Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 215

Date de la décision : 2023-12-14

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Sociedad Anómina Damm

Requérante : Hijos de Rivera, S.A.

Demande : 2067419 pour RECETA PRIMERA GENERACIóN LA ESTRELLA DE GALICIA HIJOS DE RIVERA (& DESSIN)

Aperçu

[1] Sociedad Anómina Damm (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce RECETA PRIMERA GENERACIÓN LA ESTRELLA DE GALICIA HIJOS DE RIVERA (& DESSIN) (la Marque), reproduite ci-dessous, laquelle est l’objet de la demande no 2067419 (la Demande), au nom de Hijos de Rivera, S.A. (la Requérante), pour l’emploi en liaison avec de la [traduction] « Bière » (les Produits). La Demande comprend une traduction étrangère pour la Marque, qui est établie comme suit :

[traduction] Selon la requérante, la traduction des mots étrangers RECETA PRIMERA GENERACIÓN LA ESTRELLA DE GALICIA HIJOS DE RIVERA est « First generation recipe Star Galicia Sons of Rivera » [[traduction] Recette de première génération L’étoile de Galicia Fils de Rivera].

[2] La principale question dans cette procédure est celle de savoir si la Marque crée de la confusion avec une ou plusieurs des marques de commerce de l’Opposante, soit la marque de commerce déposée ESTRELLA DAMM et les marques de commerce figuratives de common law reproduites, en partie, ci-dessous, lesquelles ont été précédemment employées au Canada par l’Opposante en liaison avec de la bière (ci-après parfois appelées collectivement les Marques de commerce de l’Opposante) :

[3] Comme il en sera question de façon plus détaillée ci-dessous dans mon analyse de la preuve de l’Opposante, les marques de commerce figuratives où ESTRELLA DAMM [traduction] « est présenté dans une police ou un script stylisé qui pourrait être perçu comme une police ou un script Gothic ou Blackletter ou une variation de ceux-ci » correspondent à ce que l’Opposante décrit comme les [traduction] « Anciennes marques figuratives ». Les marques de commerce figuratives où ESTRELLA DAMM [traduction] « est présenté dans une police stylisée différente qui comporte également, entre autres aspects, certains aspects figuratifs généralement circulaires » correspondent aux [traduction] « Plus récentes marques figuratives ».

[4] Pour les raisons qui suivent, l’opposition est accueillie.

Le dossier

[5] La Demande a été produite le 1er décembre 2020 et annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 23 juin 2021.

[6] L’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), le 23 décembre 2021, laquelle a été modifiée subséquemment par l’Opposante, après y avoir été autorisée par le registraire le 25 avril 2022, en réponse à la demande de la Requérante sollicitant une décision interlocutoire concernant le caractère suffisant de certains paragraphes de la déclaration d’opposition. Par une décision interlocutoire rendue simultanément, le registraire a radié certains des motifs d’opposition invoqués dans la déclaration d’opposition modifiée. Les autres motifs d’opposition sont fondés sur la non-enregistrabilité de la Marque en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, l’absence de droit à l’enregistrement de la Requérante en vertu des articles 16(1)a) et 16(3) de la Loi, l’absence de caractère distinctif de la Marque en vertu de l’article 2 de la Loi, et la mauvaise foi de la Requérante en vertu de l’article 38(2)a.1) de la Loi.

[7] La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration niant les motifs d’opposition.

[8] En appui à son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de son gestionnaire de la région du Canada, Albert Sansalvador Santander, en date du 22 septembre 2022 (l’Affidavit Santander) et l’affidavit de Jeannine Summers, une parajuriste avec la société de droit représentant l’Opposante, en date du 23 septembre 2022 (l’Affidavit Summers). Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

[9] La Requérante a choisi de ne produire aucune preuve.

[10] Les deux parties ont produit des observations écrites et étaient bien représentées à l’audience.

Remarque préliminaire

[11] Les parties à la présente procédure se connaissent. Comme démontré par la preuve de l’Opposante, discutée ci-dessous, elles ont été impliquées au cours des dernières années dans quelques procédures d’opposition et de radiation de marques de commerce dans différents pays du monde, y compris une procédure d’opposition au Canada concernant l’ancienne demande de la Requérante no 1568398 pour la marque de commerce ESTRELLA GALICIA & Dessin (reproduite ci‑dessous), fondée sur l’emploi projeté en liaison avec de la [traduction] « bière », où le registraire a refusé la demande antérieure de la Requérante compte tenu, entre autres, de la marque de commerce ESTRALLA DAMM de l’Opposante susmentionnée [voir S.a. Damm c Hijos De Rivera, S.a., 2015 COMC 230 (la Décision de la COMC de 2015)] :

[12] Sans surprise, l’Opposante invoque lourdement la Décision de la COMC de 2015 en l’espèce. Cependant, comme l’a souligné la Requérante, cette décision antérieure n’est pas nécessairement déterminante pour les questions en l’espèce. Inutile de dire que chaque affaire doit être jugée en fonction de son propre mérite. Cela étant dit, j’adopterai une partie du raisonnement dans la Décision de la COMC de 2015 lorsque je considérerai approprié de le faire.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[13] L’Opposante a le fardeau de preuve initial de présenter une preuve recevable suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau de preuve initial, la Requérante doit s’acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition en question ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd, 1990 CanLII 11059 (CF), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155].

Analyse

Motif fondé sur l’article 12(1)d) – Non-enregistrabilité de la Marque

[14] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable, puisqu’elle crée de la confusion avec la marque nominale de l’Opposante ESTRELLA DAMM, enregistrée sous le no LMC818413 en liaison avec de la [traduction] « Bière ». J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que l’enregistrement de l’Opposante est en règle à la date de ma décision, qui est la date pertinente pour l’évaluation d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) [Park Avenue Furniture Corp c Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)]. À cet égard, je note que l’enregistrement établit que [traduction] « La traduction fournie par [l’Opposante] du mot espagnol ESTRELLA est STAR [[traduction] ÉTOILE] ».

