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Office de la propriété intellectuelle du Canada
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
Référence : 2023 COMC 094
Date de la décision : 2023-05-31
[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION
Opposante : Elevenate AB
Requérante : Elleaime SAS
Demande : 1,903,059 pour E11EME
Introduction
[1] Elleaime SAS (la Requérante) a produit la demande d’enregistrement pour la marque de commerce E11EME (la Marque), qui est fondée sur l’emploi en liaison avec divers produits cosmétiques, vêtements et accessoires de mode, ainsi qu’avec des services de magasins de vente au détail et en gros connexes.
[2] Elevenate AB (l’Opposante) s’oppose à la demande d’enregistrement no 1,903,059 pour la Marque (la Demande), principalement en raison d’une allégation selon laquelle la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce E11 de l’Opposante et ses deux dessins-marques reproduits ci-dessous, employés en liaison avec des vêtements et des couvre-chefs, ainsi que leur vente au détail en ligne :
[3] Le premier dessin-marque (le Dessin-marque E11) comprend la marque de commerce E11 dans une police de caractères stylisée (le Dessin E11); le deuxième dessin-marque (le Logo Elevenate) comprend le Dessin E11 au-dessus des mots « state of elevenate » en petite taille de caractères et dans une police de caractères simple.
[4] Pour les raisons qui suivent, l’opposition est rejetée.
Le dossier
[5] La Demande a été produite le 7 juin 2018 et est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les produits et services suivants (classés par classe de Nice) :
[traduction]
Classe Produits
3 Parfumerie; cosmétiques; crèmes cosmétiques; maquillage; eau de Cologne; cirages d’entretien du cuir; cire à chaussures.
9 Lunettes; étuis à lunettes; lunettes de soleil.
14 Bijoux; pierres précieuses; instruments d’horlogerie et instruments chronométriques, nommément chronomètres, montres, horloges; coffrets à bijoux; montres; anneaux porte-clés.
18 Cuir et similicuir; valises; portefeuilles; porte-monnaie; sacs à main; sacs à dos; sacs de voyage; étuis porte-clés (articles en cuir).
25 Vêtements, nommément vestes de cuir, ceintures, gants, foulards, sous-vêtements, tee-shirts, chandails, chandails molletonnés, chemises à manches courtes, chemises, costumes, trench-coats, vestes, pantalons, manteaux, pyjamas, jupes, pantalons, robes, pardessus; articles chaussants, nommément pantoufles, demi-bottes, bottes, chaussures de plage, sandales; couvre-chefs, nommément bérets; chaussures; foulards; chapeaux.
Classe Services
35 Services de magasin de vente au détail et en gros et services de magasin de vente au détail et en gros en ligne de cosmétiques, de lunettes de soleil, de bijoux, de sacs à main, de vêtements, d’articles chaussants et de couvre-chefs.
[6] La Demande a été annoncée aux fins d’opposition le 23 juin 2021 et a fait l’objet d’une opposition le 21 décembre 2021, quand l’Opposante a produit la déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Une déclaration d’opposition modifiée a été produite le 8 juillet 2022 afin de s’appuyer davantage sur le Logo Elevenate. La Requérante a produit une contre-déclaration indiquant son intention de répondre à l’opposition.
[7] Les motifs d’opposition allèguent que la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi et que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi. Conformément à l’article 69.1 de la Loi, puisque la Demande a été annoncée après la modification de la Loi le 17 juin 2019, les motifs d’opposition seront évalués en fonction de la Loi dans sa version modifiée.
[8] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit, souscrit le 6 juillet 2022, de son cofondateur et chef des opérations de marque, Jimmy Odén, qui décrit les activités de l’Opposante, ainsi que son emploi et sa promotion des marques de commerce de l’Opposante. La Requérante n’a pas contre-interrogé M. Odén et n’a produit aucune preuve à l’appui de la Demande. Seule l’Opposante a produit des observations écrites; aucune audience n’a été tenue.
Fardeau de preuve et fardeau ultime
[9] Dans une procédure d’opposition, il incombe au requérant de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi. Toutefois, pour chaque motif d’opposition, l’opposant doit s’acquitter du fardeau de preuve initial de produire une preuve admissible suffisante pour permettre de raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. Si l’opposant s’est acquitté de ce fardeau initial, le requérant doit alors convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la marque de commerce en question [Joseph E Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC); John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].
Droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi
[10] L’Opposante fait valoir que la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi parce qu’à la date de production de la Demande ou à toute date antérieure de premier emploi de la Marque au Canada, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce E11 de l’Opposante, le Dessin-marque E11 et le Logo Elevenate (collectivement, les Marques de commerce de l’Opposante), qui ont été employés ou sont devenues connues au Canada depuis au moins aussi tôt que le 30 septembre 2015 en liaison avec les produits [traduction] « Vêtements, […] couvre-chefs » dans la classe 25 et les services [traduction] « de magasin de vente au détail […] en ligne […] de vêtements […] et de couvre-chefs » dans la classe 35.
[11] Étant donné qu’il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque avant la date de production, la date pertinente pour évaluer le droit en l’espèce est la date de production de la Demande, soit le 7 juin 2018.
Fardeau initial de l’Opposante
[12] Pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante doit démontrer l’emploi ou la révélation de sa marque de commerce avant la date pertinente [article 16(1) de la Loi], et également que sa marque de commerce n’avait pas été abandonnée au moment de l’annonce de la Demande [article 16(3) de la Loi]. Toutefois, je note dès le départ que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial en ce qui a trait à la révélation, puisqu’elle n’a pas respecté les exigences établies à l’article 5 de la Loi. En particulier, bien que M. Odén mentionne des ventes en Suède et ailleurs, il ne fournit aucune preuve précise d’emploi de la marque de commerce dans un autre pays avant la date pertinente.
Le Dessin-marque E11 et le Logo Elevenate
[13] Le Dessin-marque E11 comprend les caractères « E11 » dans une police de caractères stylisée, avec des traits individuels en forme semblable à des skis : le « E » est constitué de deux « skis » disposés un par-dessus l’autre, à l’horizontale, pointant vers l’intérieur avec une barre horizontale entre eux, et le « 11 » est constitué de deux « skis » à la verticale pointant vers la gauche. Le Logo Elevenate comprend le Dessin E11, placé au-dessus de l’expression « state of elevenate » en caractères arrondis, de taille considérablement plus petite et en police de caractères simple.
[14] Je suis convaincue que l’Opposante a démontré l’emploi du Dessin-marque E11 et du Logo Elevenate avant la date pertinente, comme il est décrit ci-dessous dans mon analyse de la probabilité de confusion. De plus, je suis convaincue, au regard de la preuve de M. Odén concernant l’annonce de ces marques de commerce et des factures liées aux produits annoncés, que ni le Dessin-marque E11 ni le Logo Elevenate n’avaient été abandonnés lorsque la Demande a été annoncée le 23 juin 2021. Par conséquent, je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de ces deux marques de commerce.
