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Office de la propriété intellectuelle du Canada
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
Référence : 2023 COMC 072
Date de la décision : 2023-04-18
[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION
Opposante : Boulangerie Andalos Inc.
Requérante : Knead (Holding) S.A.L.
Demande : 1,849,282 pour ZAATAR W ZEIT & Dessin
Introduction
[1] Boulangerie Andalos Inc (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce ZAATAR W ZEIT & Dessin (la Marque), laquelle est l’objet de la demande d’enregistrement no 1,849,282 par Knead (Holding) SAL (la Requérante). La Marque est reproduite ci-dessous :
[2] La demande d’enregistrement de la Marque est en liaison avec ce qui suit :
[traduction]
Produits
Classe de Nice 29 (1) Plats préparés, nommément viande préparée et viande emballée; aliments en conserve, nommément fruits et légumes séchés et congelés; produits laitiers; huiles alimentaires et graisses alimentaires; viande; poisson; volaille; gibier; extraits de viande; conserves de fruits; gelées; confitures; compotes; œufs; salades.
Classe de Nice 30 (2) Farine; confiseries à base de sucre; pain; biscuits secs; pâtisseries; desserts, nommément flan, brownies, gâteaux au fromage, mousses au chocolat, crêpes; sucre; miel; mélasse; épices; sirops, nommément sirop d’érable, sirop au chocolat; produits pour faire des boissons, nommément aromatisants pour boissons, yogourt glacé pour boissons; café; thé; cacao; succédané de café; riz; tapioca; sagou; préparations à base de céréales, nommément pâte, pâte à gâteau, pâte à brownies; glaces alimentaires; mélasse; levure, levure chimique; sel; vinaigre; sauces, nommément mayonnaise, sauce tomate; condiments, nommément ketchup, moutarde, relish, raifort, sauce épicée et sauce chili; épices; glace.
Classe de Nice 32 (3) Sirops pour boissons, nommément sirop aromatisé au café, sirop de maïs en poudre; boissons alcoolisées, nommément bière; boissons non alcoolisées, nommément café, thé, boissons non alcoolisées au jus de fruits, boissons énergisantes, boissons gazéifiées; eau potable; eaux minérales et gazeuses; boissons aux fruits et jus de fruits.
Classe de Nice 33 (4) Boissons alcoolisées, nommément vin.
Services
Classe de Nice 39 (1) Services de livraison, nommément livraison d’aliments par des restaurants.
Classe de Nice 41 (2) Services de boîte de nuit.
Classe de Nice 43 (3) Services de restaurant; services de bar; services de traiteur; services de comptoir de plats à emporter; restaurants libre-service.
[3] La Requérante a indiqué dans sa demande que la traduction anglaise de ZAATAR W ZEIT dans la Marque est [traduction] THYME ET HUILE D’OLIVE.
Le dossier
[4] La demande d’enregistrement pour la Marque a été déposée le 25 juillet 2017 et annoncée aux fins d’opposition le 29 janvier 2020. Puisque la Marque a été annoncée après l’entrée en vigueur des nombreuses modifications apportées à la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) le 17 juin 2019, en vertu de l’article 69.1, la Loi dans sa version modifiée s’appliquera dans le cadre de cette procédure.
[5] Le 30 mars 2020, l’Opposante s’est opposée à la demande en produisant une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi.
[6] Les motifs d’opposition sont les suivants :
absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi;
absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2 de la Loi;
certains services ne sont pas précisés en termes ordinateurs du commerce en vertu de l’article 30(2)a) de la Loi;
la Requérante n’emploie pas ou ne projette pas d’employer la Marque au Canada en liaison avec les produits et services en vertu de l’article 38(2)e) de la Loi;
la Requérante n’a pas le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les produits et services puisque l’emploi de la Marque constituerait un délit de la common law de commercialisation trompeuse en vertu des articles 38(2)f) et 7b) de la Loi.
[7] La Requérante a produit une contre-déclaration réfutant tous les motifs d’opposition.
