Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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A maple leaf on graph paper

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 078

Date de la décision : 2023-05-10

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Biscuits Leclerc Ltée

Requérante : Hormel Foods Corporation

Demande : 1,871,759 pour HORMEL VITAL CUISINE

introduction

[1] Biscuits Leclerc Ltée (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce HORMEL VITAL CUISINE (la Marque), laquelle est l’objet de la demande d’enregistrement no 1,871,759 par Hormel Foods Corporation (la Requérante).

[2] La Marque fait l’objet d’une demande d’enregistrement en liaison avec les produits énumérés ci-dessous, accompagnés des classes de Nice (CI) connexes :

[traduction]

Cl 5 (1) Boissons enrichies pour la santé et le bien-être en général; poudre pour la fabrication de boissons servant de supplément protéiné; suppléments alimentaires et nutritifs pour la santé et le bien-être en général.

Cl 30 (2) Biscuits enrichis de protéines.

[3] L’opposition est fondée sur les allégations de confusion entre la Marque et les marques de commerce VITAL et VITAL Dessin de l’Opposante en liaison avec les produits alimentaires.

[4] L’opposition soulevée à l’origine à l’égard de tous les produits visés par la demande est maintenant limitée aux [traduction] « biscuits enrichis de protéines », comme il en sera question ci-dessous.

[5] Pour les raisons exposées ci-dessous, l’opposition est rejetée.

Le dossier

[6] La demande a été déposée le 7 décembre 2017 pour l’emploi projeté de la Marque au Canada. Elle a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 10 juillet 2019.

[7] L’Opposante s’est opposée à la demande le 9 décembre 2019, en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante sont fondés sur la non-enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi et l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2 de la Loi.

[8] Afin d’appuyer ses motifs d’opposition, l’Opposante allègue que la probabilité de confusion entre la Marque et ses marques de commerce VITAL (no LMC605,622 et LMC630,378) et VITAL Dessin (no LMC982,184), reproduite ci-dessous, enregistrées en liaison avec divers produits alimentaires, que l’Opposante allègue également avoir employées antérieurement au Canada.

The word VITAL in stylized font.

[9] À moins d’indication contraire, je ferai collectivement référence aux marques de commerce ci-dessus par les [traduction] « Marques VITAL ».

[10] La Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle réfute toutes les allégations invoquées dans la déclaration d’opposition.

[11] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit la preuve suivante :

  • une déclaration solennelle de Pierre Couvrette, en date du 4 août 2020 (Déclaration Couvrette);

  • une déclaration solennelle de Marylène Gendron, en date du 5 août 2020 (Déclaration Gendron).

[12] Afin d’appuyer sa demande d’enregistrement, la Requérante a produit la preuve suivante :

  • un affidavit de Swen Neufeldt, en date du 6 mai 2021 (Affidavit Neufeldt);

  • un affidavit de Gavin Phillips, en date du 3 mars 2021, accompagné des Pièces GP-1 à GP-115 (Affidavit Phillips);

  • un affidavit de Gay Owens, en date du 6 mai 2021, accompagné des Pièces A et B (Affidavit Owens);

  • un affidavit de Louisa Chen, en date du 5 mai 2021, accompagné des Pièces A à P (Affidavit Chen).

[13] Aucune des parties n’a mené de contre-interrogations. Les deux parties ont produit des observations écrites et ont été représentées à l’audience.

[14] Lors de l’audience, l’Opposante a retiré son opposition à l’égard des produits (1), à savoir [traduction] « Boissons enrichies pour la santé et le bien-être en général; poudre pour la fabrication de boissons servant de supplément protéiné; suppléments alimentaires et nutritifs pour la santé et le bien-être en général ». Par conséquent, la présente opposition se limite aux produits (2), à savoir [traduction] « biscuits enrichis de protéines ».

Vue d’ensemble de la preuve des parties

[15] Voici une vue d’ensemble de la preuve. Un examen plus détaillé de la preuve sera présenté lorsqu’il sera pertinent dans l’analyse ci-dessous.

