Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 076

Date de la décision : 2023-05-08

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : 1237883 Alberta Ltd. DBA Sulbing

Requérante : Sulbing Co., Ltd

Demandes : 1791233 pour SULBING, et

1894095 pour SULBING Cafe in Special Showing

Introduction

[1] Sun Hee Jung a déposé les demandes d’enregistrement des marques de commerce SULBING (la Marque nominale) et SULBING Cafe in Special Showing (la Marque figurative; collectivement, les Marques). La Marque figurative est reproduite cidessous :

SULBING Cafe in Special Showing

[2] La Marque nominale visée par la demande est enregistrée en liaison avec les services suivants :

[traduction]

Services de café offrant des flocons de haricots rouges glacés (patbingsu); services de restaurant offrant des flocons de haricots rouges glacés (patbingsu); services de restaurant offrant de la bouillie de haricots rouges sucrés; restaurants libre-service; casse-croûte; services de restaurant; services de cantine; services de traiteur; services de traiteur d’aliments et de boissons; cafés; cafétérias; services de bistrot; restaurants rapides; services de restaurant coréen; services de café offrant des galettes de riz; restaurants; hôtels

[3] La Marque figurative visée par la demande est enregistrée en liaison avec les services suivants :

[traduction]

Services de café offrant des flocons de haricots rouges glacés (Patbingsu); services de restaurant offrant des flocons de haricots rouges glacés (Patbingsu); services de restaurant offrant de la bouillie de haricots rouges sucrés; restaurants libre-service; casse-croûte; services de restaurant; services de cantine; services de traiteur; services de traiteur d’aliments et de boissons; cafés; cafétérias; services de café; restaurants rapides; services de restaurant coréen; services de café offrant des galettes de riz; restaurants.

[4] Le 1er juin 2021, le registraire a inscrit un changement dans le titre des Marques à Sulbing Co.,Ltd (la Requérante).

[5] 1237883 Alberta Ltd. DBA Sulbing (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement les Marques. L’opposition est fondée sur des allégations que les Marques créent de la confusion avec le nom commercial de l’Opposante « SULBING » et avec ses marques de commerce non enregistrées « SULBING » et une marque de conception (collectivement, les Marques de l’Opposante). Les oppositions sont également fondées sur les allégations que les demandes ne sont pas conformes aux articles 30a), e), et i) de la Loi, et que les Marques ne sont pas distinctives. La Marque figurative de l’Opposante est reproduite ci-dessous :

[6] Pour les raisons qui suivent, l’opposition est rejetée.

Le dossier

[7] La demande d’enregistrement de la Marque nominale a été déposée le 13 juillet 2016, et la demande d’enregistrement de la Marque figurative a été déposée le 17 avril 2018. Chaque demande était fondée sur l’emploi projeté au Canada.

[8] La demande d’enregistrement de la Marque nominale a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 24 janvier 2018, alors que la demande d’enregistrement de la Marque figurative a été annoncée le 12 septembre 2018. Le 26 juin 2018, en ce qui concerne la marque nominale, et le 29 janvier 2019, en ce qui concerne la marque figurative, l’Opposante s’est opposée aux demandes en produisant des déclarations d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi).

[9] Tous les renvois sont faits à la Loi dans sa version modifiée le 17 juin 2019, à l’exception des renvois faits aux motifs d’opposition, qui renvoient à la Loi avant sa modification (voir l’article 70 de la Loi).

[10] Les motifs d’opposition sont les mêmes dans chaque cas et sont résumés ci‑après :

[11] Le 28 août 2018, relativement à la Marque nominale, et le 10 avril 2019, relativement à la Marque figurative, la Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration réfutant chacun des motifs d’opposition. Les deux parties ont produit des éléments de preuve, qui sont examinés ci-dessous. Des contre-interrogatoires ont été effectués à l’égard de la preuve de l’Opposante.

[12] Seule la Requérante a produit des observations écrites et a été représentée à l’audience tenue le 3 avril 2023.

