Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 167

Date de la décision : 2023-09-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : Goodmans LLP

Propriétaire inscrite : Colgate-Palmolive Canada Inc.

Enregistrement : LMC113,440 pour AJAX

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‑13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC113,440 pour la marque de commerce AJAX (la Marque), appartenant à Colgate-Palmolive Canada Inc. (la Propriétaire).

[2] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être radié.

La procédure

[3] Le 9 février 2021, à la demande de Goodmans LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi.

[4] L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 9 février 2018 au 9 février 2021.

[5] La Marque enregistrée pour emploi en liaison avec :

[traduction]

(1) Nettoyants.

(2) Tampons à nettoyer.

(3) Poudres à laver, produits liquides et en poudre destinés à éliminer la saleté, la graisse ou la crasse au moyen d’une action détergente, cires et encaustiques, détergents en poudre et détergents liquides, ammoniaque, nettoyants pour vitres et agents de blanchiment.

(4) Produit détergent synthétique sous forme de barre.

(5) Amidon.

(6) Détergent pour lave-vaisselle.

[6] La définition pertinente d’emploi est énoncée à l’article 4 de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[7] Il est généralement admis que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi est peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)], et qu’il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)]. Toutefois, il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et services spécifiés dans l’enregistrement pendant la période pertinente.

[8] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Melanie Jennison, conseillère principale en marques de commerce et conseillère principale en matière de marketing pour les soins personnels et les soins à domicile, au niveau mondial, pour Colgate-Palmolive Company (« CP Company »), la société mère de la Propriétaire. Les responsabilités de Mme Jennison consistent notamment à conseiller les équipes commerciales sur les questions relatives aux marques de commerce, à superviser l’emploi des marques et à maintenir les droits de marque de la CP Company et de la Propriétaire.

[9] Les deux parties ont produit des observations écrites et ont été représentées à une audience.

Motifs de la décision

Produits à l’égard desquels aucune preuve d’emploi n’est fournie

[10] La preuve est muette concernant l’emploi de la Marque au Canada au cours de la période pertinente en liaison avec les produits suivants :

[traduction]

(2) Tampons à nettoyer.

(3) Poudres à laver, produits liquides et en poudre destinés à éliminer la saleté, la graisse ou la crasse au moyen d’une action détergente, cires et encaustiques, détergents en poudre et détergents liquides, ammoniaque, nettoyants pour vitres et agents de blanchiment.

(4) Produit détergent synthétique sous forme de barre.

(5) Amidon.

(6) Détergent pour lave-vaisselle.

[11] La preuve indique que la Propriétaire a cessé les ventes directes des produits visés par l’enregistrement au Canada en liaison avec la Marque en 2016 (para 6). Bien qu’il existe des preuves de ventes de nettoyants et de détergents liquides arborant la Marque par l’intermédiaire du site Amazon.ca au cours de la période pertinente, il n’y a aucune preuve d’emploi des autres produits. Bien que Mme Jennison explique que la Propriétaire négocie actuellement avec des distributeurs potentiels et qu’elle a l’intention de reprendre les ventes en 2021 (para 7 et 8), il n’y a aucune preuve de circonstances spéciales qui justifieraient le défaut d’emploi de la Marque avec les produits visés au paragraphe 10. Les circonstances spéciales sont des circonstances ou des raisons qui sont de nature inhabituelle, peu courantes ou exceptionnelles [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst)]. Ainsi, l’enregistrement sera modifié pour supprimer ces produits.

Preuve d’emploi avec les nettoyants et les détergents liquides

[12] La preuve de l’inscrivante en ce qui concerne les autres produits figurant dans l’enregistrement, les nettoyants et les détergents liquides, indique que la CP Company a vendu ces produits en liaison avec la Marque à des consommateurs canadiens par l’entremise d’Amazon.ca.

L’emploi n’est pas au profit de la Propriétaire

[13] La Partie requérante soutient que l’emploi de la marque de commerce AJAX par la CP Company n’est pas au profit de la Propriétaire puisque les preuves ne démontrent pas que la Propriétaire exerce un contrôle direct et indirect sur la nature et la qualité des produits.

[14] Il est bien établi que le propriétaire d’une marque de commerce dispose essentiellement de trois méthodes pour démontrer qu’il exerce le contrôle exigé par l’article 50(1) de la Loi : premièrement, attester clairement qu’il exerce le contrôle exigé; deuxièmement, produire une preuve démontrant qu’il exerce le contrôle exigé; ou troisièmement, produire une copie du contrat de licence qui prévoit le contrôle exigé [Empresa Cubana Del Tobaco Trading c Shapiro Cohen, 2011 CF 102, au para 84]. En l’espèce, les preuves ne démontrent pas que la Propriétaire a exercé le contrôle requis. La preuve de Mme Jennison indique plutôt que :

