Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 101

Date de la décision : 2023-06-14

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Duliv Die Cutting Products Ltd.

Requérante : Shanghai Dapan Printing Technology Corporation

Demande : 1,906,690 pour DULIV

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Introduction

[1] Duliv Die Cutting Products Ltd (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce DULIV (la Marque), laquelle est l’objet de la demande d’enregistrement no 1906690 de Shanghai Dapan Printing Technology Corporation (la Requérante).

[2] La demande d’enregistrement de la Marque est en liaison avec les produits suivants de la classe de Nice 7 :

[traduction]

Moissonneuses; outils de coupe en carbure métallique; machines de coupe pour le travail des métaux; machines de découpage à l’emporte-pièce; machines à cisailler électriques; laveuses électriques à usage industriel; diamants de vitrier, à savoir pièces de machine; machines-outils pour l’industrie du travail des métaux; machines à couper le papier; machines d’impression planographique; raseuses pour le travail des métaux.

[3] L’opposition est principalement fondée sur l’allégation selon laquelle la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce DULIV de l’Opposante et son nom commercial, précédemment employés au Canada en liaison avec des produits connexes. Comme il en sera question ci-dessous, l’opposition comporte également des allégations de mauvaise foi découlant de la relation antérieure des parties.

[4] Toutes les dispositions de la Loi mentionnées renvoient à la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 dans sa version modifiée le 17 juin 2019 (la Loi). Cependant, la jurisprudence appliquant la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 (l’Ancienne loi) éclairera tout de même dans certains cas l’analyse des motifs d’opposition en l’espèce, comme il en est question ci-dessous.

Le dossier

[5] La demande d’enregistrement de la Marque a été déposée le 27 juin 2018. Dans sa version originale, la demande comprenait une revendication d’emploi au Canada depuis au moins aussi tôt que le 22 janvier 2018 en liaison avec les produits visés par la demande.

[6] La demande a été annoncée aux fins d’opposition le 12 février 2020.

[7] Le 8 juillet 2020, l’Opposante s’est opposée à la demande en produisant une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi.

[8] Les motifs d’opposition sont fondés sur la mauvaise foi en vertu de l’article 38(2)a.1); l’absence de droit à l’enregistrement en vertu des articles 38(2)c) et 16(1); l’absence de caractère distinctif en vertu des articles 38(2)d) et 2; et le fait que la Requérante n’employait ou ne projetait pas d’employer la Marque en vertu de l’article 38(2)e) de la Loi.

[9] Le 25 août 2020, la Requérante a produit une contre-déclaration.

[10] À l’appui de son opposition, l’Opposante a présenté les affidavits suivants :

· l’affidavit de Bin Li, exécuté le 18 décembre 2020 à Whitby, en Ontario (l’Affidavit Li);

· à titre de contre-preuve, un deuxième affidavit de Bin Li, exécuté le 19 août 2021 à Whitby, en Ontario (l’Affidavit de réponses Li).

[11] En appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Xiaofeng Yan, exécuté le 15 juillet 2021 à Shanghaï, en Chine (l’Affidavit Yan).

[12] Aucun des déposants n’a été contre-interrogé. Les deux parties ont soumis des observations écrites, mais seule l’Opposante a été représentée à une audience.

Aperçu de la preuve de l’Opposante

Affidavit Li

[13] Mme Li est la directrice et propriétaire de l’Opposante [para 1]. À titre de renseignements contextuels, Mme Li atteste que, avant d’avoir immigré au Canada, elle possédait de l’expérience dans l’industrie de la logistique et de l’expédition en Chine et elle [traduction] « a remarqué une possibilité d’affaire dans l’industrie du découpage à l’emporte-pièce puisqu’il y avait peu de distributeurs et de fabricants dans ce domaine » [para 4]. Elle affirme qu’elle a fondé et constitué en société l’Opposante en mai 2006 [para 4, Pièce A], avec son lieu principal d’affaire étant Whitby, en Ontario [para 1].

[14] Mme Li explique que, depuis son établissement, l’Opposante vend principalement [traduction] « des matériaux de découpage à l’emporte-pièce et de fabrication de matrices, à savoir des lames en acier, des filets en acier et des filets raineurs pour l’industrie de l’emballage » (les Produits de l’Opposante) [para 6]. Les clients de l’Opposante sont principalement [traduction] « des fabricants de matrices de filets en acier et des fabricants de découpage à l’emporte-pièce avec filets en acier » situés au Canada et aux États-Unis [para 7]. Mme Li affirme que tous les produits de l’Opposante sont fabriqués en Chine et que le distributeur de tels produits est Orient International Holding Imp & Exp Co, lequel obtient ses produits d’un certain nombre de fabricants différents, y compris la Requérante [para 24].

[15] En ce qui a trait aux ventes des Produits de l’Opposante en liaison avec la marque de commerce DULIV, Mme Li affirme que, en date de son affidavit, l’Opposante avait généré des revenus de plus de 1,3 million de dollars au Canada. Joint à titre de Pièce B à l’Affidavit Li est un tableau illustrant les revenus de ventes annuels en liaison avec la marque DULIV au Canada et aux États-Unis [para 9].

[16] En ce qui a trait à la présentation de la marque de commerce DULIV de l’Opposante, jointes à titre de Pièce C à l’Affidavit Li sont des photos représentatives de, selon les confirmations de Mme Li, produits de marque DULIV et d’emballages arborant la marque de commerce DULIV [para 10].

[17] Mme Li atteste également que la marque de commerce DULIV de l’Opposante figure sur les factures et les bons de commande émis aux clients par l’Opposante [para 11 à 14]. Jointes à titre de Pièces D et E à l’Affidavit Li sont plusieurs factures et listes d’emballage représentatives en date de 2006 à 2020 qui, selon les confirmations de Mme Li, ont été émises par l’Opposante à ses clients [para 12]. Je note que DULIV est arboré en évidence dans le haut des factures, faisant partie du nom commercial de l’Opposante, mais également en une police plus large que le reste de celui-ci.

