Contenu de la décision
Office de la propriété intellectuelle du Canada
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
Référence : 2023 COMC 067
Date de la décision : 2023‑04‑11
[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION
Opposante : Smarte Carte, Inc.
Requérante : Sandals Resorts International 2000 Inc.
Demande : 1778159 pour SANDALS SMART CART & Design
Introduction
[1] Smarte Carte, Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce SANDALS SMART CART & Design (la Marque), reproduite ci‑dessous, laquelle fait l’objet de la demande d’enregistrement no 1778159 par Sandals Resorts International 2000 Inc. (la Requérante).
[2] La Marque visée par la demande est enregistrée en liaison avec de nombreux services liés au domaine du voyage et du tourisme. Les services sont reproduits à l’annexe A ci‑dessous.
[3] L’opposition est fondée principalement sur l’affirmation selon laquelle la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce SMARTE CARTE de l’Opposante, employée et/ou enregistrée auparavant en liaison avec la vente et la location de chariots à bagages, de chariots et d’autres commodités, disponibles à divers endroits, tels que les aéroports, les hôtels, les centres de villégiature et les centres commerciaux.
Le dossier
[4] La demande d’enregistrement de la Marque a été produite le 19 avril 2016, fondée sur une revendication d’emploi projeté au Canada et comporte une date de priorité revendiquée du 12 avril 2016 fondée sur une demande produite au Royaume‑Uni en liaison avec le même type de services. La demande a été annoncée aux fins d’opposition le 11 décembre 2019.
[5] Le 28 janvier 2020, l’Opposante s’est opposée à la demande en produisant une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‑13 (la Loi). L’Opposante a produit une déclaration d’opposition modifiée le 14 août 2020, qui a été acceptée en octobre 2020.
[6] Dans sa déclaration d’opposition modifiée, l’Opposante invoque les motifs d’opposition suivants :
·non‑enregistrabilité de la Marque en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi;
·absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi;
·absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)c) de la Loi;
·absence de caractère distinctif de la Marque en vertu de l’article 2 de la Loi;
·absence de droit à l’emploi de la Marque en vertu de l’article 38(2)f) de la Loi.
[7] La Requérante a présenté une contre‑déclaration le 3 avril 2020.
[8] À l’appui de son opposition, l’Opposante a soumis l’affidavit de Steve Wagner, assermenté le 13 août 2020 (l’Affidavit Wagner).
[9] À l’appui de la demande, la Requérante a soumis l’affidavit d’Evelyn Dapito, assermenté le 16 juin 2021 (l’Affidavit Dapito). Aucun des auteurs d’affidavit n’a été contre‑interrogé.
[10] Les deux parties ont produit des observations écrites et ont été représentées à l’audience.
Aperçu de la preuve de l’Opposante
[11] L’Opposante est la propriétaire de la marque de commerce SMARTE CARTE, enregistrée en octobre 1982 sous l’enregistrement no TMA273263. La marque de commerce de l’Opposante est enregistrée en liaison avec les produits [traduction] « chariots à bagages et poussettes; les îles de distributeurs automatiques contenant des chariots de bagages et des poussettes » (les produits enregistrés de l’Opposante), et les services [traduction] « Location de chariots à bagages à main dans les gares de transport » et [traduction] « Location de chariots à bagages à main et de chariots dans les centres commerciaux » (les services enregistrés de l’Opposante).
L’Affidavit Wagner
[12] M. Wagner est le vice‑président principal du développement des affaires de l’Opposante [para 1].
[13] Dans son affidavit, M. Wagner a résumé l’historique de l’entreprise de l’Opposante et décrit ses activités commerciales actuelles à l’échelle mondiale et au Canada. Il affirme que l’Opposante vend les produits enregistrés de l’Opposante, ainsi que des casiers et des fauteuils de massage (collectivement, les produits de l’Opposante) à des entreprises qui exploitent leurs activités dans des endroits où de tel équipement serait employé, comme les aéroports, les centres commerciaux, les centres de villégiature et les centres de conditionnement physique. Il affirme que l’Opposante offre également les services enregistrés de l’Opposante, ainsi que la location de casiers et des fauteuils de massage (collectivement, les services de l’Opposante), en exécutant des programmes de concession à ces endroits. Plus particulièrement, l’Opposante offre la location de chariots à bagages, de poussettes, de casiers et de fauteuils de massage et l’Opposante conserve la propriété de l’équipement fourni et les propriétaires des endroits qui reçoivent une commission en fonction des recettes de location perçues par l’Opposante [para 4].
[14] M. Wagner a également fourni des renseignements sur l’emploi par l’Opposante de sa marque de commerce au Canada, notamment :
·les images indiquant la marque de commerce SMARTE CARTE affichée sur les chariots à bagages, les poussettes, les casiers et les fauteuils de massage de l’Opposante [Pièces A à C];
·les ventes et les recettes de location pour les années 2015 à 2019 [para 14 et 15];
·des échantillons de factures pour les ventes effectuées au cours des années 2015 à 2019 [Pièce D];
·des exemples de publicités affichant la marque de commerce [Pièces A, B et F];
·une liste des endroits où les chariots à bagages, les poussettes, les casiers et les fauteuils de massage de l’Opposante se trouvent au Canada [Pièce E].
Aperçu de la preuve de la Requérante
L’Affidavit Dapito
[15] Mme Dapito est une assistante judiciaire employée par l’agent au dossier de la Requérante [para 1]. Elle atteste qu’on lui a demandé d’effectuer deux recherches particulières dans la base de données sur les marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) [para 3].
[16] Par conséquent, Mme Dapito fournit un tableau contenant une liste de toutes les demandes et d’enregistrements de marques de commerce « actifs » au Canada qui comprennent les termes SMART et CART [traduction] « pour toutes les classes de produits et de services » [para 4, Pièce A]. Je fais remarquer que le tableau de la Pièce A comprend 14 de ces articles, y compris la demande visée et l’enregistrement susmentionné de l’Opposante.
[17] Mme Dapito fournit également un tableau contenant une liste de [traduction] « toutes » les demandes et de [traduction] « tous » les enregistrements des marques de commerce de la Requérante au Canada [para 5, Pièce B]. Le tableau de la Pièce B comprend 55 de ces articles, dont certains comportent l’élément SANDALS.
