Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 165

Date de la décision : 2023-09-28

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : MLT Aikins LLP

Propriétaire inscrite : Over Easy Restaurants Inc.

Enregistrement : LMC785,724 pour OVER EASY

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement nLMC785,724 pour la marque de commerce OVER EASY (la Marque).

[2] La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les services de restaurant.

[3] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être maintenu.

Procédure

[4] Le 21 avril 2022, à la demande de MLT Aikins LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi à Over Easy Restaurants Inc. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de la Marque.

[5] L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard des services spécifiés dans l’enregistrement, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la Période pertinente pour démontrer l’emploi est du 21 avril 2019 au 21 avril 2022.

[6] La définition pertinente d’« emploi » en l’espèce est énoncée à l’article 4 de la Loi comme suit :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[7] Lorsque le Propriétaire n’établit pas l’« emploi », l’enregistrement est susceptible d’être radié ou modifié, à moins que l’absence d’emploi ne soit en raison de circonstances spéciales.

[8] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Glen Kristenbrun, souscrit le 20 juillet 2022, auquel étaient jointes les Pièces A à C.

[9] Les deux parties ont produit des observations écrites et ont été représentées à l’audience.

La preuve

[10] M. Kristenbrun est le président de la Propriétaire. Il indique que la Propriétaire a commencé à fournir des services de restaurant en liaison avec la Marque au Canada en 2000. Cette année-là, la Propriétaire a ouvert un premier établissement à Toronto sur la rue Bloor Ouest (l’établissement de la rue Bloor), suivi d’un deuxième établissement dans la même ville, ouvert en 2006, à l’intérieur de l’Hôtel Victoria sur la rue Yonge (l’établissement de la rue Yonge). Il affirme que la Marque a été employée en liaison avec des services de restaurant dans ces établissements pendant la période pertinente, et plus particulièrement du 21 avril 2019 jusqu’en mars 2020, date à laquelle les deux établissements ont été fermés en raison de la pandémie de COVID-19. Aucun des établissements n’a rouvert par la suite; l’établissement de la rue Bloor a été détruit par un incendie en juin 2020 et l’hôtel Victoria a finalement été utilisé pour héberger des sans-abri. [para 2 à 7].

[11] M. Kristenbrun affirme que les services de restaurant ont été annoncés dans les deux établissements de trois manières différentes, notamment par le biais de l’enseigne extérieure, de factures et de menus de différents types [para 9]. En guise de Pièces A et C, il fournit des photos qui, selon lui, montrent [traduction] « la manière d’emploi de la [Marque] dans l’annonce des services de restaurant de la Propriétaire au Canada de ces trois façons différentes pendant [la période pertinente] » [paragraphe 10]. La Pièce A se compose de sept (7) photos au total, qui montrent la Marque affichée sur des enseignes extérieures dans deux établissements différents. La Pièce C comprend également sept (7) photos montrant deux cartes de menu sur place, un menu ouvert, une carte des menus à emporter, une affiche de la table, deux repas et une serviette sur une table, ainsi que deux serviettes placées sur une table séparée. Toutes les cartes de menus et les serviettes de table arborent la Marque. Le menu ouvert présente les rubriques [traduction] « Spécialités », « Œufs brouillés » et « Omelettes » avec plusieurs produits énumérés en dessous. La carte des menus à emporter comporte l’adresse des deux établissements. L’affiche de la table comporte également la Marque et la liste de plusieurs boissons. Comme Pièce B, M. Kristenbrun fournit une photo d’un reçu daté du 18 octobre 2018. Le nom de la Propriétaire et l’adresse de l’établissement de la rue Yonge apparaissent sous la Marque, dans le haut du reçu. Le reçu fait état d’une consommation sur place de deux clients pour un montant total de 44,58 $.

