et accessoires connexes; pneus pour véhicules automobiles à deux roues; chambres à air pour véhicules automobiles à deux roues; roues et jantes pour véhicules automobiles à deux roues; vélos; pneus de vélo; chambres à air pour vélos; roues et jantes pour vélos […]

[traduction] (1) Services de vente au détail et services de vente en gros d’automobiles, de pneus ainsi que de pièces et d’accessoires pour automobiles […] réparation et entretien de pneus pour automobiles; rechapage de pneus; réparation et entretien de véhicules automobiles à deux roues ainsi que de pièces connexes; réparation et entretien de pneus pour véhicules automobiles à deux roues […] réparation et entretien de pneus pour vélos; réparation et entretien de pneus pour aéronefs; services de réparation de crevaison et de rechapage de pneus […]


Affidavit Hsu

[12] Mme Hsu est l’avocate principale de Bridgestone Americas, Inc., une société affiliée de l’Opposante [para 1]. L’Affidavit Hsu démontre ce qui suit :

· l’histoire de l’Opposante et sa part dans le groupe de sociétés Bridgestone [para 3 à 8];

· la propriété des Marques de commerce Bridgestone et la délivrance de licences pour celles-ci au Canada [para 9 à 12];

· la fabrication et la vente de pneus de marque BRIDGESTONE au Canada [para 13 à 16];

· l’emploi des Marques de commerce Bridgestone au Canada depuis 1955 [para 17 à 23, Pièces 1 et 2], y compris les ventes aux consommateurs canadiens de plus d’un milliard de dollars de 2015 à 2020, ce qui représente [traduction] « plus de sept millions de […] pneus » [para 23];

· la promotion de la marque BRIDGESTONE au Canada, y compris par la présentation dans les magasins, les annonces de magazines, les brochures, les annonces à la télévision, les commandites de professionnels du sport, les médias sociaux et le site Web bridgestonetire.ca [para 24 à 41, Pièces 3 à 11].

[13] Mme Hsu déclare que, de 2016 à la date de signature de son affidavit, plus de 35 millions de dollars [traduction] « ont été dépensés pour promouvoir les pneus pour véhicules BRIDGESTONE au Canada seulement » [para 41].

Aperçu de la preuve de la Requérante

Affidavit Devenny

[14] M. Devenny est un agent de marques de commerce chez Devenny Trademark Consultants à Ottawa (Ontario) [para 1]. M. Devenny explique qu’en décembre 2020, un avocat employé par l’agent officiel de la Requérante lui a demandé d’effectuer certaines recherches sur Internet et dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes. Par conséquent, l’Affidavit Devenny fournit ce qui suit :

· imprimés de plusieurs demandes et enregistrements de marques de commerce contenant l’élément FIRESTONE qui appartiennent à Bridgestone Licensing Services, Inc., lesquels proviennent de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes [para 2 et 3, Pièce A];

· imprimés de trois enregistrements et d’une demande d’enregistrement de tiers pour des marques de commerce contenant l’élément STONE, lesquels proviennent de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes [para 4 et 5, Pièce B];

· imprimés du site Web firestonetire.ca [para 6 et 7, Pièces C à E];

· imprimés du site Web tires.tirerack.com/tires/Canada, y compris un imprimé des résultats de recherche pour le terme FIRESTONE [para 6 à 9, Pièces F et G].

[15] Je note que M. Devenny n’aborde pas l’importance des recherches ou des imprimés susmentionnés, pas plus qu’il ne fait de déclarations concernant directement les questions soulevées dans la présente procédure.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[16] Conformément aux règles de preuve habituelles, l’Opposante a le fardeau de prouver les faits sur lesquels il appuie les allégations formulées dans sa déclaration d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd, 1990 CarswellNat 1053 (CF 1re inst)]. L’imposition d’un fardeau de preuve à l’Opposante à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que cette question soit examinée, il doit exister une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question.

[17] En ce qui concerne les allégations à l’égard desquelles l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, tel qu’il est allégué dans la déclaration d’opposition. L’imposition d’un fardeau ultime à la Requérante signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que l’ensemble de la preuve a été examinée, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante.

Motif fondé sur l’article 30(2) – non-conformité

[18] Conformément à l’article 38(2)a) de la Loi, l’Opposante fait valoir que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(2)d) de la Loi, en ce sens qu’elle ne contient pas les renseignements requis ou la déclaration prescrite par l’article 31 du Règlement sur les marques de commerce (le Règlement). Les arguments formulés dans la déclaration d’opposition renvoient notamment à l’article 31c) du Règlement. Toutefois, la pertinence de cet article n’est pas claire, puisque l’article 31c) du Règlement porte sur l’obligation de fournir une translittération des chiffres non arabes.