Les faits qui ne sont pas en preuve liés à l’entreprise de la Requérante
[18] Dans ses observations écrites, la Requérante allègue plusieurs faits relatifs à la Requérante et au genre de son entreprise et de ses services, notamment :
·la Requérante est [traduction] « l’un des noms les plus reconnus et primés dans le domaine de l’accueil à l’échelle mondiale », et exploite 24 propriétés de centres de villégiature dans sept pays, dont le premier a été ouvert en 1981 [para 33];
·les services de la Requérante sont habituellement vendus à un prix élevé, dont le coût moyen d’un séjour d’une semaine se situant entre 5 000 $ et 10 000 $ [para 37];
·la Requérante a été présentée dans des publications et des entrevues de culture populaire et a remporté de nombreux prix dans l’industrie hôtelière [para 77];
·les services de la Requérante sont considérés comme des vacances de luxe et sont achetés directement de la Requérante ou d’une agence de voyage partenaire [para 115];
·la Marque coexiste avec la marque de commerce de l’Opposante dans les registres des marques du Royaume‑Uni et des États‑Unis [para 124].
[19] Dans l’ensemble de ses observations, la Requérante invite le registraire à prendre connaissance d’office de ces faits allégués. La Requérante demande également au registraire de prendre connaissance d’office de divers documents, comme les pages Web de la Requérante et des agences de voyage partenaires [para 115], qu’elle soutient établit la véracité de certains des faits allégués.
[20] L’Opposante, bien sûr, s’oppose à ce que ces faits soient acceptés par connaissance d’office ou par ailleurs déduits. À l’audience, l’Opposante a fait valoir que la connaissance d’office ne devrait être prise que pour les faits qui satisfont à l’un ou l’autre des critères suivants :
·dont la notoriété en rend l’existence raisonnablement incontestable;
·dont il est possible d’établir facilement l’exactitude en recourant à des sources facilement accessibles dont la fiabilité ne saurait être remise en question, comme les traités, les dictionnaires, les almanachs et les autres ouvrages de référence, citant Les Editions Albert René, SARL c TMR Theatrical Productions Limited, (2004), 38 CPR (4th) 267 (COMC).
[21] L’Opposante affirme que les faits dont la Requérante demande la connaissance d’office ne répondent pas à ces critères. L’Opposante fait également remarquer que la Requérante a eu l’occasion de présenter des éléments de preuve de tous ces faits allégués, mais qu’elle a choisi de ne pas le faire.
[22] La Requérante n’a fourni aucune raison pour laquelle une connaissance d’office des faits allégués devrait être prise, ni dans ses observations écrites ni à l’audience. Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec l’Opposante pour dire qu’il ne serait pas approprié de prendre connaissance d’office des faits allégués par la Requérante dans ses observations. Les faits ne sont ni notoires et il n’est pas possible de les établir facilement en recourant à des sources dont la fiabilité ne saurait être remise en question; par exemple, le site Web même de la Requérante ne constitue pas une telle source. De plus, il n’est pas approprié pour le registraire de chercher des renseignements ou des documents particuliers pour aider une partie à s’acquitter de son fardeau [voir JTI‑Macdonald MC Corp. c Kabushiki Kaisha Studio Ghibli, 2020 COMC 123, au para 54; et Arterra Wines Canada Inc c Sundial Growers Inc., 2021 COMC 67, au para 70]. Si la Requérante entendait invoquer ces faits à l’appui de sa demande, il lui incombait de produire les éléments de preuve et de donner à l’Opposante l’occasion de procéder à un contre‑interrogatoire significatif, si elle le souhaite. Par conséquent, je refuse de prendre connaissance d’office de ces faits allégués relatifs à la Requérante et au genre de son entreprise et de ses services.
[23] Même si je devais prendre connaissance d’office comme l’a demandé la Requérante, la pertinence de bon nombre des faits allégués n’est pas nécessairement évidente. Par exemple :
·les services, tels qu’ils ont été énoncés dans la demande, ne sont pas nécessairement limités à ceux à coût élevé. Par exemple, l’état déclaratif des services comprend [traduction] « des services électroniques de renseignements en ligne […] » qui peuvent ou non être offerts à un coût élevé et peuvent ou non être liés à la publicité des produits et des services qui sont eux‑mêmes à coût élevé;
·le simple fait que la Marque peut coexister avec la marque de commerce de l’Opposante dans les registres de marques de commerce étrangers n’est pas pertinent aux procédures d’opposition canadiennes [Vivat Holdings Ltd. c Levi Strauss & Co., 2005 CF 707, au para 65].
Fardeau de preuve et fardeau ultime
[24] Pour chaque motif d’opposition soulevé, l’opposant doit s’acquitter du fardeau de preuve initial de produire suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. Si l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, la Requérante doit alors convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que le motif d’opposition ne devrait pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].
Motif fondé sur l’article 12(1)d) – Confusion avec une marque de commerce déposée
[25] Conformément à l’article 38(2)b), l’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, car elle crée de la confusion avec la marque de commerce de l’Opposante, déposée SMARTE CARTE sous le no TMA273263).
[26] Puisque l’enregistrement de l’Opposante existe dans le registre, elle s’acquitte de son fardeau de preuve initial en vertu de ce motif. Par conséquent, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée SMARTE CARTE de l’Opposante. La date pertinente pour évaluer la confusion en vertu de ce motif avec une marque de commerce déposée est la date de la présente décision [Simmons Ltd c A to Z Comfort Beddings Ltd, (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].
Le critère de la confusion
[27] L’emploi d’une marque de commerce créera de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce proviennent de la même source [article 6(2) de la Loi]. Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la Marque en liaison avec les services visés par la demande alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’Opposante et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].
[28] L’application du critère de confusion est un exercice qui consiste à rechercher les faits et à tirer des conclusions [Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, au para 102]. Toutes les circonstances de l’affaire doivent être prises en considération, y compris les facteurs énumérés à l’article 6(5) de la Loi, notamment :
le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;
la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage;
le genre de produits, services ou entreprises;
la nature du commerce;
le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.