[8] Afin d’appuyer son opposition, l’Opposante a produit les affidavits de Fathi Sfairy et de Mohamad Ibrahim, les deux en date du 29 décembre 2020.
[9] Afin d’appuyer sa demande, la Requérante a produit les affidavits de Gerard Daccache et de Jason Choi, les deux en date du 30 avril 2021.
[10] Seule la Requérante a produit des observations écrites, et elle a été représentée lors d’une audience.
Fardeau de preuve et fardeau ultime
[11] Conformément aux règles de preuve habituelles, l’Opposante a le fardeau de preuve initial d’établir les faits sur lesquels elle appuie les allégations formulées dans la déclaration d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd, 1990 CanLII 11059 (CF), CarswellNat 1053 (CF 1re inst)]. L’imposition d’un fardeau de preuve à l’Opposante à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que cette question soit examinée, il doit exister une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question.
[12] En ce qui concerne les allégations à l’égard desquelles l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, tel qu’il est allégué dans la déclaration d’opposition. L’imposition d’un fardeau ultime à la Requérante signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que l’ensemble de la preuve a été examinée, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante.
Motifs d’opposition rejetés sommairement
Motif fondé sur l’article 30(2)a) – Produits – Produits décrits dans des termes ordinaires du commerce
[13] En vertu de l’article 38(2)a) de la Loi, l’Opposante fait valoir que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(2)a) de la Loi en ce sens que le service [traduction] « Services de boîte de nuit » visé par la demande n’est pas décrit dans les termes ordinaires du commerce. L’Opposante n’a pas approfondi cet argument.
[14] La date pertinente pour ce motif est la date de dépôt de la demande.
[15] Le fardeau initial imposé à un opposant en vertu de l’article 30(2)a) est léger et l’opposant peut s’en acquitter essentiellement par argumentation seulement; c’est‑à‑dire que le registraire peut prendre connaissance d’office des faits à l’appui des arguments de l’opposant [voir McDonald’s Corp c MA Comacho-Saldana International Trading Ltd, 1984 CarswellNat 1074 (COMC), et Pro Image Sportswear Inc c Pro Image Inc, 1999 CarswellNat 1487 (COMC)].
[16] Toutefois, en l’absence d’observations de la part de l’Opposante et étant donné qu’aucun élément de preuve de l’Opposante ne semble viser ce motif, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.
[17] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30(2)a) de la Loi est rejeté.
Motif fondé sur l’article 38(2)e) – Aucun emploi ou emploi projeté par la Requérante
[18] L’Opposante fait valoir que la Requérante n’employait pas, ou ne projetait pas d’employer, la Marque à la date de dépôt de la demande. De nouveau, aucune preuve versée au dossier n’appuie ce motif.
[19] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30(2)e) de la Loi est rejeté.
Motif fondé sur l’article 38(2)f) – Emploi illégal de la Marque de commerce
[20] Dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante observe que [traduction] « la Requérante n’a pas le droit d’employer la [Marque] au Canada en liaison avec les produits et services visés par la demande, puisque cela constituerait un délit de la common law de commercialisation trompeuse et un délit législatif de commercialisation trompeuse, comme le codifie l’article 7b) de la Loi, puisque la [Marque] créait de la confusion avec les Marques ZAATAR W ZEIT ».
[21] En supposant que le motif tel que plaidé est un motif d’opposition valide, l’Opposante n’a pas produit de preuve d’au moins un des éléments requis pour démontrer une violation de l’article 7b) de la Loi : la déception du public due à la représentation trompeuse [voir les trois éléments énoncés dans Ciba-Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, [1992] 3 RCS 120, au para 33 cité par Pharmacommunications Holdings Inc c Avencia International Inc, 2008 CF 828, au para 41]. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.