Preuve

Preuve de l’Opposante

Marque nominale : Affidavit Jun Jai Lee

[13] Dans la procédure relative à la marque nominale, l’Opposante a produit l’affidavit de Jun Jai Lee, le directeur des opérations de l’Opposante en date du 27 décembre 2018, date à laquelle l’affidavit a été souscrit. Il déclare que l’opposant est un importateur et un distributeur d’ingrédients de desserts coréens à base de glace pilée (patbingsu), y compris divers mélanges pour desserts et sauces pour patbingsu, d’équipements pour desserts, y compris des distributeurs de desserts congelés, des congélateurs et des réfrigérateurs, et d’ustensiles de cuisine, y compris des bols à dessert et des cuillères à dessert. Le déposant déclare que l’Opposante a importé, fabriqué et distribué au moins certains de ces produits à des clients et à des entreprises, y compris des grossistes au Canada, depuis au moins aussi tôt que 2013. À titre de Pièce A, le déposant joint une liste d’ingrédients et d’équipements de patbingsu actuellement importés, fabriqués et distribués par l’Opposante.

[14] M. Lee déclare que ces ingrédients et équipements de patbingsu sont fabriqués en République de Corée et au Canada dans le cadre d’une fabrication sous contrat, et sont ensuite proposés à la vente sur les sites Web www.shopsulbing.ca et www.yesbing.com et sont également vendus à des grossistes, avec une ou plusieurs Marques de l’Opposante apposées sur l’emballage de ces produits.

[15] Comme Pièces B à I, M. Lee joint des photographies d’emballages de mélanges et de sauces pour patbingsu vendus au Canada par l’Opposante « depuis au moins aussi tôt que 2013 ». Chaque exemple d’un tel emballage présente la marque figurative et la marque nominale de l’Opposante.

[16] À titre de Pièce J, M. Lee joint des copies d’échantillons de « factures réelles provenant de la vente en gros » d’ingrédients et d’équipements de patbingsu par l’Opposante au Canada, « où lesdits produits ont été vendus en liaison avec [les Marques de l’Opposante] dans la pratique normale du commerce ». Il ajoute que ces [traduction] « factures ont été créées pendant la vente et le transfert de ces produits au Canada dans la pratique normale du commerce ». Les factures affichent les Marques de l’Opposante dans leurs en-têtes et énumèrent les ventes de divers poudres, sauces, ustensiles de cuisine et machines à glaçons.

[17] M. Lee fournit des chiffres concernant les ventes annuelles d’ingrédients et d’équipements de patbingsu au Canada pour les années 2013 à 2018, allant de quelques dizaines de milliers à des centaines de milliers de dollars. Il fournit également des chiffres relatifs aux montants dépensés pour la publicité et la promotion de ses ingrédients et équipements de patbingsu pour les années 2013 à 2018, allant de 5 000 $ à 20 000 $ par an. M. Lee précise que cette publicité s’est faite par le biais de prospectus, de journaux et sur Internet. Enfin, à titre de Pièce K, M. Lee joint un exemple de sauces aux fruits pour patbingsu; je note que l’image montre trois emballages de sauces aux fruits affichant les Marques de l’Opposante.

Contre-interrogatoire de Jun Jai Lee

[18] M. Lee a été contre-interrogé sur son affidavit le 17 septembre 2020, et l’Opposante a produit et signifié ses réponses aux engagements et refus le 29 octobre 2020. Dans le cadre du contre-interrogatoire et des réponses, M. Lee a affirmé ce qui suit :

[19] Je note que l’Opposante a refusé de fournir les noms des fabricants et des fournisseurs qui lui ont fourni les produits présentés en preuve, à l’exception du fabricant identifié dans la Pièce B. Dans les annexes 4, 5 et 6 de ses réponses aux engagements, l’Opposante joint du matériel publicitaire affichant les Marques de l’Opposante dans le cadre de la publicité pour les équipements de dessert dans des brochures, des dépliants, des journaux et des sites Web en mandarin et coréen. L’Opposante joint à l’annexe 7 des factures pour des annonces dans ces journaux et sur ces sites Web.

Marque figurative : Affidavit Ko Un Lee

[20] Dans la procédure relative à la Marque figurative, l’Opposante a produit l’affidavit de Ko Un Lee, une directrice de l’Opposante, assermentée le 13 août 2019. L’affidavit est essentiellement le même que celui de Jun Jai Lee. En particulier, je note qu’aux paragraphes 2 à 4 de l’affidavit de Mme Lee, elle déclare qu’elle est « la directrice » de l’Opposante, qu’elle travaille pour l’Opposante depuis septembre 2013, qu’elle est « responsable de la supervision de l’ensemble des opérations de [l’Opposante], y compris les ventes, le développement de produits, la distribution de produits et la supervision de la publicité, de l’image de marque et de l’emploi des Marques de [l’Opposante] ». Elle déclare en outre que l’Opposante est « sa filiale à part entière ».