[29] Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération même si le poids qu’il convient de leur accorder n’est pas nécessairement le même [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au para 54; Veuve Clicquot, au para 21].
Degré de ressemblance
[30] Le degré de ressemblance entre les marques de commerce est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [Masterpiece, au para 49]. Lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble sous l’angle de la première impression. Il ne faut pas scruter séparément chacun de leurs éléments constitutifs [Wool Bureau of Canada Ltd c Registraire des marques de commerce, (1978), 40 CPR (2d) 25 (CF 1re inst)]. Cela dit, il est préférable de commencer par déterminer s’il y a un aspect de chaque marque de commerce qui est particulièrement frappant ou unique. Il est raisonnable de conclure que de tels aspects frappants ou uniques sont importants dans leurs marques de commerce respectives [Masterpiece, au para 64].
[31] Pour ce qui est du degré de ressemblance, la Requérante soutient ce qui suit :
La Marque et la marque de commerce SMARTE CARTE de l’Opposante sont [traduction] « complètement différentes » sur le plan de l’apparence, du son et des idées suggérées [para 50].
La Marque se compose de trois mots présentés dans divers caractères et teintes, ainsi que d’un dessin distinctif représentant un chariot avec une lettre S [para 51].
Le mot stylisé SANDALS dans la Marque est le « premier » aspect et l’aspect le plus distinctif de la Marque [para 51 et 62].
Les mots SMART CART dans la Marque sont [traduction] « revêtent beaucoup moins d’importance » que le mot stylisé SANDALS et le dessin du chariot [para 53].
Le mot stylisé SANDALS est la marque maison de la Requérante et suffit à distinguer la Marque de la marque de commerce de l’Opposante, citant U Box It Inc c U‑Haul International, Inc, 2014 COMC 209 et 2014 COMC 2010 à l’appui [para 56].
L’idée que suggère la Marque dans son ensemble est celle liée à l’achat de services relatifs à l’entreprise de voyages et d’exploitation de centres de villégiature de la Requérante, alors que l’idée que suggère la marque de commerce de l’Opposante est celle de chariots et de chariots à bagages technologiquement avancés ou de libre‑service [para 63 et 64].
[32] Dans ses observations, l’Opposante fait valoir ce qui suit :
La Marque comprend les mots SMART CART, qui sont identiques du point de vue phonétique à l’ensemble de la marque de commerce de l’Opposante [para 46].
L’ajout de la marque maison de la Requérante à la marque de commerce de l’Opposante ne suffit pas à la distinguer, citant Johnson Inc c AllWest Insurance Services Ltd, 2015 COMC 129, à l’appui [para 47]. À l’audience, l’Opposante a ajouté qu’il s’agirait d’une [traduction] « proposition dangereuse » de conclure qu’une requérante peut simplement ajouter sa marque maison à l’équivalent phonétique de la marque de commerce de quelqu’un d’autre pour éviter une conclusion de confusion.
Les figuratifs de la Marque ne sont pas pertinents dans l’examen de la ressemblance entre les marques de commerce sur le plan du son, citant Gigi Inc c Bigi Canada Ltée (1990), 29 CPR (3d) 562 (COMC) à l’appui [para 48].
[33] Je suis d’accord avec l’Opposante pour dire que la Marque comprend des mots qui sont identiques du point de vue phonétique à l’ensemble de la marque de commerce de l’Opposante. En outre, à mon avis, ces mots identiques sur le plan phonétique constituent l’aspect le plus frappant de la Marque. À cet égard, les mots SMART CART sont sensiblement plus grands que les autres éléments de la Marque, à tel point que le consommateur ordinaire est susceptible d’être frappé avant tout par les mots SMART CART. Cela, à mon avis, fait de SMART CART l’aspect le plus frappant de la Marque, malgré le mot stylisé SANDALS qui apparaît au‑dessus ou en premier, et malgré le fait que SANDALS soit quelque peu distinctif dans le contexte des services demandés. Cela est conforme à d’autres cas où le registraire a conclu que l’élément le plus important d’une marque de commerce était l’aspect important, et le plus frappant, malgré la présence d’éléments moins importants et plus intrinsèquement distinctifs qui apparaissent « en premier » dans la marque de commerce. Par exemple :
Dans Hot Stuff Foods, LLC c Maple Leaf Foods Inc, 2012 COMC 30, l’élément dominant et le plus frappant de la marque de commerce en litige a été jugé être la grande taille des mots stylisés HOT STUFFS, plutôt que la marque maison SCHNEIDER’S du propriétaire de la marque de commerce ou du dessin d’une jeune femme portant un bonnet, dont les deux apparaissent au‑dessus des mots HOT STUFFS [au para 52].
Dans Manufacturier de Bas de Nylon Doris Ltee c Eclectic Edge, Inc, 2013 COMC 213, l’aspect le plus important de la marque visée par la demande a été jugé être le mot stylisé SECRET, qui était en caractères plus gros que les autres aspects de la marque de commerce visée par la demande [para 45].
[34] Dans l’ensemble, la Marque comporte des éléments supplémentaires (notamment le mot stylisé SANDALS et le dessin du chariot) qui, en général, réduisent le degré de ressemblance entre les marques. L’omission de la lettre « E » de chacun des mots SMART et CART dans la Marque crée également une légère différence entre la marque de commerce de l’Opposante et l’aspect le plus frappant de la Marque, du moins en ce qui concerne la présentation.
[35] Toutefois, il est important de ne pas oublier que l’emploi de marques de commerce comportant certaines différences entre elles peut encore donner lieu à un risque de confusion [Masterpiece, au para 62]. En fin de compte, malgré les différences entre les marques de commerce, la Marque comprend en tant qu’aspect important et le plus frappant les mots SMART CART. Ces mots sont identiques du point de vue phonétique à l’ensemble de la marque de commerce de l’Opposante et leur présentation est presque identique. Compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’il existe un certain degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.
[36] Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.
Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues
[37] Dans ses observations, la Requérante a soutenu que ce facteur favorise une conclusion d’absence de confusion. Elle fait valoir que la Marque possède un caractère distinctif inhérent parce que, lorsqu’elle est considérée dans son ensemble et en association avec les services visés par la demande, la Marque :
ne décrit pas les services;
n’a pas plusieurs significations;
contient des aspects suffisants, y compris les stylisations, les ombrages et les dessins, pour être considéré comme ayant un caractère distinctif inhérent [para 73 et 75].