[15] Comme l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée de l’Opposante.

Le test en matière de confusion

[16] Le test en matière de confusion est évalué comme une question de première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé à la vue de la marque du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’opposant et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques ou les noms [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].

[17] Par conséquent, l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais la confusion portant à croire que les produits ou les services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l’espèce, la question est essentiellement de savoir si un consommateur, qui a un souvenir imparfait de l’enregistrement invoqué par l’Opposante, qui voit les Produits de la Requérante en liaison avec la Marque, penserait qu’ils sont vendus par l’Opposante ou autrement proviennent de cette dernière, ou qu’ils sont autorisés, approuvés ou appuyés par l’Opposante.

[18] Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être considérés et un poids égal n’est pas nécessairement attribué à chacun [voir les affaires Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22; Veuve Clicquot, précitée; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, pour une discussion approfondie sur les principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[19] J’estime que les marques de commerce des deux parties possèdent un caractère distinctif inhérent puisqu’aucune d’elles n’a une signification évidente en français ou en anglais qui est suggestive ou descriptive par rapport au genre des produits des parties.

[20] Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être renforcé en faisant en sorte qu’elle devienne connue par la promotion ou l’emploi.

[21] Rien n’indique que la Marque a été employée ou est devenue connue au Canada en liaison avec les Produits dans une quelconque mesure.

[22] En revanche, la preuve d’emploi et de promotion des Marques de commerce de l’Opposante produite par l’entremise des Affidavits Santander et Summers établit un emploi plutôt répandu de la marque de commerce déposée ESTRELLA DAMM de l’Opposante, conformément à mon examen ci-dessous de ces affidavits.

Affidavit Santander

[23] À titre de remarque préliminaire, je note que M. Santander explique que l’Opposante et ses prédécesseurs ont une histoire et une tradition dans l’industrie de la brasserie. L’Opposante et ses prédécesseurs brassent des boissons alcoolisées en Espagne depuis plus de 135 ans [para 4]. À des fins de clarification, toutes les références à l’Opposante dans ma décision engloberont ses prédécesseurs.

[24] Comme le résume en général l’Opposante aux paragraphes 30 à 52 de ses observations écrites, M. Santander essentiellement atteste de ce qui suit :

· La marque de bière ESTRELLA DAMM de l’Opposante est vendue depuis plus de 30 ans dans de nombreux pays partout dans le monde et est présentement vendue dans plus de 20 pays, y compris le Canada [Affidavit Santander, para 5].

· L’Opposante a commencé à vendre de la bière au Canada en liaison avec sa marque de commerce ESTRELLA DAMM depuis au moins aussi tôt que 1999 et sa marque de bière ESTRELLA DAMM est vendue sans interruption au Canada depuis au moins aussi tôt que 2007 et continue de l’être au Canada à ce jour [Affidavit Santander, para 7 et 8; Pièce 2 : une copie d’une facture en date du 31 août 2007 de l’Opposante à l’un de ses distributeurs canadiens à l’égard d’une vente de Bière ESTRELLA DAMM pour distribution au Canada. La marque de commerce ESTRELLA DAMM figure sur cette facture et la preuve de M. Santander est que la marque de commerce ESTRELLA DAMM aurait été arborée sur les canettes et l’emballage connexe (p. ex. les plateaux) de la bière vendue dans le contexte de cette facture].

· La marque de bière ESTRELLA DAMM vendue au Canada comprenait les types de bières suivants : a) une lager qui est vendue sans interruption au Canada en liaison avec la marque de commerce ESTRELLA DAMM depuis au moins aussi tôt que 2007 jusqu’à ce jour (cette lager a parfois été appelée à l’interne au sein de l’Opposante « ESTRELLA DAMM Barcelona » [ou « ESTRELLA DAMM BCN », avec « BCN » étant une forme abrégée de « Barcelona »] puisque le mot « Barcelona » est également arboré sur les canettes, les bouteilles et l’emballage); b) un type plus sophistiqué de bière qui a été vendu sans interruption au Canada en liaison avec la marque de commerce ESTRELLA DAMM depuis au moins aussi tôt que 2009 jusqu’à au moins la fin de 2014 (ce type de bière était précédemment appelé à l’occasion à l’interne au sein de l’Opposante « ESTRELLA DAMM Inedit », puisque « Inedit » [qui est une marque de commerce séparée de l’Opposante] était également arboré sur les canettes, les bouteilles et l’emballage); et c) une bière sans gluten vendue sans interruption au Canada en liaison avec la marque de commerce ESTRELLA DAMM depuis au moins aussi tôt que 2009 jusqu’à au moins la fin de 2014 (ce type de bière était précédemment à l’occasion appelé à l’interne au sein de l’Opposante « ESTRELLA DAMM Daura », puisque « Daura » [qui est une marque de commerce séparée de l’Opposante] était également arboré sur les bouteilles, les canettes et l’emballage) (ensemble, de telles de bières sont appelées [traduction] « Bières ESTRELLA DAMM », et [traduction] « Bière ESTRELLA DAMM », [traduction] « bière ESTRELLA DAMM » ou [traduction] « bière de marque ESTRELLA DAMM » fait référence à l’une ou l’autre des Bières ESTRELLA DAMM ou à une combinaison de celles-ci) [Affidavit Santander, para 9].

  • Des trois types de Bières ESTRELLA DAMM abordés ci-dessus, la lager a toujours été de loin le type de bière qui a le plus été vendu et fait l’objet de promotion au Canada et est celui qui est vendu au Canada en liaison avec la marque de commerce ESTRELLA DAMM présentement [Affidavit Santander, para 10].

  • La marque de commerce ESTRELLA DAMM est également arborée sur l’ensemble des canettes, des bouteilles (p. ex. sur les étiquettes appliquées aux bouteilles) et de l’emballage connexe (comme les emballages de carton et les boîtes, ainsi que les plateaux) de l’ensemble des Bières ESTRELLA DAMM qui ont été vendues à ce jour au Canada [Affidavit Santander, para 11; voir par exemple, Pièces 5 à 13, 16 et 17].