La marque nominale E11
[15] L’Opposante n’a attiré mon attention sur aucune partie particulière de la preuve qui démontrerait l’emploi ou la présentation de E11 comme marque nominale. Il ressort plutôt de la preuve que la Marque n’est présentée qu’en tant que Dessin E11. Je comprends qu’une marque nominale peut généralement être employée sous n’importe quelle forme stylisée. Toutefois, en l’espèce, la stylisation est telle que je ne suis pas convaincue que ce dessin, à lui seul, serait nécessairement perçu comme la lettre « E » suivie du numéro « 11 ». La deuxième moitié du dessin peut également être interprétée comme deux « L » minuscules, comme un « N » minuscule de grande taille (découpé comme le « E » qui le précède), comme deux simples traits en crochet, ou, surtout dans le contexte des produits et services de l’Opposante, comme une paire de skis. Bien que j’aie suivi la déclaration d’opposition en définissant le dessin de « E11 » stylisé, l’Opposante n’a attiré mon attention sur aucun cas dans la preuve où le dessin est en fait nommé ou écrit ainsi.
[16] Appliquant les principes énoncés dans Canada (Registraire des marques de commerce c Cie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF), et Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF), et en l’absence de toute preuve concernant la perception des consommateurs, on peut se demander si remplacer le nombre « 11 » par des caractères plus ambigus permettrait de préserver les caractéristiques dominantes de la marque nominale E11 invoquée. M. Odén affirme que le Dessin-marque E11 et le Logo Elevenate [traduction] « mettent [tous deux] l’accent sur une représentation stylisée de la marque de commerce “E11” comme caractéristique dominante » [para 8]; toutefois, il n’a pas été qualifié d’expert en marques de commerce ou en perceptions des consommateurs et n’est pas indépendant des parties. Ainsi, ses opinions sur cette question de fait ont été ignorées.
[17] Quoi qu’il en soit, le fait que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau initial à l’égard de la marque nominale E11 ne modifierait pas l’issue de la présente procédure, et, par conséquent, je ne considère pas nécessaire de trancher la question. Étant donné que le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement est fondé sur l’emploi réel par l’Opposante de sa marque de commerce, la manière et le contexte de cet emploi sont importants. Par conséquent, même si je définissais le Dessin-marque E11 comme figurant également dans la marque nominale E11, sa stylisation compatible serait toujours prise en compte dans l’analyse en tant qu’autre circonstance pertinente. À mon avis, la forme graphique spéciale sous laquelle « E11 » est toujours présentée dans la preuve est une caractéristique distinctive clé qui aurait une incidence sur la façon dont la marque de commerce est devenue connue des consommateurs. Cela réduirait également le degré de ressemblance qui en découle lorsqu’on ne tient compte que de l’élément textuel de la marque de commerce produite en preuve. En fin de compte, j’arriverais à la même conclusion à l’égard du motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement en ce qui a trait à la marque nominale E11 que pour le motif fondé sur le Dessin-marque E11.
Variations du Logo Elevenate
[18] La preuve de l’Opposante comprend (i) une variation du Logo Elevenate où « state of » et « elevenate » sont écrits en lignes empilées à la droite du Dessin E11 (le Logo horizontal) et (ii) une marque de commerce composée où « elevenate » est écrit à la droite du Dessin E11 et avec à peu près la même hauteur que le Dessin E11 (le Logo condensé), comme reproduit ci-dessous (la courbe évidente des images est attribuable aux surfaces sur lesquelles chaque marque de commerce est imprimée et n’est pas une caractéristique des marques de commerce elles-mêmes) :
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(le Logo horizontal)
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(le Logo condensé)
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[19] Aux fins de l’évaluation de la mesure dans laquelle le Logo Elevenate a été employé et est devenu connu, je conclus que le Logo horizontal constitue une variation acceptable. Les caractéristiques dominantes du Logo Elevenate ont été conservées, malgré leur léger réaménagement, de sorte que la marque de commerce invoquée n’a pas perdu son identité et demeure reconnaissable [selon les principes énoncés dans CII Honeywell Bull, précité, et Promafil, précité]. Par conséquent, je conclus que le Logo Elevenate peut acquérir un caractère distinctif par l’emploi et la promotion de la variation du Logo horizontal.
[20] Toutefois, je conclus que les caractéristiques dominantes du Logo Elevenate n’ont pas été préservées dans le Logo condensé, où l’expression « state of » est absente. En raison de cette omission, la marque de commerce ne suggère plus une qualité, un mode ou un état d’être particulier, et ne donne plus l’impression que le mot inventé « elevenate » peut renvoyer à un état d’esprit ou à un état d’être particulier.
[21] Je note également que je ne considère pas la présentation du Logo condensé comme une présentation du Dessin-marque E11 invoqué en soi. Appliquant les principes énoncés dans CII Honeywell Bull, précité, et Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC), je conclus que le Dessin E11, bien qu’il soit dans un style différent, ne se distingue pas suffisamment du Logo condensé dans son ensemble pour avoir sa propre identité ou être reconnu comme une marque de commerce distincte. À mon avis, l’impression immédiate est toujours celle d’une seule chaîne de caractères plutôt que d’une marque de commerce composée.
[22] Étant donné que le Logo condensé n’a pas été invoqué en tant que marque de commerce distincte, la probabilité de confusion entre la Marque et le Logo condensé ne peut pas être considérée comme un motif d’opposition [selon Imperial Developments Ltd c Imperial Oil (1984), 79 CPR (2d) 12 (CF 1re inst)]. Toutefois, l’emploi et la promotion du Logo condensé peuvent toujours être considérés comme une circonstance de l’espèce dans le cadre de l’évaluation de la probabilité de confusion entre la Marque et le Logo Elevenate ou entre la Marque et le Dessin-marque E11 [voir H-D Michigan Inc c MPH Group Inc, 2006 CF 538].
Probabilité de confusion avec le Logo Elevenate
[23] Ayant conclu que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard du Logo Elevenate et au Dessin-marque E11, je commencerai par examiner la probabilité de confusion avec le Logo Elevenate.
[24] Je discuterai de la probabilité de confusion avec le Dessin-marque E11 dans la section suivante. Comme je l’ai noté ci-dessus, dans la mesure où l’Opposante peut également s’être acquittée de son fardeau initial à l’égard de la marque nominale E11, ma conclusion concernant la probabilité de confusion avec cette marque de commerce serait la même que pour le Dessin-marque E11.