[38] La Requérante soutient également que la Marque est devenue connue dans une large mesure parce que la Marque comporte la marque maison et le nom commercial, SANDALS, de la Requérante et parce que la Requérante est connue dans une large mesure par les consommateurs [para 78 et 79].
[39] En ce qui concerne la marque de commerce de l’Opposante, la Requérante fait valoir qu’elle ne possède pas un caractère distinctif inhérent. Elle soutient que les significations communes des mots « smart » et « cart » (que la Requérante considère comme l’équivalent phonétique à la marque de commerce de l’Opposante) suggèrent des chariots « smart » (intelligents) ou technologiques utilisés pour « charrier » les bagages ou les enfants des consommateurs [para 83 et 84]. La Requérante fait également valoir que la mesure dans laquelle la marque de commerce de l’Opposante est devenue connue n’est pas claire [para 87 et 88].
[40] Dans ses observations, l’Opposante soutient que sa marque de commerce possède un caractère distinctif inhérent parce qu’elle ne présente aucun sens descriptif par rapport aux produits et aux services indiqués dans son enregistrement [para 21]. À l’audience, tout en reconnaissant les connotations technologiques que peut avoir le mot « smart », l’Opposante a soutenu que ces connotations ne s’appliquent pas nécessairement aux articles simples et mécaniques, comme les chariots à bagages et les chariots de l’Opposante.
[41] L’Opposante fait également valoir que sa marque de commerce est devenue connue au Canada [para 28]. L’Opposante fait référence à l’emploi revendiqué de la marque de commerce SMARTE CARTE au Canada depuis 1982 en liaison avec les produits visés par l’enregistrement de l’Opposante et depuis 1987 en liaison avec les services visés par l’enregistrement de l’Opposante [observations écrites de l’Opposante, au para 24]. Elle fait également référence à ses exemples d’emploi de la marque de commerce SMARTE CARTE en liaison avec les chariots à bagages, les poussettes, les casiers et les fauteuils de massage et le revenu annuel gagné de 2015 à 2019 des ventes et des locations de ces articles au Canada [para 25 à 27].
[42] En ce qui concerne la Marque, l’Opposante fait remarquer que Requérante n’a démontré aucun emploi en liaison avec l’un des services quelconques des services visés par la demande [para 22 et 23].
[43] Je suis d’accord avec la Requérante pour dire que la Marque, lorsqu’elle est considérée dans son ensemble, comporte suffisamment de figuratifs pour lui conférer un plus grand degré de caractère distinctif inhérent. Toutefois, rien dans la preuve n’indique que la Marque est devenue connue au Canada dans une certaine mesure. La Marque est visée par une demande sur la base de l’emploi projeté et il n’y a aucune preuve que la Marque a déjà été employée au Canada. Il n’y a aucune preuve au dossier que la marque maison SANDALS de la Requérante est connue au Canada dans une certaine mesure. Même si la Requérante mentionne ses enregistrements de marques de commerces énumérés à la Pièce B de l’Affidavit Dapito comme preuve que SANDALS est employé depuis plus de 30 ans, la Cour fédérale a averti d’accorder même un minimum de poids aux emplois revendiqués figurant dans les demandes et les enregistrements [voir Tokai of Canada Lt. c Kingsford Products Company, LLC, 2018 CF 951]. Si la Requérante entendait invoquer que le mot stylisé SANDALS était bien connu, il lui incombait de déposer des éléments de preuve à cet égard.
[44] En ce qui concerne la marque de commerce de l’Opposante, je fais remarquer d’abord que les parties semblent convenir que la marque de commerce devrait être prononcée « SMART CART » [voir les observations écrites de la Requérante au para 72]. Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec la Requérante pour dire que la marque de commerce de l’Opposante présente un faible degré de caractère distinctif inhérent, surtout en ce qui concerne les chariots et les services liés aux chariots de l’Opposante. Même si aucune définition pertinente du mot « smart » (intelligent) n’a été déposée en preuve, le registraire peut prendre connaissance d’office des termes du dictionnaire [Tradall SA c Devil’s Martini Inc, 2011 COMC 65]. Ce faisant, je fais remarquer que le merriam‑webster.com comprend une définition du mot « smart » (intelligent) comme [traduction] « fonctionnement par automatisation » ou [traduction] « utiliser un microprocesseur intégré pour le fonctionnement automatique, le traitement de données ou aux fins d’une plus grande polyvalence ». De plus, la définition du terme « smart » (intelligent) prévue dans le Canadian Oxford Dictionary, dans le contexte d’un dispositif, [traduction] « peut prendre une mesure indépendante et apparemment intelligente ». Ces définitions pourraient s’appliquer aux produits et aux services de l’Opposante. Par exemple, l’Affidavit Wagner indique que des modes de paiement électroniques comme les cartes de crédit sont acceptés aux fins de la location de chariots à bagages, et que certaines des poussettes offertes par l’Opposante sont munies de tablettes intégrées qui ont des applications et des jeux pour les enfants [Pièce A de l’Affidavit Wagner].
[45] Toutefois, je suis d’accord avec l’Opposante pour dire que sa marque de commerce est devenue connue au Canada grâce à son emploi dans le marché. De 2015 à 2019, l’Opposante a gagné des revenus annuels allant de 2,4 millions de dollars à 6,5 millions de dollars dans le cadre de la location de chariots à bagages affichant la marque de commerce SMARTE CARTE [Affidavit Wagner, aux para 9 et 15, Pièce A]. De plus, l’Opposante a gagné des revenus supplémentaires en vendant ses chariots à bagages à des clients, tels que l’autorité aéroportuaire de la région du Grand Toronto (qui exploite l’aéroport international Pearson) et l’autorité aéroportuaire de Winnipeg [Affidavit Wagner, au para 14 et Pièce D].