  • La Bière ESTRELLA DAMM a été vendue, et continue de l’être, au Canada par diverses voies de commercialisation, y compris à des établissements autorisés comme des bars, des pubs et des restaurants (ceux-ci sont parfois appelés emplacements ou comptes [traduction] « sur place ») et dans des boutiques de détail comme les magasins de bières et de spiritueux sous réglementation provinciale, les épiceries, les supermarchés et les dépanneurs (ceux-ci sont parfois appelés détaillants [traduction] « externes » [Affidavit Santander, para 12].

  • Lors de l’exécution de son affidavit, la Bière ESTRELLA DAMM était vendue au Canada dans plus de 1 415 détaillants externes et plus de 210 emplacements sur place. Certains des détaillants externes notables qui vendent présentement la Bière ESTRELLA DAMM au Canada comprennent : Le détaillant The Beer Store en Ontario, les magasins de détail exploités en Ontario par la Régie des alcools de l’Ontario (LCBO), les magasins de détail BCLIQUOR (BCLS) exploités en Colombie-Britannique par la British Columbia Liquor Distribution Branch, les magasins de détail exploités au Manitoba par la Manitoba Liquor and Lotteries Corporation, les magasins de détail exploités en Saskatchewan par la Saskatchewan Liquor and Gaming Authority et des détaillants privés et indépendants, y compris les épiceries, les supermarchés et les dépanneurs suivants : Sobey’s, Metro, IGA, Loblaws et Dépanneur. Lors de l’exécution de son affidavit, la Bière ESTRELLA DAMM était vendue au Canada en Ontario, au Québec, en Colombie-Britannique, en Alberta, au Manitoba et en Saskatchewan et était également vendue dans le passé dans d’autres Provinces et Territoires [Affidavit Santander, para 12].

  • La Bière ESTRELLA DAMM était vendue, et continue de l’être, au Canada dans des canettes de 500 ml, des bouteilles de 330 ml (en paquets de 4, 6 et 12) et des fûts de 30 l [Affidavit Santander, para 18].

  • Les fûts sont vendus aux emplacements sur place (p. ex. les bars, les pubs, les restaurants), lesquels servent la bière en fût aux clients, souvent dans des verres arborant la marque de commerce ESTRELLA DAMM. Certains exemples représentatifs de ces verres sont illustrés aux Pièces 14 et 15 de l’Affidavit Santander. (Je note que les exemples représentatifs reproduits à la Pièce 14 [reproduite ci-dessous] sont également reproduits à l’Annexe 1 de la déclaration d’opposition de l’Opposante.)

  • Comme indiqué ci-dessus, la marque de commerce ESTRELLA DAMM a été employée au Canada dans un certain nombre de formats différents et avec différents dessins au fil des années. M. Santander explique que, par exemple, de 2007 à environ 2019 ou 2020, la marque de commerce ESTRELLA DAMM était parfois présentée à l’intérieur de certaines marques de commerce figuratives (lesquelles comprennent les marques de commerce figuratives arborées sur l’emballage, les canettes, les bouteilles, les verres et le présentoir illustrés à la Pièce 16) où ESTRELLA DAMM est présenté dans une police ou un script stylisé qui pourrait être perçu comme une police ou un script Gothic ou Blackletter ou une variation de ceux-ci (les [traduction] « Anciennes marques figuratives »). Ensuite, à compter de 2019 ou 2020 environ et continuant jusqu’à ce jour, la marque de commerce ESTRELLA DAMM est parfois apparue à l’intérieur d’autres marques de commerce figuratives (lesquelles comprennent les marques de commerce figuratives arborées sur les canettes, les bouteilles, les étiquettes et l’emballage illustrés à la Pièce 17) où ESTRELLA DAMM est présenté dans une police stylisée différente qui comporte également, entre autres aspects, certains aspects figuratifs généralement circulaires (les [traduction] « Plus récentes marques figuratives »). M. Santander affirme que l’introduction des Plus récentes marques figuratives a eu lieu en 2019 ou 2020 environ et, depuis, la plupart des bouteilles, des canettes et des emballages de la Bière ESTRELLA DAMM vendue au Canada, ainsi que la publicité connexe, a arboré une ou plusieurs des Plus récentes marques figuratives plutôt que les Anciennes marques figuratives, bien que depuis 2019 ou 2020 environ il continue d’y avoir certaines ventes au Canada de la Bière ESTRELLA DAMM dans des bouteilles, des canettes et des emballages arborant une ou plusieurs des Anciennes marques figuratives et certaines présentations d’une ou plusieurs des Anciennes marques figuratives au Canada en liaison avec certaines ventes et publicité de la Bière ESTRELLA DAMM [Affidavit Santander, para 19].

 

Je note que les exemples représentatifs de canettes, de bouteilles, d’étiquettes et d’emballage reproduits aux Pièces 16 et 17 de l’Affidavit Santander correspondent essentiellement à ceux reproduits à l’Annexe 1 de la déclaration d’opposition de l’Opposante.

 

Je note également à cette étape de mon analyse que je suis convaincue que tous les emplois faits des Anciennes marques figuratives et des Plus récentes marques figuratives dans les divers exemples fournis à titre de pièces d’emballage et d’images des produits de marque ESTRELLA DAMM qui visent à démontrer l’emploi ou la présentation de la marque de commerce ESTRELLA DAMM en liaison avec la bière de l’Opposante constituent également l’emploi de la marque nominale ESTRELLA DAMM, laquelle, à mon avis, préserve son identité et demeure dans l’ensemble reconnaissable dans le contexte de son emploi [selon Registraire des marques de commerce c Compagnie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, 1985 CanLII 5537 (CAF), 4 CPR (3d) 523; et Nightingale Interloc c Prodesign (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)].