Preuve de l’Opposante

Déclaration Couvrette

[16] M. Couvrette est le vice-président des Ventes – Marques nationales pour l’Opposante. Dans sa déclaration, M. Couvrette décrit les activités de l’Opposante et son emploi des Marques VITAL au Canada, principalement en liaison avec les biscuits et les barres, depuis 2002 et 2004, respectivement.

Déclaration Gendron

[17] Mme Gendron est une adjointe administrative pour le cabinet d’agents de l’Opposante. En plus des recherches qu’elle a menées dans la base de données des marques de commerce de la United States Patent and Trademark Office, ainsi que sur le site Web situé à www.hormelhealthlabs.com, Mme Gendron fournit dans sa déclaration des images qui présumément illustrant la façon dont la Requérante arbore la Marque sur ses produits.

[18] Selon les observations de l’Opposante, elle invoque la Déclaration Gendron pour illustrer la façon dont la Marque sera employée par la Requérante au Canada. Il n’y a aucune preuve en l’espèce qui permet de conclure que la Requérante arborera le Marque au Canada de la même façon qu’aux États-Unis et je refuse de tirer une telle conclusion. Par conséquent, j’ignorerai la Déclaration Gendron et ne discuterai donc pas des observations de l’Opposante à l’égard de cette preuve.

Preuve de la Requérante

Affidavit Neufeldt

[19] M. Neufeldt est le président de Hormel Foods International Corporation, ainsi que le vice-président du Groupe de la Requérante. Dans son affidavit, M. Neufeldt définit les deux entités collectivement par « Hormel Foods » et fournit des preuves concernant l’emploi et la publicisation par Hormel Foods de la marque de commerce HORMEL en liaison avec un [traduction] « large éventail de produits alimentaires et nutritionnels » au Canada depuis 1980.

[20] Bien que M. Neufeldt n’indique pas les produits alimentaires et nutritionnels en particulier auxquels il fait référence, son affidavit souligne la marque de commerce HORMEL de la Requérante (no LMC246,054), enregistrée en 1980, pour l’emploi en liaison avec la viande, les saucisses de viande, les viandes froides, les viandes en boîte et les viandes salées.

Affidavit Phillips

[21] M. Phillips est en enquêteur privé. Dans son affidavit, M. Phillips fournit la preuve de l’état du marché, accompagnée par la preuve connexe de l’état du registre, concernant les marques de commerce formées de VITAL employées en liaison avec des produits ou des services associés aux aliments au Canada. Il fournit également des définitions de dictionnaires anglais et français pour le mot « vital ».

Affidavit Owens

[22] Mme Owens est une recherchiste en marques de commerce employée par le cabinet d’agents de la Requérante. Dans son affidavit, Mme Owens fournit la preuve de l’état du registre concernant les marques de commerce formées de VITAL déposées ou visées par une demande au Canada en liaison avec des [traduction] « produits associés aux aliments, y compris les denrées alimentaires, les produits alimentaires et les vitamines ».

Affidavit Chen

[23] Mme Chen est une assistante judiciaire employée par le cabinet d’agents de la Requérante. Dans son affidavit, Mme Chen décrit les diverses recherches pour « Hormel » qu’elle a mené sur des sites Web de nouvelles et elle fournit des imprimés des résultats. Elle fournit également une copie certifiée de l’enregistrement canadien no LMC246,054 pour la marque de commerce HORMEL mentionné dans l’Affidavit Neufeldt.

Analyse

[24] L’Opposante a le fardeau de preuve initial de produire une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau de preuve initial, la Requérante doit s’acquitter du fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition en question ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA, 2002 CAF 29].

[25] J’analyserai maintenant chacun des motifs d’opposition de l’Opposante.