[12] Enfin, M. Kristenbrun fournit une liste des revenus mensuels gagnés par chaque établissement pour les services de restaurant fournis en liaison avec la Marque du 21 avril 2019 jusqu’en mars 2020 [paragraphe 8]. À l’exception des mois d’avril 2019 et de mars 2020, les revenus mensuels de chaque établissement dépassaient 100 000 $.

Motifs de la décision

[13] Dans ses observations écrites et lors de l’audience, la Partie requérante a soulevé deux questions principales : (i) la marque de commerce en preuve constitue une variation inadmissible de la Marque telle qu’elle a été enregistrée, et (ii) la preuve ne démontre pas l’emploi de la Marque au sens de la Loi. En outre, elle affirme que les preuves relatives aux circonstances spéciales sont insuffisantes. Toutefois, compte tenu de mes conclusions ci-dessous, il n’est pas nécessaire que j’examine cette dernière observation.

La marque de commerce en preuve équivaut à l’affichage de la Marque telle qu’elle a été enregistrée

[14] La Partie requérante note que les photos en preuve montrent la marque de commerce comme faisant partie d’une marque figurative, ce qui, selon elle, est une variation importante de la Marque telle qu’elle a été enregistrée. Je reproduis ci-dessous la marque figurative comme elle apparaît dans la preuve :

[15] En réponse, la Propriétaire invoque l’arrêt Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 et affirme que l’enregistrement lui permet d’employer la Marque dans n’importe quelles police, style ou présentation.

[16] Pour examiner la question de savoir si la présentation d’une marque de commerce constitue l’affichage de la marque de commerce telle qu’elle est enregistrée, la question à se poser est celle de savoir si la marque de commerce était affichée d’une manière telle qu’elle a conservé son identité et qu’elle est demeurée reconnaissable malgré les différences entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée [Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF)]. Pour trancher cette question, il faut se pencher sur la question de savoir si les « traits dominants » de la marque de commerce déposée ont été préservés [Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)]. L’évaluation de la question de savoir si tous les éléments sont des traits dominants et si la variation est suffisamment mineure pour permettre de conclure qu’il y a eu emploi de la marque de commerce telle qu’enregistrée est une question de fait qui doit être tranchée au cas par cas.

[17] En l’espèce, en comparant la Marque à la marque figurative en preuve, je conclus que la Marque a conservé son identité et qu’elle demeure reconnaissable. Bien que le dessin de l’œuf recouvre partiellement les lettres, les deux mots sont facilement lisibles dans la marque figurative, je conclus donc que la disposition du mot « OVER » au-dessus du mot « EASY » et l’ajout du dessin de l’œuf sont mineurs. À mon avis, les traits dominants, soit les mots « OVER » et « EASY », sont préservés et le public percevrait cette marque figurative comme un emploi de la Marque « en soi ». En outre, comme l’a noté la Propriétaire, il est bien établi que l’enregistrement d’une marque nominale peut être étayé par l’emploi de cette marque sous quelque forme stylisée que ce soit [Masterpiece, précité, aux para 55 et 58].

[18] Par conséquent, la marque figurative présentée en preuve équivaut à l’affichage de la Marque telle qu’elle a été enregistrée, aux fins de la présente procédure.

Emploi de la Marque en liaison avec les services visés par l’enregistrement

[19] La Partie requérante soutient que l’affidavit de M. Kristenbrun est ambigu et qu’il contient de simples affirmations d’emploi. En particulier, en ce qui concerne les preuves documentaires, elle note que les photos [Pièces A et C] ne sont pas datées et que M. Kristenbrun n’a pas expressément attesté qu’elles ont été prises avant la fermeture du restaurant en mars 2020. En outre, selon la Partie requérante, les photos montrent soit un restaurant fermé [Pièce A], soit des menus sans référence explicite à des services de restaurant [Pièce C]. Elle soutient donc qu’il est impossible de déterminer que la Marque a été employée en liaison avec les services visés par l’enregistrement à tout moment au cours de la période pertinente. La Partie requérante soutient en outre que le reçu [Pièce B] n’est pas pertinent, car il est antérieur à la période pertinente, et que les chiffres de vente ne sont pas corroborés.