 

  • Les volumes de ventes de la Bière ESTRELLA DAMM au Canada par l’Opposante au cours de la période de 2017 à 2022 (jusqu’à la date de l’Affidavit Santander) ont dépassé 9 865 000 litres. M. Santander fournit également les volumes des ventes canadiennes annuelles de la Bière ESTRELLA DAMM pour les années 2017 à 2022 [Affidavit Santander, para 31].

  • Depuis 2007, l’Opposante a dépensé d’importants montants pour publiciser sa marque ESTRELLA DAMM, et en faire la promotion, au Canada. À la date de l’Affidavit Santander, l’Opposante avait dépensé plus de 5 000 000 de dollars canadiens en marketing pour la Bière ESTRELLA DAMM au Canada, avec les montants annuels pour les dépenses en marketing au Canada pour les années 2017 à 2021 (et le montant prévu au budget pour 2022) étant indiqués dans l’Affidavit Santander [Affidavit Santander, para 22].

  • La Bière ESTRELLA DAMM et la marque de commerce ESTRELLA DAMM ont fait l’objet, depuis 2007, et continuent de le faire, d’une vaste publicité et promotion au Canada. Une telle publicité et une telle promotion ont pris de nombreuses formes différentes, y compris, à tout le moins, les suivantes :

    • odes campagnes de marketing. Par exemple, en 2017 et 2018, l’Opposante a mené des campagnes de marketing extérieures à Toronto, en Ontario, où la Bière ESTRELLA DAMM (et la marque de commerce ESTRELLA DAMM) a été annoncée de manière bien visible et étendue sur des affiches et des pancartes présentées dans des lieux extérieurs fortement achalandés comme les arrêts de transport en commun (p. ex. ligne d’autobus, de métro ou de train) et sur les côtés des véhicules de transport en commun [Pièce 19];

    • oconcours promotionnels. Par exemple, en 2011, l’Opposante a organisé un concours intitulé [traduction] « La Bière de Barcelone » avec comme grand prix un voyage à Barcelone, en Espagne, pour un résident de l’Ontario et un résident de la Colombie-Britannique. Ce concours a été publicisé en ligne par l’entremise de sites Web canadiens comme Food Network, Toronto Life et Vancouver Magazine; par des médias numériques comme Shaw Digital; dans les magasins de détaillants; sur des caisses de bières; et par Facebook [Pièce 20 : copies d’affiches et captures d’écran des publicités pour le concours [traduction] « La Bière de Barcelone »]. Selon M. Santander, la publicité pour le concours [traduction] « La Bière de Barcelone » par des sites Web, excluant Facebook, a été [traduction] « visionnée » plus de 8,5 millions de fois. Par Facebook, plus de 2,5 millions autres [traduction] « visionnements » ont été faits [Pièce 21 : copies des statistiques pour les visionnements et les taux de clic pour la campagne en ligne de 2011];

    • oà des soupers de dégustation et des événements parrainés [Pièce 22];

    • odans les magasins de détaillants, y compris des événements de dégustation [Pièces 23 et 24];

    • osur la marchandise promotionnelle [Pièce 25];

    • oà des emplacements sur place (p. ex. aux bars, pubs et restaurants). M. Santander explique que, au cours des années, l’Opposante a produit de nombreux types différents de produits arborant la marque de commerce ESTRELLA DAMM pour la distribution aux bars, aux pubs et aux restaurants qui vendent et servent la Bière ESTRELLA DAMM au Canada, comme : des verres (dans lesquels servir la Bière ESTRELLA DAMM) et des seaux à glace (pour refroidir et servir les bouteilles et les canettes de Bière ESTRELLA DAMM); sur les robinets de fûts qui sont employés pour verser la Bière ESTRELLA DAMM en fût dans les bars, les pubs et les restaurants; des sous-verres employés pour servir la Bière ESTRELLA DAMM; et des affiches et panneaux qui sont présentés dans les bars, les restaurants et les pubs [Pièces 26 à 30];

    • osur les sites Web de l’Opposante à www.estrelladamm.com etwww.damm.com, lesquels sont opérationnels et accessibles au Canada depuis au moins aussi tôt que juillet 2002 et août 2018, respectivement [Pièces 31 et 31A];

    • osur les médias sociaux (Facebook et Twitter) [Pièces 32 à 34];

    • oà des salons professionnels [Pièce 36].

  • La Bière ESTRELLA DAMM [et la marque de commerce ESTRELLA DAMM) a également, de temps en temps, été mise en vedette dans des publicités par certains des détaillants vendant la Bière ESTRELLA DAMM au Canada [Pièces 37 et 38].

  • La Bière ESTRELLA DAMM a également reçu de l’exposition internationale par la commandite du Club de Football de Barcelone. ESTRELLA DAMM est le commanditaire de bière exclusif du Club de Football de Barcelone et collabore avec le club depuis plus de 25 ans. De grandes bannières publicitaires pour ESTRELLA DAMM sont en bordure des estrades du stade du CF Barcelone en Espagne. Les parties du Club de Football de Barcelone sont diffusées dans le monde entier et peuvent être visionnées au Canada [Pièce 40].