Test en matière de confusion
[25] Deux marques de commerce seront considérées comme créant de la confusion lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou dans la même classe de la classification de Nice aux fins de l’enregistrement des marques de commerce [article 6(2) de la Loi]. Ainsi, le test en matière de confusion ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais plutôt la confusion portant à croire que les produits et services liés à chacune des marques de commerce des parties proviennent de la même source. Lorsqu’il est probable que les produits ou services du requérant proviennent de l’opposant ou soient approuvés, autorisés ou appuyés par l’opposant, il s’ensuit que les marques de commerce créent de la confusion [voir Glen-Warren Productions Ltd c Gertex Hosiery Ltd (1990), 29 CPR (3d) 7 (CF 1re inst)].
[26] Le test applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque de commerce du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce de l’opposant et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques de commerce [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23]. Il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris celles établies aux articles 6(5)a) à e) de la Loi, mais ces critères ne sont pas exhaustifs et le poids accordé à chaque facteur variera dans une analyse propre au contexte [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22].
Article 6(5)e) : degré de ressemblance entre les marques de commerce, y compris dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent
[27] Le degré de ressemblance entre les marques de commerce en question est souvent le facteur susceptible de revêtir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et il s’agit donc d’un point de départ approprié [Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27]. La question doit être examinée du point de vue du consommateur anglophone moyen, du consommateur francophone moyen et du consommateur bilingue moyen, puisqu’une marque de commerce ne peut pas être enregistrée s’il existe une probabilité de confusion du point de vue d’une de ces personnes [voir Pierre Fabre Médicament c Smithkline Beecham Corp, 2001 CAF 13]. Chaque marque de commerce doit être considérée dans son ensemble et évaluée pour son effet sur le consommateur moyen comme question de première impression [Masterpiece, précité].
[28] Il faut éviter de placer les marques de commerce côte à côte et de les examiner attentivement pour en relever les similitudes ou les différences [voir Veuve Clicquot, précité]. Toutefois, il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières de chaque marque de commerce susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public [selon United Artists Pictures Inc c Pink Panther Beauty Corp (1998), 80 CPR (3d) 247 (CAF)]. À cet égard, la première partie d’une marque de commerce est généralement considérée comme la plus importante aux fins de la distinction [voir Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)]. Toutefois, il est préférable de se demander d’abord si les marques de commerce présentent un aspect « particulièrement frappant ou unique » [Masterpiece, au para 64].
[29] Je conclus que le grand Dessin E11 et l’expression « state of elevenate » sont des caractéristiques frappantes et uniques du Logo Elevenate. Les combinaisons simples de lettres et de chiffres sont généralement considérées comme des éléments faibles en soi [voir GSW Ltd c Great West Steel Industries Ltd (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF 1re inst); et Noxzema Chemical Co of Canada Ltd c Estee Lauder Cosmetics Ltd (1975), 23 CPR (2d) 214 (COMC)]. Toutefois, dans le Logo Elevenate, le Dessin E11 attire l’attention en raison de sa taille et de son concept figuratif.
[30] Je conclus que la Marque est frappante et unique dans son intégralité. En l’espèce, je conclus que la combinaison « E11EME » est plus qu’une simple combinaison de lettres et de chiffres, et qu’elle crée plutôt l’impression d’un mot inventé où certaines lettres sont indiquées sous forme de chiffres pour la rendre plus attrayante.
[31] Il y a nécessairement une ressemblance entre ces deux marques de commerce dans la mesure où elles peuvent toutes deux être perçues comme commençant par « E11 ». À cet égard, je conclus qu’au moins les consommateurs anglophones qui voient la marque de commerce de l’Opposante dans son ensemble seraient guidés par le mot « elevenate » et percevraient le numéro « 11 » dans l’élément figuratif « E11 » comme étant ambigu dans la présentation. Toutefois, lorsque les marques de commerce des deux parties sont considérées dans leur ensemble, je conclus qu’il y a d’importantes différences dans la présentation. Plus important encore, dans le Logo Elevenate, le Dessin E11 se distingue comme un élément distinct et dominant, suivi d’une petite expression. En revanche, la Marque est constituée d’une seule séquence alphanumérique non divisée qui commence simplement par les caractères « E », « 1 » et « 1 ». Le reste de la séquence – « E », « M » et « E » – ne ressemble pas à l’expression « state of elevenate » et ne semble pas en être dérivée. De plus, dans la mesure où « E11EME » se rapproche de « EMEME », il y a aussi un certain niveau de répétition dans la présentation et une quasi-symétrie avec la Marque, qui ne sont pas des effets du Logo Elevenate.
[32] En ce qui concerne la ressemblance dans le son, je conclus également qu’au moins les consommateurs anglophones seraient guidés par le mot « elevenate » dans leur prononciation de la partie du Dessin E11 dans la marque de commerce de l’Opposante, à savoir comme la lettre anglaise « E » suivie du numéro « eleven » [onze]. Toutefois, la marque de commerce dans son ensemble pourrait également être prononcée sans que l’élément figuratif supérieur ne soit sonore, si elle est perçue comme n’étant qu’un motif décoratif ajouté – par exemple, une initiale stylisée suivie d’une paire de skis. Il n’y a aucune preuve indiquant si les consommateurs unilingues francophones auraient tendance à considérer la partie du Dessin E11 dans la marque de commerce comme « E onze » ou à être guidés vers d’autres prononciations, comme le début du mot « Elevenate » ou comme le mot français « En ».
[33] En ce qui concerne la Marque, je ne conclus pas qu’elle rappelle une expression ou un mot particulier en anglais qui pourrait influer sur sa prononciation comme impression immédiate. Les consommateurs francophones pourraient lire la Marque comme lettre française « E » suivie du nombre ordinal « onzième », puisque cette combinaison pourrait être abrégée comme « E 11ème » (même si l’orthographe « E 11e » pourrait être grammaticalement privilégiée). Toutefois, un consommateur francophone qui a tendance à voir des chiffres au milieu d’un mot comme des lettres peut plutôt prononcer la Marque comme « elle aime » ou « elle me […] ». Je note que la seconde prononciation serait compatible avec le nom de la Requérante, Elleaime SAS; toutefois, rien n’indique que ce nom serait connu des consommateurs.
[34] Quoi qu’il en soit, peu importe la prononciation ou le point de vue linguistique, je conclus que la Marque dans son ensemble, lorsqu’elle est prononcée, aurait tendance à être courte et ne comprendrait pas l’élément important « state of elevenate » de la marque de commerce de l’Opposante. Ainsi, je conclus qu’il y a peu de ressemblance, dans le son, entre les marques de commerce dans leur ensemble.
[35] En ce qui concerne les idées suggérées, il y a encore une fois une ressemblance dans la mesure où les deux marques de commerce peuvent suggérer l’idée de la lettre « E » suivie du numéro « 11 ». Toutefois, l’idée générale suggérée par chaque marque de commerce dans son ensemble est différente.