[46] Dans l’ensemble, je conclus que ce facteur favorise l’Opposante. Même si la Marque comporte des figuratifs qui la rend plus intrinsèquement distinctive que la marque de commerce de l’Opposante, rien dans la preuve n’indique que la Marque est devenue connue dans une certaine mesure en raison de son emploi ou de sa promotion. D’autre part, l’Opposante a établi un emploi relativement important sur le marché canadien. On peut raisonnablement s’attendre à ce qu’un tel emploi ait fait, à tout le moins, passablement connaître aux consommateurs canadiens la marque de commerce SMARTE CARTE de l’Opposante.
Période pendant laquelle la marque a été en usage
[47] La Marque est visée par une demande sur la base de l’emploi projeté et il n’y a aucune preuve que la Marque a déjà été employée au Canada. D’autre part, les éléments de preuve indiquent l’emploi de la marque de commerce de l’Opposante depuis au moins 2015 [Affidavit Wagner, aux para 14 et 15, Pièces A et D].
[48] Par conséquent, ce facteur favorise également l’Opposante.
Genre de produits, services ou entreprises et nature du commerce
[49] Lorsqu’il est question de considérer le genre des produits et des services des parties, ce sont les états déclaratifs dans la demande en question et l’enregistrement en question qui gouvernent [Voir Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd, 1987 CanLII 8953 (CAF)]. En l’espèce, les services figurant dans la demande doivent être comparés aux produits et services de l’Opposante tels qu’ils sont indiqués dans l’enregistrement de SMARTE CARTE, qui n’inclut pas les casiers ou les fauteuils de massage, ni la location de ces derniers.
[50] La Requérante fait valoir que ces facteurs favorisent une conclusion d’absence de confusion pour plusieurs raisons, dont les suivantes [para 100 à 118] :
l’Opposante vend et loue des chariots à bagages et des poussettes dans les aéroports et les centres commerciaux, alors que les services visés par la demande – qui comprennent des services en ligne, des services de guide touristique et des services hôteliers – ne sont pas liés;
les parties exercent leurs activités selon différents modèles d’affaires, l’entreprise de l’Opposant consiste à vendre et à louer des poussettes et des chariots à bagages, tandis que la nature de l’entreprise de la Requérante concerne des vacances de luxe et des services connexes, offerts par l’intermédiaire de son site Web;
les produits et services de l’Opposante sont disponibles dans les aéroports et les centres commerciaux, tandis que les services de la Requérante sont disponibles en ligne, ainsi que dans ses propres centres de villégiature et hôtels SANDALS;
les produits et services des parties n’apparaissent pas à proximité les uns des autres;
de multiples [traduction] « formes de commerce peuvent exister au sein d’une vaste industrie », comme l’industrie du voyage et du tourisme.
[51] La Requérante fait également valoir que l’Opposante tente d’élargir sa portée de protection au‑delà de son créneau dans les aéroports pour inclure tous les domaines liés aux voyages et au tourisme [para 1 et 102].
[52] Dans ses observations, l’Opposante fait valoir que les produits et services des parties sont de nature semblable en ce qu’ils se rapportent tous deux à l’industrie du voyage et du tourisme [para 31 à 35]. L’Opposante fait également valoir que les voies de commercialisation des parties se chevauchent en ce sens que l’Opposante vend ses produits à des entreprises qui exploitent des aéroports, des centres commerciaux, des hôtels et des complexes de villégiature, et loue ces biens à des clients de ces endroits. L’Opposante fait valoir que ces voies de commercialisation sont étroitement liées, voire se chevauchent, et qu’ils favorisent donc une conclusion de confusion [para 40 à 43].
[53] À l’audience, en réponse à l’affirmation de la Requérante selon laquelle l’Opposante tente d’élargir « de façon inappropriée » sa portée de protection, l’Opposante a soutenu que la portée de la protection de sa marque de commerce SMARTE CARTE n’est pas en litige. Il s’agit plutôt à savoir si la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer qu’il n’existe aucune probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante.
[54] En l’espèce, bon nombre des arguments de la Requérante ne sont pas convaincants parce qu’il n’est pas clair, aux mieux, si les points de différenciation invoqués par la Requérante sont nécessairement pertinents aux services visés par la demande. Dans la plupart des cas, la seule limitation exprimée relativement à la voie de commercialisation est qu’un service visé par la demande se rapporte au domaine du « voyage et du tourisme ». Dans certains cas, il n’y a aucune limitation de la voie de commercialisation. De plus, les services visés par la demande ne sont pas nécessairement limités à ceux offerts dans les hôtels par les entreprises de vacances de luxe.
[55] Compte tenu des termes généraux en fonction desquels les services visés par la demande sont définis et de l’absence de toute preuve du genre de ces services, les services pourraient être considérés comme liés aux services visés par l’enregistrement de l’Opposante ou comme faisant partie des mêmes voies de commercialisation. Par exemple, le service visé par la demande, [traduction] « services de réservation de voiture » – tandis que cela peut faire référence à un service fourni dans un hôtel de luxe, il peut également faire référence à un service fourni à un aéroport. Dans ce dernier cas, la Marque serait vue par les voyageurs dans les aéroports, dans la même zone où la marque de commerce de l’Opposante apparaît [selon l’Affidavit Wagner aux para 4 et 6, Pièce A]. En outre, les services de réservation pourraient être utilisés par les voyageurs dans les aéroports en même temps que les chariots à bagages de l’Opposante. Le registraire a déjà reconnu que des emplois simultanés possibles de produits et de services peuvent créer une probabilité que l’utilisateur déduise que les produits et services proviennent d’une source commune [voir, par exemple, Kamsut, Inc c Jaymei Enterprises Inc, 2010 COMC 196, aux para 55 et 66].
[56] Même si la requérante affirme que l’Opposante cherche à élargir de manière inappropriée la portée de la protection de sa marque de commerce, c’est la Requérante qui a défini les services visés par la demande de manière générale, pour un emploi dans le domaine du « voyage et du tourisme ». Ces services définis de façon générale sont potentiellement liés aux produits et services visés par l’enregistrement de l’Opposante et peuvent être offerts dans les mêmes zones.