Autres motifs d’opposition
Motif fondé sur l’article 16(1)a) – Absence de droit à l’enregistrement
[22] L’Opposante fait valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement, puisque la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce ZAATAR W ZEIT visée par la demande de l’Opposante, numéro de demande d’enregistrement en suspens 1,988,095, et sa forme figurative, les deux marques de commerce antérieurement employées ou révélées au Canada par l’Opposante en liaison avec les épices, le pain pita, les pizzas, les services de casse-croûte, les services de restaurant, les services de café et les services de traiteur, depuis aussi tôt que 2008 et n’ayant pas été abandonnées depuis. Bien que l’Opposante fasse seulement référence à l’article 16(1)a) de la Loi, ses observations font référence aux deux articles, c’est-à-dire la confusion avec une marque de commerce précédemment employée ou révélée et la confusion avec une demande déposée.
[23] Je tiens à souligner que la demande 1,988,095 ne peut pas former le fondement d’un motif d’opposition puisqu’elle a été déposée subséquemment à la présente demande. Le motif d’opposition sera donc évalué uniquement sur le fondement de l’emploi antérieur des marques de commerce ZAATAR W ZEIT et ZATAAR W ZEIT & Dessin dans le cadre de l’article 16(1)a) de la Loi.
[24] L’Opposante a le fardeau initial d’établir que ses marques de commerce invoquées en appui de ce motif d’opposition ont été employées ou révélées avant la date de dépôt de la Demande ou la date de premier emploi de la Marque au Canada, et n’avaient pas été abandonnées à la date de l’annonce de la Demande pour l’enregistrement de la Marque [article 16(3) de la Loi].
[25] Afin de déterminer la date pertinente dans le cadre de ce motif d’opposition, je résumerai d’abord la preuve de la Requérante.
Preuve de la Requérante
[26] La Requérante a produit deux affidavits.
[27] M. Choi, un stagiaire, a exécuté un affidavit. Puisque son contenu fait référence à des faits associés aux motifs d’opposition fondés sur l’article 30(2)a) de la Loi, lequel a été sommairement rejeté, il n’est pas nécessaire de le résumer.
[28] Dans le deuxième affidavit, M. Daccache indique ce qui suit :
· Il est le directeur des opérations de marché à Zaatar w Zeit Foods Canada Inc, une filiale à part entière de la Colombie-Britannique (l’Entreprise de la C.-B.) de la Requérante [para 1].
· La Requérante exploite des restaurants sous la marque de commerce ZATAAR W ZEIT servant des aliments et des boissons libanaises frais et santé, y compris des collations, des hors-d’œuvre, des accompagnements, des repas préparés et des desserts à manger sur place, à emporter et à livrer et pour service de traiteur. Certains de ces restaurants sont ouverts 24 par jour et fonctionnent plus dans le genre d’un bar ou d’une boîte de nuit qu’un restaurant décontracté au cours des heures de la soirée et de la nuit. Ces restaurants sont situés dans six pays, mais la plupart sont au Liban [para 4]. Il n’y a aucune référence à l’un d’eux comme étant situé au Canada.
· La Requérante a créé un profil Instagram en mars 2017 pour faire la promotion de ses produits et services au Canada en liaison avec la marque de commerce nominale déposée ZAATAR W ZEIT (enregistrement canadien LMC886,584) et la Marque [para 12].
· En avril 2019, la requérante a accordé une licence pour ses marques de commerce, y compris la Marque, à Knead Food and Beverages Trading DWC – LLC (l’Entreprise de Dubaï). Au cours du même mois, l’Entreprise de Dubaï a accordé une sous-licence pour ces mêmes marques de commerce à l’Entreprise de la C.-B. L’Entreprise de Dubaïu et l’Entreprise de la C.-B. sont affiliées à la Requérante [para 13].
· Au moyen de la licence, la Requérante maintient le contrôle complet sur l’emploi de ses marques de commerce, y compris le contrôle sur le caractère et la qualité des produits vendus et des services exécutés par les licenciés [para 13].
· La Requérante, par l’entremise de l’Entreprise de la C.-B., a ouvert un restaurant à Vancouver, en Colombie-Britannique, en novembre 2019. Cet emplacement avait été loué quelques années avant l’ouverture et la Marque était arborée sur une affiche sur la devanture du restaurant depuis septembre 2017 [par 14].
· Depuis l’ouverture du restaurant de Vancouver, l’Entreprise de la C.-B. a offert des services de restauration, des services de traiteurs, des services de restauration à emporter et des services libre-service et a vendu des repas préparés [para 16 et 17].