[36] À cet égard, je conclus que la marque de commerce de l’Opposant suggère un état d’esprit ou un état d’être qui se reflète en quelque sorte dans le mot inventé « elevenate », qui non seulement évoque le nombre « onze », mais rappelle aussi vaguement des mots comme « elevate », « levitate » ou « élevant ». Le concept d’élévation a une connotation louable dans la mesure où il suggère une qualité supérieure ou un état supérieur, et il est particulièrement adapté dans le contexte des produits de l’Opposante, qui sont principalement des vêtements de ski et d’autres vêtements commercialisés pour le sport, les loisirs et les activités en montagnes. De plus, dans le contexte des vêtements de ski et des vêtements de montagne de l’Opposante, la forme des traits qui composent le Dessin E11 suggère l’idée d’une paire de skis.
[37] En revanche, la Marque ne contient aucun élément supplémentaire qui renforce la notion du nombre « onze »; elle ne suggère pas non plus l’idée d’un état élevé ou de skis. La Marque peut plutôt suggérer l’idée d’aimer ou d’être aimé, ainsi que de pronoms comme « elle » et « me » [moi]. Dans le contexte des produits de la Requérante, qui comprennent des cosmétiques, des vêtements et des accessoires de mode, le pronom « elle » serait particulièrement adapté aux lignes de vêtements pour femmes ou filles. De plus, l’expression « elle aime » aurait tendance à suggérer, du moins pour les consommateurs francophones, que les produits sont des produits que les acheteuses aimeront. La marque de commerce de l’Opposante ne suggère pas ces idées.
[38] Dans l’ensemble, lorsque chaque marque de commerce est considérée dans son ensemble, je conclus que le degré de ressemblance entre les deux est assez faible, peu importe si la question est considérée du point de vue d’un consommateur anglophone, francophone ou bilingue. Ainsi, ce facteur important favorise la Requérante.
Article 6(5)a) : caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues
[39] Je conclus que la marque de commerce de l’Opposante possède un caractère distinctif inhérent. Le Logo Elevenate comprend l’expression inventée « state of elevenate » et un dessin qui semble inspiré par le mot inventé « elevenate ». De plus, je conclus que le concept figuratif de la forme de lettres et de chiffres avec des traits en forme de ski possède un caractère distinctif inhérent. En ce qui concerne la Marque, elle comprend un mot inventé où deux des lettres ont été remplacées par des chiffres. Je conclus que la substitution de chiffres ajoute un élément d’intérêt; toutefois, dans l’ensemble, je considère que la combinaison des caractéristiques du Logo Elevenate renforce son caractère distinctif inhérent.
[40] Je tiens également à noter que l’affidavit de M. Odén renvoie à un rapport de l’examinateur publié à l’égard de la demande d’enregistrement no 1,989,609 de l’Opposante pour le Dessin-marque E11, dans lequel l’examinateur cite non seulement la Demande, mais aussi deux demandes d’enregistrement de tiers pour des marques de commerce comprenant la séquence « E11 » en liaison avec des vêtements et des accessoires [Pièce JO-8]. Toutefois, le rapport de l’examinateur ne me permet pas à lui seul de tirer des conclusions significatives sur l’état du marché ou le caractère distinctif des marques de commerce en question et ne constitue donc pas un facteur pertinent à cet égard. La pertinence du rapport de l’examinateur en tant qu’autre circonstance de l’espèce sera examinée ci-dessous.
[41] Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être renforcé par l’emploi et la promotion. Seule l’Opposante a fourni une preuve à cet égard.
[42] Dans son affidavit, M. Odén explique que l’Opposante est une société suédoise créée en 2010 qui se spécialise dans la conception, le développement, la fabrication et la vente de vêtements de loisirs, de vêtements de plein air, de vêtements de sport, d’articles de sport et d’accessoires connexes (les Produits Elevenate) [para 1 et 5]. Les lignes de vêtements comprennent des vestes, des gilets, des hauts (comme des chandails, des tee-shirts, des chandails à manches courtes, des pulls molletonnés et des pulls), des pantalons et des shorts; les accessoires sont de la nature de ceintures et de couvre-chefs [para 6]. M. Odén ne fournit aucune autre explication concernant les [traduction] « articles de sport »; toutefois, le seul élément de preuve qui semble porter uniquement sur un sport particulier est une mince sangle avec une attache identifiée dans les catalogues de l’Opposante comme une « Elevenate Ski Strap » [sangle de ski Elevenate].
[43] Je note que l’Opposante n’a pas invoqué l’emploi de ses marques de commerce en liaison avec des [traduction] « articles de sport » ou des [traduction] « accessoires » en soi; toutefois, comme les vêtements, les ceintures et les sangles de ski produites en preuve semblent être de la nature de vêtements ou du moins d’articles à porter, je suis disposée à les considérer comme étant conformes à la définition générale de [traduction] « vêtements » aux fins de la présente procédure. Je note que cette définition n’influe pas sur ma conclusion générale, puisque j’aurais autrement considéré que l’emploi et la promotion du Logo Elevenate en liaison avec des articles comme des sangles de ski et les ceintures en toile constituent une autre circonstance de l’espèce qui favorise l’Opposante. À mon avis, le Logo Elevenate tel qu’invoqué profiterait de toute réputation acquise à l’égard de produits si étroitement liés [pour des conclusions similaires, voir, par exemple, Mondo Foods Co Ltd c Saverio Coppola, 2011 COMC 228; et Canadian Broadcasting Corporation/Société Radio-Canada c Big Mountain Coffee House & Roasters Ltd, 2014 COMC 240].
[44] M. Odén affirme que, depuis la création de la société, l’Opposante a toujours vendu les Produits Elevenate en liaison avec les Marques de commerce de l’Opposante, d’abord en Suède, puis en étendant ses ventes à l’Europe, à l’Asie et à l’Amérique du Nord [para 7 et 9]. Depuis au moins aussi tôt qu’en 2015, l’Opposante a continuellement annoncé et vendu les produits au Canada par l’entremise de distributeurs et de revendeurs tiers, tant en magasin qu’en ligne [para 10]. Avant septembre 2019, les ventes de l’Opposante étaient effectuées à la fois par l’entremise de distributeurs, qui vendaient ensuite les produits à des revendeurs exploitant des magasins de vêtements pour les revendre aux consommateurs, et directement à des magasins de vêtements eux-mêmes [para 16].
