Contenu de la décision
Office de la propriété intellectuelle du Canada
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
Référence : 2023 COMC 060
Date de la décision : 2023-03-30
[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45
Partie requérante : Wises Professional Corporation
Propriétaire inscrite : ZOE International Distributing Inc.
Enregistrement : LMC664,612 pour JAYS
Introduction
[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‑13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC664,612 pour la marque de commerce JAYS (la Marque), appartenant actuellement à ZOE International Distributing Inc (la Propriétaire).
[2] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être maintenu en partie.
La procédure
[3] Le 23 mars 2023, à la demande de Wises Professional Corporation (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi à la Propriétaire.
[4] L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 23 mars 2019 au 23 mars 2022.
[6] La définition pertinente d’« emploi » en l’espèce est énoncée à l’article 4 de la Loi comme suit :
4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.
[7] Il est généralement admis que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de la présente procédure est peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)]. Il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement pendant la période pertinente.
[8] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a fourni l’affidavit de Demetra Georganas, directrice principale de la Propriétaire, exécuté le 23 juin 2022. Les deux parties ont présenté des observations écrites; aucune audience n’a été tenue.
La preuve
[9] Mme Georganas indique que la Propriétaire fait affaire sous le nom d’entreprise « HBI Canada » et que les dossiers préparés dans la pratique normale du commerce arborent ce nom plutôt que Zoe International Distributing Inc. Elle affirme que la Propriétaire œuvre dans le domaine de la fabrication et de la distribution de gros d’accessoires pour fumeur et que des accessoires arborant la Marque ont été vendus au cours de la période pertinente, y compris [traduction] « du papier à rouler, des cônes préroulés, des plaques à rouler et des bâtonnets d’encens » [para 7]. À titre de Pièces A et B, respectivement, elle joint des extraits de catalogues annuels de la Propriétaire pour 2019 et 2021. Mme Georganas indique que ces extraits illustrent avec exactitude l’emploi de la Marque sur l’étiquetage, le marquage et l’emballage du papier à rouler vendu au Canada au cours de la période pertinente [para 10]. Les catalogues illustrent l’emballage pour le papier à rouler arborant les mots « JUICY JAY’S », avec « JUICY » en grandes lettres colorées et « JAY’S » en plus petites lettres noires, les deux placés devant une image de goutte. Le symbole ® figure après « JUICY » dans chacune de ces images; dans certains cas, il figure après « JAY’S ». Afin de faciliter la référence, je ferai référence à cette formulation (avec ou sans le symbole ® figurant après JAY’S) par le Logo, dont un exemple est reproduit ci-dessous :
[10] À titre de Pièce C, Mme Georganas joint un certain nombre de factures en date de la période pertinente illustrant les ventes de HBI Canada à des consommateurs de détail canadiens. Parmi les articles énumérés pour la vente se trouve le papier à rouler identifié par « JUICY JAY’S ».
Motifs de la décision
[11] La Partie requérante observe que la présentation du Logo ne constitue pas la présentation de la Marque telle qu’enregistrée, que le papier à rouler illustré dans la preuve est destiné pour le cannabis plutôt que le tabac, que la Propriétaire n’a pas démontré l’emploi de la Marque en liaison avec chacun des produits, que la preuve ne démontre pas que HBI Canada est la Propriétaire et que la Propriétaire n’a pas fourni de preuve établissant que les ventes alléguées ont eu lieu dans la pratique normale du commerce.
[12] En ce qui concerne les deux dernières observations, je précise que les déclarations faites par un déposant doivent être admises sans réserve et qu’on doit leur accorder une crédibilité substantielle dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 [Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Atari Interactive, Inc, 2018 CMOC 79 au para 25]. En l’espèce, je ne dispose d’aucune raison pour ne pas accepter les déclarations solennelles de Mme Georganas telles quelles. Par conséquent, j’accepte que la Propriétaire fasse affaire sous le nom « HBI Canada » et que toute référence à cette entité dans la preuve soit une référence à la Propriétaire. Dans le même ordre d’idées, selon les déclarations de Mme Georganas aux paragraphes 8 à 12 de son affidavit, j’accepte que les transactions fournies dans la preuve dans les factures de la Pièce C soient des transferts dans la pratique normale du commerce et que le papier à rouler « JUICY JAY’S » indiqué dans ces factures ait été vendu dans l’emballage illustré aux Pièces A et B.