[57] Encore une fois, il incombe à la Requérante d’établir qu’il n’existe aucun risque raisonnable de confusion. En invoquant ces facteurs, il incombe à la Requérante d’établir que les produits, services et voies de commercialisation des parties ne sont pas semblables et n’appuieraient pas une conclusion de confusion. En l’absence d’une preuve réelle concernant le genre des services ou des voies de commercialisation de la Requérante, celle‑ci ne l’a pas fait en l’espèce. À tout le moins, je suis d’accord avec l’Opposante pour dire qu’il y a un risque de chevauchement dans le genre de produits, de services, d’entreprises et de voies de commercialisation.
[58] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que ces facteurs favorisent l’Opposante.
Autre circonstance de l’espèce ‑ preuve de l’état du registre
[59] Dans ses observations, la Requérante fait valoir que les termes « smart » et « cart » sont employés régulièrement, dans diverses industries [para 58], en s’appuyant sur les demandes et les enregistrements indiqués dans l’Affidavit Dapito pour appuyer sa demande [voir la Pièce A].
[60] L’Opposante répond en faisant remarquer que, sur les 12 demandes ou enregistrements tiers indiqués par Mme Dapito :
certains sont destinés à des marques de commerce où « cart » précède « smart », ce qui rend les marques de commerce plus différentes que les marques de commerce en litige en l’espèce;
aucun ne concerne les produits ou services liés à l’industrie du voyage ou du tourisme, tels que ceux de l’Opposante et de la Requérante [para 51].
[61] La preuve de l’état du registre est pertinente seulement dans la mesure où elle appuie des déductions au sujet de la situation du marché canadien [Del Monte Corporation c Welch Foods Inc (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst)]. Des conclusions concernant l’état du marché peuvent être tirées de l’état du registre, mais seulement si l’on relève un nombre significatif d’enregistrements pertinents [Kellogg Salada Canada Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].
[62] En l’espèce, la Requérante ne mentionne que dix enregistrements tiers. Aucun élément de preuve n’a été fourni pour établir la mesure dans laquelle ces marques de commerce ont effectivement été employées sur le marché canadien, le cas échéant. À mon avis, le nombre d’enregistrements fourni n’est pas suffisant pour permettre de tirer des conclusions significatives quant à l’aspect commun des termes « SMART » et « CART » sur le marché canadien, et dans l’industrie du voyage et du tourisme en particulier.
[63] Par conséquent, il ne s’agit pas d’une circonstance de l’espèce qui favorise la Requérante.
Conclusion quant à la confusion
[64] Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties. Dans le meilleur des cas pour la Requérante, j’estime que la probabilité de confusion relativement à la source des produits et des services des parties est également partagée. Je parviens à cette conclusion, compte tenu du degré juste de ressemblance entre les marques de commerce, du fait que la marque de commerce de l’Opposante est devenue connue au Canada dans une certaine mesure et du potentiel de liens entre les produits, les services et le commerce des parties. À cet égard, je fais remarquer une fois de plus l’absence de preuve relative au genre des services et du commerce de la Requérante, nonobstant sa demande que je prenne connaissance d’office de ce genre.
[65] Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi est accueilli.
Motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) – Absence de droit à l’enregistrement
[66] En vertu des articles 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi, l’Opposante soutient que la Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque parce que, à la date de priorité de la production de la demande, la Marque créait une confusion avec la marque SMARTE CARTE de l’Opposante, qui avait été employée au Canada par l’Opposant en liaison avec les produits et services de l’Opposante, et n’a pas été abandonnée le jour où la demande a été annoncée à des fins d’opposition.
[67] Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer :
que sa marque de commerce SMARTE CARTE avait été employé avant la date de priorité de la production de la demande de la Requérante (le 12 avril 2016);
que sa marque de commerce n’a pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande (le 11 décembre2019).
[68] Par conséquent, les éléments de preuve pertinents que l’Opposante peut invoquer pour établir que son emploi précède la date de priorité de la production de la Requérante.
[69] L’Affidavit Wagner établit que l’Opposante a affiché la marque de commerce SMARTE CARTE sur ses chariots à bagages de location, ses poussettes, ses casiers et ses fauteuils de massage qui sont tous deux vendus aux exploitants d’aéroports, centres commerciaux, centres de villégiature et centres de conditionnement physique et loués directement aux consommateurs dans ces installations [Affidavit Wagner aux para 4 et 9, Pièces A à C]. L’Affidavit Wagner établit également que, au minimum :
l’Opposante a gagné des revenus des ventes de chariots à bagages, de poussettes, de casiers et de fauteuils de massage SMARTE CARTE en 2015 et en 2016 [au para 14];
l’Opposante a gagné des revenus de la location de chariots à bagages, de poussettes, de casiers et de fauteuils de massage SMARTE CARTE en 2015 et en 2016 [au para 15].
[70] Les éléments de preuve n’établissement pas entièrement clairement l’endroit où les produits et services susmentionnés ont été vendus, avant la date pertinente pour ce motif. Par exemple, rien dans la preuve n’indique si l’un ou l’autre des services de location de l’Opposante était disponible dans les gares de transport, comme les aéroports ou les centres commerciaux (qui font tous deux partie des services visés par l’enregistrement de l’Opposante). Toutefois, les éléments de preuve démontrent que les chariots à bagages SMARTE CARTE ont été vendus à Great Wolf Lodge, un hôtel et parc aquatique à Niagara Falls, en Ontario, en janvier 2016 [Affidavit Wagner à la Pièce D].
[71] Les éléments de preuve mentionnés ci‑dessus sont suffisants pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui concerne les produits de l’Opposante. En ce qui concerne les services, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initiale relativement à la location de chariots à bagages, de poussettes, de casiers et de fauteuils de massage, mais pas relativement à la location dans les gares de transport ou dans les centres commerciaux en particulier.
[72] Par conséquent, étant donné que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initiale relativement à la plupart des produits et services de l’Opposante, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créait aucune confusion avec la marque de commerce SMARTE CARTE de l’Opposante. Pour ce motif d’opposition, la date pertinente est la date de priorité de la production de la demande (le 12 avril 2016).
[73] Une grande partie de l’analyse de la confusion concernant le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) s’applique à l’égard de ce motif. Le degré de ressemblance entre les marques de commerce ne change pas en fonction de la date pertinente antérieure. De plus, nonobstant la date pertinente antérieure, la mesure dans laquelle la marque de commerce de l’Opposante est devenue connue et la période pendant laquelle elle a été en usage demeure nécessairement plus longue que celle de la Marque en vertu de ce motif.