Contre-interrogatoire de Ko Un Lee

[21] Mme Lee a été contre-interrogée sur son affidavit le 17 septembre 2020, et l’Opposante a produit et signifié ses réponses aux engagements et refus le 29 octobre 2020. Dans le cadre du contre-interrogatoire et des réponses, Mme Lee a déclaré qu’elle avait en fait rejoint la société en septembre 2015, et non en septembre 2013, et qu’elle n’avait aucune participation dans la société. Ses réponses aux engagements sont en grande partie les mêmes que celles de M. Lee.

Preuve de la Requérante

[22] La Requérante a produit deux affidavits comme preuve principale dans cette procédure : l’affidavit de Jun Won Cho, directeur général adjoint en charge de la division Global Business de la Requérante, et l’affidavit de Jung Jae Ryong, PDG de Coffee Zone Co, Ltd.

Affidavit Jun Won Cho

[23] L’affidavit Cho décrit l’activité de la Requérante comme une chaîne de cafés de desserts coréens vendant des desserts coréens, y compris des patbingsu. Selon le déposant, la Requérante a ouvert son premier point de vente en Corée du Sud le 7 avril 2013, et son style de dessert « est devenu instantanément un méga succès », ce qui a entraîné une expansion rapide dans toute la Corée et au-delà. Selon le déposant, la Requérante a conclu des accords de franchise en Thaïlande, au Japon, en Australie, au Cambodge, aux Philippines, au Koweït et au Canada, et a demandé l’enregistrement de ses marques Sulbing ou les a enregistrées dans de nombreux pays. Le déposant déclare que [traduction] « du fait de la notoriété mondiale de la Requérante, des imposteurs du monde entier ont tenté de profiter de la notoriété mondiale de la Requérante »; à titre d’exemple, le déposant joint à la Pièce 8 une copie d’une décision de justice en Chine dans laquelle le tribunal a invalidé une marque de commerce au motif de la concurrence déloyale. Un certain nombre d’autres pièces sont jointes à l’affidavit, indiquant les chiffres de vente de ses produits et les emplacements de ses cafés en Corée, en Thaïlande, au Japon, au Cambodge et en Australie, le matériel publicitaire coréen et les dépenses en publicité, ainsi que d’autres documents.

Affidavit Jung Jae Ryong

[24] Jung Jae Ryong s’identifie comme le PDG de Coffee Zone Co. Ltd. (Coffee Zone), une société dont l’adresse physique et l’adresse électronique sont les mêmes que celles indiquées sur l’emballage présenté comme Pièce B des affidavits de l’Opposante. M. Ryong déclare que Coffee Zone a été fondée en 1997 et que son activité est [traduction] « la vente au détail/en gros de produits alimentaires (et de produits connexes) en ligne et hors ligne ». M. Ryong fait référence à l’emballage présenté comme Pièce B des affidavits de l’Opposante et déclare que Coffee Zone [traduction] « n’a jamais exporté de produits au Canada depuis 1995, l’année de fondation de Coffee Zone »; que Coffee Zone « n’est pas, et n’a jamais été [le] fabricant à façon de l’Opposante »; et que Coffee Zone [traduction] « n’a jamais produit ni fabriqué » les produits indiqués dans l’affidavit de l’Opposante. En tant que Pièce C, M. Ryong joint des documents montrant que Coffee Zone n’a exporté aucun produit entre 2013 et 2021.

Affidavits supplémentaires : Demande d’autorisation

[25] Les 17 et 24 mars 2023, respectivement, la Requérante a demandé l’autorisation, en vertu de l’article 55 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/2018-227 (le Règlement), de produire les affidavits d’Alyssa Lamont, stagiaire auprès de l’agent au dossier de la Requérante, et Kim Jong-gil, directeur de la Requérante. L’ancien affidavit joint une recherche de profil d’entreprise pour l’Opposante d’ESC Corporate Services Ltd., montrant que l’Opposante a été dissoute en octobre 2022 et n’existe plus en tant qu’entité juridique. Ce dernier affidavit joint une copie d’une plainte pénale produite par la Requérante contre les administrateurs de l’Opposante sur la base d’une prétendue violation du Code pénal de la Corée du Sud.