Affidavit Summers

[25] L’Affidavit Summers corrobore essentiellement l’Affidavit Santander. Par exemple, jointes à l’Affidavit Summers, on retrouve :

  • Les Pièces 2 à 14, lesquelles sont composées d’imprimés de pages de sites Web trouvés par les recherches de Mme Summers menées en septembre 2022 avec le moteur de recherche Google, nommément des imprimés de sites Web de BC Liquor Stores, LCBO, The Beer Store, Co-op Wine Spirits Beer Saskatoon, Willow Park Wines & Spirits, Manitoba Liquor Mart, Tag Liquor Stores Delivery, Snappy Delivery, Home Delivery Canada, Paint Cabin, Beer Store Delivery, Online Neighborhood Liquor Store et Instacart, respectivement, et qui fournissent les détails et des photos de la Bière ESTRELLA DAMM montrée disponible pour l’achat au Canada.
  • Les Pièces 15 à 22, lesquelles sont composées d’imprimés de divers sites Web trouvés par Mme Summers au moyen de ses recherches de septembre 2022 dans Internet qui discutent d’un programme intitulé [traduction] « Aventure culinaire ESTRELLA DAMM », ou qui en font la promotion, où la Bière ESTRELLA DAMM fait l’objet de promotion et est associée à de la nourriture à de nombreux restaurants. De tels imprimés font référence à la marque de commerce ESTRELLA DAMM de l’Opposante et, dans certains cas, fournissent des photos de la Bière ESTRELLA DAMM. Selon de tels documents, le programme s’est déroulé à Toronto, en Ontario, en octobre 2021 (incluant la participation de plus de 25 restaurants) et en mai 2022 (incluant la participation de plus de 30 restaurants).
  • La Pièce 24, laquelle est composée de copies de captures d’écran prises les 16 et 20 septembre 2022 des sites Web de l’Opposante.
  • Les Pièces 28 à 35, lesquelles sont composées de copies d’imprimés faites en 2014 de pages Web des sites Web suivants que Mme Summers a consultés le 20 février 2014 : Liquor Connect (Alberta), BC Liquor Stores, Liquor Mart (Manitoba), Newfoundland Labrador Liquor Corporation, Nova Scotia Liquor Corporation, Liquor Control Board of Ontario, Société des Alcools du Québec et Saskatchewan Liquor and Gaming Authority. Ces imprimés avaient été joints à titre de Pièces A1 à A8 à un affidavit qu’elle avait exécuté le 4 mars 2014 et ayant été produit dans le cadre de la preuve de l’Opposante dans l’ opposition canadienne antérieure qui a abouti à la Décision de la COMC de 2015.
Conclusion concernant le premier facteur

[26] De l’ensemble de ce qui précède, je suis convaincue que l’Opposante a démontré l’emploi de sa marque de commerce ESTRELLA DAMM depuis au moins 2007 et qu’une telle marque est devenue connue au Canada, particulièrement en Ontario, où une partie importante de la publicité de l’Opposante a eu lieu.

[27] L’évaluation globale du facteur de l’article 6(5)a), qui est une combinaison du caractère distinctif inhérent et acquis, favorise donc l’Opposante.

Durée d’emploi des marques de commerce

[28] Comme l’a noté la Cour d’appel fédérale, « [p]ar rapport à une marque qui fait son apparition, une marque qui est employée depuis longtemps est présumée avoir fait une certaine impression à laquelle il faut accorder un certain poids » [United Artists Corp c Pink Panther Beauty Corp, [1998] 3 CF 534].

[29] Puisqu’il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque au Canada et puisque la preuve de l’Opposante établit l’emploi constant de la marque de commerce ESTRELLA DAMM en liaison avec de la bière depuis au moins 2007, ce facteur favorise également l’Opposante.

Genre de produits, services ou entreprises; et nature du commerce

[30] Ces facteurs favorisent aussi sans équivoque l’Opposante.

[31] Comme l’a souligné l’Opposante dans ses observations écrites et lors de l’audience, les produits des parties (bière) sont identiques. Puisqu’il n’y a aucune preuve du contraire, les voies de commercialisation par lesquelles les produits des parties seraient vendus (p. ex. détaillants autorisés, bars, pubs, restaurants) seraient semblables, voire identiques, et ainsi les produits seraient vendus en directe concurrence.

[32] À cet égard, je note que dans ses observations écrites et lors de l’audience, l’Opposante a fait valoir qu’il y a un risque accru de confusion dans le contexte des ventes dans les bars et les emplacements semblables, où les consommateurs peuvent commander en faisant référence aux marques de commerce, citant, par exemple, Canadian Schenley c Canada’s Manitoba Distillery (1975), 25 CPR (2d) 1 (CF 1re inst) aux p 12, 15 (Canadian Schenley); et Molson Breweries c Avalon International 1998 CanLII 18540 (CA COMC) (Molson).

[33] Dans la décision Canadian Schenley, la Cour a conclu que, bien qu’il existait, bien entendu, des différences dans l’orthographe et la prononciation entre la marque de commerce TSAREVITCH de la requérante et la marque de commerce TOVARICH de l’opposante, les deux en liaison avec des boissons alcoolisées, il existait parallèlement des similarités marquées puisque les deux marques étaient composées de trois syllabes, commençaient par la lettre « T » et se terminaient par les lettres « ich ». La Cour a continué en affirmant qu’elle doit veiller à prendre en compte le souvenir imparfait et l’effet d’une prononciation imprudente, particulièrement dans le contexte des bars et d’emplacements semblables, déclarant que :

[traduction] […] Il est notoire que les mots ne sont pas prononcés avec clarté et qu’il y a une tendance à empâter la prononciation des mots de dérivation étrangère que le locuteur ne connaît pas. Dans les lieux autorisés comme les bars, les bars-salons et les tavernes, lesquels sont relativement bruyants, la ressemblance phonétique entre les mots « Tovarich » et « Tsarevitch », davantage accentuée par une prononciation imprudente ou inappropriée, possiblement davantage induite par l’environnement, créerait de la confusion lorsque le client demande au serveur une boisson d’alcool distillé par sa marque de commerce […] Il y a la probabilité de mauvaise compréhension dans la communication de la marque de commerce dans deux cas. D’abord, dans la communication de la demande du client au serveur répondant aux demandes du client et, deuxièmement, dans la communication de la demande du client par le serveur, même si elle avait été correctement faite et qu’il l’avait bien comprise dans le premier cas, au barman.