[13] Cependant, je suis d’accord avec la Partie requérante que la preuve de la Propriétaire et les observations écrites ne font pas référence aux produits visés par l’enregistrement [traduction] « machines à rouler, cigarettes, cigares, tabac à cigarettes et pipes ». Comme il n’y a pas de preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec ces produits, ils seront supprimés de l’enregistrement. Chaque observation restante sera examinée à tour de rôle.
Emploi de la marque telle qu’elle est enregistrée
[14] Si une marque de commerce est employée conjointement avec d’autres mots ou caractéristiques, l’emploi sera examiné lorsque le public perçoit, comme première impression, que la marque en soi est employée [Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)]. Il s’agit là d’une question de fait qui dépend de la question de savoir si la marque de commerce se démarque des éléments additionnels, tels que par l’emploi de lettres différentes ou de tailles de caractères différents, ou si les éléments additionnels seraient perçus comme un élément clairement descriptif ou comme une marque de commerce ou un nom commercial distinct [Nightingale; voir également 88766 Canada Inc c National Cheese Co (2002), 24 CPR (4th) 410 (COMC)].
[15] La Partie requérante observe que la preuve démontre l’emploi d’une marque de commerce composée plutôt que de la Marque telle qu’enregistrée et, en particulier, que la caractéristique dominante « JAYS » n’est pas préservée compte tenu des différences dans la présentation et la signification entre la Marque telle qu’enregistrée et la façon dont elle est employée. En appui, la partie requérante cite les affaires suivantes :
Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF) (CII Honeywell Bull), où la présentation de « CII HONEYWELL BULL » ne constituait pas l’emploi de la marque de commerce « BULL ».
Cassels, Brock & Blackwell c Relton Corp, [2003] COMC No 6 (Relton), où la présentation de « CONCRETE-TERMITE » ne constituait pas l’emploi de la marque de commerce « TERMITE ».
Riches, McKenzie & Herbert c Pepper King Ltd (2000), 8 CPR (4th) 471 (CF 1re inst) (Pepper King), où la présentation de « VOLCANO HOT » ne constituait pas l’emploi de la marque de commerce « VOLCANO ».
Prince c Andres Wines Ltd, 2004 CF 812 (Andres Wines), où la présentation d’un dessin d’armoirie comportant les mots « IN VINO VERITAS » ne constituait pas l’emploi de la marque nominale « IN VINO VERITAS ».
88766 Canada Inc c Coca-Cola Ltd/Coca-Cola Ltée (2006), 52 CPR (4th) 50 (COMC) et Coca-Cola Ltd c Southland Corp (2001), 20 CPR (4th) 537 (COMC) (collectivement, Coca-Cola), où la présentation d’un dessin « COCA-COLA CLASSIC » ne constituait pas l’emploi de la marque de commerce « CLASSIC ».
[16] La Partie requérante observe que la marque composée « JUICY JAY’S » est différente dans la présentation et dans le son de la Marque et communique une signification différente puisque le public percevrait probablement JUICY JAY’S comme une référence à une personne nommée Jay dont les produits [traduction] « sont pleins de jus ou sont succulents » [para 15]. La Partie requérante fait valoir que l’élément dominant du Logo est « JUICY » en raison de sa taille plus grande et de sa police colorée, alors que le mot « JAY’S » plus petit ne se démarque pas comme élément distinctif. De plus, la Partie requérante observe que la présence du symbole ® ajoute plus d’ambiguïté puisqu’il figure le plus souvent seulement à côté de « JUICY »; lorsqu’il figure à côté de « JAY’S » la position de la Partie requérante est qu’un consommateur interpréterait probablement le deuxième symbole d’enregistrement comme étant associé au LOGO ou aux mots « JUICY JAY’S ».
[17] La Propriétaire affirme que les affaires citées par la Partie requérante se distinguent de l’espèce, puisque la Marque figure dans une police et une taille différentes que le matériel supplémentaire, contrairement à Honeywell Bull, Pepper King et Relton; puisque la Marque peut être visuellement distinguée du matériel supplémentaire, contrairement à Andres Wines; et puisque le placement du symbole ® ne suggère pas que le Logo en entier est une seule marque de commerce, contrairement à Coca-Cola. La Propriétaire cite les affaires de Epic Aviation, LLC c Imperial Oil Limited, 2020 COMC 103 (Epic Aviation), où il a été conclu que la marque de commerce « EPIC » se démarque malgré qu’elle soit dans une police monochromatique plus petite comparativement au mot supplémentaire « MOBIL » plus large et coloré; et de Fasken Martineau Dumoulin LLP c Gentec, 2022 CF 327, où la marque de commerce « IQ » se démarque du mot supplémentaire « PODZ » en raison de la couleur, du lettrage et de la taille différents et du placement du symbole ®.
