Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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A maple leaf on graph paper

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 99

Date de la décision : 2023-06-14

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Mary Brown’s Inc.

Requérante : 2532365 Ontario Limited o/a Mary Be Kitchen

Demande : 1,827,780 pour MARY BE KITCHEN

Introduction

[1] 2532365 Ontario Limited o/a Mary Be Kitchen (la Requérante) a déposé la demande d’enregistrement pour la marque de commerce MARY BE KITCHEN (la Marque) en liaison avec ce qui suit (collectivement, les Produits et Services) :

[traduction]

Class 21 – (1) Tabliers, torchons et vaisselle, nommément grandes tasses, tasses, assiettes, bols et plats de service.

Class 25 – (2) Tee-shirts.

Class 29 – (3) Aliments préparés et frais, nommément salades ainsi que fruits et légumes frais; plats, soupe et bouillons préparés; grignotines, nommément tablettes de chocolat, maïs éclaté et noix en portion individuelle; desserts et produits de boulangerie-pâtisserie, nommément biscuits, muffins, barres, nommément barres à base de céréales, barres musli et barres à base de fruits, gâteaux et pains; musli, céréales de déjeuner, parfaits au musli et au yogourt; sauces salées, nommément pesto, ketchup et sauce barbecue; sauce à salade; confiture, chutney et compote; café, thé et cacao; boissons gazeuses ou non, thés glacés, limonade ainsi que jus de fruits et de légumes non alcoolisés.

Class 39 – (1) Services de restaurant, nommément services de livraison d’aliments.

Class 43 – (2) Services de restaurant, nommément services de restauration sur place et de plats à emporter; services de traiteur.

Tous les Produits et Services ont été produits sur le fondement de l’emploi projeté par la Requérante au Canada.

[2] Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette la demande.

Contexte

[3] La demande a été déposée le 16 mars 2017 et annoncée aux fins d’opposition dans le numéro du Journal des marques de commerce du 17 octobre 2018. L’Opposante s’est opposée à la demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) le 17 septembre 2019. Conformément à l’article 70 de la Loi, les motifs d’opposition dans cette procédure seront évalués sur le fondement de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019.

[4] Les motifs d’opposition en question sont énoncés ci-dessous :

[5] L’Opposante confirme qu’elle ne poursuivra pas les motifs d’opposition fondés sur l’article 30 (observations écrites de l’Opposante, para 61).

[6] L’Opposante a produit comme preuve l’affidavit d’Angela M. Windsor, sa gestionnaire de marque. La Requérante a produit comme preuve l’affidavit de Sarah Huggins, sa directrice générale. Mme Huggins a été contre-interrogée à l’égard de sa preuve. Comme contre-preuve, l’Opposante a produit un deuxième affidavit de Mme Windsor. Aux fins de la présente décision, il n’est pas nécessaire que je me réfère à la contre-preuve de Mme Windsor. Les deux parties ont produit des observations écrites et étaient présentes lors de l’audience.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[7] Avant d’examiner les motifs d’opposition, j’estime nécessaire de rappeler certaines exigences techniques en ce qui a trait (i) au fardeau de preuve dont doit s’acquitter un opposant, soit celui d’étayer les allégations dans la déclaration d’opposition, et (ii) au fardeau ultime qui incombe à un requérant de prouver sa cause.

[8] En ce qui a trait au point (i) ci-dessus, l’opposant a le fardeau de preuve d’appuyer les faits sur lesquels il appuie ses allégations formulées dans la déclaration d’opposition : John Labatt Limited c The Molson Companies Limited, 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298. Le fait qu’un fardeau de preuve soit imposé à l’opposant signifie que, pour qu’une question précise soit prise en compte, il doit y avoir une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. Quant à l’élément (ii) mentionné ci-dessus, c’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi invoquées par un opposant (en ce qui a trait aux allégations pour lesquelles l’opposant s’est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait). Le fait que le fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s’il est impossible de parvenir à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve est présentée, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant.

