Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 061

Date de la décision : 2023-03-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

Opposante : THI Canada Inc.

Requérante : King Rack Industrial Co., Ltd

Demande : 1,830,449 pour BUZZRACK Dessin

Introduction

[1] King Rack Industrial Co Ltd (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce BUZZRACK Dessin (la Marque), reproduite ci-dessous, en liaison avec les Produits suivants.

BUZZRACK Design

(1) Porte-vélos pour automobiles, ainsi que pièces et accessoires pour tous les produits susmentionnés.

(2) Porte-skis pour automobiles, porte-planches à voile pour automobiles, porte-kayaks pour automobiles, porte-planches de surf pour automobiles, porte-bateaux pour automobiles, porte-bagages pour automobiles, porte-pneus de secours pour automobiles ainsi que pièces et accessoires pour tous les produits susmentionnés.

Les Produis (1) sont fondés sur l’emploi par la Requérante au Canada depuis juin 2013 et les Produits (2) sont fondés sur l’emploi projeté par la Requérante au Canada.

[2] THI Canada Inc (l’Opposante) fabrique et distribue des supports et des accessoires pour camionnettes. Les supports de marque BACKRACK de l’Opposante sont employés pour protéger les cabines, fixer des accessoires comme des lumières et des antennes et maintenir en place des échelles, des outils et d’autres charges dans la caisse du camion. L’Opposante s’est opposée à cette demande principalement selon le fondement que la Marque crée de la confusion avec l’emploi et l’enregistrement de ses marques de commerce BACKRACK et BACKRACK & Dessin.

[3] Pour les raisons qui suivent, je rejette l’opposition.

Contexte

[4] La demande a été déposée le 31 mars 2017 et annoncée aux fins d’opposition dans le numéro du Journal des marques de commerce du 30 mai 2018. L’Opposante s’est opposée à la demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) le 13 juillet 2018. Conformément à l’article 70 de la Loi, les motifs d’opposition dans cette procédure seront évalués sur le fondement de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019.

[5] Les motifs d’opposition sont résumés ci-dessous :

  • a)L’Opposante invoque l’article 38(2)a), soit que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) puisque la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada et qu’un tel emploi était illégal pour les raisons suivantes :

    1. la Requérante était consciente de l’emploi et de l’enregistrement antérieurs par l’Opposante des marques de commerce BACKRACK et BACKRACK & Dessin de l’Opposante pour les raisons suivantes :

      1. des procédures d’opposition antérieures entre les mêmes parties ou leurs prédécesseurs en titre, à l’égard de la Marque, avaient été entamées par l’Opposante en 2008 et 2015,

      2. l’emploi et l’annonce antérieurs répandus de ces marques de commerce au Canada par l’Opposante;

    2. un tel emploi avait, et a probablement, l’effet de diminuer l’achalandage associé aux marques de commerce de l’Opposante en contravention aux articles 22(1) et 7b) de la Loi.

 

  • b)La demande n’est pas conforme aux exigences des articles 30b) et 30e) de la Loi, pour les raisons suivantes :

    1. la Requérante n’avait pas employé la Marque comme marque de commerce au Canada, au sens de l’article 4(1), pour les porte-vélos à la date de premier emploi revendiquée et n’a pas identifié tous les prédécesseurs en titre;

  • c)La Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, puisqu’elle crée de la confusion avec les enregistrements de marques de commerce no LMC857,615 et LMC857,619 de l’Opposante pour BACKRACK & Dessin et BACKRACK.

ii. la Requérante n’a pas l’intention véritable d’employer la Marque comme marque de commerce au Canada au sens de l’article 4(1) pour les Produits (2).

d) La Requérante n’a pas le droit d’enregistrer la Marque en vertu des articles 16(1)a) et 16(3)a) de la Loi, puisque la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce précédemment employées et révélées de l’Opposante.

e) La Marque ne distingue pas, et n’est pas adaptée pour distinguer, les Produits des produits de l’Opposante.