[45] M. Odén confirme que l’Opposante appose systématiquement les marques de commerce directement sur les produits eux-mêmes et qu’il présente systématiquement ces marques de commerce sur les étiquettes des produits, comme le montrent le site Web de l’Opposante situé à l’adresse elevenate.com et ses catalogues distribués aux distributeurs au Canada entre 2016 et 2021 [para 11, 12, 13 et 20]. Il joint à son affidavit les documents à l’appui suivants : un catalogue automne/hiver pour les années 2016 et 2019 et un catalogue printemps/été pour les années 2020 et 2021 [Pièce JO-1]; des imprimés obtenus en 2022 sur le site Web de l’Opposante [Pièces JO-1 et JO-5]; des imprimés de versions archivées de pages Web de l’Opposante, telles que saisies par Wayback Machine d’Internet Archive situé à l’adresse www.archive.org en 2015, en 2016, en 2017 et en 2020 [Pièce JO-5]; et des photographies représentatives [traduction] « [d’]étiquettes » de marque, qui, je note, sont des marques comme des étiquettes volantes [Pièce JO-2]. Seuls le premier catalogue et les trois premières pages Web archivées sont antérieurs à la date pertinente. Toutefois, dans la mesure où certaines photographies de vêtements sur les pages Web de 2022 semblent arborer la même marque que les dessins dans le catalogue de 2016, je suis disposée à accepter ces images particulières de 2022 comme confirmant la façon dont les dessins sont réalisés. De plus, étant donné que M. Odén a attesté que les étiquettes des produits sont uniformes, je suis également disposée à accepter que les photographies non datées d’étiquettes volantes soient représentatives de la présentation des étiquettes volantes depuis une date antérieure à la date pertinente.
[46] Je note que les trois premiers catalogues ne fournissent que des dessins des produits disponibles, tandis que le quatrième catalogue contient quelques dessins et photographies. La preuve en l’espèce a été produite par voie électronique et, après d’importants grossissements, les dessins du catalogue de 2016 montrent le Logo Elevenate sur le devant de presque tous les vêtements et accessoires, ainsi que, occasionnellement, au dos ou sur la manche. Les vêtements montrés comprennent des vestes, des pantalons, des gilets, des chandails molletonnés tricotés, des chandails à capuche, des tee-shirts, des chemises en flanelle, des tuques et un cache-cou. Il n’est pas possible de déterminer si la marque de commerce sur la ceinture en toile est le Logo Elevenate ou le Dessin-marque E11, puisque le bas de la marque de commerce est caché dans le dessin; toutefois, une photographie de ce qui semble être le même produit dans le catalogue de 2021 montre une partie du Logo Elevenate cousu sur la ceinture.
[47] Certains vêtements portent une étiquette de collet qui arborent le Logo Elevenate; toutefois, la preuve n’inclut aucune photographie corroborante d’étiquettes de collet réelles sur les vêtements. Cela dit, les photographies de la Pièce JO-2 montrent que le Logo Elevenate figure sur les étiquettes de certains manteaux, pantalons et shorts, y compris un style de veste présenté dans le catalogue de 2016. Étant donné que M. Odén a attesté que les étiquettes des produits étaient uniformes, je suis disposée à accepter que le Logo Elevenate ait figuré de cette façon sur les étiquettes volantes de l’Opposante en général.
[48] En ce qui concerne l’annonce et la promotion, le Logo Elevenate figurait dans le haut des pages Web de l’Opposante, ainsi que sur la couverture et la page arrière de ses catalogues. M. Odén ne fournit aucun chiffre concernant la circulation des catalogues. Toutefois, il affirme que, depuis 2015, des milliers de Canadiens ont accédé au site Web de l’Opposante, et il fournit des chiffres annuels concernant l’accès, tirés de Google Analytics, pour les années 2015 à 2022, qui indiquent le nombre d’utilisateurs qui ont accédé au site à partir du Canada, le nombre de nouveaux utilisateurs et le nombre de séances qu’ils ont ouvertes sur le site [para 22, Pièce JO-6]. Je remarque qu’il semble y avoir un écart entre les années 2015 et 2016, où aucun utilisateur n’est indiqué malgré le fait qu’il y ait eu plus de 200 nouveaux utilisateurs et plus de 300 séances au cours de chacune de ces années. Au cours des années subséquentes, la plupart des utilisateurs sont indiqués comme nouveaux utilisateurs. Il y a eu plusieurs centaines d’utilisateurs en 2017 et en 2018; toutefois, cela comprend les utilisateurs après la date pertinente du 7 juin 2018. Je tiens également à noter qu’il n’y a aucune explication quant à savoir si les « utilisateurs » identifiés par les analyses ne seraient que des personnes ou pourraient aussi inclure des robots automatisés. Compte tenu de ces lacunes, je ne peux accorder qu’un poids minime à cette preuve.
[49] Le Logo Elevenate figure également dans le haut des factures envoyées aux distributeurs et aux revendeurs au Canada. Toutefois, M. Odén ne fournit qu’un seul exemple représentatif de ces factures antérieures à la date pertinente, à savoir une facture de 2015 pour des vestes, des pantalons, des gilets, des chandails à capuchons, des chandails à col rond, des petits bonnets (tuques) et des ceintures, et totalisant plus de 18 000 euros [para 14 et 15, Pièce JO-3].
[50] M. Odén confirme que, depuis 2015, les magasins physiques et les sites Web des revendeurs canadiens ont continuellement offert en vente les Produits Elevenate pour les consommateurs au Canada de la même façon, et il fournit des imprimés représentatifs des sites Web de Sporting Life situé à l’adresse sportinglife.ca (non datés) et de SkiTown situé à l’adresse skitown.ca (imprimé en 2022) qui offrent en vente les Produits à Elevenate, y compris des vestes, des pantalons, des chapeaux et des ceintures [para 18, Pièce JO-4]. Les imprimés montrent des vêtements de marque et l’imprimé du site Web de SkiTown arbore également le Logo Elevenate dans le haut de la page Web. Toutefois, aucun renseignement n’est fourni sur la mesure dans laquelle les Canadiens ont pu accéder aux pages Web des revendeurs ou à d’autres sites Web de revendeurs, ou y avoir visité des magasins physiques de vêtements de revendeurs.
[51] M. Odén allègue également savoir que les revendeurs ont continuellement vendu ces produits aux consommateurs canadiens depuis 2015 en raison du fait que l’Opposante a reçu des commandes d’achat répétées des distributeurs et revendeurs canadiens [para 19]. Toutefois, il ne mentionne pas si les revendeurs qui reçoivent les produits les revendent nécessairement uniquement au Canada ou aussi à l’étranger, que ce soit en ligne ou par l’entremise d’emplacements physiques à l’étranger. Sans confirmation à cet égard, et en l’absence de chiffre de ventes, toute conclusion quant au nombre de produits en fin de compte vendus au Canada serait hypothétique.
[52] En fin de compte, il semblerait que plusieurs milliers de Canadiens aient pu accéder au site Web de l’Opposante avant la date pertinente; toutefois, la mesure dans laquelle les Canadiens ont ensuite acheté les produits par l’entremise de revendeurs ou la mesure dans laquelle d’autres Canadiens ont pu découvrir le Logo Elevenate, par l’entremise des deux revendeurs susmentionnés ou par l’entremise de tout autre revendeur, ou même par l’entremise du catalogue de l’Opposante, demeure floue. Dans les circonstances, je ne peux que conclure que le Logo Elevenate était devenu connu au Canada dans une certaine mesure à la date pertinente.