· Depuis septembre 2017, l’Entreprise de la C.-B. a exploité un site Web avec le nom de domaine http://www.zaatarwzeit.net/CA pour faire la promotion de sa nourriture et de ses boissons, ainsi que de services de restaurant et de traiteur en ligne [para 18]
· Depuis janvier 2020, l’Entreprise de la C.-B. a offert des services de livraison pour ses produits depuis le restaurant de Vancouver [para 19].
[29] La Requérante a également produit les pièces pertinentes suivantes à l’Affidavit Daccache :
· Une impression d’écran du compte Instagram de la Requérante [Pièce B]. La Marque figure dans l’image de profil du compte.
· Des copies des contrats de licence entre la Requérante et l’Entreprise de Dubaï et entre l’Entreprise de Dubaï et l’Entreprise de la C.-B. [Pièces C et D].
· Une photo de la partie avant du restaurant de Vancouver en septembre 2017 [Pièce E]. La Marque est abordée sur la devanture du restaurant ainsi que l’affiche [traduction] « nous ouvrons nos portes bientôt ».
· Une photo des portes avant du restaurant de Vancouver la nuit de la cérémonie d’ouverture le 29 novembre 2019 [Pièce F]. La Marque et une légère variante de celle-ci sont arborées au-dessus des portes du restaurant.
· Des photos du restaurant de Vancouver, y compris des affiches présentées à l’extérieur du restaurant, une section libre-service, des publicités, des emballages jetables, des napperons, des mesures et des places assises [Pièces G à L]. La Marque figure dans plusieurs de ces photos.
· Des copies du menu du restaurant, du formulaire de commande en ligne et d’une capture d’écran de la page Web de la Requérante illustrant un formulaire de commande en ligne pour emporter ou livrer des produits [Pièce N]. La Marque est arborée sur le menu et dans la capture d’écran.
· Des photos de différents produits, y compris des repas préparés, des boissons, des épices, des sauces, des dessers et des yogourts vendus par l’Entreprise de la C.-B. [Pièces M et O à S]. La Marque figure sur la plupart des emballages illustrés dans ces photos.
[30] La Requérante a démontré l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec certains des Services, nommément services de restaurant, services de bar, services de traiteur, services de comptoir de plats à emporter et restaurants libre-service, mais seulement depuis novembre 2019, et pour les services de livraison, nommément livraison d’aliments par des restaurants, depuis janvier 2020. En ce qui a trait aux Produits, il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque au sens de l’article 4(1) de la Loi avant la date de dépôt de la demande.
[31] Par conséquent, la date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de dépôt de la demande, à savoir le 25 juillet 2017.
[32] Par conséquent, l’Opposante a le fardeau de démontrer l’emploi de ses marques de commerce au Canada avant le 25 juillet 2017.
Preuve de l’Opposante
[33] La preuve de l’Opposante est composée de deux affidavits. Je résumerai les parties pertinentes de ces affidavits.
[34] Dans le premier affidavit, M. Sfairy indique ce qui suit :
Il est le contrôleur financier de l’Opposante depuis mars 2019 et est employé par l’Opposante depuis décembre 2008 [para 1].
L’Opposante exploite une épicerie moyen-orientale, une boulangerie et un restaurant à Montréal, au Québec, qui offre un large éventail de produits de pâtisserie, de pâtisseries et d’aliments prêts à manger [para 4].
En plus de l’exploitation d’une épicerie, d’une boulangerie et d’un restaurant à Montréal, l’Opposante distribue et vend également ses produits à des magasins et des distributeurs, principalement au Canada, mais également aux États-Unis [Para 5 et Pièce 1].
L’Opposante a employé sa marque de commerce ZAATAR W ZEIT et dessin depuis au moins 2008 en liaison avec des [traduction] « épices, pains pita, pizzas, services de casse-croûte, services de restaurant, services de café et services de traiteur ».
