Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 214

Date de la décision : 2023-12-13

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : Self-Portrait IP Limited

Propriétaire inscrite : J&J Lang Inc. /Gestion J&J Lang Inc.

Enregistrement : LMC557,021 pour PORTRAIT

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC557,021 pour la marque de commerce mark PORTRAIT (la Marque).

[2] La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits suivants : [traduction] manteaux, vestes.

[3] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être maintenu.

Procédure

[4] Le 20 juillet 2022, à la demande de Self-Portrait IP Limited (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi à J&J Lang Inc. /Gestion J&J Lang Inc. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de la Marque.

[5] L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 20 juillet 2019 au 20 juillet 2022.

[6] La définition pertinente d’« emploi » en l’espèce est énoncée à l’article 4 de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[7] Lorsque la Propriétaire n’établit pas l’« emploi », l’enregistrement est susceptible d’être radié ou modifié, à moins que l’absence d’emploi ne soit en raison de circonstances spéciales.

[8] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Jeffrey Langleben, souscrit le 26 août 2022, auquel étaient jointes les pièces JL‑1 à JL‑30.

[9] Les deux parties ont produit des observations écrites et ont été représentées à une audience.

Preuve

[10] M. Langleben est le président de la Propriétaire, une société dont l’activité consiste à [traduction] « organiser la fabrication et l’importation au Canada de vêtements de mode ». Il affirme qu’il était également le président des Prédécesseurs en titre de la Propriétaire, notamment Importation Fen-Nelli Inc. (Fen-Nelli) et Hardwater Fashion Inc. /Les Modes Hardwater Inc. (Hardwater). Je ferai référence à Fen-Nelli et Hardwater, collectivement, comme « les Prédécesseurs ». En tant que président des Prédécesseurs, M. Langleben affirme qu’il participait à temps plein [traduction] « à l’ensemble et à chacune » de leurs activités [paragraphes 1 à 8].

[11] M. Langleben affirme que les Prédécesseurs ont vendu et distribué des vêtements en gros en liaison avec la Marque depuis son enregistrement en 2002. Il déclare en outre que depuis mai 2020, les produits ont été vendus et distribués au Canada au nom de la Propriétaire par son représentant commercial, M.C. Apparel Inc. /Vêtements M.C. Inc. (MC) [paragraphes 8, et 10 à 11].

[12] Selon M. Langleben, les ventes de [traduction] « manteaux et vestes » au Canada ont dépassé 200 000 $ du 1er septembre 2021 au 25 mai 2022 [paragraphe 14]. Il fournit à l’appui deux documents de vente internes (les Documents de vente Internes). Le premier document, émis par « FEN NELLI-Hardwater », est décrit par M. Langleben comme une liste de [traduction] « vente et distribution » de « styles PORTRAIT » à des clients canadiens au cours de la période pertinente [paragraphes 19 à 33]. Quelques-uns de ces documents, notamment ceux relatifs aux styles de produits H2715, H2714 et H2716 [Pièces JL 8, JL 10 et JL 12, respectivement], énumèrent des clients spécifiques situés au Canada, ainsi que le nombre de produits achetés par ces clients, ventilés par taille. Le deuxième document, émis par MC, est intitulé « M.C. Apparel Inc.Customer Sales Summary Report » pour la période comprise entre le 1er septembre 2021 et le 25 mai 2022 [Pièce JL‑3]. Ce document mentionne deux clients ainsi que tous les numéros de style achetés par chacun d’entre eux au cours de cette période. Je note que l’un des clients, Manteaux Manteaux, a acheté plusieurs articles du style de produit M6217.

[13] M. Langleben fournit également des bons de commande de plusieurs clients situés au Canada, y compris Manteaux Mateaux [Pièce JL‑24]. Les bons de commande concernent de nombreux styles de produits, notamment les numéros de style H1701 et H3701XP [Pièce JL‑26], et K2938 [Pièce JL‑23].