[18] En ce qui a trait à la publicisation et à la promotion, Mme Li explique que, en raison du [traduction] « marché relativement spécialisé des filets et des lames en acier », l’Opposante n’effectue pas en général des campagnes publicitaires massives, obtenant la plupart de ses clients par [traduction] « le bouche à l’oreille entre les clients existants » et par [traduction] « la réputation de longue date dans l’industrie » de l’Opposante [para 15]. Cependant, Mme Li indique que l’Opposante est un membre de la International Association of Diecutting and Diemaking [para 14, Pièce F] et que l’Opposante a, dans le passé, [traduction] « participé à l’occasion à des salons et des conventions de l’industrie », faisant référence à qui semble être un salon se déroulant en Virginie en 2008 à titre d’exemple [para 16, Pièce G].

[19] Mme Li atteste particulièrement du [traduction] « contrôle de la qualité [par l’Opposante] des produits Duliv » dans son affidavit [para 17 à 23]. À cet égard, elle atteste que, bien que l’Opposante achète des produits en grandes quantités, elle [traduction] « s’assure également que les lames qu’elle fournit sont appropriées pour le marché canadien » [para 18 et 19]. En particulier, elle explique la différence dans la dureté entre les [traduction] « lames typiques » employées par les fabricants de matrices chinois et celles employées par les fabricants de matrices canadiens, confirmant que l’Opposante commande des lames particulières [traduction] « qui sont appropriées pour ses clients au Canada » [para 19 et 20].

[20] Par conséquent, Mme Li affirme particulièrement que l’Opposante [traduction] « a en tout temps maintenu le contrôle sur la qualité des produits de marque DULIV fournis à ses clients » et que, lorsqu’un client avait un problème avec un produit de marque DULIV, l’Opposante [traduction] « corrigera habituellement le problème soit en remplaçant le produit pour le client, soit en accordant un remboursement ou un rabais pour le prochain achat du client » [para 21]. Elle explique également que, après une plainte, l’Opposante [traduction] « travaillera également avec son fournisseur pour améliorer les commandes futures, en modifiant des paramètres particuliers ou en améliorant la qualité générale du produit » [para 22].

[21] Mme Li affirme que de tels problèmes de qualité [traduction] « sont rares en général » et que la plupart des problèmes [traduction] « sont mineurs et résolus par des discussions téléphoniques avec les clients », décrivant les imprimés à la Pièce H comme illustrant [traduction] « plusieurs cas où des problèmes ont été rencontrés par les clients et ont fait l’objet de discussions par courriel ou message texte » [para 23].

[22] Mme Li atteste également en détail de la relation de l’Opposante avec la Requérante [para 24 à 31]. À cet égard, Mme Li affirme ce qui suit :

· À compter de novembre 2017, elle a commencé à rencontrer des [traduction] « problèmes majeurs » avec les produits fournis par la Requérante et a porté ces problèmes à son attention [para 25].

· Elle n’a pas été en mesure de résoudre les problèmes de qualité avec la Requérante et, puisque [traduction] « ses produits continuaient de ne pas répondre aux attentes en matière de qualité de ses clients », elle a continué à recevoir des plaintes de ses clients [para 26, Pièce H].

· Quelque part en juillet 2018, elle a décidé de changer de fabricants pour les commandes futures [para 26], explique que l’Opposante [traduction] « emploie présentement d’autres fabricants qui continuent d’approvisionner [l’Opposante] avec des produits de marque DULIV » [para 26].

[23] Mme Li émet l’opinion que la Requérante [traduction] « n’était pas heureuse » de sa décision; que sa demande pour la Marque n’a pas été déposée de bonne foi; et que la Requérante tente de s’approprier de la marque de commerce DULIV de l’Opposante et des clients de l’Opposante en réponse à sa décision [traduction] « de se départir d’elle en tant que fabricant » [para 27].

[24] Mme Li atteste que, anticipant les actions de la Requérante et du besoin de protéger la marque de commerce DULIV de l’Opposante, elle a déposé une demande d’enregistrement pour DULIV au nom de l’Opposante le 3 juillet 2018 (demande no 1,907,275) [para 28, Pièce J]. Mme Li note que, malheureusement pour l’Opposante, cela n’était que quelques jours après que la Requérante ait déposé la demande en question.

[25] Mme Li affirme également qu’elle croit que la Requérante ne pouvait pas avoir employé la Marque à la date de premier emploi revendiquée (22 janvier 2018) puisque, à ce moment, [traduction] « la Requérante menait toujours ses activités en tant que fabricant de Duliv et tout produit de marque DULIV vendu au Canada aurait été vendu par l’entremise de [l’Opposante], laquelle n’est pas un licencié ou un prédécesseur en titre de la Requérante » [para 29]. Mme Li affirme également que, selon ses connaissances et son expérience à faire affaire avec la Requérante, elle estime que [traduction] « la Requérante n’a pas employé, et ne projette pas employer, la marque DULIV » en liaison avec l’un des produits visés par la demande, puisque la Requérante est [traduction] « principalement un fabricant de lames et de filets en acier », ne fabrique pas ces types de produits et n’a pas [traduction] « la capacité de vendre ces produits au Canada » [para 31].