[19] En effet, dans ses observations écrites, l’Opposante ne cite qu’une partie de ses arguments, essentiellement comme suit : la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30(2)d) de la Loi, en ce sens que la Requérante n’aurait pas pu être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les produits visés par la demande, puisqu’à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion (au sens de l’article 6(2) de la Loi) avec les Marques de commerce Bridgestone de l’Opposante, à l’égard desquelles des demandes d’enregistrement avaient été produites antérieurement au Canada en liaison avec les produits énoncés dans les enregistrements, ainsi qu’avec les marques de commerce de l’Opposante qui avaient été employées ou révélées antérieurement au Canada par l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre [observations écrites de l’Opposante, au para 5(a)].

[20] Au mieux, les arguments sont insuffisants, puisqu’ils ne précisent pas clairement les renseignements requis ou la déclaration prescrite que la demande est censée ne pas contenir. Ce motif semble être invoqué d’une manière qui reflète des arguments soulevés en vertu de l’article 30i) de la Loi dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur des modifications en juin 2019. En vertu de l’ancienne version de la Loi, l’article 30i) exigeait que les demandes contiennent « une déclaration portant que le requérant est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les produits ou services décrits dans la demande ». La version actuelle de la Loi n’exige pas de telle déclaration.

[21] Il semble que l’Opposante tente d’utiliser les articles 38(2)a) et 30(2)d) de la Loi comme « fourre-tout » pour des motifs qui ne sont autrement pas valides. Même si la Requérante n’avait pas pu être aussi « convaincu[e] », il n’est pas clair, au mieux, comment cela équivaut à une non-conformité aux exigences de l’article 30(2)d) de la Loi, et à l’article 31 du Règlement, en particulier. Encore une fois, même si la déclaration d’opposition (mais pas les observations écrites de l’Opposante) renvoie à l’article 31c) de la Loi, il n’est pas clair en quoi cet article s’applique en l’espèce.

[22] Par conséquent, le motif tel qu’invoqué n’est pas un motif valable et est rejeté.

Motif fondé sur l’article 12(1)d) – confusion avec une marque de commerce déposée

[23] L’Opposante fait valoir que la marque de commerce n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée, et elle s’appuie sur les enregistrements susmentionnés pour les Marques de commerce Bridgestone de l’Opposante. En particulier, l’Opposante fait valoir qu’elle est la propriétaire de la famille de marques de commerce BRIDGESTONE, qui ont été employées et qui continuent d’être employées au Canada en liaison avec des produits et services comme, notamment, des pneus de véhicule.

[24] La date pertinente en ce qui a trait à la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de la présente décision [Simmons Ltd c A to Z Comfort Beddings Ltd, 1991 CarswellNat 1119 (CAF)]. Étant donné que les enregistrements des Marques de commerce Bridgestone de l’Opposante existent toujours dans le registre, l’Opposante s’acquitte de son fardeau initial à l’égard de chacun de ces enregistrements.

[25] Par conséquent, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l’une des Marques de commerce Bridgestone de l’Opposante.

[26] En l’espèce, je considère qu’il suffit de se concentrer sur l’enregistrement de l’Opposante pour la marque nominale BRIDGESTONE (LMC114978), puisque je considère qu’il représente l’argument le plus solide de l’Opposante à l’appui d’une conclusion de confusion.

Test en matière de confusion

[27] Le test à appliquer pour trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[28] Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire « plutôt pressé » la vue de la Marque en liaison avec les produits visés par la demande, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce BRIDGESTONE de l’Opposante et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].

[29] Aux fins de cette évaluation, toutes les circonstances pertinentes de l’espèce doivent être prises en compte, y compris celles énoncées à l’article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre des produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[30] Les critères ou les facteurs énoncés à l’article 6(5) de la Loi ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux varie selon le contexte [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au para 54]. Dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, la Cour suprême du Canada a déclaré que le facture de l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques de commerce, est souvent celui susceptible de revêtir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [au para 49] et que, bien que le premier mot dans la marque de commerce puisse être l’élément le plus important dans certains cas, il est préférable de se demander si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement « frappant ou unique » [au para 64].

Degré de ressemblance

[31] Dans ses observations écrites, la Requérante souligne que, puisque la première partie des marques de commerce des parties diffère, les marques de commerce [traduction] « ne sont pas identiques dans la présentation et le son, et elles suggèrent au consommateur ordinaire plutôt pressé un sens très différent » [para 13 à 16].