Motifs d’opposition

[9] La question déterminante pour la décision soulevée par les motifs d’opposition fondés sur les articles 12(1)d), 16 et 2 est de savoir si la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce MARY BROWN’S de l’Opposante (énumérés à l’annexe A). Les dates pertinentes pour évaluer la question de la confusion sont les suivantes : (i) la date de dépôt de la demande à l’égard du motif fondé sur le droit à l’enregistrement; (ii) la date de ma décision à l’égard du motif d’opposition alléguant que la Marque n’est pas enregistrable; et (iii) la date de l’opposition à l’égard du motif d’opposition alléguant que la Marque ne permet pas de distinguer les Produits et les Services [pour un examen des dates pertinentes dans les procédures d’opposition, voir American Association of Retired Persons c Canadian Assn of Retired Persons (1998), 84 CPR (3d) 198 (CF 1re inst), aux p 206 à 208].

Marques de commerce employées par l’Opposante

[10] Depuis l’introduction de la marque MARY BROWN’S, l’Opposante a adopté plusieurs marques différentes. Voici quelques exemples tirés de l’affidavit de Mme Windsor :

A picture of MARY BROWN'S CHICKEN & TATERS

Pièce B

A picture of MARY BROWN'S FAMOUS CHICK & TATERS

Pièce S

A picture of MARY BROWN"S Famous Chicken & Taters Get MARY'd

Pièce T

A picture showing Mary Brown's Fried Chicken

Pièce W-1

Je considère que chacune des marques de commerce présentant MARY BROWN'S ci‑dessus constitue un emploi de la marque de commerce MARY BROWN'S, car ces marques de commerce préservent l’élément dominant MARY BROWN'S et demeurent reconnaissables [Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)].

L’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve à l’égard de tous les motifs fondés sur la confusion

[11] L’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve à l’égard de tous les motifs fondés sur la confusion pour les raisons suivantes. Je concentrerai mon analyse sur la marque de commerce MARY BROWN'S de l’Opposante (numéro d’enregistrement LMC543085 figurant à l’annexe A) car je considère qu’elle représente l’argument le plus solide de l’Opposante. C’est-à-dire, si le motif de l’Opposante n’est pas accueilli pour cette marque de commerce, il ne sera pas accueilli pour ses autres marques de commerce.

a) Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) – J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)] et je confirme que les enregistrements figurant à l’annexe A existent.

b) Motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16 – la preuve de l’Opposante selon laquelle sa marque de commerce MARY BROWN'S apparaît sur les enseignes, les menus et les uniformes de son restaurant (affidavit Windsor, para 22, Pièces S à V) est suffisante pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau de preuve qu’elle a employé cette marque de commerce à compter du 16 mars 2017.

c) Motif d’opposition fondé sur l’article 2 – la preuve fournie par l’Opposante d’un montant de plus de 10 millions de dollars de ventes à compter de 1980, passant à plus de 100 millions de dollars en 2017, combinée aux exemples d’emploi sur les enseignes, les menus et les uniformes (affidavit Windsor, para 24, Pièces S à V) est suffisante pour démontrer que sa marque de commerce MARY BROWN’S était connue dans une certaine mesure au Canada et que la réputation de cette marque de commerce était importante, significative ou suffisante [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

Test en matière de confusion

[12] Le test à appliquer pour trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[13] Par conséquent, l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais celle entre des produits ou services d’une source qui sont considérés comme provenant d’une autre source. Essentiellement, la question ici est de savoir si un consommateur, qui a un souvenir imparfait de la marque de commerce MARY BROWN’S de l’Opposante, penserait que les Produits et Services MARY BE KITCHEN de la Requérante proviennent, sont parrainés ou approuvés par l’Opposante. Bien que la Cour suprême ait précisé que les recherches subséquentes effectuées par le consommateur et la vigilance manifestée ultérieurement par celui-ci peuvent « dissiper » la confusion dans l’esprit de ce dernier, ce qui est pertinent pour l’analyse de la confusion est la confusion qui a pu exister dans l’esprit du consommateur lorsqu’il a vu la marque de commerce pour la première fois : Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, au para 87.