[6] L’Opposante a produit à titre de preuve l’affidavit d’Adrian Jayne, son président et cofondateur. La Requérante a produit à titre de preuve l’affidavit de Shih-Ming Wang, un membre de son conseil d’administration. M. Wang a été contre-interrogé au sujet de sa preuve. À titre de contre-preuve, l’Opposante a produit l’affidavit de Jennifer Richardson, une auxiliaire juridique employée par l’avocat de l’Opposante. Les deux parties ont produit des observations écrites et étaient présentes lors de l’audience.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[7] Avant d’examiner les motifs d’opposition, j’estime nécessaire de rappeler certaines exigences techniques en ce qui a trait (i) au fardeau de preuve dont doit s’acquitter un opposant, soit celui d’étayer les allégations dans la déclaration d’opposition, et (ii) au fardeau ultime qui incombe à un requérant de prouver sa cause.

[8] En ce qui a trait au point (i) ci-dessus, l’opposant a le fardeau de preuve d’appuyer les faits sur lesquels il appuie ses allégations formulées dans la déclaration d’opposition : John Labatt Limited c The Molson Companies Limited, 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298. Le fait qu’un fardeau de preuve soit imposé à l’opposant signifie que, pour qu’une question précise soit prise en compte, il doit y avoir une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. Quant à l’élément (ii) mentionné ci-dessus, c’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi invoquées par un opposant (en ce qui a trait aux allégations pour lesquelles l’opposant s’est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait). Le fait que le fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s’il est impossible de parvenir à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve est présentée, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant.

Motifs d’opposition

[9] J’évalue chacun des motifs d’opposition ci-dessous (bien que ce ne soit pas dans leur ordre de présentation dans la déclaration d’opposition).

Articles 30b) et 30e) de la Loi

[10] L’Opposante fait valoir que la demande n’est pas conforme aux exigences des articles 30b) et 30e) de la Loi, puisque :

a) la Requérante n’avait pas employé la Marque comme marque de commerce au Canada et n’a pas identifié tous les prédécesseurs en titre;

b) la Requérante n’a pas l’intention véritable d’employer la Marque.

[11] Le fardeau de preuve incombant à un opposant en ce qui concerne la non‑conformité d’un requérant envers ces articles de la Loi est léger et peut être satisfait non seulement par sa propre preuve de l’opposant, mais aussi par la preuve du requérant [Labatt Brewing Co Ltd c Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst) à la p 230; Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323, aux para 33 à 38]. Afin de s’acquitter de son fardeau, un opposant doit démontrer que la preuve soulève des doutes quant à la véracité des revendications dans la demande [Corporativo de Marcas, précité; Reitmans (Canada) Limited c Atlantic Engraving Ltd, 2005 CanLII 78234 (COMC)]. Si un opposant s’acquitte de son fardeau de preuve, un requérant doit démontrer à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 30b) qu’il employait la Marque à la date revendiquée et à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 30e) qu’il projetait d’employer la marque de commerce visée par la demande au Canada à la date de dépôt de la demande.

[12] En ce qui a trait à ces motifs d’opposition, l’Opposante souligne la preuve suivante :

  • a)Seulement deux documents à la Pièce A de l’affidavit de M. Wang portent une date antérieure à la date de premier emploi revendiquée de la Marque pour les porte-vélos, à savoir a) une facture par défaut en date du 15 avril 2013 émise par la Requérante, King Rack Industrial Co, Ltd, et b) une facture et des connaissements en date du 16 juin 2011 émis par une autre entreprise, à savoir Buzz Rack Technology Co, Ltd.

b) Lors du contre-interrogatoire, M. Wang a admis qu’une facture « par défaut » est une estimation (questions 64 et 65). L’Opposante observe qu’il ne s’agit pas d’une preuve de quelconque vente à l’égard des produits.

c) Lorsqu’on lui a demandé lors du contre-interrogatoire si Buzz Rack Technology Co a, à un quelconque moment, possédé la Marque, M. Wang a indiqué que la Marque est [traduction] « toujours sous » Buzz Rack Technology Co (questions 79 et 80).

d) Jointe à titre de Pièce D à l’affidavit de Mme Richardson est une copie d’une cession transférant le titre à l’enregistrement des États-Unis correspondant pour la Marque de Buzz Rack Technology Co à la Requérante à compter du 8 mai 2018, ce qui est plus d’un an après que la demande en question ait été déposée.