[32] Toutefois, je suis d’accord avec l’Opposante qu’il y a un certain degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties, au moins dans la présentation et le son, compte tenu du dernier élément STONE commun aux deux marques de commerce.

[33] Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante, bien qu’il ne soit pas aussi important que les autres facteurs prévus par la Loi.

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[34] Les marques de commerce des parties possèdent un degré de caractère distinctif inhérent similaire, puisqu’aucune marque de commerce ne décrit ou ne suggère particulièrement suggestive la nature des produits pertinents.

[35] Je suis d’accord avec l’Opposante que l’Affidavit Hsu établit un emploi important et une promotion significative de la marque de commerce BRIDGESTONE au Canada en liaison avec des pneus de véhicule [observations écrites de l’Opposante, aux para 24 et 31]. En revanche, il n’y a aucune preuve quant à l’emploi de la Marque ou à la mesure dans laquelle celle-ci est devenue connue.

[36] Dans l’ensemble, ce facteur favorise fortement l’Opposante.

Période d’emploi

[37] La demande d’enregistrement de la Marque est fondée sur l’emploi projeté, et il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque à la date de la présente décision.

[38] L’Opposante a établi l’emploi de la Marque en liaison avec des pneus de véhicule depuis 1955 [Affidavit Hsu, au para 17].

[39] Par conséquent, ce facteur favorise fortement l’Opposante.

Genre des produits, services ou entreprises, et nature du commerce

[40] Les produits des deux parties comprennent des pneus et des produits connexes. En l’absence de preuve concernant les entreprises ou les voies de commercialisation de la Requérante, il y a au moins une probabilité de chevauchement dans le genre des entreprises et la nature des commerces des parties.

[41] Par conséquent, ces facteurs favorisent également fortement l’Opposante.

État du registre et état du marché

[42] Dans ses observations écrites, la Requérante soutient que l’Affidavit Devenny démontre que d’autres marques de commerce contenant le suffixe STONE sont enregistrées en liaison avec des pneus et des produits connexes et coexistent dans le registre des marques de commerce avec les Marques de commerce Bridgestone de l’Opposante. Il s’agit notamment d’une famille de marques de commerce FIRESTONE, ainsi que des marques de commerce STARSTONE, STONEGARD, VALLEYSTONE Design et ROADSTONE de tiers [para 4, citant l’Affidavit Devenny, aux para 2 et 4, Pièces A et B]. Comme l’ont noté les deux parties, le propriétaire des marques de commerce FIRESTONE, Bridgestone Licensing Services Inc., est identifié comme étant une société affiliée de l’Opposante faisant partie du groupe de sociétés Bridgestone [selon l’Affidavit Hsu, au para 6].

[43] Néanmoins, la Requérante soutient également que les imprimés du site Web dans les Pièces C à E de l’Affidavit Devenny montrent que des pneus de véhicule arborant les marques de commerce FIRESTONE sont vendus au détail au Canada et [traduction] « sont disponibles depuis plus d’un siècle » [observations écrites de la Requérante, aux para 7 à 9]. Les observations de la Requérante soulignent la coexistence des marques de commerce FIRESTONE et des Marques de commerce Bridgestone [para 18 à 24]. À cet égard, la Requérante soutient qu’il serait [traduction] « tout à fait injuste, déraisonnable et inconcevable que l’Opposante soit autorisée à ignorer la coexistence des marques de commerce FIRESTONE appartenant à sa société affiliée et les marques BRIDGESTONE, mais qu’elle cherche maintenant à invoquer la force alléguée de ses marques de commerce BRIDGESTONE pour empêcher l’enregistrement de [la Marque] » [para 24].

[44] En ce qui concerne les marques de commerce autres que les marques de commerce FIRESTONE mentionnées dans l’Affidavit Devenny, l’Opposante note que les enregistrements des marques de commerce VALLEYSTONE Design et ROADSTONE ont été radiés, que la demande d’enregistrement de la marque de commerce STARSTONE a été abandonnée, et que la marque de commerce STONEGARD (enregistrée en liaison avec des [traduction] « Pneus » depuis octobre 2010) ne se termine pas par le suffixe STONE. Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec l’Opposante que, même en tenant compte des marques de commerce FIRESTONE enregistrées en liaison avec des produits de pneus, il y a trop peu de marques de commerce déposées pertinentes pour tirer une conclusion quant à l’état du marché canadien. Des conclusions quant à l’état du marché ne peuvent être tirées que lorsqu’un grand nombre d’enregistrements pertinents est trouvé [Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc, 1992 CarswellNat 124 (CAF)].