[26] Mme Li atteste également de son opinion concernant la probabilité de confusion et les instances alléguées de confusion actuelle [para 22 à 36]. À cet égard, elle affirme que, [traduction] « à plusieurs occasions, la Requérante a sollicité mes clients en employant une marque DULIV semblable portant à confusion, ce qui a créé de la confusion parmi mes clients qui ont demandé si la Requérante était associée à [l’Opposante], ce qui n’est pas le cas » [para 33]. Joints à titre de Pièce I à l’Affidavit Li sont des imprimés de deux courriels que Mme Li identifie comme des copies de la correspondance qu’elle a reçue de clients concernant la sollicitation faite par la Requérante, envoyée en mars 2019 et en mars 2020, respectivement [para 34]. Mme Li note que, dans de telles communications, la Requérante se présente comme la « Shanghai Dapan Printing Technology Corporation », mais fait également référence à elle-même par [traduction] « usine de filets en acier Shangaï Duliv » (accentuation de l’Opposante) [para 34].

[27] Mme Li atteste que de telles communications perturbent son entreprise et elle émet l’opinion que l’intention de la Requérante est de créer de la confusion dans le marché et de tenter de voler les clients de l’opposante en [traduction] « employant une marque de commerce DULIV semblable portant à confusion ». À cet égard, Mme Li note que, dans l’un des courriels fournis à titre de pièce, en réponse au courriel de la Requérante, un client a particulièrement demandé à Mme Li [traduction] « […] est-ce que cela fait partie de votre entreprise? » [para 35, Pièce I].

[28] Mme Li atteste que l’Opposante [traduction] « a mené ses activités et fait croître son entreprise de façon continue depuis 2006 » et confirme que l’Opposante n’a jamais abandonné son emploi de la marque de commerce DULIV ou du nom commercial « Duliv Die Cutting Products Ltd » [para 9]. Elle émet l’opinion que, si la Marque est déposée par la Requérante, [traduction] « il y aura une importante confusion dans le marché, ce qui aura des répercussions importantes » sur l’entreprise de l’Opposante et l’Opposante [traduction] « pourrait être forcée d’abandonner une marque de commerce qu’elle a continuellement employé et révélé depuis 2006 » [para 36].

Affidavit de réponses Li

[29] Dans sa contre-preuve, en réponse à l’Affidavit Yan décrit ci-dessous, Mme Li explique également la relation entre elle-même, l’Opposante et la Requérante. En particulier, elle atteste de ce qui suit :

· Elle n’a jamais été employée par la Requérante [para 4].

· Il n’y a jamais eu d’accord signé ou de licence entre les parties, émettant l’opinion que cela n’était pas nécessaire compte tenu de la [traduction] « relation de fournisseur » entre elles [para 5].

· Il n’y a aucune relation organisationnelle entre les parties, confirmant que la Requérante est seulement payée par l’Opposante pour les produits qu’elle commande [para 6].

· Les factures pour les clients canadiens de l’Opposante sont générées par l’Opposante sans aucune participation de la Requérante [para 7].

· Les prix des produits de marque DULIV de l’Opposante au Canada sont tous établis par l’Opposante, sans aucune connaissance ou autorisation de la part de la Requérante [para 8].

· Elle est responsable de contrôler la qualité des produits vendus sous la marque DULIV au Canada et tous les contacts avec les clients canadiens se font par l’entremise de Mme Li [para 9].

· Au cours de la relation de fournisseur entre les parties, la Requérante n’était mentionnée sur aucun produit de marque DULIV vendu au Canada [para 12].

· Au cours de la relation de fournisseur, [traduction] « la Requérante avait un contact direct minime avec les clients canadiens » et la Requérante a commencé à joindre les clients existants seulement après la fin de la relation de fournisseur [para 13 et 14].

[30] Mme Li reconnaît qu’elle a employé une adresse de courriel fournie par la Requérante (echo.li@duliv.com) dans certaines communications avec les clients, mais explique que cela était [traduction] « seulement à des fins pratiques en raison de l’expérience antérieure de la Requérante et de son infrastructure dans ce secteur » et qu’elle a également employé son adresse de courriel personnelle pour communiquer avec des clients [para 10].

[31] Mme Li reconnaît également que le site Web de la Requérante, duliv.com, était exploité alors que la Requérante tenait le rôle de fournisseur auprès de l’Opposante, toutefois elle affirme que [traduction] « le site Web était plutôt simple, ne concernait pas particulièrement le Canada et n’était en général par employé par [l’Opposante] pour mettre en marché ou vendre les produits de marque DULIV » [para 11].

Aperçu de la preuve de la Requérante

Affidavit Yan

[32] Dans son affidavit, M. Yan atteste qu’il est le dirigeant principal de la Requérante [para 1]. Il fournit l’historique organisationnel de la Requérante [para 2], indiquant que la Requérante est le plus grand fabricant de filets en acier en Chine, se spécialisant dans les files de découpage par trait bas et par déroulage [para 3]. Les références à la Requérante ci-dessous comprennent des références à son prédécesseur en titre, lequel a changé son nom en 2009 [para 16].

[33] En ce qui a trait à la Marque en général, M. Yan atteste de ce qui suit :

· La Requérante emploie la Marque depuis février 2003 [para 4 et 15].

· L’origine phonétique et son inspiration pour l’invention du mot DULIV, étant une combinaison des mots chinois « duo li » (signifiant [traduction] « vaste profit ») et de la lettre V représentant les produits de lame de l’entreprise [para 4].

· La Requérante a enregistré le nom de domaine duliv.com en décembre 2003 et une version anglaise du site Web arborant la Marque est accessible depuis le Canada [para 5, 6, 17 et 18, Pièces C et D].

· La Requérante emploie « @duliv.com » à la fin des adresses de courriel de ses employés depuis 2003 [para 5].

· La Requérante possède l’enregistrement chinois d’une version stylisée de la Marque, enregistrée depuis avril 2009 [para 7, Pièce E].

· La Requérante possède l’enregistrement des États-Unis no 5,679,681 pour la marque nominale DULIV, enregistrée en liaison avec des produits qui sont essentiellement les mêmes que les produits visés par la demande en l’espèce [para 8, Pièce F].