[53] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’examen général du facteur de l’article 6(5)a), qui comporte une combinaison de caractère distinctif inhérent et acquis, favorise légèrement l’Opposante en raison du caractère distinctif inhérent du Logo Elevenate et du fait qu’il était devenu connu au Canada au moins dans une légère mesure à la date pertinente.
Article 6(5)b) : période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage
[54] Je tiens d’abord à noter que je ne suis pas convaincue que l’Opposante ait démontré l’emploi du Logo Elevenate en liaison avec les [traduction] « services de magasin de vente au détail […] de vêtements […] et de couvre-chefs » invoqués. Selon M. Odén, l’Opposante ne vend pas au détail au Canada, mais plutôt à des distributeurs et revendeurs canadiens. De plus, M. Odén n’indique pas si les distributeurs ou revendeurs sont autorisés à employer le Logo Elevenate pour faire la promotion de leurs services de magasin de vente au détail. Bien que le Logo Elevenate figure sur le site Web de SkiTown, il est présenté comme l’une des marques de vêtements vendues, et non comme une marque employée par le détaillant pour distinguer ses services de magasin de vente au détail. Quoi qu’il en soit, l’imprimé du site Web de SkiTown est postérieur à la date pertinente.
[55] En ce qui concerne l’emploi du Logo Elevenate en liaison avec les produits [traduction] « vêtements […] et couvre-chefs », M. Odén ne précise pas si la facture produite en preuve datée de 2015 accompagnait les produits au moment du transfert à l’acheteur, et je note que cette facture est adressée à une destination différente de celle de la livraison du produit. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de conclure que la facture elle-même a fourni un avis de liaison entre le Logo Elevenate et les produits facturés au moment du transfert des produits, comme l’exige l’article 4 de la Loi. Toutefois, je suis convaincue qu’un tel avis de liaison a été fourni par les vêtements en question.
[56] À cet égard, bien que M. Odén ne fournisse aucune image de vêtements de marque ou d’étiquettes volantes antérieurs au catalogue de 2016, il atteste que l’emploi de la marque de l’Opposante a été uniforme dès le départ, et la présentation du Logo Elevenate sur la facture de 2015, ainsi que sur les catalogues et pages Web subséquentes, semble corroborer cette déclaration. En l’absence de preuve contradictoire ou de contre-interrogatoire au sujet de ce point, je suis disposée à accepter que la marque des vêtements énumérés sur la facture de septembre 2015 soit essentiellement la même que dans le catalogue de l’automne/hiver 2016. Comparant les noms de style sur cette facture et les images de marque de produits dans le catalogue de 2016 de l’Opposante, je suis convaincue que l’Opposante a établi l’emploi du Logo Elevenate en liaison avec certains gilets, vestes, chandails à capuchon, chandails tricotés à col rond et tuques en date du 30 septembre 2015. À l’inverse, la Demande est fondée sur l’emploi projeté. Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.
Articles 6(5)c) et d) : genre des produits, services ou entreprises, et nature du commerce des parties
[57] Les marques de commerce des deux parties visent à être employées en liaison avec des vêtements et des couvre-chefs, et il n’y a rien dans la Demande qui suggère que la Marque ne serait pas employée en liaison avec des vêtements de sport, des vêtements d’athlétisme ou des vêtements de plein air, y compris des vêtements convenant au ski et à d’autres activités en montagne. Rien n’indique non plus que les services de magasins de vente au détail et en gros offerts en liaison avec la Marque, y compris les services en ligne, ne seraient pas liés à ces produits.
[58] La Demande vise également des produits de la nature de parfums, de cosmétiques, de lunettes et de lunettes de soleil, de bijoux, de sacs et de mallettes, d’articles chaussants et de produits de soin du cuir, ainsi que des services de commerce de magasin de vente au détail et en gros de ces produits. Je conclus que ces produits sont liés aux produits de l’Opposante dans la mesure où ils sont de la nature de vêtements et d’accessoires, ou du moins de produits de mode à porter, ou dans la mesure où ils sont liés à ces produits.
[59] De plus, en l’absence de preuve de la part de la Requérante distinguant les voies de commercialisation de ses produits de celles des produits de l’Opposante, je ne suis pas disposée à exclure un potentiel chevauchement ou une possible similarité dans les voies de commercialisation, particulièrement en ce qui a trait aux vêtements et aux couvre-chefs.
[60] Par conséquent, ces facteurs favorisent l’Opposante, particulièrement en ce qui trait aux vêtements et aux couvre-chefs de la Requérante et à ses services de magasin de vente au détail et en gros pour ces produits.
Autre circonstance de l’espèce : emploi d’autres marques de commerce E11
[61] Je note que chaque veste et pantalon arborant le Logo Elevenate arbore également au moins une autre marque connexe, par exemple, le Dessin-marque E11 sur le devant, au dos, sur la manche, sur le côté, sur le capuchon, sur la glissière des fermetures éclair, sur les clous décoratifs ou sur les boutons-pression, ou le Logo condensé au dos, sur la manche, sur le côté ou sur la taille. De plus, les vêtements qui n’arborent pas le Logo Elevenate arborent plutôt le Dessin-marque E11 ou le Logo condensé; par exemple, certaines tuques arborent le Dessin-marque E11, tandis que d’autres tuques, le style de veste « Backside » et le style de pantalon « Arpette » arborent le Logo condensé.
[62] À mon avis, ces marques supplémentaires pourraient accroître la tendance des consommateurs à percevoir le Dessin E11 comme étant également une marque de commerce en soi. Les consommateurs qui voient le Logo condensé seraient également exposés à l’idée que le Dessin E11 soit immédiatement suivi de quelque chose d’autre que l’expression « state of elevenate ». Toutefois, je ne considère pas que cela accroisse considérablement la probabilité de confusion avec la Marque. À cet égard, je note que la caractéristique commune des marques de commerce de l’Opposante n’est pas simplement la séquence « E11 », mais plutôt un dessin particulier, et, comme j’en ai discuté ci-dessus, je ne suis pas convaincue que les consommateurs associeraient nécessairement la séquence alphanumérique « E11 » à l’Opposante en l’absence de la stylisation particulière du Dessin E11. Je note également que, dans le Logo condensé, le Dessin E11 est immédiatement suivi du mot « elevenate », qui est une caractéristique clé du Logo Elevenate. Dans la Marque, la séquence « E11 » est suivie du suffixe « EME », qui n’est pas lié au Logo Elevenate.