[45] En ce qui concerne la preuve de l’état présumé du marché dans l’Affidavit Devenny, étant donné que M. Devenny ne fait aucune déclaration concernant l’emploi des marques de commerce FIRESTONE, l’affidavit a peu de valeur. Étant donné que M. Devenny laisse les pages Web produites en preuve parler d’elles-mêmes, dans la mesure où cela a pour but de tirer des conclusions sur l’état du marché – y compris la mesure dans laquelle les marques de commerce FIRESTONE sont devenues connues au Canada –, les pièces constituent principalement un ouï-dire et je suis d’accord avec l’Opposante qu’aucune conclusion ne devrait pas être tirée des [traduction] « résultats de recherches en ligne semblables à ceux produits en preuve » [observations écrites de l’Opposante, au para 46]. En général, l’affidavit d’un employé d’un agent n’est admissible que dans la mesure où la preuve porte sur des questions non controversées et non centrales [Cross Canada Auto Body Supply (Windsor) Ltd c Hyundai Auto Canada, 2005 CF 1254, conf par 2006 CAF 133]. Bien que M. Devenny n’ait pas été un employé de l’agent au dossier de la Requérante en soi, la valeur probante de l’Affidavit Devenny a le même effet, étant donné qu’il s’agit d’une confirmation qu’il a suivi les instructions voulant qu’il imprime certaines pages d’Internet et son contenu qui constitue par ailleurs un ouï-dire.

[46] Même si j’accordais un peu de poids à l’Affidavit Devenny, au mieux, il indique que la marque de commerce FIRESTONE est devenue connue, dans une certaine mesure, dans le marché canadien en liaison avec des pneus. Toutefois, je suis d’accord avec l’Opposante que cette mesure n’est pas claire et que, par conséquent, ce facteur ne ferait que favoriser quelque peu la Requérante.

Conclusion – confusion avec la marque de commerce BRIDGESTONE

[47] Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime à l’égard de la probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties. J’arrive à cette conclusion en raison de tous les facteurs prévus par la Loi qui favorisent l’Opposante en vertu de ce motif, et ce, malgré une preuve limitée de la coexistence de la marque de commerce FIRESTONE sur le marché.

[48] Par conséquent, le motif fondé sur l’article 12(1)d), à savoir la confusion avec la marque de commerce BRIDGESTONE de l’Opposante, est accueillie.

[49] Étant donné que j’ai considéré que l’enregistrement de la marque nominale BRIDGESTONE de l’Opposante constitue son argument le plus solide à l’appui d’une conclusion de confusion, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres Marques de commerce Bridgestone. Toutefois, je note que les enregistrements des dessins-marques BRIDGESTONE de l’Opposante visent une plus grande variété de produits de pneus (par exemple, [traduction] « chambres à air pour vélos ») qui chevauchent directement les produits visés par la demande en cause. De plus, comme l’a noté l’Opposante dans ses observations écrites, la Marque est similaire aux dessins-marques BRIDGESTONE déposés, en ce sens qu’il y a une [traduction] « similitude dans la police de caractères et la suggestion d’un mouvement […] avec les lettres inclinées légèrement à droite » [au para 40].

Motifs fondés sur l’article 16 – absence de droit à l’enregistrement

[50] L’Opposante fait valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi, puisque, à la date de production de la demande d’enregistrement de la Marque, cette dernière créait de la confusion avec les Marques de commerce Bridgestone de l’Opposante, employées et révélées antérieurement en liaison avec des produits et services comme, notamment, des pneus de véhicule.

[51] L’Opposante fait également valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1)c) de la Loi, puisque, à la date de production de la demande d’enregistrement de la Marque, cette dernière créait de la confusion avec le nom commercial « Bridgestone », qui était employé antérieurement au Canada par l’Opposante ou ses licenciés.

[52] La Requérante ne conteste pas que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau initial à l’égard de ces motifs. À cet égard, à tout le moins, l’Opposante a démontré l’emploi étendu de la marque de commerce BRIDGESTONE en liaison avec des pneus de véhicule avant la date de production de la demande.

[53] À mon avis, l’analyse relative à la confusion ci-dessus concernant la marque de commerce BRIDGESTONE de l’Opposante ne diffère pas de façon significative en ce qui a trait au présent motif, nonobstant la date pertinente antérieure.

[54] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16 est accueilli en ce qui a trait à la marque de commerce BRIDGESTONE de l’Opposante.

[55] De même, comme il est indiqué ci-dessus, il n’est pas nécessaire d’examiner les motifs fondés sur l’article 16 au regard des autres Marques de commerce Bridgestone de l’Opposante ou de son nom commercial.