· La Marque a été employée sur l’emballage des produits depuis 2003 et sur les factures aux clients depuis 2005 [para 15 et 16, Pièces N à P].

· La Requérante distribue du matériel publicitaire et participe des salons professionnels partout dans le monde pour faire la promotion des produits DULIV [para 19 et 20, Pièces Q et R].

[34] En ce qui a trait à la relation des parties, M. Yan atteste de ce qui suit :

· Mme Li et lui se connaissent depuis les années 1990 [para 9].

· En 2005, la Requérante cherchait à prendre de l’expansion dans le marché canadien; au moment d’être informé des plans de Mme Li d’émigrer au Canada, il a joint Mme Li pour lui demander de devenir le distributeur de la Requérante au Canada [para 10].

· Mme Li a accepté de devenir le distributeur de la Requérante et les parties avaient [traduction] « un accord verbal de distribution exclusive au Canada » [para 10].

· Mme Li a été [traduction] « invitée à travailler dans [l’entreprise de la Requérante] en 2005 » afin qu’elle comprenne mieux les produits de la Requérante et sa stratégie de marketing et [traduction] « restée dans [’entreprise de la Requérante] pendant un ou deux mois » [para 10].

· Mme Li a constitué en société l’entreprise de l’Opposante en 2006 et a publicisé l’Opposante comme le bureau de ventes et entrepôt de la Requérante au Canada [para 10].

· En 2007, Mme Li a demandé l’approbation de la Requérante pour le contenu d’une bannière d’exposition et, en 2008, a demandé que certaines coordonnées soient ajoutées au site Web de la Requérante [para 10].

· La Requérante a autorisé Mme Li à employer l’adresse de courriel echo.li@duliv.com, laquelle Mme Li a employée pour communiquer des commandes à l’interne au sein de l’entreprise de la Requérante et à l’externe avec des clients canadiens [para 11 et 21].

· Mme Li avait l’autorisation d’aborder le site Web de la Requérante, duliv.com, sur les publicités lorsqu’elle faisait la promotion des produits de la Requérante au Canada et avait l’autorisation d’indiquer que l’Opposante était le bureau canadien du prédécesseur de la Requérante [para 12 et 21, Pièces J et K].

· L’Opposante a fait 59 commandes de la Requérante entre 2006 et 2017, totalisant cinq millions de yuans chinois [para 13].

· L’Opposante avait l’autorisation de la Requérante d’employer DULIV sur ses factures émises aux clients canadiens [para 14]; le logo DULIV sur de telles factures est identique à la marque figurative déposée de la Requérante en Chine [para 14, Pièces E et M].

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[35] Conformément aux règles de preuve habituelles, l’Opposante a le fardeau de prouver les faits sur lesquels il appuie les allégations formulées dans sa déclaration d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd, 1990 CarswellNat 1053 (CF 1re inst)]. L’imposition d’un fardeau de preuve à l’Opposante à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que cette question soit examinée, il doit exister une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question.

[36] En ce qui concerne les allégations à l’égard desquelles l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, tel qu’il est allégué dans la déclaration d’opposition. L’imposition d’un fardeau ultime à la Requérante signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que l’ensemble de la preuve a été examinée, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante.

Mauvaise foi – Article 38(2)a.1)

[37] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable compte tenu de l’article 38(2)a.1) de la Loi, puisque la demande a été déposée de mauvaise foi en raison de la connaissance antérieure de la Requérante de la marque de commerce DULIV et du nom commercial (Duliv Die Cutting Products ltd) de l’Opposante à la date de dépôt de la demande. En particulier, l’Opposante fait valoir que la Requérante a déposé la demande afin de perturber l’entreprise de l’Opposante, de créer de la confusion dans le marché et de détourner des affaires de l’Opposante.

[38] L’Opposante fait également valoir que, à la date de dépôt, la Requérante a fait une déclaration frauduleuse en contravention à l’article 30b) de l’Ancienne loi, puisque la Requérante ne pouvait pas avoir employé, et n’avait pas employé au Canada par elle-même, par un licencié ou par un prédécesseur en titre, la Marque en liaison avec les produits visés par la demande à la date de premier emploi revendiquée dans la demande.

[39] La date pertinente pour ce motif est la date de dépôt de la demande.

[40] La mauvaise foi est en général caractérisée comme étant une violation d’une obligation juridique ou morale. En vertu de l’article 30i) de l’Ancienne Loi, la jurisprudence a évolué de sorte que la « mauvaise foi » pouvait constituer le fondement d’un plaidoyer valide en vertu de cette disposition [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co, 1974 CarswellNat 476 (COMC)]. Toutefois, il est bien établi qu’une allégation selon laquelle un requérant était conscient de la marque de commerce ou du nom commercial d’un opposant n’appuie pas en soi un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) [voir Woot Inc c WootRestaurants Inc Les Restaurants Woot Inc, 2012 COMC 197]. Si un opposant faisait valoir seulement la connaissance de l’emploi antérieur ou de la demande d’enregistrement antérieure d’une marque de commerce créant de la confusion, un motif d’opposition alléguant la mauvaise foi serait rejeté puisqu’un tel plaidoyer n’entraîne pas un argument défendable [voir, par exemple, Navsun Holdings Ltd c Sadhu Singh Hamdard Trust, 2015 COMC 214; Chicago Climate Exchange, Inc c Bourse de Montréal Inc, 2014 COMC 78; et Sobeys West Inc c Schwan’s IP, LLC, 2015 COMC 197, où il a été conclu que les motifs d’opposition en vertu de l’article 30i) fondés sur une allégation de connaissance d’une marque de commerce semblable au point de créer de la confusion ne peut pas appuyer un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) en l’absence de l’allégation de plus de mauvaise foi ou d’autres circonstances exceptionnelles].