[14] M. Langleben fait référence aux produits énumérés dans les Documents de vente internes et les bons de commande en tant que « vêtements », sans établir de corrélation spécifique entre ces produits et l’un ou l’autre des produits visés par l’enregistrement. Toutefois, M. Langleben fournit des documents qui, selon lui, ont été utilisés par MC dans le cadre de la vente et de la distribution de [traduction] « vêtements pour PORTRAITS » au Canada. Les documents sont essentiellement des fiches de mémoires descriptifs fournissant des détails de fabrication tels que les mesures du vêtement, le tissu et la couleur, ainsi que des croquis des vêtements en question. Certaines des fiches de mémoires descriptifs produites en preuve décrivent spécifiquement le type de vêtement comme étant un « manteau », et tous les croquis représentent des manteaux ou des vêtements d’extérieur semblables à des vestes.

[15] À titre d’exemple, les pièces suivantes contiennent des fiches de mémoires descriptifs qui décrivent et illustrent des produits qui sont également référencés dans les bons de commande et les Documents de vente internes produits en preuve :

[16] En ce qui concerne l’affichage de la Marque, M. Langleben affirme que chaque produit vendu ou distribué au Canada dans la pratique normale du commerce de la Propriétaire, que ce soit par MC ou par les Prédécesseurs, portait des étiquettes et des étiquettes volantes arborant la Marque [paragraphes 12 à 13]. À l’appui, il fournit des photographies illustrant :

Analyse

Observations préliminaires : Faits non étayés par la preuve

[17] À l’audience, la Partie requérante a soutenu que les observations écrites de la Propriétaire font référence à des faits qui ne sont pas étayés par la preuve. Elle renvoie notamment aux passages où la Propriétaire fournit des détails supplémentaires concernant les fiches de mémoires descriptifs et la manière dont les produits ont été promus et vendus par l’intermédiaire de MC. Je suis d’accord. Par conséquent, je ne tiendrai pas compte de ces détails dans ma décision.

Admissibilité de la preuve

[18] La Partie requérante soutient que tous les documents relatifs à MC, c’est-à-dire les Documents de vente internes émis par MC et les bons de commande identifiant MC comme fournisseur, constituent du ouï-dire inadmissible. En particulier, elle soutient que ces documents doivent être ignorés, car la preuve ne satisfait pas aux critères de nécessité et de fiabilité.

[19] Cependant, il est bien établi que, compte tenu de la nature sommaire de la procédure prévue à l’article 45, « [t]oute préoccupation quant au fait que [l]a preuve constitue du ouïdire devrait être dirigée vers le poids de celle-ci, plutôt que son admissibilité » [Eva Gabor International Ltd c 1459243 Ontario Inc, 2011 CF 18 au para 18]. Par conséquent, toute préoccupation concernant la fiabilité des déclarations de M. Langleben et la preuve seront évaluées en fonction du poids plutôt que de l’admissibilité.

[20] De toute façon, il est raisonnable de supposer que le président ou le propriétaire d’une entreprise a connaissance de la manière dont les produits de l’entreprise sont distribués [voir, par exemple, Messrs Marks & Clerk c Cristall USA Inc (2007), 59 CPR (4th) 475 (COMC); et Sim & McBurney c Anchor Brewing Co (2003), 27 CPR (4th) 161 (COMC)]. Par conséquent, j’admets que les bons de commande de la Pièce JL 24 et les Documents de vente internes de la Pièce JL 3 sont admissibles à l’appui des affirmations de M. Langleben concernant les ventes de produits au Canada pendant la période pertinente.

[21] S’appuyant sur la décision Miller Thomson Pouliot Sencrl C Oasis Corp (2009), 78 CPR (4th) 147 (COMC), la Partie requérante soutient que les documents des Prédécesseurs devraient également être ignorés. En particulier, elle soutient qu’on ne sait pas comment ces documents ont été obtenus et s’ils sont fiables.

