Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 148

Date de la décision : 2023-08-23

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : McMillan LLP

Propriétaire inscrit : Faris Georgis

Enregistrement : LMC972384 pour GUBIANI

Introduction

[1] Le 3 décembre 2022, à la demande de McMillan LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Faris Georgis (le Propriétaire), le propriétaire inscrit de l’enregistrement no LMC972384 pour GUBIANI (la Marque).

[2] L’état déclaratif des produits et services, y compris les classes de Nice, est reproduit ci-dessous :

[traduction]

25 (1) Vêtements, nommément CHEMISES COMME LES TEE-SHIRTS, LES PULLS D’ENTRAÎNEMENT ET LES DÉBARDEURS, VESTES, GILETS, SHORTS D’ENTRAÎNEMENT, PANTALONS D’ENTRAÎNEMENT, CHAPEAUX ET CASQUETTES

33 (2) Boissons alcoolisées, nommément gin, liqueurs et vodka; spiritueux blancs à base d’alcool neutre, nommément gin, vodka, ouzo, raki et arak

40 (1) Services de distillerie d’alcool

43 (2) Services de bar; services de restaurant

[3] L’avis enjoignait au Propriétaire d’indiquer, à l’égard des produits et services spécifiés dans l’enregistrement, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 3 décembre 2019 au 3 décembre 2022.

[4] Les définitions pertinentes d’emploi sont énoncées à l’article 4 de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[5] En l’absence d’emploi, conformément à l’article 45(3) de la Loi, l’enregistrement est susceptible d’être radié, à moins que le défaut d’emploi ne soit en raison de circonstances spéciales.

[6] En réponse à l’avis du registraire, le Propriétaire a produit son propre affidavit, souscrit le 1er mars 2023 à Toronto (l’Affidavit Georgis).

[7] Aucune des parties n’a produit d’observations écrites; aucune audience n’a été demandée.

La preuve du propriétaire

[8] Dans son affidavit, le Propriétaire s’identifie comme étant le président de Gubiani Distillery, une entreprise individuelle de boissons alcoolisées qui produit et distribue des spiritueux alcoolisés au Canada. [para 1 et 22].

[9] Étant donné que la preuve de l’emploi réel de la Marque est limitée en l’espèce, faisant remarquer que la marque visée par la demande présentée en décembre 2015 et enregistrée en juin 2017, il est utile de fournir un aperçu général des activités de [traduction] « démarrage » du Propriétaire, comme décrit dans l’Affidavit Georgis. À cet égard, le Propriétaire atteste ce qui suit :

[10] Le Propriétaire affirme que [traduction] « la pandémie de COVID a entraîné des retards importants dans le démarrage de la production des produits Gubiani » [para 33], ce qui a retardé le lancement du produit [traduction] « de près de 2 ans » [para 40]. De plus, le Propriétaire explique que le fabricant de l’équipement a retardé la livraison de l’équipement [traduction] « de plus d’un an » en raison de la nature spécialisée et personnalisée de l’équipement et de la rareté de certains matériaux et pièces [para 40].

[11] En ce qui concerne l’entente conclue entre le Propriétaire et Nickel 9, le Propriétaire présente un acte de vente d’équipement daté du 22 janvier 2019, démontrant la vente d’un alambic du Propriétaire à Nickel 9 [para 22, Pièce 5]. Comme l’a expliqué le Propriétaire, la vente envisageait l’entente (finalement signée en octobre 2019), qui comprenait les conditions de production, de promotion et de distribution des produits Gubiani [para 22]. La Pièce 8 comprend des images de l’équipement d’alambic installé dans les locaux de Nickel 9 [paragraphe 25]; je note que l’équipement arbore la Marque.

[12] En ce qui concerne ces [traduction] « produits Gubiani […] produits chez Nickel 9 Distillers » [para 20], l’Affidavit Gubiani démontre ce qui suit :

[13] Le Propriétaire explique que la faiblesse des ventes à ce jour est due au fait que [traduction] « nous avons d’abord été occupés par le long processus d’acquisition de l’équipement, de développement du produit et de fabrication » [para 41].

[14] Par ailleurs, le Propriétaire déclare qu’il a l’intention [traduction] « de continuer à faire connaître la marque et à promouvoir la vente de produits arborant [la Marque] » [para 27].