Les ventes des produits de l’Opposante sont faites par l’entremise de Produits Andalos Inc, une entreprise affiliée à l’Opposante, en vertu d’un contrat de licence sous lequel l’Opposante maintient le contrôle complet [traduction] « de l’emploi par Produits Andalos Inc de la marque de commerce ZATAAR W ZEIT [c.-à-d. la marque de commerce ZAATAR W ZEIT et dessin] » [para 11].
La marque de commerce ZAATAR W ZEIT et dessin est arborée sur les emballages des produits de l’Opposante [para 6].
Les chiffres de ventes des produits et services en liaison avec la marque de commerce ZAATAR W ZEIT et dessin étaient de plus de 149 000 $ en 2019 et de plus de 165 000 $ en 2020 [para 10]. Cependant, il n’y a aucune ventilation par produit et service.
[35] Dans le deuxième affidavit, M. Ibrahim indique ce qui suit :
Qu’il était le contrôleur financier de l’Opposante de mai 2000 à février 2009 [para 1].
Depuis 2008, l’Opposante a continuellement vendu des produits, à savoir des épices, du pain pita et des pizzas, et a fourni des services, à savoir des services de casse-croûte, des services de restaurant, des services de café et des services de traiteur, sous la marque de commerce ZAATAR W ZEIT et dessin au Canada [para 9].
Les chiffres de ventes des produits et services en liaison avec la marque de commerce ZAATAR W ZEIT et dessin étaient de plus de 20 000 $ en 2015, 175 000 $ en 2016, 169 000 $ en 2017 et 140 000 $ en 2018 [para 11]. De nouveau, ces chiffres ne sont pas ventilés par les produits et les services indiqués ci-dessus.
[36] L’Opposante a également joint les pièces pertinentes suivantes aux affidavits :
Une liste des détaillants et des distributeurs de l’Opposante situés au Canada et aux États-Unis auxquels les produits ont été vendus [Pièces 1 aux deux affidavits].
Des photos de l’emballage des [traduction] « pizzas pita » et des [traduction] « mélanges de thym » portant les variantes suivantes de la marque de commerce ZAATAR W ZEIT et dessin [Pièce 2 aux deux affidavits] :
Des factures de Produits Andalos Inc à différents tiers détaillants en date du 4 décembre 2015 au 27 mai 2020. Dans ces factures, plusieurs produits étaient vendus, mais le seul qui semblait être vendu en liaison avec la marque de commerce ZAATAR W ZEIT est « PITA PIZZA ZAATAR W ZEIT THYM REG x 6 » [Pièce 4 à l’Affidavit Sfairy et Pièce 5 à l’Affidavit Ibrahim].
[37] Je suis convaincu que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de démontrer l’emploi de ses marques de commerce ZAATAR W ZEIT et ZATAAE W ZEIT & Dessin avant le 25 juillet 2017 en liaison avec les pains pita. La preuve démontre que les marques de commerce ZAATAR W ZEIT et ZATAAE W ZEIT & Dessin de l’Opposante étaient associées aux pains pita puisque les marques de commerce sont clairement arborées sur l’emballage des produits vendus par l’Opposante [comme il est illustré sur les photos produites à titre de Pièces 2 aux deux affidavits]. L’Opposante a également fourni des factures démontrant la vente de pains pita au Canada, aussi tôt que 2015.
[38] Je n’estime pas que l’Opposante ait démontré l’emploi de ses marques de commerce en liaison avec l’un des services. Bien que l’Opposante affirme qu’elle a employé ses marques en liaison avec des services de casse-croûte, des services de restaurant, des services de café et des services de traiteur, en l’absence de toute preuve documentaire à l’appui, je n’estime pas qu’elle se soit acquittée de son fardeau à l’égard de ces services.
[39] Puisque l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial dans la mesure que le pain pita est concerné, je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque créera probablement de la confusion avec les marques de commerce ZAATAR W ZEIT de l’Opposante.
Test en matière de confusion
[40] Le test en matière de confusion est évalué comme une question de la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé à la vue de la marque du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce de l’opposante et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].
[41] Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en compte, et n’ont pas nécessairement le même poids [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc 2006 CSC 22; Veuve Clicquot, précité; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27].