[22] À mon avis, la présente espèce se distingue de l’affaire Miller Thomson Pouliot Sencrl, car dans cette affaire, la preuve était muette quant à la question de savoir si le déposant était en relation avec le prédécesseur en titre et quant à la connaissance personnelle qu’il avait du contenu des factures. En l’espèce, M. Langleben déclare avoir participé « à l’ensemble et à chacune » des activités des Prédécesseurs et en avoir été le Président. Je conclus donc qu’il était en relation avec les Prédécesseurs et qu’il avait les connaissances personnelles requises pour attester de la validité des renseignements contenus dans l’un quelconque des documents émis par Hardwater et Fen Nelli. Par conséquent, j’accepte les autres bons de commande [Pièces JL‑23 et JL‑26] comme éléments de preuve admissibles dans le cadre de la présente procédure.

Emploi dans la pratique normale du commerce qui profite à la Propriétaire

[23] La Partie requérante soutient que la Propriétaire n’a pas clairement établi sa pratique normale du commerce. S’appuyant sur Empresa Cubana del Tabaco c Shapiro Cohen, 2011 CF 102, conf par 2011 CAF 340, elle soutient également que l’emploi établi par les preuves, le cas échéant, ne profite pas à la Propriétaire [Observations écrites de la Partie requérante, paragraphes 21 à 23 et 28 à 30].

[24] Bien que M. Langleben n’indique pas quelle entité est le fabricant réel des produits, l’absence d’une telle information est sans conséquence. La loi n’exige pas qu’un propriétaire inscrit fabrique lui-même des produits pour être considéré comme la source de ces produits aux fins de l’application de la Loi [voir Smart & Biggar c Canadian Tire Corporation, Limited, 2017 COMC 153 au para 16]. Compte tenu de la nature et de l’objet de l’article 45, il convient de présumer qu’un propriétaire inscrit est la « source » des produits en question, à moins que la preuve n’indique le contraire, comme dans le cas d’un licencié.

[25] En l’espèce, j’estime qu’une telle présomption est compatible avec les éléments de preuve, car la Propriétaire ne revendique pas l’emploi en vertu d’un contrat de licence. Elle revendique plutôt l’emploi par l’intermédiaire de ses Prédécesseurs et de son représentant commercial en se fondant sur leurs ventes aux détaillants canadiens pendant la période pertinente. Dans un tel contexte, il n’est pas nécessaire que la Propriétaire démontre qu’elle a exercé le contrôle requis sur la nature ou la qualité des produits. Par conséquent, j’estime que l’espèce se distingue de l’affaire Empresa Cubana del Tabaco, dans laquelle les preuves contenaient des références explicites à un contrat de licence.

[26] Après un examen juste de la preuve, je déduis que la pratique normale du commerce de la Propriétaire consiste à vendre en gros des vêtements importés arborant la Marque. M. Langleben déclare que l’activité de la Propriétaire consiste à organiser la fabrication et l’importation de vêtements au Canada. Il déclare également que les Prédécesseurs de la Propriétaire ont vendu en gros des vêtements arborant la Marque à des détaillants canadiens depuis l’enregistrement en 2002, et que MC a fait de même au nom de la Propriétaire depuis mai 2020. À cet égard, je note qu’en tant que représentant commercial, MC est un maillon de la chaîne de distribution qui va de la Propriétaire au détaillant et, en fin de compte, au consommateur. La pratique normale du commerce d’un propriétaire de marque de commerce implique souvent une série de transactions survenant entre le fabricant et le consommateur final, faisant potentiellement intervenir divers distributeurs, grossistes et détaillants. Il est bien établi que la distribution et la vente des produits du propriétaire par l’intermédiaire de telles entités peuvent constituer un emploi de la marque de commerce qui profite au propriétaire sans avoir besoin d’un permis, à condition que le propriétaire ait amorcé le premier maillon dans la série de transactions [Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CF 1re inst); Lin Trading Co c CBM Kabushiki Kaisha (1988), 21 CPR (3d) 417 (CAF); Osler, Hoskin & Harcourt c Canada (Registrar of Trade Marks) (1997), 77 CPR (3d) 475 (CF 1re inst)].

[27] En conséquence, je suis convaincue que l’emploi démontré par les Prédécesseurs et MC profite à la Propriétaire.