Motif fondé sur l’article 2 – absence de caractère distinctif

[56] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, en ce sens qu’elle ne distingue pas les produits de la Requérante de ceux d’autres personnes, y compris ceux de l’Opposante. De plus, l’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas adaptée à distinguer les produits de la Requérante de ceux d’autres personnes, y compris les marques de commerce de l’Opposante qui ont été et sont employées au Canada.

[57] La date pertinente pour évaluer ce motif est la date de production de l’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185].

[58] L’article 2 de la Loi définit le terme « distinctive » comme suit :

« distinctive » Se dit de la marque de commerce qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire de ceux d’autres personnes, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

[59] Une marque de commerce « distingue véritablement » en acquérant un caractère distinctif par l’emploi, ce qui donne lieu à un caractère distinctif en fait. En revanche, une marque de commerce qui est « adaptée à les distinguer ainsi » est une marque qui ne dépend pas de l’emploi pour acquérir son caractère distinctif parce qu’elle possède un caractère distinctif inhérent [voir Astrazeneca AB c Novopharm Ltd, 2003 CAF 57, au para 16].

[60] La question du caractère distinctif est principalement une question de fait [Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd, 2019 CAF 10, au para 14] et, dans Auld Phillips Ltd c Suzanne’s Inc, 2005 CAF 429, la Cour d’appel fédérale a déclaré que, « [é]videmment, il ne peut arriver que rarement qu’un commerçant unique soit en mesure de faire perdre à une marque son caractère distinctif, mais rien ne l’empêche en principe » [au para 7].

[61] Compte tenu de ces principes, au mieux, je considère que la question de savoir ce motif est suffisamment étayé dans la déclaration d’opposition est discutable. À cet égard, lorsqu’un opposant invoque sa propre marque de commerce (ou son nom commercial) à l’appui d’un motif d’absence de caractère distinctif pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial, la question n’est pas simplement de savoir si la marque de commerce de l’opposant a été employée ou existe toujours. En fait, l’Opposante a le fardeau initial d’établir qu’à la date pertinente, sa marque de commerce i) était connue dans une certaine mesure au Canada en liaison avec les produits pertinents et ii) avait au Canada une réputation « importante, significative ou suffisante » de façon à annuler le caractère distinctif de la Marque [voir Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, aux para 33 et 34; et Association dentaire canadienne c Ontario Dental Assistants Association, 2013 CF 266, au para 42, conf par 2013 CAF 279].

[62] En l’espèce, bien que l’Opposante ait établi l’emploi et la réputation de sa marque de commerce BRIDGESTONE, il n’y a aucune preuve d’annulation du caractère distinctif inhérent de la Marque visée par la demande. Par conséquent, même si je considérais que le motif était suffisamment étayé, je ne considérerais pas que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial.

[63] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté.

Motif fondé sur l’article 38(2)f) – absence de droit à l’emploi

[64] L’Opposante fait valoir qu’à la date de production de la demande, la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les produits visés par la demande, puisque la Marque créait de la confusion avec les Marques de commerce Bridgestone de l’Opposante.

[65] À mon avis, cet argument est insuffisant. L’article 38(2)f) de la Loi n’est pas un motif fondé sur la confusion, et une simple allégation selon laquelle une marque de commerce visée par une demande créait de la confusion avec une autre marque de commerce est insuffisante en vertu de ce motif [voir, par exemple, DCK Concessions Limited c Hong Xia Zhang, 2022 COMC 200, au para 39]. Quoi qu’il en soit, à la date pertinente du 22 mai 2018, aucune décision concernant la confusion entre les marques de commerce des parties n’avait été rendue, et encore moins une décision concernant le droit de la Requérante à employer la Marque.

[66] À cet égard, je note que l’analyse relative à la confusion ci-dessus aurait pu être différente si la Requérante avait établi l’emploi réel de la Marque. Par conséquent, on ne peut pas dire que la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque à la date pertinente, pas plus qu’aucune conclusion concernant la confusion dans la présente décision ne devrait être interprétée comme une conclusion concernant le droit de la Requérante à employer la Marque à la date de production de la demande ou à toute autre date.

[67] Par conséquent, le motif fondé sur l’absence de droit à l’emploi est rejeté.

Décision

[68] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

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Andrew Bene

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Anne Laberge, trad. a.

Le français est conforme aux WCAG.

 


 

Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2022-11-08

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Michelle Noonan

Pour la Requérante : Aucune comparution

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Deeth Williams Wall LLP

Pour la Requérante : Aventum IP Law LLP

 

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