Non-enregistrabilité de la Marque en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi

[26] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi puisqu’elle crée de la confusion avec ses Marques VITAL déposées. La date pertinente pour évaluer ce motif d’opposition est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[27] J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire pour confirmer que les enregistrements invoqués par l’Opposante, dont les détails sont résumés ci-dessous, existent.

Numéro d’enregistrement

Marque de commerce

Date d’enregistrement

Produits

LMC605,622

VITAL

18 mars 2004

(1) Produits alimentaires, nommément : des barres croquantes à base de céréales.

(2) Produits alimentaires, nommément : des barres à base de granola et des céréales à déjeuner.

LMC630,378

VITAL

19 janvier 2005

(1) Produits alimentaires, nommément biscuits, craquelins, bretzels et grignotines.

LMC982,184

Vital & dessin

4 octobre 2017

(1) Produits alimentaires nommément biscuits

(2) Produits alimentaires nommément barres tendres

(3) Produits alimentaires nommément barres de céréales

 

[28] Puisque l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial pour ce motif d’opposition, la question devient celle de savoir si la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l’une des Marques VITAL.

[29] Puisque l’enregistrement de la marque nominale VITAL permet à l’Opposante d’employer la marque, peu importe la taille, le style de lettrage, la couleur ou le dessin [Masterpiece, précité, aux para 55 à 57], toute preuve d’emploi de la marque figurative VITAL constituera également une preuve d’emploi de la marque nominale. Ainsi, je concentrai mon analyse sur la probabilité de confusion entre la Marque et la marque nominale VITAL (enregistrements no LMC605,622 et LMC630,378). Si le motif de l’Opposante n’est pas accueilli pour sa marque nominale, alors il ne sera pas accueilli pour la marque figurative VITAL (enregistrement no LMC982,184).

[30] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice. Par conséquent, l’article 6(2) de la Loi ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais sur la probabilité que des produits ou services provenant d’une source soient perçus comme provenant d’une autre source.

[31] Dans l’application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir a) le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, y compris dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[32] Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à chacun dans le cadre d’une évaluation contextuelle [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au para 54]. Je renvoie également à Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, au paragraphe 49, où la Cour suprême du Canada déclare que le facteur relatif à l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques de commerce, est souvent le facteur qui revêt le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion. Je commencerai donc avec l’analyse de ce facteur.

[33] Avant de procéder, je note que, à l’égard des nombreux facteurs énumérés à l’article 6(5) de la Loi, la Requérante fait valoir la [traduction] « renommée de la marque HORMEL » ainsi que l’emploi répandu des marques formées de VITAL par des tiers. Comme il a été indiqué lors de l’audience, j’estime que la preuve est pertinente dans le cadre de l’évaluation des circonstances de l’espèce supplémentaire en l’espèce et je la traiterai comme tel dans cette décision.

Degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation, le son ou les idées qu’elles suggèrent

[34] Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble. Bien qu’il soit incorrect de les mettre côte à côte et de comparer et d’observer les similitudes ou les différences entre les éléments ou les composantes des marques de commerce, il est néanmoins possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public [United Artists Corp c Pink Panther Beauty Corp (1998), 80 CPR (3d) 247 au para 34 (CAF)].

[35] Bien que la première partie d’une marque soit dans certains cas la plus importante au moment d’évaluer la probabilité de confusion [Conde Nast Publications Inc c Union des éditions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183, à la page 188 (CF 1re inst)], la ressemblance doit être évaluée en tenant compte de la question de savoir s’il y a un aspect de la marque qui est particulièrement frappant ou unique [Masterpiece, au para 64].

[36] La Requérante affirme qu’il existe un très faible degré de ressemblance entre les marques des parties lorsqu’on les considère dans leur ensemble. À cet égard, la Requérante affirme que HORMEL est l’élément le plus frappant et unique de la Marque, alors que le mot VITAL est l’unique élément frappant de la marque de l’Opposante.

