Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 002

Date de la décision : 2024-01-04

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : The Crump Group, Inc.

Propriétaire inscrite : Tritap Food Broker, a Division of 676166 Ontario Limited

Enregistrement : LMC401,199 pour CAT’S DELIGHT

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‑13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC401,199 pour la marque de commerce CAT’S DELIGHT (la Marque), appartenant à Tritap Food Broker, a Division of 676166 Ontario Limited (la Propriétaire).

[2] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être maintenu.

Le dossier

[3] À la demande de The Crump Group, Inc. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi le 1er juin 2022, à la Propriétaire. L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 1er juin 2019 au 1er juin 2022.

[4] La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec des [traduction] « produits pour chats, nommément aliments pour chats ».

[5] La définition pertinente d’« emploi » est énoncée à l’article 4 de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à celui à qui la propriété ou possession est transférée.

[6] Il est généralement admis que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de la présente procédure est peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)], et qu’il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)]. Toutefois, il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au Registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement pendant la période pertinente.

[7] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Joel Usher, le secrétaire-trésorier de 676166 Ontario Limited, auquel étaient jointes les Pièces A et B. Bien que les deux parties aient produit des observations écrites, aucune audience n’a été tenue.

La preuve

[8] M. Usher atteste qu’en plus de son poste de secrétaire-trésorier de la Propriétaire, il est également le directeur général de U-Buy Discount Foods Limited (U‑Buy), et que WORLDWIDE FOOD DIST. est un nom commercial enregistré pour U‑Buy. M. Usher atteste ensuite que U-Buy est autorisée sous licence par la Propriétaire à employer la Marque au Canada.

[9] En ce qui concerne l’emploi de la Marque, M. Usher déclare que la Propriétaire a employé et continue d’employer la Marque au Canada sur des étiquettes d’aliments pour chats, y compris des aliments en conserve pour chats, et que la Marque a été employée au Canada en liaison avec ces produits au cours de la période pertinente. Afin de démontrer comment la Marque était liée à ces produits, il fournit ce qui suit :

· Pièce A – des photos d’une boîte d’aliments pour chats arborant la Marque. Il affirme que des boîtes arborant une telle étiquette ont été vendues au Canada au cours de la période pertinente, et que les étiquettes constituent un échantillon représentatif de la façon dont la Marque était présentée au cours de la période pertinente et continue d’être présentée sur les boîtes d’aliments pour chats. La Marque figure clairement sur les boîtes d’aliments pour chats. En outre, je note que l’étiquette des boîtes d’aliments pour chats présentées indique que le produit a été préparé pour Tritap Food Broker, a division of 676166, Ontario Limited.

[10] M. Usher explique que dans la pratique normale du commerce et durant la période pertinente, la Propriétaire a vendu des aliments en conserve pour chats arborant la Marque comme il est illustré à la Pièce A directement à des magasins de vente au détail canadiens, principalement à des magasins à un dollar et à des épiciers à escompte, puis à des distributeurs qui vendent ensuite à des magasins de vente au détail canadiens, pour la vente aux consommateurs. À l’appui, il fournit ce qui suit :

· Pièce B – des factures d’aliments pour chats arborant la Marque, qu’il déclare représentatives des factures émises pour de tels articles vendus au Canada en liaison avec la Marque au cours de la période pertinente et de façon continue jusqu’à ce jour. Les factures sont datées de la période pertinente, énumèrent clairement les produits visés par l’enregistrement (identifiés comme « CAT DELIGHT ») et ont été émises par « Worldwide Distributors, a division of U‑Buy Discount Food Ltd. » à des entités canadiennes.

[11] Enfin, M. Usher conclut son affidavit en déclarant que [traduction] « compte tenu de ce qui précède, la marque de commerce CAT’S DELIGHT a été employée par Tritap en liaison avec des aliments pour chats vendus au Canada au cours des trois années précédant immédiatement l’avis prévu à l’article 45, le 1er juin 2022. »

Analyse

[12] La Partie requérante soutient que l’enregistrement devrait être radié et, à cet égard, ses observations s’articulent autour de deux questions centrales. La première question soulevée est celle de l’ambiguïté quant à la propriété de la Marque. La deuxième question concerne l’emploi sous licence et il est allégué que la preuve ne montre pas que l’emploi de la Marque profitait à la Propriétaire.

[13] En ce qui concerne la première question mentionnée ci-dessus, la Partie requérante soutient que la Propriétaire est identifiée dans l’enregistrement comme Tritap Food Broker, a Division of 676166 Ontario Limited, mais selon l’affidavit Usher, Tritap Food Broker est un nom commercial enregistré de la société à dénomination numérique. Ainsi, la Partie requérante soutient que les déclarations de M. Usher ne permettent pas de savoir si la Propriétaire dans cette affaire est Tritap Food Broker ou la société à dénomination numérique, ou si Tritap Food Broker est une entité juridique distincte ou simplement un nom commercial. La Partie requérante note que la section 2.4.1 du Manuel d’examen des marques de commerce indique que « [p]our avoir droit à l’enregistrement d’une marque de commerce, un requérant doit être une personne. Aux fins d’une demande de marque de commerce, la personne peut être un particulier, une société de personnes, un syndicat, une association, une entreprise en coparticipation ou une société. » La Partie requérante soutient qu’en raison de l’ambiguïté concernant le statut de « Tritap Food Broker » comme il est indiqué ci-dessus, la preuve de la Propriétaire est insuffisante pour atteindre même le seuil peu élevé imposé par l’article 45. À l’appui, la Partie requérante cite les affaires suivantes Compagnie Des Montres Longines Francillon S.A. c Pinto Trading Co (1983), 75 CPR (2d) 283 (COMC), et Playboy Enterprises International, Inc. c Pleasure Playmates, 2020 COMC 105.