Objet de la demande

[41] En ce qui a trait à l’allégation de l’Opposante que la demande avait été déposée [traduction] « afin de perturber l’entreprise de l’Opposante, de créer de la confusion dans le marché et de détourner des affaires de l’Opposante », je note que les parties avec des intérêts concurrentiels et faisant appel à des procédures établies dans Loi et le Règlement ne constitue pas en général de l’abus ou de la mauvaise foi.

[42] En effet, selon les propres dires de l’Opposante, la relation des parties en était une simplement de fournisseur-client, de manière à ce que, une fois la relation terminée en 2018, on ne peut pas dire que la Requérante avait une quelconque obligation juridique ou morale envers l’Opposante. L’Opposante n’a pas fait valoir ou démontré une quelconque obligation ou norme que la Requérante a ignorée ou n’a pas respectée dans sa relation avec l’Opposante ou d’autres personnes pertinentes. À titre d’exemple seulement, l’Opposante n’a pas fait valoir ou démontré des faits pertinents concernant le comportement de la Requérante qui a injustement empêché l’Opposante de déposer la demande d’enregistrement pour sa propre marque de commerce à une date antérieure.

[43] À cet égard, bien que la demande en suspens de l’Opposante ait été déposée après la présente demande, rien dans la preuve n’indique que cela était en raison de la Requérante empêchant d’une quelconque façon l’Opposante de déposer une demande plus tôt. Plutôt, comme il en sera question ci-dessous à l’égard des motifs fondés sur l’article 16(1), en l’espèce, j’accepte que l’Opposante a en fait été en mesure de démontrer l’emploi antérieur de sa marque de commerce DULIV et de son nom commercial.

[44] Je note à ce stade-ci que rien dans cette décision ne devrait être interprété comme une conclusion en faveur ou à l’encontre de la demande en suspens de l’Opposante; cette demande n’est pas visée par cette procédure.

[45] J’estime, comme plaidée, que l’allégation de l’Opposante s’appliquerait essentiellement dans toutes les procédures d’opposition impliquant des marques de commerce créant présumément de la confusion. Bien que l’intention de miner une autre entreprise puisse être pertinente dans une évaluation de la mauvaise foi [voir Blossman Gas, Inc c Alliance Autopropane Inc, 2022 CF 1794], caractériser la mauvaise foi comme étant simplement dans le but de [traduction] « détourner des affaires » ou un but semblable créerait probablement une définition imprévue et excessivement large de la « mauvaise foi » dans le contexte du régime canadien des marques de commerce. Ce n’est pas le rôle du registraire que de juger les pratiques commerciales d’un requérant en général et on pourrait affirmer dans chaque affaire de confusion alléguée que l’intention d’un requérant est de détourner des affaires d’un opposant. J’estime qu’une caractérisation si large et vague de la « mauvaise foi » est inappropriée dans le contexte de l’article 38(2)a.1) de la Loi. Bien que chaque affaire dépendra de ses propres faits particuliers, dans les affaires impliquant des intérêts concurrentiels dans une marque de commerce comme celle-ci, un motif fondé sur la mauvaise foi est mieux compris comme étant applicable lorsque les actions ou le comportement d’un requérant ont empêché injustement l’opposant à employer sa marque de commerce ou à déposer une demande pour celle-ci plus tôt, ou l’ont forcé à ne pas le faire. Ce n’est simplement pas le cas en l’espèce.

[46] Peu importe, aux fins de ce motif, M. Yan explique la compréhension de la Requérante de la relation entre les parties [Affidavit Yan, aux para 9 à 14]. Bien que l’Affidavit de réponses Li affirme réfuter cette compréhension, M. Yan n’a pas été contre-interrogé au sujet de ses déclarations. Comme l’a souligné la Requérante dans ses observations écrites, la demande en question suit des enregistrements semblables en Chine et aux États-Unis; du point de vue de la Requérante, à tout le moins, la demande n’a pas été déposée de mauvaise foi, mais plutôt puisqu’il est devenu [traduction] « encore plus important de déposer la Demande au Canada pour la protection des droits de marques de commerce de la Requérante après la résiliation de la relation de distribution en 2017 » [para 64].

[47] Compte tenu de ce qui précède, même si je devais accepter que l’Opposante s’était acquittée de son fardeau de preuve initial pour soulever la question de mauvaise foi à cet égard, j’aurais été convaincu que la Requérante s’était acquittée de son fardeau juridique de démontrer que la marque de commerce n’avait pas été déposée de mauvaise foi.

Déclaration frauduleuse

[48] En ce qui a trait au plaidoyer de l’Opposante que la date de premier emploi revendiquée de la demande était frauduleuse, je note d’abord que, puisque la demande a été annoncée après le 17 juin 2019, son annonce n’incluait pas cette date de premier emploi revendiquée.

[49] Par conséquent, il n’est pas clair comment une date de premier emploi revendiquée dans une affaire telle que celle-ci puisse être caractérisée comme [traduction] « frauduleuse ». À cet égard, je note que la date de premier emploi revendiquée dans une demande annoncée après le 17 juin 2019 telle que celle-ci n’empêche pas un opposant de faire valoir un motif fondé sur les articles 38(2)b), 12(1)d), 30(2)c) ou 16 de la Loi. De plus, si la demande en question passe à l’enregistrement, on ne peut pas dire qu’elle a été enregistrée en fonction d’une telle déclaration. Essentiellement, puisque la date de premier emploi revendiquée est considérée comme caduque, elle ne doit pas éclairer le fondement pour un motif d’opposition dans les circonstances de l’espèce.

[50] Peu importe, dans ses observations écrites, l’Opposante observe que, malgré la revendication d’une date de premier emploi du 22 janvier 2018, la Requérante n’a fourni aucune preuve qu’elle vend ou qu’elle a vendu les produits visés par la demande à une quelconque date. La Requérante affirme également que la preuve suggère que ce ne sont pas le type de produits que la Requérante vend [para 30].