[26] Le registraire a demandé à l’Opposante de formuler des commentaires si elle s’opposait à l’autorisation de produire ces affidavits supplémentaires. Aucune réponse n’a été reçue de l’Opposante.

[27] L’autorisation de produire une preuve supplémentaire ne sera accordée que si le registraire est convaincu qu’il est dans l’intérêt de la justice de le faire, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

[28] À mon avis, les facteurs susmentionnés favorisent l’octroi de l’autorisation. En ce qui concerne le premier facteur, les affidavits et la demande d’autorisation ont été transmis à l’Opposante avant l’audience, de sorte que l’Opposante a eu l’occasion de fournir des commentaires s’il avait choisi d’assister à l’audience ou par écrit conformément à la lettre du registraire. Je suis convaincu que les affidavits ne pouvaient raisonnablement pas avoir été soumis plus tôt, que leur importance pèse en faveur de l’octroi de l’autorisation et, en l’absence d’observations, je n’ai aucune raison de conclure que l’Opposante subit un préjudice important du fait de leur admission. Par conséquent, je suis disposé à accorder l’autorisation, en vertu de l’article 55 du Règlement, à la Requérante afin de produire ces affidavits.

Question préliminaire – Crédibilité des déposants

[29] La Requérante soutient que les déclarations des déposants de l’Opposante selon lesquelles Coffee Zone, l’entité identifiée sur l’emballage de la pièce B était un fabricant à façon pour l’Opposante, sont [traduction] « fausses sur un point important » à la lumière de l’affidavit de Ryong. Ainsi, la Requérante soutient que la véracité des autres pièces jointes aux affidavits de l’Opposante est remise en question et note que l’Opposante a refusé un engagement de fournir à la Requérante les informations nécessaires pour vérifier la véracité des Pièces C à I aux affidavits de l’Opposante. affidavits. La Requérante note en outre que les déposants de l’Opposante ont déclaré dans leurs affidavits que les factures jointes à titre de Pièce J sont des « copies de factures réelles […] créées pendant la vente et le transfert » des produits de l’Opposante, alors qu’au cours du contre-interrogatoire, il a été révélé que ces factures avaient été générées au moment de la souscription des affidavits et que les factures émises à l’époque seraient apparues différemment. Enfin, en ce qui concerne l’affidavit de Ko Un Lee produit dans le cadre de la procédure relative à la Marque figurative, l’Opposante note que le déposant a fait des déclarations inexactes concernant sa propriété et la durée de son emploi auprès de l’Opposante.

[30] Je conviens avec la Requérante que ces incohérences soulèvent de sérieux doutes quant à la fiabilité de la preuve de l’Opposante. En particulier, l’affidavit de Ryong semble contredire directement les affirmations faites par les deux déposants de l’Opposante dans leurs affidavits et lors du contre-interrogatoire. Je note en outre que l’Opposante a eu la possibilité de contre-interroger les déposants de la Requérante et de produire une contre-preuve ou des observations écrites afin de remédier à cette apparente contradiction, mais a choisi de ne pas le faire. De plus, les deux déposants ont refusé de s’engager à fournir des détails supplémentaires concernant les fabricants sous contrat pour les articles figurant dans les Pièces C à I de leurs affidavits, ce qui aurait pu démontrer leur véracité et m’a permis de leur donner du poids. Par conséquent, je ne dispose que de preuves incontestées qui contredisent directement les déclarations et les preuves produites par les déposants de l’Opposante, tant dans leurs affidavits que lors de leur contre-interrogatoire.

[31] Comme les questions et les demandes d’informations supplémentaires de la Requérante concernant les Pièces C à I étaient appropriées, j’en tire une conclusion défavorable [voir Joseph E Seagram & Sons Ltd et al C Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325, à la p. 332 (COMC)] et je conclus que ces pièces ne sont pas fiables et n’aident pas l’Opposante à prouver l’emploi de sa marque de commerce.

[32] Comme l’a noté la Requérante, les questions relatives à la fiabilité de la preuve de l’Opposante ne se limitent pas aux photographies jointes en tant que Pièces B à I. La fiabilité de la preuve de l’Opposante est également remise en question par le fait que les [traduction] « copies des factures réelles […] créées pendant la vente et le transfert » des produits de l’Opposante ont en fait été générées au moment de la souscription des affidavits dans un format différent de celui qu’elles auraient eu au moment de la vente et du transfert présumés des produits en question. En outre, dans le cas de l’affidavit de Ko Un Lee, le fait que certains éléments d’identification se soient révélés inexacts suggère, au mieux, un manque d’attention de la part du déposant à l’égard des détails de l’affidavit.