[63] Au mieux pour l’Opposante, je serais disposée à accepter son emploi concurrent du Dessin-marque E11 et du Logo condensé comme renforçant la réputation associée aux caractéristiques individuelles du Logo Elevenate. Toutefois, bien que le Dessin‑marque E11 et le Logo Elevenate semblent figurer sur la majorité des produits dans le catalogue de 2016, le Logo condensé figure sur une plus petite proportion de produits, et il ne figure sur aucun des styles énumérés sur la facture de 2015. En l’absence de chiffre de recettes ou d’annonce ventilés par marque de commerce, il est impossible de déterminer dans quelle mesure chaque marque de commerce a été employée ou promue avant la date pertinente et, par conséquent, dans quelle mesure la réputation du Logo Elevenate pourrait être renforcée par chacune des deux autres marques de commerce.
[64] Pour ces raisons, je conclus que la preuve d’emploi du Dessin-marque E11 et du Logo condensé en plus du Logo Elevenate a, en fin de compte, peu d’incidence sur l’évaluation de la probabilité de confusion entre le Logo Elevenate et la Marque.
Autre circonstance de l’espèce : historique de l’examen
[65] M. Odén note que, le 5 septembre 2019, l’Opposante a déposé la demande no 1,989,609 en vertu du Protocole de Madrid en vue d’enregistrer la marque de commerce E11 au Canada en liaison avec les produits [traduction] « Vêtements, chaussures et couvre-chefs » (classe de Nice 25) et [traduction] « Articles de gymnastique et de sport non compris dans d’autres classes » (classe de Nice 28) [para 23, Pièce JO-7]. Le 8 février 2021, cette demande a reçu le rapport de l’examinateur susmentionné, dans lequel il est contesté qu’il existe une probabilité de confusion entre le Dessin-marque E11 et la Marque, particulièrement en ce qui a trait aux produits [traduction] « Vêtements, chaussures et couvre-chefs » [para 25, Pièce JO-8]. Dans les observations de l’Opposante, comme il a déjà été déterminé que la Marque serait susceptible de créer de la confusion avec les Marques de commerce de l’Opposante, et que la Requérante n’a produit aucune preuve dans la présente opposition pour répondre à l’évaluation de l’examinateur, l’enregistrement de la marque doit être refusé.
[66] Toutefois, le rapport de l’examinateur produit en preuve n’est pas un refus final de la demande; l’examinateur se contente de fournir l’opinion préliminaire selon laquelle l’Opposante ne semble pas avoir droit à l’enregistrement au regard des marques de commerce invoquées, et l’Opposante est invitée à présenter des observations en réponse, ce qui pourrait permettre de corriger l’opposition préliminaire.
[67] Toutefois, plus important encore, le registraire dans une procédure d’opposition ne sera pas lié par la décision d’un examinateur dans un dossier connexe, puisque l’examinateur ne sera pas saisi de la preuve et des arguments présentés par les parties dans le cadre d’une procédure d’opposition. Je dois arriver à une décision en tenant compte de l’ensemble de la preuve versée au dossier et des arguments soulevés par les deux parties dans le cadre de la procédure d’opposition. Même en l’absence de preuve ou d’argument de la part de la Requérante, il peut tout de même être conclu, après un examen de la preuve et des arguments de l’Opposante, que, selon la prépondérance des probabilités, la confusion est peu probable.
[68] Par conséquent, je ne considère pas que l’historique de l’examen de la demande de l’Opposante comme une circonstance pertinente de l’espèce.
Conclusion
[69] Pour que la Requérante puisse s’acquitter de son fardeau ultime, le registraire doit être raisonnablement convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, l’enregistrement demandé n’est pas susceptible de créer de la confusion; il n’est pas nécessaire que le registraire soit convaincu hors de tout doute qu’il n’y a aucune probabilité de confusion [voir Christian Dior, SA c Dion Neckwear Ltd, 2002 CAF 29].
[70] À la suite de mon analyse de toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que les différences entre les marques de commerce des parties sont suffisantes pour éviter une probabilité de confusion quant à la source de leurs produits et services respectifs, comme première impression et souvenir imparfait, malgré l’emploi antérieur du Logo Elevenate au Canada et le chevauchement des produits et services des parties et, probablement, de leurs voies de commercialisation.
Probabilité de confusion avec le Dessin-marque E11
[71] Le Dessin-marque E11 de l’Opposante n’inclut pas l’expression « state of elevenate » comme élément distinctif. Toutefois, je conclus que l’absence de cette expression est insuffisante pour faire pencher la balance en faveur de l’Opposante.
[72] Le Dessin-marque E11 diffère encore de la Marque dans la présentation et le son, ainsi que dans les idées qu’il suggère. La marque de commerce de l’Opposante comprend une disposition de traits simples formant un dessin quelque peu ambigu qui, à lui seul, peut être perçu comme la séquence alphanumérique « E11 », mais pourrait aussi avoir d’autres interprétations. En revanche, la Marque a l’apparence d’un mot inventé où certaines des lettres sont remplacées par des chiffres. Bien qu’il puisse y avoir une certaine similitude dans le son et les idées qui sont suggérées aux consommateurs francophones si le Dessin-marque E11 est prononcé « E onze » et que la Marque est « E onzième », la Marque présente une ambiguïté supplémentaire, en ce sens qu’elle pourrait aussi être prononcée « elle aime » ou « elle me […] ». Les idées suggérées lorsque la Marque est prononcée de ces manières ne font pas partie des idées suggérées par le Dessin-marque E11.
[73] Comme je l’ai noté ci-dessus, les marques de commerce constituées principalement d’une simple combinaison de lettres et de chiffres sont généralement considérées comme possédant un faible caractère distinctif inhérent [voir GSW, précité, et Noxzema, précité]. Les caractéristiques figuratives comprenant des motifs de lignes simples sont aussi généralement considérées comme n’étant pas particulièrement fortes [voir, par exemple, Levi Strauss & Co v Vivant Holdings Ltd (2003), 34 CPR (4th) 53 (COMC)]. Toutefois, je conclus que la façon dont les traits constituant le Dessin-marque E11 sont disposés de façon à suggérer simultanément une séquence alphanumérique et des paires de skis, et je conclus que ce dessin confère un certain degré de caractère distinctif inhérent. Les marques de commerce constituées d’une simple combinaison de lettres ou de chiffres tendent à devoir leur caractère distinctif inhérent à leurs caractéristiques figuratives, et, en l’espèce, les caractéristiques figuratives de l’Opposante n’ont pas été reproduites dans la Marque. De plus, je conclus également que la Marque possède un certain caractère distinctif inhérent en raison d’un mot inventé où certaines lettres ont été remplacées par des chiffres.
[74] La preuve d’emploi du Dessin-marque E11 sur les vêtements facturés et leurs étiquettes, ainsi que sa présentation dans des catalogues promotionnels et des annonces en ligne, n’est pas plus importante que pour le Logo Elevenate.