[51] Cependant, soulignant que l’Opposante a choisi de ne pas contre-interroger M. Yan, je n’estime pas qu’une spéculation soit suffisante pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau à l’égard de ce motif. Même si la date de premier emploi revendiquée était en erreur d’une façon ou d’une autre (comme la Requérante semble le reconnaître dans ses observations écrites aux paragraphes 67 et 68), je suis d’accord avec la Requérante qu’il s’agit, dans le pire des cas, d’un problème technique, puisque la preuve est insuffisante pour appuyer une conclusion que la déclaration dans la demande était frauduleuse.

[52] Compte tenu de tout ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur la mauvaise foi est rejeté.

Absence de droit à l’enregistrement – Article 16(1)

[53] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable compte tenu des articles 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi, puisque la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque et que, à la date dépôt et à la date de premier emploi revendiquée, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce DULIV précédemment employée et révélée de l’Opposante. À cet égard, l’Opposante fait valoir qu’elle est la propriétaire de la marque de commerce DULIV, employée et révélée au Canada depuis le 9 mai 2006 en liaison avec [traduction] « filets, lames, pliures et perforations en acier employés pour les industries de l’emballage, des chaussures, des vêtements et de l’imprimerie » (pour laquelle une demande a été déposée le 3 juillet 2018 sous la demande no 1,907,275).

[54] L’Opposante fait également valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque compte tenu des articles 38(2)c) et 16(1)c) de la Loi puisque, à la date dépôt et à la date de premier emploi revendiquée, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial de l’Opposante. À cet égard, l’Opposante fait valoir qu’elle est la propriétaire du nom commercial Duliv Die Cutting Products Ltd, exploitant une entreprise canadienne constituée en société sous le régime fédéral depuis le 9 mai 2006.

Emploi de la marque de commerce DULIV et du nom commercial de l’Opposante

[55] Dans ses observations écrites, la Requérante affirme que tout emploi démontré de DULIV par l’Opposante profite en fait à la Requérante [para 32 à 43]. En plus des affirmations concernant la nature de la relation des parties établie dans l’Affidavit Yan [aux para 9 à 14 et 21], la Requérante présente certains arguments convaincants dans ses observations écrites, mettant en doute la version de l’Opposante de la relation des parties et de son emploi présumément indépendant de la marque de commerce DULIV. Par exemple, la Requérante note que le symbole de marque de commerce déposée figure sur l’emballage des filets en acier DULIV illustré dans l’Affidavit Li à la Pièce C. La Requérante remarque que l’Opposante ne possède aucun enregistrement de cette sorte; plutôt, c’est la Requérante qui est la propriétaire inscrite de la marque figurative DULIV, à tout le moins en Chine où de tels produits sont fabriqués par la Requérante [observations écrites de la Requérante, aux para 38, 44 et 45]. La Requérante observe également, entre autres, que la preuve de Mme Li concernant le contrôle de la qualité et la communication avec les clients par l’Opposante est habituellement [traduction] « une pratique très typique d’un distributeur unique » [para 51].

[56] Pour sa part, l’Opposante observe que la preuve n’appuie pas la tentative de la Requérante de caractériser l’Opposante comme distributeur de la Requérante dans la vente de produits DULIV ou que l’emploi de DULIV par l’Opposante était autorisé par la Requérante. À cet égard, l’Opposante affirme ce qui suit [observations écrites de l’Opposante, aux para 19 à 21] :

· L’Opposante est une entreprise indépendante, sans lien et aucunement sous le contrôle de la Requérante.

· L’Opposante a été en mesure de changer de fournisseurs et de continuer à vendre les produits sous la marque DULIV.

· Il n’y a aucun accord d’agence ou de distribution entre les parties, malgré les allégations de la Requérante, pour lequel il n’y a aucune preuve documentaire.

· Mme Li a expressément nié l’existence d’un accord de distribution entre les parties [Affidavit de réponses Li au para 5].

· Bien que l’Affidavit Yan allègue des cas où Mme Li a envoyé des courriels à la Requérante pour obtenir certaines approbations, de tels courriels n’ont pas été versés dans la preuve [faisant référence à l’Affidavit Yan aux para 10 et 12].

· L’Opposante contrôlait tous les aspects de la qualité des produits et des relations avec la clientèle et c’est l’Opposante qui [traduction] « a entrepris les démarches pour protéger l’achalandage associé à la marque DULIV en changeant de fournisseurs ».

[57] L’Opposante invoque également Distribution Jora Compost Canada Inc c Tom R McKague, 2021 COMC 165 pour la proposition que, même si un accord de distribution existait, un distributeur opposant peut revendiquer son emploi démontré d’une marque de commerce et d’un nom commercial en question lorsque la preuve démontre qu’il a agi indépendamment pour, entre autres, corriger des problèmes de qualité avec les produits fabriqués par le requérant [observations écrites de l’Opposante, aux para 22 à 26]. Par conséquent, l’Opposante affirme que l’emploi démontré de la marque de commerce DULIV et de son nom commercial dans l’Affidavit Li peut être attribué à l’Opposante et que, par conséquent, cela lui permet de s’acquitter de son fardeau initial dans le cadre de ces motifs.

[58] Bien que la Requérante conteste cette interprétation et note [traduction] « des différences fondamentales » entre cette affaire et l’espèce [aux para 58 à 61], en bout de compte, cette procédure ne vise pas à déterminer la propriété de la marque de commerce DULIV entre les parties, mais simplement à déterminer si la marque de commerce en question peut être enregistrée par la Requérante.