[74] La principale différence entre ce motif et le motif fondé sur l’article 12(1)d) relève du genre des produits et services et de la nature du commerce dans le cadre desquels ils ont été vendus. À la date pertinente en vertu de ce motif, en plus des chariots à bagages et les chariots, l’Opposante avait vendu et loué des casiers et des fauteuils de massage (qui ne sont pas inclus dans les produits et services visés par l’enregistrement de l’Opposante). Même s’il n’est pas clair si de tels produits étaient disponibles dans les aéroports à la date pertinente, les produits de l’Opposante étaient disponibles au moins dans les hôtels et les centres de villégiatures à compter du 12 avril 2016.
[75] Malgré ces différences, j’en arrive à la même conclusion pour ce motif que celle pour le motif fondé sur l’article 12(1)d). La Requérante allègue un large éventail de services qui pourraient être liés aux produits de l’Opposante et à la location de ces derniers et qui pourraient être offerts dans des voies de commercialisation qui se chevauchent. Cela est particulièrement vrai pour les services d’hôtel et les services connexes figurant dans la demande, qui pourraient être offerts simultanément avec les chariots de l’Opposante dans les hôtels et les centres de villégiature. Par conséquent, après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait pas de probabilité raisonnable de confusion à la date pertinente. Dans le meilleur des cas pour la Requérante, j’estime que la probabilité de confusion relativement à la source des produits et des services des parties est également partagée. Je parviens à cette conclusion, compte tenu du degré juste de ressemblance entre les marques de commerce des parties, du fait que la marque de commerce de l’Opposante était devenue connue au Canada et du potentiel de liens entre les produits, les services et le commerce des parties.
[76] Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli.
Motif fondé sur l’article 16(1)c) – Absence de droit à l’enregistrement concernant le nom commercial
[77] L’Opposante fait également valoir que la Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque en liaison avec les services visés par la demande parce que, à la date de la production de la demande et à tout moment par la suite, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce SMARTE CARTE de l’Opposante, qui avait été employée auparavant au Canada par cette dernière en liaison avec ses produits et services et n’était pas abandonnée le jour où la demande a été annoncée.
[78] Puisque deux motifs d’opposition de l’Opposante fondés sur la confusion ont été accueillis, il n’est pas nécessaire d’examiner également ce motif fondé sur la confusion.
Motif fondé sur l’article 2 – Absence de caractère distinctif
[79] En vertu de l’article 38(2)b) de la Loi, l’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas distinctive, étant donné la définition de ce terme prévue à l’article 2 de la Loi. Plus particulièrement l’Opposante fait valoir que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce de l’Opposante et, par conséquent, elle ne se distingue pas véritablement, et elle n’est pas adaptée non plus pour distinguer les services visés par la demande des produits et services de l’Opposante.
[80] La date pertinente pour ce motif est la date de production de l’opposition, à savoir le 28 janvier 2020 [Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185].
[81] Voici la définition du terme « distinctive » en ce qui concerne les marques de commerce prévue à l’article 2 :
« distinctive » Se dit de la marque de commerce qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire de ceux d’autres personnes, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.
[82] Une marque de commerce « distingue véritablement » en acquérant le caractère distinctif par l’emploi, ce qui donne lieu à un caractère distinctif en fait. D’un autre côté, une marque qui est « adaptée à les distinguer ainsi » est une marque qui ne dépend pas de l’emploi pour son caractère distinctif, parce qu’elle possède un caractère distinctif inhérent [voir Astrazeneca AB c Novopharm Ltd, 2003 CAF 57, au para 16].
[83] Dans un cas comme l’espèce, le fardeau initial de l’Opposante consiste à établir qu’à la date pertinente, sa marque de commerce : i) était connue dans une certaine mesure au Canada en liaison avec les produits pertinents; et ii) avait au Canada une réputation « importante, significative ou suffisante » de façon à annuler le caractère distinctif de la marque de commerce visée par la demande [voir Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, aux para 33 et 34; et Ontario Dental Assistants Association c Association dentaire canadienne, 2013 CF 266, au para 42, conf par 2013 CAF 279]. Dans Suzanne’s Inc c Auld Phillips Ltd, 2005 CAF 429, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’« [é]videmment, il ne peut arriver que rarement qu’un commerçant unique soit en mesure de faire perdre à une marque son caractère distinctif, mais rien ne l’empêche en principe » [au para 7].
[84] Je fais remarquer d’abord qu’il n’est pas nécessairement clair que ce motif a été suffisamment invoqué dans la déclaration d’opposition, car l’Opposante allègue simplement l’absence du caractère distinctif de la Marque en raison de la confusion avec sa propre marque de commerce. Quoi qu’il en soit, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial en vertu de ce motif.
[85] À cet égard, j’accepte que les éléments de preuve de l’Opposante démontrent que, à la date pertinente, sa marque de commerce SMARTE CARTE était devenue connue au Canada au moins dans une certaine mesure. Toutefois, tel qu’il a été indiqué ci‑dessus, la Marque comporte au moins un certain caractère distinctif inhérent. Par conséquent, pour s’acquitter de ce fardeau, l’Opposante doit avoir fourni des éléments de preuve visant à annuler le caractère distinctif inhérent découlant de la réputation de la marque de commerce de l’Opposante, par exemple, en présentant des éléments de preuve d’une confusion réelle [voir, par exemple, CNC Industries Ltd. c C&C Industries, Inc., DBA C&C, 2022 COMC 174, au para 78]. Je ne dispose d’aucun tel élément de preuve d’annulation.
[86] Par conséquent, au minimum, étant donné que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial, ce motif d’opposition est rejeté.
Motif fondé sur l’article 38(2)f) – Absence de droit à l’emploi
[87] Conformément à l’article 38(2)f), l’Opposante fait valoir que, à la date de la production de la demande au Canada, la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les services énoncés dans la demande parce que la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce SMARTE CARTE de l’Opposante et son nom commercial SMARTE CARTE, qui avaient été employés auparavant au Canada par l’Opposante en liaison avec divers produits et services et qu’elle n’avait pas été abandonnée.