[14] Dans l’application du test en matière de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à chacun dans le cadre d’une évaluation contextuelle [Veuve Cliquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23]. Je cite également Masterpiece Inc, précité, où la Cour suprême du Canada déclare, au para 49, que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques de commerce, est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

Caractère distinctif inhérent

[15] Une marque de commerce possède un caractère distinctif inhérent lorsque rien en elle n’oriente le consommateur vers une multitude de sources [Compulife Software Inc c CompuOffice Software Inc, 2001 CFPI 559, au para 19]. Comme l’a souligné le juge Bédard dans Philip Morris Products SA c Imperial Tobacco Canada Limited, 2014 CF 1237, citant Apotex Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), 2010 CAF 31, la question de savoir si une marque de commerce est distinctive est une question de fait qui doit être jugée en fonction du message que la marque transmet au consommateur ordinaire des produits ou services en question lorsque la marque est considérée dans sa globalité sous l’angle de la première impression.

[16] Compte tenu du caractère distinctif inhérent des marques de commerce MARY BROWN'S et MARY BROWN'S FRIED CHICKEN de l’Opposante, ces marques de commerce possèdent un degré très limité de caractère distinctif inhérent puisque chacune comprend un nom et, dans le cas de MARY BROWN’S FRIED CHICKEN, une description des services en question.

[17] La Marque possède un degré de caractère distinctif inhérent légèrement plus élevé, car les consommateurs pourraient ne pas savoir ce que MARY BE KITCHEN indique et si BE est un nom de famille ou indique une autre signification. En ce qui concerne les observations de la Requérante selon lesquelles la Marque est un jeu de mots sur l’expression « Eat. Drink. Be Merry » ou symbolise un [traduction] « état d’esprit joyeux et une façon de manger et de vivre » (affidavit Huggins, para 4), rien ne me permet de conclure que ces significations viendraient à l’esprit des consommateurs sous l’angle de la première impression.

Mesure dans laquelle les marques sont devenues connues et période pendant laquelle elles ont été en usage

[18] La mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues et la pendant laquelle elles ont été en usage favorisent grandement l’Opposante à toutes les dates pertinentes.

[19] La preuve de l’Opposante établit que sa marque de commerce MARY BROWN’S a été employée depuis au moins les années 1970 en liaison avec l’exploitation d’un restaurant (affidavit Windsor, para 3 et 4). En 1977, il y avait environ 17 restaurants MARY BROWN'S au Canada (para 24). Le premier exemple d’emploi figurant dans l’affidavit de Mme Windsor est un contenant arborant la marque de commerce MARY BROWN’S et datant de 1986 (Pièce U). En revanche, la demande est fondée sur l’emploi projeté et la preuve indique que le restaurant de la Requérante a ouvert ses portes en novembre 2017 (affidavit Huggins, para 3).

[20] L’emploi par l’Opposante de ses marques de commerce est très étendu, comme l’indique en détail la preuve de Mme Windsor :

a) L’Opposante et ses franchisés exploitent environ 160 restaurants au Canada (para 5).

b) La marque MARY BROWN’S apparaît sur les enseignes des magasins, les menus, la publicité, les contenants, les uniformes des employés et les coupons, ainsi que sur le site Web et les médias sociaux de l’Opposante (affidavit Windsor, para 14; Pièces O à R; Pièces S à V, W‑1).

c) La preuve démontre que l’Opposante maintient un contrôle suffisant sur la qualité des services de restaurant pour que l’emploi de ses marques par ses franchisés lui profite en vertu de l’article 50 de la Loi. L’Opposante dispose d’un système de rapport miroir qui évalue les processus opérationnels, les normes de service et le contrôle de la qualité, magasin par magasin (Pièce L). En outre, les franchisés doivent faire appel aux fournisseurs de l’Opposante afin de garantir la cohérence des produits et des services (Pièce L). Enfin, les spécialistes en immobilier de l’Opposante choisissent les emplacements des franchisés et l’équipe de construction gère la conception et la construction des magasins (Pièce L).

d) L’Opposante fournit des informations sur les ventes pour un certain nombre d’années, montrant que les ventes sont passées de 10 millions en 1989 à 55 millions en 2011 et à 115 millions en 2017 (para 24).