[15] Je n’estime pas que Mme Jennison a clairement attesté que la Propriétaire exerce un contrôle direct ou indirect sur la qualité des Produits. En l’absence d’autres preuves, la déclaration selon laquelle la nature et la qualité des produits sont contrôlées par [traduction] « [la Propriétaire] par l’intermédiaire de la CP Company » ne me permet pas de déduire que la Propriétaire exerce un contrôle direct ou indirect sur la qualité des produits fabriqués par ou pour la CP Company. Cette déclaration est ambiguë et pourrait signifier que la Propriétaire s’appuie sur la relation d’affaires entre les parties pour que la preuve soit à son avantage, même si la CP Company contrôle directement ou indirectement la nature et la qualité des Produits. De même, la déclaration selon laquelle les ventes ont eu lieu à la connaissance et avec l’autorisation de la Propriétaire n’équivaut pas à un contrôle direct ou indirect de leur qualité. En concluant ainsi, je ne peux pas résoudre l’ambiguïté en matière de preuve créée par la phrase [traduction] « la nature et la qualité des produits enregistrés de la marque AJAX vendus au Canada sur Amazon.ca sont contrôlées par la [Propriétaire] par l’intermédiaire de la CP Company » en faveur de la Propriétaire, car cela abaisserait la norme prima facie requise pour prouver l’emploi [Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184].

Produits vendus dans la pratique normale du commerce

[16] Il incombe au propriétaire de présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que les ventes démontrées ont eu lieu dans la pratique normale du commerce [Wallace c Geoservices (1988), 19 CPR (3d) 561 (COMC); Sim & McBurney c Majdell Manufacturing Co (1986), 11 CPR (3d) 306 (CF 1re inst)].

[17] La Partie requérante soutient que l’emploi dans la pratique normale du commerce n’a pas été démontrée parce que l’inscrivante n’a pas fourni de preuves suffisantes de ce qui constitue sa pratique normale du commerce. S’il est vrai que Mme Jennison a déclaré que la Propriétaire a cessé la vente directe de ses produits AJAX en 2016 et que CP Company a vendu AJAX par l’intermédiaire d’Amazon.ca (para 6 et 9) ce n’est pas la fin de l’enquête. Comme il a été indiqué dans la décision Meredith & Finlayson c Canada (Registraire des marques de commerce) (1992), 43 CPR (3d) 473, à la p 486 (CF 1re inst), infirmée mais pas sur cette question 54 CPR (3d) 444 (CAF), [traduction] « Une fois qu’il y a des preuves qui révèlent plus qu’une simple déclaration d’emploi de la marque de commerce, on peut raisonnablement conclure que l’emploi s’est fait dans la pratique normale du commerce ».

[18] En l’espèce, des pages d’Amazon.ca sont fournies et sont représentatives de ce que les consommateurs canadiens auraient vu entre 2019 et 2021 lors de l’achat de nettoyants et de détergents sur Amazon.ca (para 11 à 13). En outre, Mme Jennison identifie les photos des produits de la marque AJAX qui incluent la Marque de manière bien visible sur les étiquettes de ces pages comme [traduction] « la façon dont le produit apparaîtrait une fois livré aux consommateurs canadiens au Canada qui ont acheté le produit pendant cette période ». De plus, le volume des ventes a été fourni et comprend les ventes de nettoyants de plus de 5 000 $ et de détergents liquides de plus de 400 $ pour 2019 et 2020. Les volumes de vente fournis apportent des preuves en l’espèce bien au-delà des circonstances dans lesquelles des ventes ont été constatées en dehors de la pratique normale du commerce, tel que les ventes [traduction] « symboliques », les ventes à des sociétés liées, les livraisons gratuites d’échantillons, les transferts pro forma ou les ventes inventées [L’Oréal c Cosmética Cabinas SL, 2016 CF 680, au para 51; JC Penney Co Inc c Gaberdine Clothing Co Inc, 2001 CFPI 1333, au para 92; Guido Berlucchi & C. Srl c Brouillette Kosie Prince, 2007 CF 245]. Enfin, ces pages représentatives d’Amazon.ca montrent plusieurs produits de nettoyage différents, ce qui suggère qu’il est d’usage dans la pratique normale du commerce de passer des commandes sur Amazon.ca pour des produits de ce type.

[19] La Partie requérante soutient que les produits figurant sur les pages d’Amazon.ca ne semblent pas être conformes aux exigences canadiennes en matière d’emballage et d’étiquetage, ce qui confirme que l’emploi démontré ne peut pas être un emploi dans la pratique normale du commerce. Par exemple, les produits ne semblent pas avoir d’étiquetage bilingue pour les descriptions génériques des produits. En outre, les instructions sont rédigées en espagnol et en anglais, mais pas en français. Toutefois, il est bien établi que le respect d’autres lois n’est pas en cause dans les procédures fondées sur l’article 45. Comme il est indiqué dans la décision Lewis Thomson & Sons Ltd c Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 CPR (3d) 483 (CF 1re inst), une procédure en vertu de l’article 45 n’est pas le forum approprié pour déterminer si l’inscrivante se conforme aux lois sur l’étiquetage et une telle détermination n’est pas pertinente pour la question de l’emploi au sens de la Loi.

Conclusion

[20] Par conséquent, bien que j’estime que la Marque a été employée sur les nettoyants et les détergents vendus au Canada dans la pratique normale du commerce, étant donné que l’emploi ne profite pas à la Propriétaire et qu’il n’y a pas de circonstances spéciales qui justifient le défaut d’emploi, l’enregistrement sera radié.


Décision

[21] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera radié.

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Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

Le français est conforme aux WCAG.


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