e) Les demandes antérieures pour BUZZRACK avaient été déposées par des entités différentes (affidavit Jayne, Pièces N et O).

f) La Requérante n’a pas employé la Marque pour les Produits de vélos dans le format de dessin pour lequel elle demande l’enregistrement comme l’illustrent les emplois ci-dessous dans la preuve de M. Jayne provenant d’un site Web qui identifie Buzz Rack Technology Co comme le propriétaire du droit d’auteur (observations écrites de l’Opposante, para 33) :

L’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve à l’égard de l’article 30b)

[13] Je n’estime pas que la preuve de l’Opposante et de la Requérante, considérée en combinaison, soulève un doute quant à la véracité de la date de premier emploi revendiquée.

[14] La facture par défaut est très détaillée et comprend le nombre de transporteurs, le prix unitaire et la date de livraison et de paiement et tend à confirmer la date de premier emploi revendiqué par la Requérante, même s’il s’agit d’une estimation plutôt que d’une facture, comme il est indiqué. De plus, la cession est propre à la marque de commerce des États-Unis et ne permet pas de conclure que la demande canadienne appartenait à Buzz Rack Technology Co à la date de premier emploi revendiquée. M. Wang a indiqué dans ses réponses aux engagements que la Requérante et Buzz Rack Technology Co sont sous la propriété commune de la même entreprise familiale. M. Wang indique également que la Requérante est responsable d’approvisionner les Produits et Buzz Rack Technology Co s’occupe de l’exportation des Produits. En raison de cette explication, je n’estime pas que les réponses de M. Wang lors du contre‑interrogatoire que BUZZRACK était [traduction] « toujours sous » Buzz Rack Technology Co soulèvent des doutes quant à savoir s’il y avait un prédécesseur en titre entre la date de premier emploi revendiquée et la date de dépôt de la demande.

[15] De plus, je n’estime pas que la présentation de BUZZRACK mise de l’avant par l’Opposante soit une déviation importante de la Marque [voir Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, SA, 1985 CanLII 5537 (CAF) [1985], 4 CPR (3d) 523; Convenience Food Industries (Private) Ltd c Clic International Inc, 2011 CF 1338, 97 CPR (4th) 420]. La forme des lettres sur le support est la même et la marque de commerce visée par la demande est en noir et blanc, ce qui accorde à la Requérante le droit d’employer la Marque dans n’importe quelle couleur. Je fais référence à Brett LJ dans British Drug Houses Ltd c Battle Pharmaceuticals, 1944 CanLII 308 (CA EXC), à la p 247 :

[traduction]

[…] il n’y a rien dans la loi pour empêcher la marque de commerce qui est déposée d’être employée dans une quelconque couleur. Par conséquent, il me semble que l’interprétation appropriée est que, si une marque de commerce est déposée, elle n’est pas simplement le contour ou le dessin tel qu’imprimé dans l’annonce en noir, ou en noir et blanc, qui doit être protégé, mais plutôt ce qui doit être protégé est la marque de commerce telle qu’elle peut être employée ou sera employée dans la pratique normale du commerce; c’est-à-dire dans n’importe quelle couleur.

[16] Par conséquent, l’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de la Loi et ce motif d’opposition est rejeté.

L’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve à l’égard de l’article 30e)

[17] Il n’y a aucune preuve pour suggérer que la Requérante n’a pas l’intention d’employer la Marque au Canada, par conséquent l’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve et le motif d’opposition fondé sur l’article 30e) est rejeté. Plutôt, la preuve produite par la Requérante tend à appuyer le fait qu’elle avait l’intention d’employer la Marque. En particulier, la preuve de M. Wang est que la Requérante fabrique des porte-skis, des porte-kayaks, des porte-bagages et des porte-animaux de compagnie, entre autres, pour automobiles, bien que ceux-ci ne soient pas présentement vendus au Canada (para 4 et 5) puisque le distributeur de la Requérante importe des produits pour vélos (questions 47 à 53).