[34] Dans le même ordre d’idées, dans la décision Molson, le registraire a conclu que bien qu’il y avait peu de ressemblance visuelle immédiate entre la marque de commerce OHLSSON’S & DESSIN de la requérante et la marque de commerce MOLSON de l’opposante, il y avait une grande ressemblance phonétique entre les marques de commerce des parties lorsque prononcées de vive voix et que cela était hautement pertinent puisque :

[traduction] […] les [boissons alcoolisées brassées] de la requérante et de l’opposante peuvent être commandées verbalement dans un bar ou un restaurant. La requérante a suggéré que chaque fois que de tels produits sont commandés verbalement, il y aurait un serveur ou un employé du bar formé qui interpréterait le produit qui est commandé. À mon avis, il est possible que de la confusion survienne en raison de la publicité et que le consommateur soit mélangé avant de commander les produits. Dans cette situation, l’existence d’un employé formé n’éliminerait pas le risque de confusion […]

[35] Notamment, la Requérante n’a pas commenté précisément ces deux décisions, que ce soit à l’égard de la tendance à empâter la prononciation des mots de dérivation étrangère que le locuteur ne connaît pas ou de la probabilité de confusion dans le contexte particulier des ventes des produits des parties dans les bars et des emplacements semblables. Plutôt, l’argument principal de la Requérante se concentre sur les différences existant entre les marques de commerce des parties.

[36] En l’absence d’observations contraire de la part de la Requérante, j’accepte que les extraits reproduits ci-dessus des décisions Canadian Schenley et Molson appuient, dans une certaine mesure, la position de l’Opposante qu’il existe un risque accru de confusion dans le contexte des ventes dans les bars et les emplacements semblables, où les consommateurs peuvent commander verbalement en faisant référence aux marques de commerce. Malgré tout, j’estime que ces décisions soulignent l’importance du facteur du degré de ressemblance entre les marques de commerce, y compris dans le son, comme il en sera question ci-dessous.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[37] Lorsqu’on examine le degré de ressemblance entre les marques de commerce, on doit les considérer dans leur totalité; il n’est pas exact de les placer côte à côte et de comparer et d’observer des ressemblances ou des différences entre les éléments ou les composantes des marques de commerce [Veuve Clicquot, précitée, au para 20].

[38] Dans Masterpiece, précitée, au paragraphe 64, la Cour a en outre indiqué que, bien que dans certains cas, le premier mot ou la première syllabe d’une marque de commerce soit l’élément le plus important aux fins de la distinction, l’approche préférable à l’examen de la ressemblance consiste à « se demander d’abord si l’un des aspects de celle‑ci est particulièrement frappant ou unique ».

[39] En l’espèce, l’Opposante affirme qu’il [traduction] « y a un degré élevé de ressemblance » entre la Marque et la marque de commerce ESTRELLA DAMM de l’Opposante en raison de la présence du mot ESTRELLA, lequel domine les marques des deux parties.

[40] Plus particulièrement, l’Opposante affirme ce qui suit dans ses observations écrites :

[traduction] 99. ESTRELLA est l’élément dominant et frappant de la Marque de l’Opposante [c’est-à-dire, la marque nominale ESTRELLA DAMM de l’Opposante]. ESTRELLA est un mot fort et distinctif pour les Canadiens, dont la majorité ne parle pas l’espagnol et n’associerait donc pas le mot avec un mot français ou anglais. ESTRELLA est également le premier mot de la Marque de l’Opposante et il a été soutenu que la première partie d’une marque de commerce peut être la plus importante aux fins du caractère distinctif […] La dominance du mot ESTRELLA dans la Marque de l’Opposante est renforcée par la façon dont elle a été arborée dans de nombreux cas (p. ex. dans de nombreux cas avec le mot ESTRELLA placé au-dessus du mot DAMM et en lettres plus larges que le mot DAMM) […] Également, comme dans [la Décision de la COMC de 2015], il n’y a aucune preuve d’emploi par un autre commerçant d’une quelconque marque de commerce au Canada pour de la bière qui comprend le mot ESTRELLA.

100. ESTRELLA domine également la Marque visée par la Demande. Il est situé dans un emplacement central en évidence à l’intérieur de la Marque visée par la Demande et est le premier des mots plus larges qui figurent dans la partie centrale (sauf pour le mot non distinctif « La »). Bien que la Marque visée par la Demande comprend d’autres éléments (p. ex. le mot GALICIA, un aspect figuratif circulaire en périphérie, d’autres éléments textuels encadrants et un dessin d’étoile), ces autres éléments n’atténuent pas le degré élevé de ressemblance entre la Marque visée par la Demande et la marque ESTRELLA DAMM de l’Opposante. Par exemple, le texte entourant « RECETA PRIMERA GENERACIÓN » et « HIJOS DE RIVERA » est présenté en très petits caractères et à l’intérieur d’une bordure circulaire externe encadrante et ne ferait l’objet d’aucune considération au moment de la première impression de la part de consommateurs canadiens rencontrant la Marque visée par la Demande, ce qui est également le cas pour les mots non distinctifs « La » et « de » qui se trouvent dans la partie centrale de la marque.

101. Dans l’Opposition canadienne antérieure, sur le sujet du degré de ressemblance entre les marques, la Requérante a présenté des arguments tentant de minimiser la présence commune du mot ESTRELLA dans les marques des parties en pointant vers d’autres éléments dans sa marque alors visée par la demande, mais ces arguments n’ont pas été retenus par la Commission des oppositions […]

102. Compte tenu des parallèles et des ressemblances entre la Marque visée par la Demande de la Requérante et sa marque antérieurement visée par la demande qui a été refusée dans [la Décision de la COMC de 2015](p. ex. les deux comprennent le mot ESTRELLA de façon évidente et positionné au centre comme élément dominant, les deux comprennent d’autres éléments comme le mot GALICIA, les deux comprennent un aspect figuratif circulaire et un dessin d’étoile, les deux comprennent du texte supplémentaire encadrant en très petits caractères), la conclusion de la Commission des oppositions dans [la Décision de la COMC de 2015] concernant la ressemblance avec la marque ESTRELLA DAMM de l’Opposante est instructive et convaincante en l’espèce.