[20] En réponse, la Propriétaire soutient que les factures ne sont pas obligatoires dans une procédure en vertu de l’article 45 et que les chiffres de vente détaillés combinés aux photos en preuve démontrent suffisamment l’emploi de la Marque en liaison avec des services de restaurant au Canada du 21 avril 2019 jusqu’en mars 2020.

[21] D’emblée, je note qu’en ce qui concerne les services, la présentation d’une marque de commerce dans l’annonce des services est suffisante pour satisfaire aux exigences de la Loi, du moment que le propriétaire de la marque de commerce est prêt et en mesure d’exécuter les services au Canada [Wenward (Canada) Ltd c Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)]. Par conséquent, il incombe à la Propriétaire de démontrer que ses services de restaurant ont, à tout le moins, été annoncés et qu’elle était disposée et apte à les exécuter au Canada au cours de la période pertinente.

[22] Je note également qu’il est bien établi qu’il n’existe aucun type particulier de preuve à fournir dans une procédure prévue à l’article 45, et la preuve n’a pas à être parfaite [voir Lewis Thomson & Son Ltd c Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 CPR (3d) 483 (CF 1re inst)]. La jurisprudence indique clairement que le fardeau de preuve qui incombe au propriétaire n’est pas strict, il doit seulement démontrer un cas d’emploi prima facie au sens de l’article 4 de la Loi [Brouillette Kosie Prince c Orange Cove-Sanger Citrus Association, 2007 CF 1229, au para 7].

[23] En l’espèce, j’estime que les déclarations de M. Kristenbrun selon lesquelles les services visés par l’enregistrement ont été annoncés, notamment par l’affichage de la Marque sur les enseignes et les menus, sont plus que de simples affirmations d’emploi de la Marque. Premièrement, M. Kristenbrun déclare que les photos fournies à titre de preuve montrent « la manière d’emploi » de la Marque dans l’annonce des services de restaurant de la Propriétaire pendant la période pertinente, ce qui, à mon avis, équivaut à une déclaration selon laquelle ces photos sont représentatives de la manière dont la Marque a été employée dans l’annonce de ces services au cours de la première partie de la période pertinente. À cet égard, je note que les déclarations d’un déposant doivent être acceptées à première vue et qu’on doit leur accorder une crédibilité substantielle dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 45 [Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Atari Interactive, Inc, 2018 COMC 79, au para 25]. Deuxièmement, ses déclarations sont corroborées par des photos montrant l’enseigne extérieure, les menus et l’affiche d’une table affichant la Marque. De plus, l’affiche de la table et le menu ouvert énumèrent les boissons et les repas [Pièce C, pages 17 et 22], ce qui constitue à mon avis une référence explicite aux services de restaurant. Je conclus donc que la Marque a été employée dans l’annonce des services visés par l’enregistrement au Canada du début de la période pertinente jusqu’au mois de mars 2020.

[24] En ce qui concerne l’exécution des services visés par l’enregistrement, je suis d’accord avec la Requérante pour dire que le reçu démontre l’emploi de la Marque en association avec la fourniture des services de restaurant avant la période pertinente. Cela étant dit, aucune autre facture ou corroboration n’est nécessaire, car j’estime que les chiffres de vente fournis dans l’affidavit de M. Kristenbrun montrent suffisamment que la Propriétaire était non seulement disposée et apte à fournir des services de restaurant, mais qu’elle a effectivement fourni de tels services au Canada du début de la période pertinente jusqu’au mois de mars 2020.

[25] Par conséquent, je suis convaincue que la Propriétaire a démontré que la Marque a été employée en liaison avec les services de restaurant au sens des articles 4(2) et 45 de la Loi.

Décision

[26] En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera maintenu selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

_______________________________

Maria Ledezma

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

Le français est conforme aux WCAG.


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