[37] De plus, la Requérante souligne que VITAL dans le contexte des produits des parties est [traduction] « approprié pour les produits alimentaires » et n’a donc pas un caractère distinctif très élevé. Plus particulièrement, invoquant les définitions du dictionnaire fournies dans l’Affidavit Phillips, la Requérante affirme que, lorsqu’employé pour des collations comme les biscuits et les barres de l’Opposante, VITAL sera probablement interprété comme un mot élogieux signifiant [traduction] « plein de vie et de vigueur ». Lorsque VITAL est employé dans la Marque pour des suppléments nutritionnels et des aliments enrichis, il sera probablement interprété de façon descriptive comme signifiant [traduction] « concernant le maintien de la vie ou nécessaire à cela ».

[38] Pour sa part, l’Opposante affirme qu’il y a un degré élevé de ressemblance entre les marques des parties puisque l’ensemble de sa marque VITAL est englobée dans la Marque. L’Opposante conteste également l’argument de la Requérante à l’égard du caractère distinctif associé au mot VITAL constituant sa marque. L’Opposante observe que VITAL en liaison avec les biscuits et les barres possède un caractère distinctif inhérent, puisque ces produits ne sont essentiels ni à la vie ni à la santé.

[39] J’estime que HORMEL est l’élément le plus frappant de la Marque. Par conséquent, je suis d’accord avec la Requérante que la ressemblance entre les marques des parties, dans la présentation et le son, est grandement réduite par la présence de HORMEL comme premier élément de la Marque.

[40] Je ne suis pas d’accord avec l’affirmation de la Requérante que VITAL est [traduction] « approprié pour décrire les biscuits et les barres ». D’une part, j’estime que le mot VITAL dans la signification de la définition [traduction] « plein de vie et de vigueur » n’exprime pas des louanges, mais plutôt l’état d’être. Par conséquent, l’affirmation de la Requérante que VITAL est un mot [traduction] « élogieux » est questionnable. Peu importe, j’estime que [traduction] « plein de vie et de vigueur » n’a aucune connotation en lien avec les biscuits et les barres.

[41] J’estime que la signification ordinaire du mot VITAL évoque principalement à l’esprit la notion de quelque chose qui est [traduction] « absolument nécessaire » ou [traduction] « essentiel à la vie »; j’estime qu’aucune de ces significations n’a de lien direct avec les biscuits, qu’ils soient ou non enrichis de protéines, ou les barres.

[42] Je ne suis pas convaincue par l’argument de la Requérante que le mot VITAL dans la Marque évoque une idée différente que celle de la marque VITAL de l’Opposante. Cependant, en évaluant la Marque dans son ensemble, j’estime que VITAL CUISINE serait considéré comme une expression unitaire; par conséquent, le mot VITAL ne serait pas perçu individuellement. Autrement dit, bien que la Marque englobe l’ensemble de la marque de l’Opposante, le mot CUISINE dans la Marque atténue la ressemblance dans les idées suggérées par les marques.

[43] En bout de compte, malgré l’élément commun VITAL, j’estime que le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation, le son et les idées suggérées est plutôt faible. Ainsi, le facteur relatif à l’article 6(5)e) favorise la Requérante.

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[44] L’examen global de ce facteur comporte une combinaison du caractère distinctif inhérent et acquis des marques des de commerce. Le caractère distinctif acquis d’une marque de commerce correspond à la mesure dans laquelle une marque est devenue connue.

[45] Comme il en a été question ci-dessus, je ne suis pas convaincue par l’argument de la Requérante que le mot VITAL est [traduction] « approprié pour décrire les biscuits et les barres ».

[46] En général, j’estime que la marque de commerce des deux parties possède un caractère distinctif inhérent, mais que le caractère distinctif inhérent de la Marque est plus grand compte tenu de la présence du mot HORMEL.

[47] En ce qui a trait à la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues, la demande en question est fondée sur l’emploi projeté au Canada et je ne dispose d’aucune preuve qui me permettrait de conclure que la Marque est devenue connue au Canada.