[59] En l’espèce, dans le meilleur des cas pour la Requérante, il ne semble pas y avoir de consensus quant à la nature de la relation des parties. À cet égard, je n’estime pas qu’un déposant soit nécessairement plus crédible que l’autre et je note que la Requérante aurait pu profiter d’un contre-interrogatoire de Mme Li au sujet de ses affidavits pour atténuer la nature « parole contre parole » de la preuve en l’espèce.

[60] En gardant cela à l’esprit, concernant l’emploi de la Marque au Canada par la Requérante, l’Affidavit Yan se limite à affirmer que, par divers moyens, la Requérante a autorisé l’Opposante à employer la Marque en 2006 et 2017 [Affidavit Yan, au para 21], toutefois la Requérante n’a pas démontré un quelconque emploi en liaison avec les produits visés par la demande. Dans ses observations écrites, la Requérante observe que les produits visés par la demande sont [traduction] « fortement semblables aux produits dans la demande de l’Opposante pour la marque DULIV, voire couverts par ceux-ci » [para 93]. Cependant, ni M. Yan ni la Requérante n’associe les produits visés par la demande aux Produits de l’Opposante. Par conséquent, même si je devais accepter la position de la Requérante que la présentation de la marque de commerce DULIV avec le symbole de marque de commerce déposée sur l’emballage de filets en acier versé dans la preuve constitue l’emploi de la Marque par la Requérante en tant que fabricant de tels produits, cela n’aide pas la Requérante aux fins de ce motif. De tels filets en acier ne figurent pas dans les produits visés par la demande.

[61] Par conséquent, pour s’acquitter de son fardeau initial dans le cadre de ces motifs, l’Opposante doit démontrer l’emploi de sa marque de commerce ou de son nom commercial, respectivement, à tout moment avant la date de dépôt de la demande. À cet égard, à tout le moins, j’accepte que l’Opposant soit en mesure d’invoquer son emploi démontré de la marque de commerce DULIV et de son nom commercial depuis 2006 sur les factures et les bons de commande pour s’acquitter de son fardeau [selon l’Affidavit Li, aux para 11 à 13, Pièces D et E].

[62] Comme l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce ou le nom commercial de l’Opposante à la date de dépôt de la demande.

Test en matière de confusion

[63] Le test à appliquer pour trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[64] Le test applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la Marque en liaison avec les produits faisant l’objet de la demande, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’Opposante et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 au para 20].

[65] Aux fins de cette évaluation, toutes les circonstances pertinentes de l’espèce doivent être prises en compte, y compris celles énoncées à l’article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[66] Les critères ou les facteurs énoncés à l’article 6(5) de la Loi ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux varie selon le contexte [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au para 54]. Dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, la Cour suprême du Canada a déclaré que le facteur de l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques de commerce, est souvent celui susceptible de revêtir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [au para 49] et que, bien que le premier mot dans la marque de commerce puisse être l’élément le plus important dans certains cas, il est préférable de se demander si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement « frappant ou unique » [au para 64].

[67] En l’espèce, il n’est pas nécessaire de discuter des circonstances de l’espèce en détail. Les marques de commerce des parties sont identiques et, bien que les produits des parties ne soient pas identiques, selon la preuve dans son ensemble, il est clair que les produits sont d’un genre semblable et qu’il y a un chevauchement dans les entreprises et le commerce des parties.

[68] Dans le même ordre d’idées, l’Opposante a démontré l’emploi antérieur de son nom commercial, lequel possède un degré élevé de ressemblance avec la Marque compte tenu du premier élément distinctif du nom commercial étant « Duliv ».

[69] Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties ou entre la Marque et le nom commercial de l’Opposante.

[70] Compte tenu de tout ce qui précède, les motifs fondés sur l’article 16(1) de la Loi sont accueillis.

Absence de caractère distinctif – Article 2

[71] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable compte tenu de l’article 38(2)d) de la Loi, puisque la marque de commerce ne distingue pas, et à toutes les dates pertinentes ne distinguait pas et ne pouvait pas distinguer, les produits de la Requérante, puisque la marque de commerce visée par la demande crée de la confusion avec la marque de commerce et le nom commercial précédemment employés et révélés de l’Opposante. En particulier, l’Opposante fait valoir que l’Opposante a employé et révélé de façon répandue et continue sa marque de commerce DULIV et son nom commercial bien avant la date de dépôt de la demande et la date de premier emploi revendiquée de la Requérante du 22 janvier 2018. À cet égard, l’Opposante fait valoir que ces emplois étaient répandus et en liaison avec un large éventail de matériaux de découpage à l’emporte-pièce et de fabrication de matrices, y compris traduction] « filets, lames, pliures et perforations en acier employés pour les industries de l’emballage, des chaussures, des vêtements et de l’imprimerie », comme il est établi dans la demande d’enregistrement no 1,907,275 pour la marque de commerce DULIV.

[72] La date pertinente pour ce motif est la date de production de l’opposition, soit le 8 juillet 2020 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185].

[73] L’article 2 de la Loi définit le terme « distinctive » comme suit :

« distinctive » Se dit de la marque de commerce qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire de ceux d’autres personnes, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi. 

[74] Une marque de commerce « distingue véritablement » en acquérant un caractère distinctif par l’emploi, ce qui donne lieu à un caractère distinctif en fait. En revanche, une marque de commerce qui est « adaptée à les distinguer ainsi » est une marque qui ne dépend pas de l’emploi pour acquérir son caractère distinctif parce qu’elle possède un caractère distinctif inhérent [voir Astrazeneca AB c Novopharm Ltd, 2003 CAF 57, au para 16].