Marque de commerce ZAATAR W ZEIT de l’Opposante
[42] Aux fins de cette analyse, je considère l’emploi de la marque de commerce ZAATAR W ZEIT et Dessin par l’Opposante, tel que reproduite ci0dessus, comme l’emploi de sa marque nominale ZAATAR W ZEIT [voir Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie International pour l’informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF)]. La part figurative ne crée pas l’impression que la marque ZATAR W ZEIT & Dessin est une marque de commerce distinctive de manière à ce que dans l’esprit d’un consommateur moyen le pain pita vendu en liaison avec une telle marque de commerce provienne d’une autre entité que celle vendant du pain pita en liaison avec ZATAAR W ZEIT. J’estime que la combinaison des mots ZATTAR, W et ZEITest la caractéristique dominante des deux marques.
[43] Par conséquent, l’analyse des critères pertinents en vertu de l’article 6(5) de la Loi s’appliquera également aux marques de commerce ZAATAR W ZEIT et ZAATAR W ZEIT & Dessin de l’Opposante, sauf pour le caractère distinctif inhérent des marques et du degré de ressemblance comme il en sera question ci-dessous.
Article 6(5)a) – Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues
[44] Les marques de commerce des deux parties comportent les mots ZAATAR W ZEIT. Ces mots n’ont aucune signification en français ou en anglais et, par conséquent, possèdent un caractère distinctif inhérent. Bien que les mots ZAATAR W ZEIT signifient THYM ET HUILE D’OLIVE, il n’y a aucune preuve que le consommateur canadien moyen est conscient de cette signification.
[45] En général, la Marque possède un degré de caractère distinctif inhérent plus élevé que la marque nominale ZAATAR W ZEIT de l’Opposante en raison de sa partie figurative.
[46] Il est possible de renforcer une marque de commerce en faisant en sorte qu’elle devienne connue au Canada par sa promotion ou son emploi.
[47] L’Opposante a démontré un certain emploi de sa marque de commerce ZAATAR W ZEIT par l’emploi de sa marque de commerce ZAATAR W ZEIT & Dessin au Canada depuis au moins 2015 en liaison avec le pain pita. J’accepte que la marque de commerce ZAATAR W ZEIT de l’Opposante ait acquis un certain caractère distinctif au Canada en liaison avec le pain pita et donc ce facteur favorise l’Opposante à l’égard de ce produit. En ce qui a trait aux services, aucune preuve, à l’exception d’une simple affirmation de la part des déposants, n’a été mise de l’avant par l’Opposante qu’elle avait exécuté les services au Canada, ou fait leur promotion, en liaison avec la marque de commerce ZAATAR W ZEIT.
[48] En ce qui a trait à la Requérante, puisque la date pertinente est la date de dépôt de la demande, il n’y a aucune preuve que la Requérante avait employé la Marque à cette date.
[49] En général, ce facteur favorise l’Opposante.
Article 6(5)b) – Durée d’emploi
[50] La preuve démontre que l’Opposante a employé sa marque de commerce ZAATAR W ZEIT depuis au moins 2015 au Canada en liaison avec le pain pita.
[51] La preuve de la Requérante démontre qu’elle a employé la Marque au Canada depuis 2019 en liaison avec certains des Services, ce qui est après la date pertinente.
[52] Ce facteur favorise l’Opposante.
Articles 6(5)c) et d) – Genre des produits et voies de commercialisation
[53] C’est l’état déclaratif des produits et des services de la Requérante, tel que fourni dans sa demande, comparativement aux produits et services de l’Opposante qui gouverne ma décision concernant ce facteur.
[54] En l’espèce, les produits de la Requérante ci-dessous en gras (Produits qui chevauchent) correspondent au genre du pain pita de l’Opposante :
[traduction]
(2) Farine; confiseries à base de sucre; pain; biscuits secs; pâtisseries; desserts, nommément flan, brownies, gâteaux au fromage, mousses au chocolat, crêpes; sucre; miel; mélasse; épices; sirops, nommément sirop d’érable, sirop au chocolat; produits pour faire des boissons, nommément aromatisants pour boissons, yogourt glacé pour boissons; café; thé; cacao; succédané de café; riz; tapioca; sagou; préparations à base de céréales, nommément pâte, pâte à gâteau, pâte à brownies; glaces alimentaires; mélasse; levure, levure chimique; sel; vinaigre; sauces, nommément mayonnaise, sauce tomate; condiments, nommément ketchup, moutarde, relish, raifort, sauce épicée et sauce chili; épices; glace.