[48] Je me tourne maintenant vers la preuve introduite par M. Couvrette à l’égard de l’emploi et de la promotion de la marque VITAL de l’Opposante au Canada en liaison avec les biscuits et les barres.

[49] M. Couvrette affirme que l’Opposante vend ses biscuits et ses barres au Canada en liaison avec la marque VITAL depuis au moins aussi tôt que 2002 et 2004, respectivement [para 7].

[50] M. Couvrette fournit avec sa déclaration deux images de l’emballage représentatif pour les biscuits de marque VITAL et cinq images de l’emballage représentatif pour les barres de marque VITAL [para 8]. Je reproduis ci-dessus un exemple de l’emballage pour les biscuits et un exemple de l’emballage pour les barres.

Product packaging for cookies; the product box displays the Opponent's VITAL design mark as well as a red logo for LECLERC.Product packaging for granola bars; the product box displays the Opponent's VITAL design mark as well as a red logo for LECLERC.

[51] Selon les chiffres de ventes fournis par M. Couvrette, entre 2010 et 2019, les chiffres de ventes brutes regroupés pour les biscuits et les barres de marque VITAL variaient de 3,4 millions de dollars à 7,6 millions de dollars par année, totalisant plus de 50 millions de dollars sur cette période [para 10]. Selon une lecture équitable de la Déclaration Couvrette, je conclus que ces chiffres représentent principalement des ventes dans la province du Québec et, dans une mesure moindre, dans les autres provinces canadiennes. Je note que les chiffres de ventes n’ont pas été ventilés par produit. Cependant, en tenant compte de la Déclaration Couvrette dans son ensemble, j’estime qu’il est raisonnable de conclure que les biscuits et les barres de marque VITAL ont fait l’objet de ventes importantes.

[52] En ce qui a trait à la publicisation, M. Couvrette affirme que l’Opposante dépense habituellement entre 500 000 $ et 1,5 million de dollars chaque année pour la promotion de ses biscuits et de ses barres, notamment par des publicités aux points de vente, des concours de marketing et des publicités dans les médias sociaux [para 9]. M. Couvrette ne fournit aucune information quant au volume des publicités aux points de vente, des concours de marketing et des publicités dans les médias sociaux. Il ne fout également aucun exemple de matériel promotionnel. Par conséquent, la preuve concernant la promotion des biscuits et des barres de marque VITAL de l’Opposante n’est pas sans lacune. Cependant, cela n’est pas nécessairement nuisible à l’argument de l’Opposante.

[53] En effet, j’estime que la preuve de l’Opposante me permet de conclure que la Marque était devenue connue dans une mesure importante à tout le moins dans la province du Québec et dans une certaine mesure dans les autres provinces en raison des ventes importantes de ses biscuits et de ses barres connexes.

[54] En bout de compte, mon opinion est que l’évaluation générale du caractère distinctif inhérent des marques de commerce des parties et de la mesure dans laquelle elles sont devenues connues ne favorise pas l’une ou l’autre partie, puisque j’estime que la mesure dans laquelle la marque VITAL de l’Opposante est devenue connue contrebalance le caractère distinctif inhérent plus important de la Marque.

Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[55] Comme il a été indiqué ci-dessus, la demande pour l’enregistrement de la Marque est fondée sur l’emploi projeté au Canada. Il n’y a aucune preuve que la Marque a été employée au Canada.

[56] La marque VITAL était enregistrée sous le no LMC605,622 en liaison avec des barres croquantes à base de céréales fondée sur l’emploi depuis le 18 février 2002; et en liaison avec les barres à base de granola et des céréales à déjeuner subséquemment à une déclaration d’emploi produite le 18 février 2004. Dans le même ordre d’idées, la marque VITAL a été enregistrée sous le no LMC630,378 en liaison avec les biscuits, craquelins, bretzels et grignotines, fondée sur l’emploi au Canada depuis au moins aussi tôt que le 16 février 2004. Selon mon examen ci-dessus de la Déclaration Couvrette, la preuve appuie l’emploi continu de la marque VITAL depuis ces dates.