[75] En l’espèce, l’Opposante a le fardeau initial d’établir qu’à la date pertinente, sa marque de commerce ou son nom commercial i) était connu dans une certaine mesure au Canada en liaison avec les produits pertinents et ii) avait au Canada une réputation « importante, significative ou suffisante » de façon à annuler le caractère distinctif de la Marque [voir Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, aux para 33 et 34; et Ontario Dental Assistants Association c Association dentaire canadienne, 2013 CF 266, au para 42, conf par 2013 CAF 279]. Dans Suzanne’s Inc c Auld Phillips Ltd, 2005 CAF 429, bien que dans le cadre d’une procédure de radiation prévue à l’article 57 de la Loi, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’« [é]videmment, il ne peut arriver que rarement qu’un commerçant unique soit en mesure de faire perdre à une marque son caractère distinctif, mais rien ne l’empêche en principe » [au para 7].

[76] En ce qui a trait à la première partie du fardeau de l’Opposante, bien que Mme Li reconnaisse que la réputation dans la marque de commerce de l’Opposante provient en grande partie du bouche à l’oreille [Affidavit Li, au para 16], compte tenu de preuve de ventes et d’interaction avec des clients [p. ex. au para 8], j’accepte que la marque de commerce et le nom commercial de l’Opposante étaient connus dans une certaine mesure au Canada en liaison avec les Produits de l’Opposante. En ce qui a trait à la deuxième partie, j’accepte que les cas de confusion actuelle avant la date pertinente [Affidavit Li, aux para 33 à 35] démontrent que la réputation de la marque de commerce et du nom commercial de l’Opposante était suffisante pour annuler le caractère distinctif de la Marque visée par la demande, remettant en question le caractère distinctif de la Marque. Bien que la Requérante affirme dans ses observations écrites que, dans les circonstances, il était [traduction] « plutôt normal que les clients soulèvent des questions auprès de l’Opposante concernant la relation actuelle » entre les parties [para 57], j’accepte que cette preuve est malgré tout suffisante pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau initial dans le cadre de ce motif.

[77] Par conséquent, c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que, à la date pertinente, la Marque était distinctive au sens de l’article 2 de la Loi.

[78] De nouveau, à tout le moins, la Requérante n’a pas démontré la réputation ou l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les produits visés par la demande. Par conséquent, dans la mesure où ce motif s’appuie en fin de compte en partie sur la question de la confusion, j’arriverais à la même conclusion que celle que j’ai tirée concernant le motif fondé sur l’article 16(1), nonobstant la date pertinente ultérieure sous ce motif.

[79] Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’article 2 de la Loi est accueilli.

N’employait pas et ne projetait pas d’employer – Article 38(2)e)

[80] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable à la lumière de l’article 38(2)e) puisque, à la date de dépôt, la Requérante n’employait pas la Marque en liaison avec les produits visés par la demande et la Requérante ne projetait pas d’employer la Marque au Canada en liaison avec les produits visés par la demande.

[81] La date pertinente pour ce motif est la date de dépôt de la demande.

[82] D’abord, je note que le plaidoyer est insuffisant. Bien qu’il soit en général suffisant de simplement faire valoir qu’un requérant n’employait pas la marque de commerce visée par la demande pour s’acquitter du premier aspect de l’article 38(2)e) (et je note que l’Opposante fait valoir dans une autre section que la date de premier emploi revendiquée est frauduleuse), l’Opposante n’a invoqué aucun fait pertinent quant à la façon ou la raison pour laquelle la Requérante ne pouvait pas ou ne projetait pas d’employer la Marque au Canada, pour s’acquitter du deuxième aspect de ce motif.

[83] Je note que l’on peut tenir compte de la preuve dans l’évaluation de la suffisance des plaidoyers pour déterminer si un requérant connaît le fardeau dont il doit s’acquitter et, dans certains cas, la preuve peut corriger des plaidoyers déficients [Novopharm Ltd c Astrazeneca AB, 2002 CAF 387]. Cependant, en l’espèce, la preuve de l’Opposante (et ses observations) se concentre sur l’allégation spéculative de Mme Li que la Requérante n’a aucune intention d’employer la Marque. À cet égard, l’Opposante affirme que la preuve démontre que la Requérante est un fabricant d’emporte-pièces ou de filets en acier, sans aucune indication qu’elle fabrique ou vend les produits de machines visés par la demande. Par conséquent, la Requérante observe qu’il [traduction] « n’y a aucune preuve ou indication qu’elle fabrique ou vend l’une des machines revendiquées dans la présente Demande, à tout le moins pas à la date de premier emploi revendiquée dans la Demande » [observations écrites de l’Opposante, aux para 53 et 54].

[84] J’estime que, avec les modifications susmentionnées à la Loi, ce type de spéculation concernant l’intention d’un requérant ne fait pas partie de la portée de l’article 38(2)e) de la Loi. Lorsqu’un requérant dépose une demande d’enregistrement pour une marque de commerce, mais n’a présumément pas l’intention d’employer cette marque de commerce (p. ex., le « squattage » de marques de commerce), il est plus approprié de faire valoir cela dans le cadre d’un motif fondé sur la mauvaise foi. En l’espèce, le motif fondé sur la mauvaise foi de l’Opposante a été tranché ci-dessus.

[85] Aux fins de ce motif, une telle attention et une telle spéculation concernant l’intention de la Requérante sont insuffisantes pour corriger le plaidoyer ou pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau.

[86] Peu importe, notant que la Requérante a joint des clients canadiens et qu’elle possède déjà des enregistrements correspondants en Chine et aux États-Unis pour des produits semblables, je n’estime pas que la preuve dans son ensemble soit incohérente avec une « intention » de la part de la Requérante d’employer la Marque au Canada à un certain moment dans l’avenir.

[87] Compte tenu de ce qui précède, le motif fondé sur l’article 38(2)e) de la Loi est rejeté.


 

Décision

[88] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

___________________________

Andrew Bene

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches

 

Le français est conforme aux WCAG.


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2023-02-14

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Jerry Chen

Pour la Requérante : Aucune comparution

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Jerry Chen

Pour la Requérante : Witmart Inc.

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