103. La conclusion de la Commission des oppositions dans [la Décision de la COMC de 2015] qu’ESTRELLA [traduction] « est ce premier mot que les consommateurs retiendraient en voyant, en lisant ou en prononçant la [marque] » s’applique tout autant à la Marque visée par la Demande dans la présente opposition qu’à la marque refusée dans [la Décision de la COMC de 2015].

105. Le consommateur canadien moyen conclurait probablement qu’ESTRELLA est une marque maison de l’Opposante et que les produits vendus sous les marques en question en l’espèce [ESTRELLA DAMM et la Marque visée par la Demande) proviennent toutes deux de l’Opposante, avec la dernière étant un nouveau produit lancé par l’Opposante.

[41] Pour sa part, la Requérante affirme que lorsque les marques de commerce des parties sont évaluées dans leur ensemble, [traduction] « il y a plus de différences que de ressemblances entre les marques de commerce ».

[42] Plus particulièrement, la Requérante affirme ce qui suit dans ses observations écrites :

[traduction] 41. Par exemple, au plan visuel, les marques de commerce ont une apparence très différente. En effet, la marque de commerce de l’Opposante est composée de seulement deux mots. En revanche, la MARQUE DE COMMERCE de la Requérante comporte plusieurs mots qui contiennent le nom de la Requérante. Autrement dit, les nombreux mots formant la marque de la Requérante créent une impression très distincte et différente que celle de la marque de l’Opposante.

42. Lorsqu’elles sont prononcées, les deux marques de commerce ont un son différent, puisque la MARQUE DE COMMERCE de la Requérante contient l’expression « LA ESTRELLA DE GALICA », ce qui a un son très différent de celui de la marque de l’Opposante.

43. En ce qui a trait aux idées suggérées, les marques de commerce suggèrent des idées différentes à tout le moins parce que la marque de la Requérante comprend des mots qui créent une expression qui est différente sur le plan conceptuel (« LA ESTRELLA DE GALICIA ») que celle de la marque de l’Opposante (« ESTRELLA DAMM »).

44. En bref, les marques de commerce sont différentes dans leur ensemble de manière à ce que les consommateurs ne concluraient pas que les produits respectifs associés à chacune proviendraient de la même source. En effet, il est respectueusement proposé que ce qui serait frappant au sujet de chaque marque de commerce est l’aspect général (et différent) de chacune plutôt que toute partie particulière de chaque marque de commerce [pas mon accentuation].

45. Selon la Requérante, cette conclusion est la circonstance la plus importante en l’espèce.

[43] J’estime que la vérité se situe quelque part entre les opinions des deux parties et que, dans le meilleur des cas pour la Requérante, les marques de commerce des parties se ressemblent autant qu’elles diffèrent.

[44] J’ai tendance à être d’accord avec l’Opposante que l’élément le plus frappant de la marque de commerce ESTRELLA DAMM de l’Opposante est le mot ESTRELLA, puisque sa nature est plutôt distinctive et qu’il apparaît en première position dans la marque de commerce de l’Opposante. À cet égard, je suis d’accord avec l’Opposante que cette constatation est renforcée par la façon dont le mot ESTRELLA a été arboré dans de nombreux cas (p. ex. avec le mot ESTRELLA placé au-dessus du mot DAMM et en plus grandes lettres que le mot DAMM).

[45] J’ai également tendance à être d’accord avec l’Opposante que, comme c’était le cas dans la Décision de la COMC de 2015, le mot ESTRELLA est le premier mot ou élément notable que les consommateurs retiendraient en voyant la Marque. À cet égard, je reconnais que le mot ESTRELLA est inclus dans la phrase « La Estrella de Galicia » et que la Marque comprend également des éléments figuratifs mineurs, ainsi que plusieurs autres mots qui contiennent le nom de la Requérante. Cependant, je n’estime pas que ces éléments figuratifs et les mots « RECETA PRIMERA GENERACIÓN » et « HIJOS DE RIVERA » à l’intérieur d’une bordure circulaire encadrante extérieure créent une impression visuelle frappante lorsque la Marque est évaluée dans son ensemble. En effet, je suis d’accord avec l’Opposante qu’un tel texte encadrant ne ferait pas l’objet d’une quelconque considération importante au moment de la première impression puisqu’elle est présentée en très petits caractères.

[46] En ce qui a trait à la phrase « La Estrella de Galicia », j’ai tendance à être d’accord avec l’Opposante qu’aucun des mots non distinctifs « La » et « de » ne ferait l’objet d’une quelconque considération importante au moment de la première impression de la part des consommateurs canadiens rencontrant la Marque. En effet, j’ai tendance à être d’accord avec l’observation de l’Opposante lors de l’audience que l’emploi des mots « La » et « de » (lesquels ont également une signification en français) met possiblement l’accent sur le mot « Estrella » en l’introduisant par l’article défini « La » et en le qualifiant avec les mots « de Galicia », bien que la signification à accorder à la phrase « La Estrella de Galicia » et à la Marque dans son ensemble par les consommateurs canadiens demeure obscure.

[47] En fait, en ce qui a trait aux idées suggérées par chacune des marques de commerce des parties, j’estime que les marques de commerce des deux parties seront probablement perçues comme étant composées de mots étrangers ou de mots de dérivation étrangère, ce qui s’ajoute présumément aux similarités qui existent entre elles.

[48] En résumé, bien que je reconnaisse qu’il existe des différences entre les marques de commerce des parties principalement en raison de leurs éléments non communs DAMM et GALICIA, j’estime tout de même qu’il existe un certain degré de ressemblance entre elles en raison de la présence du mot ESTRELLA et, possiblement, de leur consonance étrangère.