Motifs d’opposition fondés sur la confusion

[18] La question déterminante pour la décision soulevée par les motifs d’opposition fondés sur les articles 16, 12(1)d) et 2 est de savoir si la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce BACKRACK et BACKRACK & Dessin de l’Opposante. Les dates pertinentes pour évaluer la question de la confusion sont les suivantes : (i) la date de premier emploi des Produits (1) (le 13 juin 2013) et la date de dépôt de la demande pour les Produits (2) (le 31 mars 2017) à l’égard du motif fondé sur le droit à l’enregistrement; (ii) la date de ma décision à l’égard du motif d’opposition alléguant que la Marque n’est pas enregistrable; et (iii) la date de l’opposition (le 13 juillet 2018) à l’égard du motif d’opposition alléguant que la Marque ne permet pas de distinguer les Produits [pour un examen des dates pertinentes dans les procédures d’opposition, voir American Assn of Retired Persons c Canadian Assn of Retired Persons/Assoc canadienne des Individus Retraites (1998), 84 CPR (3d) 198 (CF 1re inst) aux p 206 à 208].

L’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve à l’égard de tous les motifs fondés sur la confusion

[19] L’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve à l’égard de tous les motifs fondés sur la confusion pour les raisons suivantes :

a) Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) – J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)] et je confirme que les enregistrements suivants existent :

LMC857,615

(1) Supports pour camionnettes, nommément supports de protection conçus pour protéger la cabine et supporter divers accessoires, nommément supports de lumières, d’antennes et de boîtes à outils.

Services

(1) Services de distribution dans le domaine des pièces d’automobile.

 

LMC857,619

BACKRACK

b) Motifs d’opposition fondés sur le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16 – La preuve de l’Opposante des ventes de ses supports pour camionnettes marqués avec ses marques de commerce (affidavit Jayne, para 13 et 14; Pièce B) avant juin 2013 sont suffisantes pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau de preuve qu’elle avait employé ses marques de commerce aux dates pertinentes applicables.

c) Motif d’opposition fondé sur l’article 2 – La preuve de l’Opposante de ventes de plus de 450 000 supports (affidavit Jayne, para 13) par ses 1 000 détaillants, ainsi que la preuve d’annonce (para 16, 19 et 20; Pièce F), est suffisante pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau de preuve en appui du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif. L’Opposante a démontré que, en date du 13 juillet 2018, ses marques de commerce BACKRACK et BACKRACK & Dessin étaient connues dans une certaine mesure au Canada et que la réputation de ces marques de commerce était importante, significative ou suffisante [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[20] Je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec l’une des marques de commerce de l’Opposante à l’une des dates pertinentes. Puisque les dates pertinentes ne semblent pas avoir une incidence importante sur mes conclusions dans le cadre de l’article 6(5) en l’espèce, je propose d’aborder les trois motifs d’opposition fondés sur la confusion ensemble. Je porterai mon analyse sur la marque de commerce BACKRACK de l’Opposante, puisque j’estime qu’elle représente le meilleur argument de l’Opposante. C’est-à-dire, si le motif de l’Opposante n’est pas accueilli pour cette marque de commerce, il ne sera pas accueilli pour son autre marque de commerce.

Test en matière de confusion

[21] Le test à appliquer pour trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[22] Par conséquent, l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais celle entre des produits ou services d’une source qui sont considérés comme provenant d’une autre source. Essentiellement, la question ici est de savoir si un consommateur, qui a un souvenir imparfait de la marque de commerce BACKRACK de l’Opposante, penserait que les Produits BUZZRACK de la Requérante proviennent, sont parrainés ou approuvés par l’Opposante.

[23] Dans l’application du test en matière de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à chacun dans le cadre d’une évaluation contextuelle [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, précité]. Je cite également Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 où la Cour suprême du Canada déclare, au para 49, que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques de commerce, est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

Caractère distinctif inhérent

[24] Une marque de commerce possède un caractère distinctif inhérent lorsque rien en elle n’oriente le consommateur vers une multitude de sources [Compulife Software Inc c CompuOffice Software Inc, 2001 CFPI 559, au para 19]. Comme l’a souligné le juge Bédard dans Philip Morris Products SA c Imperial Tobacco Canada Limited, 2014 CF 1237, citant Apotex Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), 2010 CAF 31, la question de savoir si une marque de commerce est distinctive est une question de fait qui doit être jugée en fonction du message que la marque transmet au consommateur ordinaire des produits ou services en question lorsque la marque est considérée dans sa globalité sous l’angle de la première impression.