[57] Par conséquent, le facteur de l’article 6(5)b) favorise l’Opposante.

Genre de produits et entreprises et nature du commerce

[58] Pour évaluer le genre des produits et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des produits visé par l’opposition dans la demande avec l’état déclaratif des produits dans l’enregistrement invoqué par l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3, 1987 CanLII 8953 (CAF)].

[59] La Requérante affirme que ses biscuits enrichis de protéines visés par la demande ne sont pas simplement des biscuits visant les consommateurs ordinateurs de collations, mais plutôt des produits alimentaires santé visant les consommateurs d’aliments santé. Selon la Requérante, les produits visés par la demande correspondent [traduction] « au domaine des suppléments nutritionnels comestibles » et il serait raisonnable de s’attendre à ce que les consommateurs ordinaires d’aliments santé, lesquels sont les plus probables à être intéressés par du contenu nutritionnel, exercent un degré accru de prudence et d’attention lorsqu’ils achètent de tels produits.

[60] Je ne suis pas convaincue par l’argument de la Requérante. Plutôt, je suis d’accord avec les observations de l’Opposante que les produits visés par la demande sont des biscuits et, qu’il s’agisse de versions santé de biscuits ou non, conclure le contraire nécessiterait une approche excessivement granulaire pour évaluer le genre des produits.

[61] Par conséquent, je conclus que les biscuits visés par la demande de la Requérante et les biscuits et barres de l’Opposante sont fortement semblables, voire identiques.

[62] En ce qui a trait aux entreprises des parties et à leurs voies de commercialisation, la preuve dont je dispose est que les deux parties œuvrent dans le commerce des aliments. Les produits de l’Opposante sont principalement vendus dans les épiceries au Québec; ils sont également disponibles dans les boutiques de vente de détail où des produits alimentaires sont vendus, comme Walmart, au Québec et dans d’autres provinces canadiennes [Déclaration Couvrette, para 3]. Dans le même ordre d’idées, les produits alimentaires de marque HORMEL de la Requérante sont vendus par l’entremise de détaillants qui vendent des produits alimentaires aux consommateurs, comme des épiceries [Affidavit Neufeldt, para 4].

[63] Compte tenu de ce qui précède, j’estime que les entreprises des parties et leurs voies de commercialisation sont également fortement semblables, voire identiques.

[64] Par conséquent, les facteurs des articles 6(5)c) et d) favorisent l’Opposante.

Autre circonstance de l’espèce – La marque HORMEL

[65] Comme il en a été question précédemment, la Requérante affirme que sa marque HORMEL, enregistrée et employée au Canada depuis 1980, est célèbre et, par conséquent, que la Marque [traduction] « signale clairement » aux consommateurs que les produits visés par la demande proviennent de la Requérante. Autrement dit, elle affirme que la présence du préfixe HORMEL dans la Marque annule toute probabilité de confusion quant à la source, puisque les consommateurs associeraient les produits alimentaires arborant la Marque avec la Requérante.

[66] Pour appuyer sa position, la Requérante souligne la décision du registraire dans Smart Cloud Inc c International Business Machines Corporation, 2019 COMC 78, conf par 2021 CF 236. Dans cette affaire, le registraire a conclu que, compte tenu de la réputation du préfixe IBM, la marque de commerce IBM SMARTCLOUD visée par la demande [traduction] « indique clairement » aux consommateurs que IBM est la source des produits et des services [au para 120]. En arrivant à cette conclusion, le registraire a estimé que la marque de commerce IBM était [traduction] « assez bien connue » au Canada en liaison avec la technologie, y compris le matériel informatique, les logiciels et les applications.

[67] C’est un principe reconnu que chaque affaire doit être jugée selon son propre mérite. Il reste à décider si la preuve de la Requérante démontre que sa marque de commerce HORMEL est [traduction] « assez bien connue » ou établit autrement lla réputation de cette marque de commerce au Canada en liaison avec les produits pertinents.