[88] L’article 38(2)f) de la Loi prévoit ce qui suit :
38(2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants : […]
f) à la date de production de la demande au Canada […] le requérant n’avait pas le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec ces produits ou services.
[89] Ce motif porte sur le droit de la Requérante d’employer sa marque de commerce (c’est‑à‑dire conformément aux lois fédérales pertinentes et aux autres obligations juridiques), contrairement au droit de la Requérante d’enregistrer sa marque de commerce (relativement à la marque de commerce d’une autre personne, conformément à l’article 16 de la Loi). À mon avis, le fait d’invoquer une marque de commerce visé par une demande créait de la confusion avec une marque de commerce employé auparavant ne constitue pas un fait qui peut étayer un motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f) [voir D.C.K. Concessions Limited c Hong Xia ZHANG, 2022 COMC 200, au para 39, pour une conclusion semblable].
[90] Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.
Décision
[91] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.
_______________________________
Andrew Bene
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifée conforme
Crystal Simard
Le français est conforme aux WCAG.
Annexe A
État déclaratif des services de la demande
Classe 35
(1) Services de gestion de bases de données; service de traitement automatique et de collecte de données dans les domaines du voyage et du tourisme à l’aide d’un logiciel propriétaire pour l’évaluation, l’analyse et la collecte de renseignements personnels sur des personnes dans les domaines du voyage et du tourisme; offre de services de gestion de bureau et d’entreprise et de services de compilation, de stockage et d’extraction d’information dans le domaine du voyage pour des tiers; base de données électronique pour la collecte et le traitement de renseignements personnels sur des personnes dans les domaines du voyage et du tourisme ainsi que d’images électroniques téléchargeables, de courriels et de messages texte numériques; services de renseignements électroniques en ligne, nommément offre de publicités pour des tiers et de renseignements commerciaux ayant trait au voyage, au tourisme et au divertissement, en l’occurrence aux concerts, aux productions théâtrales et aux évènements sportifs, au moyen d’une base de données par liaison téléphonique; publicité et promotion pour des tiers par courriel et par des médias sociaux pour des hôtels, des hôteliers et l’industrie du voyage; services de marketing direct en ligne et services de publicité pour des hôtels et l’industrie du voyage, pour des tiers; offre de services d’extraction d’information dans le domaine du voyage pour des tiers, nommément recherche de renseignements commerciaux informatisés et de données dans des fichiers informatiques.
Classe 38
(2) Services de télécommunication, en l’occurrence transmission de renseignements électroniques en ligne sur les prix, les disponibilités, les propriétés et les réservations dans les domaines du voyage et du tourisme, services de réservation d’hôtels utilisant une base de données de récupération d’information; services de communication, nommément offre d’un babillard électronique pour les communications et diffusion d’information dans les domaines du voyage et du tourisme ainsi que d’images, de courriels et de messages texte; communications électroniques, nommément courriels et publications électroniques dans les médias sociaux dans les domaines du voyage et du tourisme et services de babillard électronique en ligne pour la transmission de messages entre utilisateurs d’ordinateur dans les domaines du voyage et du tourisme; offre de babillards électroniques en ligne et de forums pour la transmission de messages et de contenu multimédia dans les domaines du voyage et du tourisme entre utilisateurs d’ordinateur dans le domaine du voyage.
Classe 39
(3) Services de réservation d’automobiles de location; services de guide de voyage; services de réservation pour le transport et le voyage; services informatisés d’agence de voyages; services d’information sur la disponibilité des places d’avion; offre de services de réservation de voyages et de billets pour des tiers; services informatisés de répertoires de voyages pour l’industrie du voyage; offre d’information sur le voyage et le transport sur un écran interactif; offre d’information sur le voyage et sur les vols, y compris sur les retards de vol, les annulations et les changements de vols ou de portes; services de communication, nommément offre d’un site Web pour les communications et diffusion d’information dans les domaines du voyage et du tourisme ainsi que d’images électroniques téléchargeables, de courriels et de messages texte numériques; communications par courriel, messages texte, messages électroniques diffusés en ligne contenant de l’information sur le voyage et sur les vols, y compris sur les retards de vol, les annulations et les changements de vols ou de portes.
Classe 41
(4) Réservation de billets (divertissement) pour des spectacles, des repas, des pièces de théâtre, des concerts, des festivals, des évènements sportifs; formation dans le domaine des systèmes informatiques de réservation; organisation de conférences et de cours dans le domaine du tourisme à l’aide de systèmes informatiques de réservation et de bases de données.
Classe 42
(5) Location d’une base de données; location de produits informatiques et logiciels pour l’utilisation d’une base de données; services informatiques, nommément services de fournisseur de services applicatifs dans le domaine de l’information sur le voyage pour l’hébergement de logiciels d’application pour la création de bases de données interrogeables contenant de l’information dans les domaines du voyage et du tourisme; services informatiques, nommément services de fournisseur de services applicatifs dans le domaine de l’information sur le voyage pour l’hébergement de logiciels d’application pour la recherche et l’extraction d’information contenue dans des bases de données et sur des réseaux informatiques; services informatiques, nommément création d’index d’information, de sites et de guides de référence disponibles ayant trait à l’information sur le voyage sur des réseaux informatiques; partage de temps sur ordinateurs et services informatiques d’extraction d’information dans les domaines du voyage et du tourisme; location d’équipement informatique.
Classe 43
(6) Services d’hôtel, d’hôtel de villégiature, de motel et de petit hôtel; offre de services d’hébergement hôtelier temporaire; services de réservation d’hôtels; offre d’installations de conférence et de réunion; services de restaurant, de bar et de café; services de traiteur; services de cafétéria; services de traiteur, y compris offre de gâteaux pour occasions spéciales.
COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER
DATE DE L’AUDIENCE : 2023‑01‑31
COMPARUTIONS
Pour l’Opposante : Christopher T. Dejardin
Pour la Requérante : Kayleigh Zimmerman
AGENTS AU DOSSIER
Pour l’Opposante : Cassan Maclean IP Agency Inc.
Pour la Requérante : McMillan LLP