[25] L’élément commun dans les marques de commerce des parties, RACK, n’ajoute aucun caractère distinctif à l’une ou l’autre marque de commerce puisque les produits des parties sont des « racks » (supports) et la preuve est que ce mot est employé de façon descriptive par les deux parties ainsi que par des tiers. Par exemple, dans la preuve de l’Opposante, le mot « rack » apparaît à plusieurs reprises, y compris « safety rack », « louvered rack », « open rack » et « three round rack » (affidavit Jayne, Pièces B et G). De plus, les imprimés des sites Web de détaillants sur le site Web de l’Opposante comprennent les mots « racks », « bike racks », « roof racks » et « ski racks » (affidavit Jayne, Pièces I à K).

[26] J’estime que la Marque possède un degré raisonnable de caractère distinctif inhérent puisque l’élément BUZZ dans le mot inventé BUZZRACK ne décrit aucune caractéristique ou qualité inhérente des Produits. La marque de commerce de l’Opposante possède également un degré de caractère distinctif inhérent découlant des éléments qui riment dans ses marques de commerce, lesquels sont composés du mot inventé BACKRACK.

Période d’emploi et mesure dans laquelle la marque est devenue connue

[27] L’Opposante a démontré l’emploi de sa marque de commerce BACKRACK en liaison avec les supports pour camionnettes depuis au moins aussi tôt que 1998. M. Jayne estime que, depuis 1989, l’Opposante a vendu au moins 450 000 supports au Canada, tous arborant en évidence les mots BACKRACK en lettres majuscules en gras dans une police blanche solide (para 13). Plus important, la marque de commerce BACKRACK sur le support continue d’être arborée après la vente, augmentant la réputation de la marque de commerce de l’Opposante. En revanche, la Requérante a fourni une preuve d’emploi très limitée de sa Marque avec les ventes de la Requérante commençant en 2013 et atteignant un sommet au Canada d’approximativement 800 unités en 2019 (contre-interrogatoire Wang, questions 54 à 62). La mesure dans laquelle les marques sont devenues connues et la période d’emploi favorisent donc grandement l’Opposante.

Genre de produits et de services et nature du commerce

[28] Puisque les marques de commerce des deux parties couvrent les supports pour véhicules, il y a un chevauchement direct entre les produits, les entreprises et le commerce des parties. Par conséquent, ce facteur favorise également l’Opposante.

Degré de ressemblance

[29] Le degré de ressemblance entre les marques de commerce aura souvent le plus grand effet sur l’analyse de la confusion. Lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, il est clair en droit que les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble. Le test approprié n’est pas une comparaison côte à côte, mais un souvenir imparfait dans l’esprit d’un consommateur de la marque de commerce d’un opposant [Veuve Clicquot, précité, au para 20]. La meilleure façon de comparer les marques de commerce consiste à déterminer d’abord si un aspect d’une marque de commerce est particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece, au para 64].

[30] En l’espèce, j’estime que la partie la plus frappante de la Marque est l’élément BUZZ. J’estime que l’élément nominal restant RACK est suggestif ou descriptif des produits connexes. En ce qui a trait aux marques de commerce de l’Opposante, j’estime que l’élément le plus frappant est l’aspect de rime de la marque de commerce BACKRACK.