[68] J’aborderai d’abord la couverture journalistique de la marque HORMEL, démontrée dans l’Affidavit Chen. Cet affidavit joint les résultats de recherches pour « Hormal » que Mme Chen a effectuées le 20 avril 2021 sur les sites Web National Post, Globe and Mail et Google News. Les résultats fournis à titre de pièces comprennent des imprimés illustrant des aperçus d’articles retrouvés dans sa recherche [Pièces A, F et K], ainsi que le texte complet de certains des articles [Pièces B à E, G à J et L à O].

[69] Les articles sont en date de la période de 2018 à 2021 et concernent la Requérante, son entreprise et ses activités philanthropiques. En fait, selon mon examen des pièces, il semble que les références à « Hormel » désignent principalement la Requérante, plutôt que tout produit en particulier (p. ex. [traduction] « Le fabricant de spam Hormel Foods Corp est […] », [traduction] « l’action collective proposée comprend Hormel, établie à Austin, au Minnesota, et huit autres compagnies […] », [traduction] « Hormel, établie au Minnesota, […] »). Lorsque des produits sont mentionnés, ils sont principalement des produits de viande et, dans une plus petite mesure, des noix.

[70] En termes de preuves de ventes et de publicités, la Requérante invoque l’Affidavit Neufeldt, lequel fournit des chiffres de ventes annuelles approximatifs (2010 à 2020) et les dépenses annuelles publicitaires (2016 à 2020) pour [traduction] « les produits de marque HORMEL » au Canada. Les chiffres de ventes varient de 5 millions de dollars US en 2010 à 18 millions de dollars US en 2020 et les dépenses publicitaires annuelles moyennes étaient de 354 000 $ [para 5 et 7].

[71] Il faut souligner que la Requérante n’a fourni aucune preuve particulière illustrant les produits arborant la marque de commerce HORMEL. Lorsque cette question a été soulevée lors de l’audience, la Requérante était en mesure d’indique un seul cas, à savoir une image miniature illustrant des conserves du produit de viande « Spam » à côté d’un aperçu d’un article de nouvelle dans Seeking Alpha [Affidavit Chen, Pièce K, page 80]. Bien que l’image soit floue, la marque de commerce HORMEL semble être arborée sur les conserves.

[72] Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada, que l’aura d’une marque de commerce s’étende au-delà des produits avec lesquels elle normalement associée n’est pas une question d’affirmation, mais une question de preuve [Veuve Clicquot, précité, au para 26].

[73] L’Opposante affirme que les références de M. Neufeldt aux [traduction] « produits de marque HORMEL » sont ambiguës et qu’il n’y a rien dans la preuve de la Requérante pour suggérer que la marque de commerce HORMEL est devenue connue en liaison avec quoi que ce soit d’autre que des produits de viande. Je suis d’accord.

[74] En effet, même si je devais accepter que la marque HORMEL possède un certain degré de renommée au Canada en liaison avec les produits de viande, je ne suis pas convaincu que la preuve soit suffisante pour conclure que toute réputation de cette sorte se transmet dans le marché des biscuits. Peu importe, compte tenu de ma conclusion subséquente sur la probabilité de confusion, ma conclusion à l’égard de cette circonstance de l’espèce supplémentaire n’influence pas le résultat en l’espèce.

Autre circonstance de l’espèce – État du registre et état du marché

[75] La Requérante répond à la preuve de l’état du registre et de l’état du marché introduite par les affidavits Owens et Phillips pour affirmer que la marque de commerce VITAL de l’Opposante ne peut être accordée qu’une portée étroite de protection puisque les consommateurs seraient devenus habitués à faire la distinction entre les marques formées du mot VITAL en fonction de petites différences. Pour sa part, l’Opposante affirme que la preuve est insuffisante pour appuyer une conclusion d’adoption répandue des marques formées du mot VITAL, particulièrement en liaison avec les biscuits et les barres.