Emploi de la Marque en liaison avec des manteaux et des vestes

[28] Il est bien établi que le but et l’objet de l’article 45 de la Loi consistent à assurer une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». La preuve dans une procédure en vertu de l’article 45 n’a pas à être parfaite; en effet, un propriétaire inscrit doit uniquement établir une preuve prima facie d’emploi au sens des articles 4 et 45 de la Loi. Ce fardeau de preuve à atteindre est léger; il suffit que les éléments de preuve établissent des faits à partir desquels une conclusion d’emploi peut logiquement être inférée [selon Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184 au para 9].

[29] En l’espèce, la Propriétaire fournit des photographies montrant la Marque apposée sur des étiquettes et des étiquettes volantes, qui, selon M. Langleben, étaient attachées aux produits vendus au Canada pendant la période pertinente. Elle a également fourni des fiches de mémoires descriptifs détaillant les numéros de style et montrant des croquis et des photographies des produits. Comme preuve des transferts, la Propriétaire a fourni des chiffres de vente et des Documents de vente Internes à l’appui des déclarations de M. Langleben concernant les ventes au Canada au cours de la période pertinente. En outre, la Propriétaire a fourni des bons de commande émis par des détaillants canadiens pendant la période pertinente.

[30] Dans l’ensemble, j’estime que les éléments de preuve établissent une preuve prima facie d’emploi de la Marque au Canada pendant la période pertinente. Il reste à savoir si les éléments de preuve permettent de conclure que la Marque a été employée en liaison avec des manteaux et des vestes.

[31] L’observation subsidiaire de la Partie requérante est que la preuve ne démontre que l’emploi en liaison avec des manteaux et non avec des vestes. En particulier, elle affirme qu’[traduction] « un manteau tend à être un vêtement d’extérieur plus long et plus lourd et qu’une "veste" tend à être un vêtement d’extérieur plus court et plus léger », et se réfère aux définitions des termes « manteau » et « veste » dans les dictionnaires [Observations écrites de la Partie requérante, para 36].

[32] Cependant, il est un principe bien établi que, lorsqu’on interprète un état déclaratif des produits ou services dans une procédure visée à l’article 45, il faut se garder « d’examiner avec un soin méticuleux le langage utilisé » [voir Aird & Berlis LLP c Levi Strauss & Co, 2006 CF 654 au para 17].

[33] Il n’en demeure pas moins que l’emploi en liaison avec un produit spécifique ne peut généralement pas servir à maintenir plusieurs produits dans l’état déclaratif des produits, puisque la Propriétaire est tenue de fournir une preuve d’emploi pour chacun des produits visés par l’enregistrement [John Labatt Ltd c Rainier Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)]. Après avoir distingué les manteaux et les vestes dans l’enregistrement, je suis d’accord avec la Partie requérante pour dire que la Propriétaire était tenue de fournir des éléments de preuve à l’égard de chaque produit. Par conséquent, la question clé en l’espèce est de savoir si la Propriétaire peut s’appuyer sur la preuve présentée pour maintenir les deux produits.

[34] La preuve contient de nombreux exemples de manteaux. Je note par exemple que le numéro de style H3701XP, décrit comme un 35” COAT + DETACH HOOD dans sa fiche de mémoire descriptif, est énuméré dans un bon de commande produit en pièce. De même, en ce qui concerne les vestes, j’estime que le vêtement illustré sur la fiche de mémoire descriptif du numéro de style K2938R, et énuméré dans au moins deux bons de commande produits en pièce, peut raisonnablement être considéré comme correspondant à une « veste », même si la fiche de mémoire descriptif elle-même n’identifie pas explicitement le vêtement comme étant une veste.

[35] Compte tenu des exemples présentés d’étiquettes arborant la Marque, ainsi que de la déclaration de M. Langleben selon laquelle des étiquettes ont été apposées sur des vêtements vendus au Canada, je suis convaincue que la Propriétaire s’est acquittée de son fardeau prima facie de démontrer l’emploi de la Marque en liaison avec des manteaux et des vestes conformément aux articles 4(1) et 45 de la Loi.

Décision

[36] En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera maintenu selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Maria Ledezma

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

 


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