[18] En l’espèce, je suis d’accord avec la Propriétaire que la Marque se démarque du matériel supplémentaire en raison de sa taille et de son lettrage différents [pour des conclusions semblables où il a été conclu qu’une marque nominale se démarquait malgré sa taille plus petite par rapport au matériel qui l’entoure, voir Epic Aviation; Prollenium Medical Technologies, Inc c Teoxane, SA, 2016 COMC 191, aux para 18 à 21; Rogers Media Inc c La Cornue, 2019 COMC 63, aux para 39 à 49]. Je suis également d’accord avec la Propriétaire que la Marque demeure reconnaissable et ne perd pas son identité malgré l’ajout de l’apostrophe [pour une conclusion semblable, voir Labrador II, Inc c Ren’s Feed and Supplies Ltd, 2016 COMC 181, au para 32].
[19] Enfin, la Partie requérante fait référence à 1673030 Alberta Inc c Zoe International Distributing Inc, 2016 COMC 140, une procédure de radiation impliquant la même Propriétaire et concernant la marque de commerce « JUICY ». La Partie requérante affirme que, dans cette affaire, la Propriétaire avait observé que le mot « JAY’S » [traduction] « décrit le produit en particulier » et [traduction] « ne constitue pas un élément dominant ». La Partie requérante et la Propriétaire font référence à des observations faites par la Propriétaire qui ne figurent pas dans la décision finale dans cette affaire; puisque ces observations n’ont pas été versées dans la preuve, je ne peux pas en tenir compte. Peu importe, rien dans cette affaire ne suggère que le mot « JAYS » ne peut pas être considéré comme une marque de commerce en lui-même, et même si c’était le cas, c’est un principe reconnu que chaque affaire doit être tranchée en fonction de ses propres faits et de son propre mérite.
Emploi de la Marque en liaison avec « Tabac et accessoires pour fumeur »
[20] La Partie requérante observe que Mme Georganas a identifié les produits de la Propriétaire par [traduction] « produits d’accessoires pour fumeur » et que les publicités dans les catalogues fournis à titre de preuve indiquent que le papier à rouler est [traduction] « conçu pour intensifier la saveur naturelle de votre herbe » et est [traduction] « comme ajouter du bonbon à votre herbe ». La Partie requérante me demande de prendre connaissance d’office que [traduction] « herbe » est de l’argot pour du cannabis, plutôt que du tabac. Je ne suis pas prêt à prendre connaissance que [traduction] « herbe » constitue de l’argot pour « cannabis »; peu importe, je note que Mme Georganas indique au paragraphe 7 de son affidavit que le papier à rouler [traduction] « est employé pour rouler et fumer du tabac ». Par conséquent, je suis convaincu que l’emploi de la Marque en liaison avec le papier à rouler illustré dans la preuve constitue l’emploi en liaison avec les produits visés par l’enregistrement [traduction] « Tabac et accessoires pour fumeur, nommément papier à rouler ».
[21] En maintenant l’enregistrement pour [traduction] « Tabc », je note que, dans l’affaire Zoe International mentionnée ci-dessus, concernant la marque de commerce « JUICY » et un état déclaratif des produits semblable déposé par la même propriétaire, la Commission a conclu que [traduction] « l’état déclaratif des produits est plus cohérent si le mot “nommément” est interprété comme se rapportant au “tabac et accessoires pour fumeur” globalement, et non seulement à “accessoires pour fumeur” pris isolément » >[para 11].
Décision
[22] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié pour supprimer [traduction] « machines à rouler, cigarettes, cigares, tabac à cigarettes et pipes » selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.
[23] L’enregistrement modifié sera libellé comme suit :
[traduction]
Tabac et accessoires pour fumeur, nommément papier à rouler.
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G.M. Melchin
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
William Desroches
Le français est conforme aux WCAG.
Comparutions et agents inscrits au dossier
DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue
AGENTS AU DOSSIER
Pour la Partie requérante : Wises Professional Corporation
Pour la Propriétaire inscrite : DLA Piper (Canada) LLP