[21] En revanche, le restaurant de la Requérante a un seul emplacement ouvert en novembre 2017, avec la Marque qui figure sur les enseignes et les menus (affidavit Huggins, para 3, Pièce A). La Requérante n’a fourni aucune information sur les ventes.

Genre de produits et de services et nature du commerce

[22] Il existe un chevauchement direct entre les services de restaurant et les services de traiteur de la Requérante et les services de restaurant de l’Opposante. La Requérante souligne qu’elle propose principalement des aliments à base de plantes, axés sur la santé, dont aucun n’est frit, servis dans de vraies assiettes avec de vrais couverts (c’est-à-dire non jetables), livrés à la table du client (affidavit Huggins, para 8 et 11, Pièce A), tandis que l’Opposante propose principalement des entrées à base de poulet frit accompagnées de frites, de sauce, de salade de chou, de macaronis au fromage, de salade ou de rondelles d’oignon servies au comptoir (affidavit Windsor, Pièce B). Il n’en résulte cependant pas de différence significative dans le genre de services, d’entreprises et la nature du commerce.

[23] Premièrement, ni les enregistrements de l’Opposante ni la demande ne restreignent les types de services de restaurant qui peuvent être fournis. Deuxièmement, les différences ne sont pas si importantes que le consommateur moyen les utiliserait pour distinguer la source des marques de commerce des parties comme une question de la première impression. Il est important de noter que, bien que les aliments vendus dans le restaurant de la Requérante soient globalement plus chers que ceux vendus dans le restaurant de l’Opposante, la différence n’est pas assez grande pour donner lieu à des services de nature différente.

[24] En ce qui concerne les Produits, la Requérante soutient qu’il s’agit d’aliments et d’articles d’épicerie préparés, de tee-shirts et de vaisselle, séparés et distincts des produits alimentaires servis par la Requérante dans le cadre de ses services de restaurant (observations écrites de la Requérante, para 75 et 76). Pour évaluer le risque de chevauchement des produits et services des parties, l’état déclaratif des produits doit être lu dans l’optique de déterminer le type probable d’entreprise ou de commerce envisagé, et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); American Optical Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)]. En l’espèce, la preuve de Mme Huggins établit qu’au moins certains de ces produits sont vendus au restaurant, le menu de l’été 2020 indiquant un certain nombre de produits d’épicerie à emporter vendus par le restaurant Mary Be Kitchen, tels que des soupes, des ragoûts, des biscuits prêts à cuire, du granola, du guacamole, des hamburgers au saumon, des compotes de fruits, des grains de café et du lait d’avoine (Pièce A). Par conséquent, pour les Produits, je conclus qu’il y a toujours un certain chevauchement avec les services de restaurant de l’Opposante.

Degré de ressemblance

[25] Dans la plupart des cas, degré de ressemblance entre les marques de commerce en question est souvent le facteur qui aura probablement la plus grande influence sur l’analyse de la confusion [Masterpiece, précité, au para 49]. On doit considérer le degré de ressemblance entre les marques dans leur présentation, leur son, et dans les idées qu’elles suggèrent. Cependant, il faut éviter de placer les marques de commerce côte à côte dans le but de les examiner attentivement et d’en relever les similitudes ou les différences; chaque marque de commerce doit être considérée dans son ensemble [Veuve Clicquot, précité].

[26] Dans Masterpiece, la Cour suprême du Canada a déclaré que lors de l’examen du degré de ressemblance, il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique [para 64].

[27] En l’espèce, j’estime que la partie la plus frappante de la Marque est l’élément MARY BE. En ce qui concerne la marque de commerce MARY BROWN'S de l’Opposante, j’estime que l’élément le plus frappant est la marque de commerce MARY BROWN’S dans son ensemble. Les marques des deux parties peuvent suggérer la même idée ou y faire allusion – un restaurant fondé par une personne nommée Mary. Je ne crois pas que le mot KITCHEN aiderait les consommateurs à faire la distinction entre les marques des parties, car ce mot suggère, voire décrit, les Services [Reno-Dépôt Inc C Homer TLC Inc (2009), 84 CPR (4th) 58 (COMC), au para 58]. Compte tenu de ce qui précède, j’estime que, malgré les différences entre les marques de commerce des parties, il existe un degré important de ressemblance entre les marques des parties dans la présentation, le son et les idées qu’elles suggèrent.