[55] Compte tenu de l’absence de preuve de la part de l’Opposante concernant les services qu’elle a présumément exécutés au Canada en liaison avec ses marques de commerce ZAATAR W ZEIT et la vente d’autres produits mentionnés dans les affidavits de l’Opposante, je ne peux pas conclure à l’existence d’un chevauchement potentiel dans le genre des produits ou services de l’Opposante avec celui des Produits et Services de la Requérante autre que pour le pain pita et les Produits qui chevauchent.
[56] En ce qui a trait aux voies de commercialisation, puisque les Produits qui chevauchent sont associés au pain pita de l’Opposante, et puisque d’autres produits alimentaires font partie des Produits, je conclus que les voies de commercialisation des parties se chevaucheraient également lorsque l’on considère que les produits alimentaires font partie des Produits.
[57] Cependant, même si les voies de commercialisation se chevauchaient potentiellement pour la majorité des Produits, je suppose que, compte tenu du genre différent des Produits visés par la demande et du pain pita de l’Opposante, les produits respectifs des parties ne seraient pas vendus ou présentés à proximité des uns et des autres. Par conséquent, j’estime que ce facteur ne favorise pas l’Opposante pour l’ensemble des Produits visés par la demande, mais seulement pour les Produits qui chevauchent.
Article 6(5)e) – Degré de ressemblance
[58] Lorsqu’on examine le degré de ressemblance entre les marques de commerce, on doit les considérer dans leur totalité; il n’est pas exact de les placer côte à côte et de comparer et d’observer des ressemblances ou des différences entre les éléments ou les composantes des marques de commerce [Veuve Clicquot, précité, au para 20].
[59] Dans Masterpiece, précité, au paragraphe 64, la Cour a également indiqué que l’approche préférable pour évaluer la ressemblance est « de se demander d’abord si l’un des aspects de celle‑ci est particulièrement frappant ou unique ».
[60] J’estime que les marques de commerce en question (la Marque et la marque nominale ZAATAR W ZEIT de l’Opposante) possèdent un degré élevé de ressemblance dans la présentation, le son et les idées suggérées puisqu’elles partagent un élément dominant composé des trois mots ZAATAR, W et ZEIT.
[61] Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.
Conclusion concernant la confusion
[62] Ayant évalué l’ensemble des circonstances de l’espèce et gardant à l’esprit que le test en matière de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait, j’estime que la Requérante n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, l’absence de toute probabilité de confusion à l’égard des Produits qui chevauchent.
Marque de commerce ZAATAR W ZEIT et Dessin de l’Opposante
[63] L’analyse est essentiellement la même que celle ci-dessus, sauf pour les facteurs relatifs aux articles 6(5)a) et 6(5)e), à savoir le degré de caractère distinctif inhérent et le degré de ressemblance.
[64] Le degré de caractère distinctif inhérent serait le même lorsque l’on compare la Marque à la marque de commerce ZAATAR W ZEIT & dessin de l’Opposante. Même si la partie figurative de ces marques est différente, les marques, dans leur ensemble, ont relativement le même degré de caractère distinctif inhérent.
[65] Comme il en a été question ci-dessus, les deux marques partagent l’élément dominant composé des trois mots ZAATAR W ZEIT. La marque figurative de l’Opposante comporte ce qui semble être une feuille et une goutte, les mêmes éléments qui sont intégrés dans la Marque. À moins que le dessin soit si original ou unique, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, un consommateur se souviendra probablement de la marque par sa partie nominale.
[66] Par conséquent, le caractère distinctif inhérent ne favorise aucune des parties.