[75] Je tiens également à noter que la plupart des vêtements présentés dans les catalogues produits en preuve comme arborant le Dessin-marque E11 arborent également directement le Logo Elevenate ou le Logo condensé. Il semblerait également que ce soit le Logo Elevenate qui figure sur les étiquettes volantes. De plus, les produits de l’Opposante sont promus par l’entremise de son catalogue et de son site Web, qui arborent tous deux, bien en vue, le Logo Elevenate. Dans les circonstances, il n’est pas clair dans quelle mesure les acheteurs éventuels interpréteraient une marque de commerce différente commençant par les caractères « E11 », mais sans les caractéristiques graphiques du Dessin E11 ou la marque concurrente « elevenate », comme indiquant la même source. Je considère que cette considération contextuelle est un facteur atténuant qui favorise la Requérante.
[76] Encore une fois, à la suite de mon analyse de toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que les différences entre les marques de commerce des parties sont suffisantes pour éviter une probabilité de confusion quant à la source des produits et services respectifs des parties, comme première impression et souvenir imparfait, malgré l’emploi antérieur du Dessin-marque E11 au Canada et le chevauchement des produits des parties et, probablement, de leurs voies de commercialisation.
Conclusion concernant le motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement
[77] Compte tenu de tout ce qui précède, je suis convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, la Marque n’était pas raisonnablement susceptible de créer de la confusion avec le Logo Elevenate ou le Dessin-marque E11 à la date pertinente. La Requérante s’est donc acquittée de son fardeau ultime et le motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement est rejeté en ce qui a trait à ces deux marques de commerce.
Caractère distinctif en vertu de l’article 2 de la Loi
[78] L’Opposante fait également valoir que la Marque ne distingue pas les produits et services de la Requérante au sens de l’article 2 de la Loi, car la Marque ne distingue pas véritablement ces produits et services des produits et services de l’Opposante, et n’est pas adaptée à les distinguer, compte tenu de l’emploi antérieur et continu ou de la révélation des Marques de commerce de l’Opposante.
[79] La date pertinente pour ce motif d’opposition est le 21 décembre 2021, soit la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185]. Pour que ce motif soit accueilli, l’opposant invoquant sa propre marque de commerce doit démontrer que la marque de commerce était devenue suffisamment connue au Canada à cette date pour annuler le caractère distinctif de la marque de commerce du requérant. À cet égard, l’opposant a le fardeau initial de démontrer que sa marque de commerce était connue au Canada au moins dans une certaine mesure, c’est-à-dire que sa réputation était « importante, significative ou suffisante », sinon qu’elle était bien connue dans une région particulière du Canada [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657]. Dans l’un ou l’autre des cas, l’opposant ne peut pas simplement affirmer que sa marque de commerce était connue; il doit y avoir une preuve claire de la mesure dans laquelle elle était connue [Bojangles, précité; Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd, 2019 CAF 10].
[80] La date pertinente ultérieure pour ce motif d’opposition permet d’examiner d’autres éléments de preuve, plus précisément les trois derniers catalogues et la dernière page Web archivée, ainsi que d’autres chiffres analytiques concernant le site Web de l’Opposante et d’autres exemples représentatifs de factures. Toutefois, pour les mêmes raisons qui ont été discutées à l’égard du motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement, je conclus que la preuve est loin d’établir que les Marques de commerce de l’Opposante étaient connues au Canada dans une mesure suffisante pour annuler le caractère distinctif de la Marque, même à la date pertinente ultérieure.
[81] Les images dans les catalogues subséquents ont généralement une résolution beaucoup plus faible, de sorte que toutes les marques ne peuvent pas être identifiées; toutefois, les marques générales semblent être conformes à celles du catalogue de 2016. Les autres vêtements présentés dans les catalogues suivants comprennent des shorts, des jupes, des collants d’entraînement (leggings), des maillots à manches courtes, des chandails à manches longues légers, des débardeurs et des casquettes de baseball; toutefois, aucune marque n’est visible sur les collants et les débardeurs. Le catalogue de 2019 comprend également une sangle de ski comme accessoire, qui semble arborer par le Logo Elevenate. La plupart de ces produits sont énumérés sur les factures supplémentaires, qui comprennent une facture de 2018 adressée à Sporting Life et 18 factures datant de 2018 à 2021 adressées au distributeur Momentum Distribution Inc. M. Odén explique que, depuis septembre 2019, l’Opposante vend ses produits exclusivement par l’entremise de ce distributeur, qui a été nommé pour commercialiser et vendre les produits à des revendeurs qui exploitent des magasins de vêtements comme Sporting Life et SkiTown [para 17]. La plupart des factures énumèrent une variété de vêtements et mentionnent plusieurs unités de chaque taille et de chaque couleur qui ont été commandées, mais certaines factures ne mentionnent qu’une seule unité de chaque couleur d’un vêtement. La plupart des factures indiquent des totaux de plusieurs milliers ou dizaines de milliers de dollars, mais certains totaux sont inférieurs à ces montants.
[82] Quoi qu’il en soit, comme je l’ai noté ci-dessus, M. Odén ne mentionne pas si les revendeurs qui reçoivent les produits les revendent nécessairement uniquement au Canada ou aussi à l’étranger. Il n’indique pas non plus si Momentum Distribution Inc. est autorisée à distribuer les produits uniquement au Canada ou si certains des produits facturés peuvent être destinées à d’autres marchés. Sans confirmation à ces égards, et en l’absence de chiffre de ventes, toute conclusion quant au nombre de produits de l’Opposante en fin de compte vendus au Canada serait hypothétique.
[83] Les chiffres analytiques supplémentaires concernant le site Web indiquent que le nombre d’« utilisateurs » du site Web de l’Opposante au Canada est passé de plus de 900 en 2019 à plus de 3 000 en 2021 [Pièce JO-6]. Toutefois, je ne considère pas que ces chiffres constituent une preuve que les Marques de commerce de l’Opposante ont une réputation « substantielle, significative ou suffisante » qui annule le caractère distinctif d’une autre marque de commerce. Autrement, la mesure dans laquelle les Canadiens ont pu découvrir les Marques de commerce de l’Opposante par l’entremise des magasins des revendeurs, ou même par l’entremise des catalogues de l’Opposante, demeure floue, puisqu’aucun chiffre de ventes ou d’annonces pour les magasins ni aucun chiffre de circulation des catalogues n’est fourni. Dans les circonstances, je ne peux que conclure que les Marques de commerce de l’Opposante sont devenues connues au Canada dans une légère mesure, ce qui est insuffisant pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve.
[84] Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté, puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.
Décision
[85] Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.
_______________________________
Oksana Osadchuk
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
Anne Laberge, trad. a.
Le français est conforme aux WCAG.
Comparutions et agents inscrits au dossier
DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue
AGENTS AU DOSSIER
Pour l’Opposante : Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.
Pour la Requérante : ROBIC