[28] Enfin, comme il est expliqué dans Arterra Wines Canada, Inc c Diageo North America, Inc, 2020 CF 508, au para 62, je dois tenir compte des différentes présentations possibles d’une marque de commerce :

[traduction]

En outre, les futures présentations possibles d’une marque de commerce à la disposition d’un propriétaire de marque de commerce déposée et d’un propriétaire de marque de commerce faisant l’objet d’une demande doivent être envisagées en ce qui concerne les marques nominales : Masterpiece, précitée, aux para 55 et 56, 85; Cheah c McDonald’s Corporation, 2013 CF 774, aux para 3 et 4; Pizzaiolo, précitée, au para 24. Il incombait donc à la COMC d’examiner adéquatement si la marque de commerce déposée NAKED GRAPE et la marque de commerce THE NAKED TURTLE faisant l’objet de la demande pouvaient être présentées dans un format qui créerait une possibilité de confusion pour le consommateur.

En l’espèce, je considère que la marque de commerce MARY BE KITCHEN pourrait être présentée dans un format qui augmente le risque de confusion dans l’esprit du consommateur (c’est-à-dire) si la partie MARY BE de la marque de commerce était mise en évidence dans une police plus large, par exemple.

[29] Dans l’ensemble, ce facteur favorise l’Opposante.

Aucune preuve de confusion réelle

[30] Dans certains cas, l’absence de preuve de confusion réelle entre les marques de parties, malgré un chevauchement dans les ventes des produits et les voies de commercialisation, peut mener à une conclusion négative concernant la robustesse de l’argument d’un opposant [Christian Dior, SA c Dion Neckwear Ltd, 2002 CAF 29, au para 19; Mattel, au para 55].

[31] L’Opposante n’a pas prouvé de cas de confusion entre l’une de ses marques de commerce et la Marque. Selon la preuve de la Requérante, au cours des quatre années qui se sont écoulées entre le moment où son restaurant a été lancé avec la Marque et l’assermentation de l’affidavit de Mme Huggins, il n’y a eu aucune preuve de confusion (para 16).

[32] Cette preuve n’est pas pertinente pour le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a). Je ne suis pas en mesure de tirer des conclusions sur l’absence potentielle de confusion entre l’emploi par l’Opposante de sa marque de commerce et l’emploi par la Requérante de sa Marque, étant donné que toutes ces preuves sont postérieures à la date des faits et ne sont pas intrinsèquement liées à des faits survenus à la date pertinente [voir Servicemaster Co c 385229 Ontario Ltd 2015 CAF 114, aux para 21 et 22].

[33] En ce qui concerne le caractère distinctif et le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), ce facteur ne favorise que la Requérante dans une mesure très limitée. Dans l’affaire Dior, la Cour d’appel fédérale explique qu’une conclusion défavorable peut être tirée lorsque l’emploi simultané de la preuve est considérable, et qu’aucune preuve de confusion n’a été fournie par un opposant. En l’espèce, toutefois, la preuve d’un emploi simultané n’est pas considérable. Il n’y a aucune preuve que les emplacements ou la publicité de l’Opposante coexistent avec l’emploi par la Requérante de sa Marque dans un seul emplacement.

Autre circonstance de l’espèce – Emploi de MARY'S DINER et MB Design

[34] La preuve de l’Opposante démontre qu’elle a employé la marque de commerce MARY’S DINER en liaison avec un seul restaurant avec service aux tables à Terre-Neuve et qu’elle a employé la marque de commerce MB Design, notamment sur des contenants. Premièrement, l’emploi par l’Opposante de la marque de commerce MB Design a commencé après la date pertinente pour le motif d’opposition fondé sur l’article 16, ce qui signifie que l’emploi de cette marque n’est pas pertinent pour ce motif d’opposition en particulier. Deuxièmement, étant donné que les chiffres de vente des produits et services vendus en liaison avec ces marques de commerce n’ont pas été fournis, rien ne me permet de conclure que l’emploi des marques de commerce MARY’S DINER ou MB Design entraîne un risque accru de confusion.