Emploi de la Marque en liaison avec les produits

Produits vêtements

[15] En ce qui concerne la classe 25 de Nice « vêtements » dans les produits (1), le Propriétaire reconnaît qu’il n’a pas vendu de ces produits de vêtements au cours de la période pertinente [para 8].

[16] Néanmoins, le Propriétaire déclare que [traduction] « j’ai bien l’intention de faire davantage connaître la marque en 2023 et d’être en mesure de vendre des vêtements désirables arborant la marque de commerce Gubiani » [para 44]. La question des circonstances spéciales est abordée ci-dessous.

[17] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que le Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les produits (1) au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Produits boissons alcoolisées et spiritueux

[18] En ce qui concerne la classe 33 de Nice « boissons alcoolisées » et « spiritueux » dans les produits (2), l’Affidavit Georgis ne prouve que les ventes d’un seul produit de marque Gubiani au cours de la période pertinente, à savoir le « Gubiani Maple Espresso Anice Gin » susmentionné [para 21 et 23, Pièces 4 et 6].

[19] Bien que le Propriétaire reconnaisse que ses ventes ont été faibles au cours de la période pertinente, ces preuves de transferts concernant le produit de gin du Propriétaire arborant la Marque sont suffisantes aux fins de la présente procédure.

[20] En ce qui concerne la corrélation avec les produits enregistrés, j’admets que la preuve d’emploi établit une corrélation avec les produits visés par l’enregistrement [traduction] « Boissons alcoolisées, nommément gin ». S’il existe une distinction entre [traduction] « Boissons alcoolisées, nommément gin » et [traduction] « Spiritueux blancs à base d’alcool neutre », cela ne ressort pas clairement des éléments de preuve. Notant l’absence de référence aux produits [traduction] « spiritueux blancs » ou [traduction] « alcool neutre » dans les éléments de preuve (à part une simple affirmation au paragraphe 41), et en l’absence d’observations de l’une ou l’autre partie, je considère qu’il convient d’établir une corrélation entre le produit gin présenté en preuve et les anciens produits visés par l’enregistrement uniquement.

[21] La question des circonstances spéciales relativement aux autres boissons alcoolisées et spiritueux est abordée ci-dessous.

[22] Compte tenu de ce qui précède, je suis seulement convaincu que le Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque uniquement en liaison avec [traduction] « Boissons alcoolisées, nommément gin » dans les produits (2) au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Emploi de la Marque en liaison avec les services

Services de distillerie d’alcool

[23] En ce qui concerne les services (1), le Propriétaire affirme que, [traduction] « par le biais de l’équipement d’alambic vendu à [Nickel 9] et portant la marque Gubiani, [le Propriétaire] a fourni des services de distillerie d’alcool de classe 40 » [para 42].

[24] Bien que la preuve indique que c’est Nickel 9 qui offre des services de distillerie, compte tenu de l’entente de production de produits alcoolisés conclue entre le Propriétaire et Nickel 9 et du fait que la Marque est affichée sur l’équipement d’alambic situé dans les locaux de Nickel 9, je suis disposé à accepter que cela est suffisant pour démontrer l’emploi sous licence de la Marque en liaison avec les services (1). À cet égard, je note que les services doivent être interprétés au sens large et que la Partie requérante a choisi de ne pas soumettre d’observations qui auraient pu contribuer à réfuter cette conclusion.

[25] Par conséquent, je suis convaincu que le Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les services (1) au sens des articles 4(2) et 45 de la Loi.

Services de bar et services de restaurant

[26] En ce qui concerne les services (2), je note tout d’abord que l’Affidavit Georgis est essentiellement muet quant aux [traduction] « services de restaurant ».

[27] Par ailleurs, le Propriétaire affirme que, par l’intermédiaire du bar de Nickel 9, le Propriétaire [traduction] « a fait usage de services de bar de classe 43 », où les produits de marque GUBIANI du Propriétaire ont été [traduction] « vendus ou promus à partir du bar ». Cependant, l’offre des boissons alcoolisées GUBIANI du Propriétaire ne constitue pas un emploi de la Marque en liaison avec des [traduction] « services de bar ». Il semblerait plutôt que tous les services de bar pertinents aient été offerts en liaison avec la marque Nickel 9.