[31] Je n’estime pas que les marques de commerce aient un degré important de ressemblance entre l’une et l’autre dans la présentation, le son ou les idées suggérées lorsqu’elles sont considérées dans leur ensemble, puisque les éléments les plus frappants des marques de commerce ne sont pas semblables. En particulier, les marques de commerce suggèrent des idées différentes : un support à l’arrière et le concept de bourdonnement. Les marques de commerce ont également une présentation et un son différents, puisque la Marque n’a pas l’aspect de rime. De plus, l’attention de l’Opposante sur les éléments individuels de la Marque qui sont les mêmes que pour sa marque, soit la première lettre B ainsi que le deuxième élément RACK, semble nécessiter une comparaison côte à côte du type dont les cours désapprouvent [Veuve Clicquot, précité, au para 20; International Stars SA c Simon Chang Design Inc, 2013 CF 1041, au para 9]. Enfin, j’estime que le degré de ressemblance serait faible, même si la Marque est présentée complètement en blanc sur un support noir comme la marque de commerce BACKRACK & Dessin de l’Opposante est présentée [voir Arterra Wines Canada, Inc c Diageo North America, Inc, 2020 CF 508, au para 62, qui indique que les présentations futures possibles d’une marque de commerce disponibles à un propriétaire de marque de commerce déposée et un propriétaire de marque de commerce visée par une demande doivent être évaluées, citant Masterpiece, aux para 55, 56 et 85; Cheah c McDonald’s Corporation, 2013 CF 774, aux para 3 et 4; Pizzaiolo, ci-dessus, au para 24].

Conclusion

[32] La question posée par l’article 6(2) de la Loi est de savoir si les acheteurs des Produits offerts en liaison avec la Marque peuvent croire que ces produits sont offerts, autorisés ou font l’objet d’une licence octroyée par l’Opposante en raison de ses marques de commerce BACKRACK et BACKRACK & Dessin. Je l’ai évalué comme une question de la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé à la vue de la Marque, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de l’une ou l’autre des marques de commerce BACKRACK, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[33] Compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, j’estime que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l’une ou l’autre des marques de commerce BACKRACK et BACKRACK & Dessin de l’Opposante à chacune des dates pertinentes. Nonobstant le fait que les marques de commerce de l’Opposante ont acquis un degré important de caractère distinctif acquis et que le genre des produits et services, ainsi que les voies de commercialisation, des parties se chevauche, j’estime que les marques de commerce des parties sont plus différentes que semblables et cela fait pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante. Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur les articles 16, 12(1)d) et 2 sont rejetés.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[34] La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de dépôt de la Demande.

[35] L’Opposante fait valoir que la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque en liaison avec les Produits, pour les raisons suivantes : elle aurait dû être consciente des marques de commerce de l’Opposante et que cela aurait l’effet de déprécier l’achalandage lié aux marques de commerce de l’Opposante en contravention à l’article 22 de la Loi et de violer l’article 7 de la Loi.

[36] Je commencerai en notant que la simple connaissance de l’existence des marques de commerce de l’Opposante n’étaye pas en soi une allégation selon laquelle la Requérante n’aurait pas pu être convaincue de son droit d’employer la Marque [voir Woot, Inc c Woot Restaurants Inc Les Restaurants Woot Inc, 2012 COMC 197]. De plus, j’ai conclu que les marques de commerce ne créent pas de confusion. Par conséquent, la connaissance de la Requérante des enregistrements de marques de commerce de l’Opposante n’empêche pas la Requérante de déclarer qu’elle a le droit d’employer la Marque.

[37] De plus, l’Opposante n’a pas produit de preuve d’au moins un des éléments requis pour démontrer une violation de l’article 7b) de la Loi : la déception du public due à la représentation trompeuse [voir les trois éléments énoncés dans Ciba-Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, [1992] 3 RCS 120, au para 33 cité par Pharmacommunications Holdings Inc c Avencia International Inc, 2008 CF 828, au para 41].

[38] Enfin, l’Opposante n’a produit aucune preuve de dépréciation de l’achalandage ou d’un lien entre la Marque et l’un des enregistrements de l’Opposante comme il est requis pour démontrer une violation de l’article 22 de la Loi [Veuve Clicquot, précité, aux para 46 et 63 à 68].

[39] Par conséquent, puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve dans le cadre de ce motif d’opposition, celui-ci est rejeté.

Décision

[40] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

_______________________________

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches

 

Le français est conforme aux WCAG.


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2022-12-14

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Michele Ballagh

Pour la Requérante : Michael O’Neill

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Blaze IP

Pour la Requérante : Marks & Clerk

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