Autre circonstance de l’espèce – Jurisprudence relative aux marques de commerce faibles

[35] La Requérante soutient que l’Opposante, en tant que propriétaire d’une marque faible, devrait être tenue d’accepter un certain risque de confusion [General Motors c Bellows (1949), 10 CPR 101, aux p 115 et 116 (CSC)].

[36] Il est généralement admis que des différences relativement petites suffiront à distinguer des marques faibles les unes des autres [Boston Pizza International Inc c Boston Chicken Inc (2001), 15 CPR (4th) 345 (CF 1re inst), au para 66]. Comme il est expliqué dans Provigo Distribution Inc c Max Mara Fashion Group SRL, 2005 CF 1550, au para 31 :

Comme les deux marques en elles-mêmes sont faibles, il est juste d’affirmer que même de petites différences suffiraient à les différencier. S’il en était autrement, le premier utilisateur de termes couramment employés se verrait conférer injustement un monopole de ces termes. Les tribunaux ont également justifié cette conclusion en affirmant qu’on s’attend à ce que le public soit plus prudent lorsque des noms commerciaux faibles comme ceux-ci sont employés […]

[37] Il est cependant possible d’accroître le caractère distinctif d’une marque de commerce faible par un emploi à grande échelle [Sarah Coventry Inc c Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238 (CF 1re inst), au para 6]. En l’espèce, l’Opposante a produit la preuve d’un emploi étendu de sa marque de commerce a sur une longue période.

Autre circonstance de l’espèce – Recherches GOOGLE de la Requérante

[38] Dans le cadre de sa preuve, Mme Huggins joint les cinq premières pages des recherches Google pour Mary Be et Mary B, qui montrent que MARY BROWN'S n’apparaît pas dans les résultats de recherche (Pièces B et C). Je note que ces résultats de recherche sont à l’extérieur de la date pertinente pour les motifs d’opposition fondés sur les articles 16 et 2. En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), je ne pense pas que ces résultats de recherche aident la Requérante, car rien ne prouve que les résultats de recherche Google permettent à un consommateur ordinaire ayant une mémoire imparfaite de faire la distinction entre les marques de commerce en question.

Conclusion

[39] Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la Marque alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce MARY BROWN’S de l’Opposante et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur.

[40] Après avoir examiné l’ensemble des circonstances de l’espèce, en particulier le degré de ressemblance entre les marques et le chevauchement direct des services de restaurant des parties, j’estime qu’au mieux pour la Requérante, la probabilité de confusion est en parfait équilibre entre une conclusion de confusion et d’absence de confusion, à la date pertinente la plus ancienne. À mon avis, un consommateur ordinaire pourrait ne pas être particulièrement attentif à la distinction entre la marque de commerce MARY BROWN’S de l’Opposante et la Marque, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, et pourrait penser que la source des Produits et Services de la Requérante est l’Opposante.

[41] Avec cette conclusion, je reconnais que MARY BROWN’S n’est pas le type de marque de commerce qui bénéficie généralement d’une protection étendue et qu’il y a des différences entre celle-ci et la Marque. Toutefois, à la date pertinente pour le motif d’opposition fondé sur l’article 16, seule l’Opposante avait acquis une réputation en liaison avec ses marques de commerce et les produits et services des parties se chevauchent. Puisque le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques incombe à la Requérante, je dois trancher à l’encontre de la Requérante et le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) est accueilli.

[42] En ce qui concerne les dates pertinentes pour les motifs d’opposition fondés sur les article 2 et 12(1)d), bien que la requérante ait commencé à employer la Marque, étant donné la preuve plutôt limitée concernant la façon dont la Marque a été employée et la mesure dans laquelle celle-ci l’a été, elle ne s’acquitte pas non plus de son fardeau ultime à l’égard de ces motifs d’opposition qui sont accueillis.


 

Décision

[43] Compte tenu de ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

_______________________________

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

Le français est conforme aux WCAG.


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