[33] Dans ces circonstances, et en l’absence de toute autre explication ou clarification de la part de l’Opposante concernant ces incohérences, je ne suis pas disposé à accorder un poids important aux affidavits de Jun Jai Lee ou Ko Un Lee [pour des conclusions similaires, voir Arnick Ltd c Audio Research Corp (1984), 2 CPR (3d) 508 (COMC) au para 14; William Switzer & Associates (2011) c Real Switzer Holdings Ltd, 2018 COMC 158, au para 25; I Quint Group Inc c Quintcap Inc, 2021 COMC 280].

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[34] Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

[35] Avant d’examiner les motifs d’opposition, j’estime nécessaire de rappeler certaines exigences techniques en ce qui a trait (i) au fardeau de preuve dont doit s’acquitter un opposant, soit celui d’étayer les allégations dans la déclaration d’opposition, et (ii) au fardeau ultime qui incombe à un requérant de prouver sa cause.

[36] En ce qui a trait au point (i) ci-dessus, l’opposant a le fardeau de preuve d’appuyer les faits sur lesquels il appuie ses allégations formulées dans la déclaration d’opposition : John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p. 298. L’imposition d’un fardeau de preuve à l’Opposante à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que cette question soit examinée, il doit exister une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. Quant à l’élément (ii) mentionné ci-dessus, c’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi invoquées par un opposant (en ce qui a trait aux allégations pour lesquelles l’opposant s’est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait). La présence d’un fardeau ultime qui incombe au requérant signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été produite, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant.

[37] Le fardeau initial imposé à un opposant à l’égard d’un motif fondé sur l’article 30a) et l’opposant peut s’en acquitter essentiellement par argumentation seulement [voir McDonald’s Corp c MA Comacho-Saldana International Trading Ltd (1984), 1 CPR (3d) 101 (COMC) à la p. 104]. En ce qui concerne l’article 30e), étant donné que les faits appuyant les intentions de la Requérante relèvent particulièrement de la connaissance de celle-ci, le fardeau de la preuve qui incombe à l’Opposante est plus léger que d’habitude [voir Molson Canada c Anheuser-Busch Inc, 2003 CF 1287]. Toutefois, si l’Opposante se fonde sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante doit démontrer que la preuve de la Requérante remet en question les revendications formulées dans la demande [voir Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323, aux para 30 à 38].

[38] En l’espèce, en l’absence de preuve fiable ou d’observations à l’égard de ces motifs, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial. Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur les articles 30a) et e) sont rejetés.

[39] En ce qui concerne l’article 30i), lorsqu’un requérant a fourni la déclaration requise, la jurisprudence indique que la non-conformité à l’alinéa 30i) de la Loi ne peut être soulevée que dans des circonstances exceptionnelles qui rendent la déclaration du requérant fausse [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) à la p. 155]. Il a déjà été conclu que la simple connaissance de l’existence de la marque de commerce d’un opposant n’appuie pas en soi une allégation selon laquelle un requérant n’aurait pas pu être convaincu de son droit d’employer sa marque [Woot, Inc c WootRestaurants Inc Les Restaurants Woot Inc, 2012 COMC 197]. En l’espèce, en l’absence de preuve fiable ou d’observations à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) est rejeté.

[40] En ce qui concerne les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(3)a) et c), pour s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante doit démontrer qu’il a employé ou révélé une ou plusieurs marques de l’Opposante et/ou son nom commercial Sulbing au Canada avant la date de production de la demande. De plus, l’Opposante doit établir le non-abandon de ses Marques à la date de l’annonce de la demande d’enregistrement de la Marque. En l’absence de preuve fiable, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial à l’égard de ces motifs. Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(3)a) et c) sont rejetés.

[41] En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 2, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial d’établir, qu’à la date de production de l’opposition, une ou plusieurs des marques de commerce ou le nom commercial de l’Opposante invoqués étaient connus dans une mesure suffisante pour annuler le caractère distinctif de la Marque visée par la demande [Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657]. En l’absence de preuve fiable d’emploi, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial concernant ce motif. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 2 est également rejeté.

Décision

[42] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette chacune des oppositions selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

___________________________

G.M. Melchin

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

Le français est conforme aux WCAG.


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