[67] Cependant, compte tenu de la preuve d’emploi de l’Opposante de sa marque ZAATAR W ZEIT & Dessin, le facteur relative à l’article 6(5)a) favorise tout de même l’Opposante.
[68] En ce qui a trait au degré de ressemblance, les marques en question ont certaines similarités, à savoir que la partie nominale est identique et qu’elles comportent un dessin de feuille et de goutte.
Conclusion concernant la confusion
[69] Pour des raisons semblables à celles établies ci-dessus à l’égard de la probabilité de confusion entre la marque de commerce ZAATAR W ZEIT de l’Opposante et la Marque, j’estime que la Requérante n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, l’absence de toute probabilité de confusion à l’égard des Produits qui chevauchent entre la marque ZAATAR W ZEIT & Dessin de l’Opposante et la Marque.
[70] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) est accueilli en partie dans la mesure que les Produits qui chevauchent sont concernés.
Motif fondé sur l’article 2 – La Marque de commerce n’est pas distinctive
[71] En vertu de l’article 38(2)d) de la Loi, l’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas distinctive de la Requérante conformément à la signification de « distinctif » établie à l’article 2 de la Loi, [traduction] « en raison de l’emploi antérieur et continu par l’Opposante (et autre adoption) au Canada des Marques ZAATAR W ZEIT ».
[72] La date pertinente pour ce motif est la date de production de la déclaration d’opposition (30 mars 2020).
[73] Afin de s’acquitter de son fardeau initial dans le cadre de ce motif, l’Opposante doit établir qu’une ou plusieurs des marques de commerce de l’Opposante étaient devenues « au moins jusqu’à un certain point pour annuler le caractère distinctif établi d’une autre marque, et sa réputation au Canada devrait être importante, significative ou suffisante » [Bojangles'International, LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 2006 CF 657, 48 CPR (4th) 427]. Conformément à mon examen ci-dessus des affidavits de l’Opposante et de la conclusion concernant le facteur relatif à l’article 6(5)a), je suis prêt à accepter que l’Opposante a démontré que ses marques de commerce ZAATAR W ZEIT, en liaison avec le pain pita, était devenues connues dans une certaine mesure au Canada.
[74] Puisque l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial, la Requérante doit donc démontrer que sa Marque était adaptée pour distinguer ou distinguait en fait les Produits et Services des produits de l’Opposante [Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)].
[75] J’estime que la différence entre les dates pertinentes n’a pas d’incidence sur ma conclusion concernant le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) abordé ci-dessus. Même si la date pertinente pour ce motif d’opposition est plus tardive et que la Requérante a produit une preuve d’emploi de la Marque au Canada depuis 2019, la Requérante n’a fourni aucune facture ou aucun volume de ventes pour les services exécutés ou les produits vendus par l’entremise du restaurant de Vancouver ou son site Web. En l’absence de tels renseignements, je ne suis pas en mesure de déterminer l’étendue dans laquelle la Marque est devenue connue au Canada et, par conséquent, le facteur relatif à l’article 6(5)a) favorise toujours l’Opposante. En ce qui a trait aux autres facteurs, ils favorisent toujours l’Opposante, à tout le moins pour les Produits qui chevauchent.
[76] Par conséquent, j’arrive à la même conclusion concernant la probabilité de confusion que celle pour le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) et ce motif d’opposition est également accueilli dans la mesure que les Produits qui chevauchent sont concernés.
Décision
[77] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement en ce qui a trait aux produits [traduction] « farine, pain, biscuits secs, préparations à base de céréales, nommément pâte, levure, levure chimique » et je rejette l’opposition en ce qui a trait au reste des produits et services en vertu de l’article 38(12) de la Loi.
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Jean Carrière
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
William Desroches
Le français est conforme aux WCAG.
Comparutions et agents inscrits au dossier
DATE DE L’AUDIENCE : 2023-02-07
COMPARUTIONS
Pour l’Opposante : Aucune comparution
Pour la Requérante : Ted B. Urbanek
AGENTS AU DOSSIER
Pour l’Opposante : Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., S.R.L.
Pour la Requérante : Urbanek Intellectual Property Law