[28] Si la Marque était affichée en liaison avec des [traduction] « services de bar » (c’est-à-dire autrement que par la vente de produits de marque GUBIANI), cela n’est, au mieux, pas clair d’après la preuve.

[29] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que le Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les services (2) au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Circonstances spéciales

[30] La règle générale porte que le défaut d’emploi sera pénalisé par la radiation, mais il peut exister une exception lorsque le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales [Smart & Biggar c Scott Paper Ltd, 2008 CAF 129].

[31] Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été établie, le registraire doit d’abord déterminer, à la lumière de la preuve, les raisons pour lesquelles la marque de commerce n’a pas été effectivement employée pendant la période pertinente. Ensuite, le registraire doit déterminer si ces raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [conformément à Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)]. La Cour fédérale a conclu que les circonstances spéciales sont des circonstances ou des raisons qui sont [traduction] « inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles » [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst), au para 29].

[32] S’il détermine que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit encore déterminer si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Cette détermination repose sur l’examen de trois critères : (i) la durée de la période pendant laquelle la marque de commerce n’a pas été employée; (ii) la question de savoir si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et (iii) la question de savoir s’il existe une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque à court terme [conformément à Harris Knitting Mills].

[33] L’intention de reprendre l’emploi à court terme doit être justifiée par « un fondement factuel suffisant » [NTD Apparel Inc c Ryan, 2003 CFPI 780; voir aussi Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst)].

[34] Ces trois critères sont tous pertinents, mais le respect du deuxième critère est essentiel pour conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [conformément à Scott Paper].

[35] Dans le cas présent, bien que le Propriétaire atteste de ses efforts et dépenses dans le démarrage de son entreprise [p. ex. para 39], toutes les nouvelles entreprises sont confrontées à des difficultés; de telles difficultés ne sont pas [traduction] « inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles ». Par ailleurs, même si une partie de la période pertinente correspond à la pandémie de Covid-19, le Propriétaire affirme simplement que celle-ci a entraîné des retards dans le lancement de ses produits. Cependant, à l’instar du retard allégué concernant l’équipement, le Propriétaire ne fournit pas suffisamment de détails pour expliquer comment cela l’a empêché d’employer la Marque en liaison avec produits de vêtements visés par l’enregistrement ou toute boisson alcoolisée autre que le « gin ».

[36] Il s’agit plutôt d’un cas où le Propriétaire a pris la décision commerciale de se concentrer sur son produit gin. En effet, comme l’indique le Propriétaire au paragraphe 11 de son affidavit, [traduction] « Gubiani Spirits a été créée en 2016 avec une mission : apporter au monde un Anice Gin de haute qualité ». Bien que cette concentration ait pu être raisonnable, aux fins de la présente analyse, elle est mieux caractérisée comme une décision commerciale volontaire, même si elle a été exacerbée par les retards ultérieurs causés par la pandémie. Il est bien établi que des conditions de marché défavorables et des décisions commerciales volontaires ne font pas partie du genre de circonstances inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles qui constituent des circonstances spéciales [voir, par exemple, Harris Knitting; et Lander Co Canada Ltd c Alex E Macrae & Co (1993), 46 CPR (3d) 417 (CF 1re inst)].

[37] Quoi qu’il en soit, bien que le Propriétaire exprime son désir d’étendre la marque GUBIANI et l’offre de produits, on ne sait pas quand ces ventes commenceront pour les autres produits visés par l’enregistrement. Rien n’indique non plus quand l’emploi de la Marque commencera à l’égard des services de bar et de restaurant visés par l’enregistrement. Ainsi, à tout le moins, je ne suis pas convaincu que l’intention du Propriétaire ait été suffisamment étayée par des preuves.

[38] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que le Propriétaire a démontré l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque au sens de l’article 45(3) de la Loi à l’égard des autres produits et services.

Décision

[39] Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de supprimer [traduction] « liqueurs et vodka; spiritueux blancs à base d’alcool neutre, nommément gin, vodka, ouzo, raki et arak » des produits (2) et la totalité des produits (1) et des services (2). L’état déclaratif des produits et services modifié sera libellé comme suit :

[traduction]

33 (2) Boissons alcoolisées, nommément gin.

40 (1) Services de distillerie d’alcool.

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Andrew Bene

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

Le français est conforme aux WCAG.


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