[76] Compte tenu de ma conclusion sur la probabilité de confusion, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’évaluer cette circonstance supplémentaire pour trancher en faveur de la Requérante.

Conclusion sur la probabilité de confusion

[77] Comme il a été indiqué ci-dessus, l’article 6(2) de la Loi ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais plutôt sur la confusion quant à la source des produits. De plus, comme l’explique la Cour suprême du Canada dans Mattel, précité, au para 57, le consommateur ordinaire doit se voir accorder un certain mérite :

[…] [J]e souscris entièrement à l’opinion formulée par le juge Linden dans Pink Panther selon qui, dans l’appréciation de la probabilité de confusion sur le marché, « il faut accorder une certaine confiance au consommateur moyen » (par. 54). Une idée semblable a été exprimée dans Michelin & c. Astro Tire & Rubber Co. of Canada Ltd. (1982), 69 CPR (2d) 260 (CF 1re inst), p. 263 :

[…] on ne doit pas procéder en partant du principe que les clients éventuels ou les membres du public en général sont complètement dénués d’intelligence ou de mémoire, ou sont totalement inconscients ou mal informés au sujet de ce qui se passe autour d’eux.

[78] Après avoir examiné les circonstances de l’espèce et après avoir appliqué le test en matière de confusion comme étant une question de première impression et du souvenir imparfait, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité vraisemblable de confusion entre la Marque et la marque de commerce VITAL de l’Opposante, no d’enregistrement LMC605,622 et LMC630,378.

[79] En effet, malgré la période pendant laquelle la marque VITAL de l’Opposante a été en usage, le genre semblable des produits des parties et leurs voies de commercialisation, j’estime que les différences générales entre les marques de commerce des parties sont suffisantes pour faire pencher les probabilités concernant la confusion en faveur de la Requérante.

[80] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est rejeté.

Absence de droit à l’enregistrement de la Requérante de la Marque en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi

[81] L’Opposante fait valoir que la Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi compte tenu de la confusion avec les Marques VITAL, précédemment employées au Canada par l’Opposante.

[82] Compte tenu de la preuve abordée ci-dessus, je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial de démontrer l’emploi de sa marque nominale VITAL en liaison avec les biscuits et les barres avant la date de dépôt de la demande (7 décembre 2017) et le non-abandon de cette marque à la date de l’annonce de la demande pour la Marque (10 juillet 2019).

[83] La différence entre la date pertinente pour ce motif d’opposition et le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi n’a pas d’incidence significative sur mon analyse précédente en l’espèce.

[84] Pour des raisons semblables à celles établies ci-dessus, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité vraisemblable de confusion entre la Marque et la marque VITAL de l’Opposante en date du 7 décembre 2017.

[85] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) est rejeté.

Absence de caractère distinctif de la Marque en vertu de l’article 2 de la Loi

[86] La date pertinente pour évaluer le motif d’opposition alléguant que la Marque n’est pas distinctive en vertu de l’article 2 de la Loi est la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185].

[87] Je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial d’établir que la marque nominale VITAL était devenue suffisamment connue au Canada, en date du 9 décembre 2019, c.-à-d. que sa réputation était « importante, significative ou suffisante », de façon à annuler le caractère distinctif de la Marque [Motel 6 Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657].

[88] De nouveau, la différence dans la date pertinente dans le cadre de ce motif d’opposition n’influence pas de façon significative mes conclusions précédentes qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion quant à la source des produits respectifs des parties. J’estime donc que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer que la Marque était distinctive à la date pertinente.

[89] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté.

Décision

[90] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

_______________________________

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches

 

Le français est conforme aux WCAG.


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2023-02-08

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Isabelle Jomphe

Pour la Requérante : Laura Easton

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Lavery, De Billy, LLP

Pour la Requérante : Smart & Biggar LLP

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