[49] Ma conclusion est renforcée lorsque l’on considère la façon dont la marque de commerce ESTRELLA DAMM de l’Opposante peut être employée. En effet, il ne faut pas perdre de vue la portée complète des droits conférés par l’enregistrement de la marque nominale ESTRELLA DAMM de l’Opposante. Conformément au principe énoncé au paragraphe 55 de l’affaire Masterpiece, précitée, l’enregistrement de la marque nominale ESTRELLA DAMM permet à l’Opposante de l’employer « dans la taille, le style de lettres, la couleur ou le motif de son choix », cela étant toutefois compris qu’« il faut faire attention de ne pas accorder une portée trop large au principe formulé au paragraphe 55 de l’arrêt Masterpiece, puisqu’il ne serait ainsi plus nécessaire d’enregistrer une marque figurative lorsque l’on possède une marque verbale. […] Lorsque l’on compare les marques, l’examen est toujours limité à un “emploi […] dans le champ d’application d’un enregistrement” (Masterpiece, au para 59) » [Pizzaiolo Restaurants inc c Les Restaurants La Pizzaiolle inc, 2016 CAF 265 (CanLII), para 33]. Ainsi, rien n’empêcherait l’Opposante d’illustrer sa marque de commerce ESTRELLA DAMM en combinaison avec le même style ou un style semblable de lettrage à celui qui se trouve dans la Marque. En fait, et comme l’a souligné l’Opposante dans ses observations écrites (sous l’en-tête [traduction] « Autres circonstances de l’espèce ») et lors de l’audience, la preuve démontre que l’Opposante a employé au Canada la marque de commerce ESTRELLA DAMM depuis de nombreuses années dans une police ou un script stylisé qui pourraient être perçus comme une police ou un script Gothic ou Blackletter ou une variation de ceux-ci. Une telle police ou un tel script sont très semblables sur le plan visuel à la police ou au script employés pour le texte plus large (y compris ESTRELLA) qui est arboré dans la partie centrale de la Marque, comme on peut le voir dans les images immédiatement ci-dessous.

[50] Dans un tel cas, j’estime que les différences visuelles qui existent entre les marques de commerce des parties en raison de leurs éléments non communs sont diminuées.

Autres circonstances de l’espèce

Plaidoyers et observations par la Requérante dans d’autres juridictions dans le monde

[51] Comme autre circonstance de l’espèce, l’Opposante souligne que la Requérante a affirmé dans de nombreuses autres procédures dans d’autres pays partout dans le monde que certaines marques formées d’ESTRELLA DAMM de l’Opposante et que certaines marques formées d’ESTRELLA GALICIA de la Requérante créaient de la confusion [voir les Pièces 42 à 63 à l’Affidavit Santander : des copies de divers documents concernant un certain nombre de ces autres procédures entre les parties, y compris, entre autres, des plaidoyers et des observations de la part de la Requérante et des décisions par les offices et les autorités de la propriété intellectuelle dans d’autres administrations, y compris les États-Unis d’Amérique, l’Albanie, la Bolivie, le Brésil, l’Équateur, le Honduras, Hong Kong, la Malaisie, la Moldovie, le Nicaragua, le Pérou, les Philippines et le Soudan.].

[52] Il n’est pas nécessaire que j’aborde cette circonstance de l’espèce supplémentaire pour trancher en faveur de l’Opposante, sans mentionner que, peu importe les positions antérieures d’une partie, je dois déterminer la confusion conformément au droit et à la jurisprudence pertinente [selon Molson Breweries c Labatt Brewing Co (1996), 68 CPR (3d) 202 (CF 1re inst)].

Conclusion sur la probabilité de confusion

[53] Comme indiqué ci-dessus, la Requérante a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion quant à la source des produits des parties. En raison du fardeau qui incombe à la Requérante, si, après avoir évalué l’ensemble de la preuve, l’on ne peut en venir à une conclusion déterminante, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante [voir John Labatt, précitée].

[54] Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus, au mieux pour la Requérante, que la prépondérance des probabilités quant à la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce ESTRELLA DAMM de l’Opposante est également équilibrée. Particulièrement, je ne suis pas convaincue que les différences existant entre les marques de commerce des parties sont déterminantes en elles-mêmes et suffisantes pour l’emporter sur les facteurs favorisant l’Opposante. En effet, en l’absence de toute autre circonstance de l’espèce favorisant la Requérante, je ne suis pas convaincue que la Requérante a suffisamment distingué sa Marque de la marque de commerce ESTRELLA DAMM de l’Opposante de manière à faire pencher, de façon concluante, la prépondérance des probabilités en sa faveur.

[55] Transposant les commentaires du registraire dans la Décision de la COMC de 2015 à l’espèce, il n’y a aucune preuve que d’autres commerçants emploient des marques de commerce comprenant ESTRELLA dans le marché. Ainsi, bien que le Canadien consommateur de bière moyen puisse porter attention au nom des bières et à ce qu’il connaît et aime, il n’y a aucune preuve que de tels consommateurs sont habitués à voir et à faire la distinction entre des marques de commerce composées de mots étrangers contenant ESTRELLA et seule l’Opposante a démontré un quelconque emploi ou une quelconque réputation de sa marque au Canada.

[56] Puisque la Requérante n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’un consommateur ordinaire qui voit la marque en liaison avec les Produits de la Requérante et qui n’a qu’un souvenir imparfait de la marque de commerce ESTRELLA DAMM de l’Opposante ne conclurait pas, sou l’angle de la première impression, que ces Produits sont vendus par l’Opposante ou autrement proviennent de celle-ci, ou qu’elle les approuve, autorise ou appuie, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est accueilli.

Autres motifs d’opposition

[57] Puisque le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de l’Opposante a déjà été accueilli, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’aborder les autres motifs d’opposition, sinon pour dire que j’aurais probablement tranché en faveur de l’Opposante pour les motifs d’opposition fondés sur les articles 16 et 2 tournant autour de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque nominale ESTRELLA DAMM et les marques de commerce figuratives de common law de l’Opposante.

Décision

[58] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la Demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

_______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2023-11-08

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Craig A. Ash

Pour la Requérante : Barry Gamache

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Owen Wiggs Green & Mutala LLP

Pour la Requérante : Robic

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