[14] Je ne pense pas que les affaires invoquées soient applicables. Contrairement à la présente affaire, les deux affaires citées sont des affaires d’opposition, dans lesquelles la requérante a été identifiée uniquement par sa dénomination sociale, et les demandes n’étaient donc pas conformes à l’article 30 de la Loi.

[15] En l’espèce, la Propriétaire a été identifiée comme une société (676166 Ontario Limited), qui est une « personne ». Rien n’indique que la « division » identifiée (c.‑à‑d. Tritap Food Broker) de la Propriétaire soit une entité juridique distincte. En outre, l’identification d’une dénomination sociale n’est pas nécessairement incompatible avec le nom d’une division d’une société. En effet, la Propriétaire soutient, et je suis d’accord, qu’il est sans importance que Tritap Food Broker soit identifiée comme une division de la Propriétaire (conformément à la demande produite en 1991), ou qu’elle soit un nom commercial enregistré de la Propriétaire (conformément à la déclaration sous serment de M. Usher). En outre, la Propriétaire affirme que la façon dont elle est identifiée sur le Registre est conforme à l’affidavit Usher ainsi qu’à ce qui est acceptable selon le Manuel d’examen des marques de commerce. La Propriétaire soutient que les observations de la Partie requérante qui cherchent à attaquer la validité de la Propriétaire ne reflètent pas un esprit disposé à comprendre ce qui est dit dans la preuve, mais plutôt la position de la Partie requérante reflète des tentatives laborieuses d’identifier de prétendus « problèmes », « lacunes », ou « ambiguïtés » dans la preuve [une approche incompatible avec l’article 45 de la Loi selon Portage World-Wide, Inc c Croton Watch Co, Inc, 2017 COMC 96 aux para 20 à 22]. Je suis d’accord avec toutes les observations de la Propriétaire sur ce point. En effet, comme l’a noté la Cour d’appel fédérale dans Ridout & Maybee LLP c Omega SA (2005), 43 CPR (4th) 18 (CAF), la validité de l’enregistrement n’est pas contestée dans le cadre des procédures en vertu de l’article 45 et il est préférable de traiter toute question de propriété par voie de demande à la Cour fédérale en vertu de l’article 57 de la Loi.

[16] En ce qui concerne la deuxième question soulevée par la Partie requérante, à savoir que la preuve ne démontre pas que l’emploi de la Marque profitait à la Propriétaire, la Partie requérante note la déclaration suivante tirée de l’affidavit Usher : [traduction] « U‑Buy Discount Foods Limited est autorisée sous licence par 676166 Ontario Limited à employer la marque de commerce CAT’S DELIGHT au Canada ». La Partie requérante fait cependant valoir qu’aucun contrat de licence n’est joint à l’affidavit et qu’il n’existe aucune preuve que la Propriétaire a exercé un contrôle sur la nature et la qualité des produits, ni même une simple déclaration à cet effet. La Partie requérante soutient que lorsqu’un propriétaire inscrit se fonde sur l’emploi de sa marque de commerce par une autre personne, c’est au propriétaire inscrit qu’incombe le fardeau d’établir le contrôle direct ou indirect sur la nature ou la qualité des produits ou services, de telle sorte que l’emploi par la personne profite au propriétaire inscrit [citant l’article 50 de la Loi; Live! Holdings, LLC c Oyen Wiggs Green & Mutala LLP, 2020 CAF 120 au para 36, citant à l’appui Empresa Cubana del Tabaco c Shapiro Cohen, 2011 CF 102 au para 84, conf par 2011 CAF 340; et IPACK B.V. c McInnes Cooper, 2023 CF 243]. La Partie requérante soutient que l’affidavit Usher étant manifestement silencieux sur ce point, il faut en conclure que l’emploi de la Marque ne profitait pas à la Propriétaire.

[17] La Propriétaire soutient, et je suis d’accord, que la Cour a toujours reconnu qu’un propriétaire d’une marque de commerce n’a pas besoin de fournir un contrat de licence écrit pour démontrer l’emploi d’une marque de commerce [conformément à Wells’ Dairy Inc c UL Canada Inc (2000), 7 CPR (4th) 77 (CF 1ʳᵉ inst)]. En outre, la Propriétaire soutient qu’il existe trois méthodes principales par lesquelles le propriétaire inscrit d’une marque peut démontrer le contrôle requis pour bénéficier de la disposition de présomption de l’article 50(1) de la Loi :

 

[18] La Propriétaire soutient, et je suis d’accord, que puisque l’emballage du produit montré dans la Pièce A de l’affidavit Usher indique que le produit a été [traduction] « Préparé pour » une propriétaire de marque (qui est décrite comme la Propriétaire), cela permet d’inférer le contrôle requis en vertu du fait que les marchandises ont été fabriquées par la propriétaire ou sous son contrôle [voir Osler, Hoskin & Harcourt c Canada (Registraire des marques de commerce), (1997) 77 CPR (3d) 475 (CF 1ʳᵉ inst) aux para 11 et 28 à 32].

[19] En outre, la Propriétaire soutient que lorsque le propriétaire d’une marque contrôle également une société fermée qui emploie la marque, on peut en déduire que la société emploie la marque sous licence verbale du propriétaire, ce dernier affirmant le contrôle requis sur la nature ou la qualité des marchandises ou des services [Messrs Bereskin & Parr c Fairweather Ltd, 2006 CF 1248 aux para 51 et 52, conf par 2007 CAF 376]. Le simple fait qu’un propriétaire inscrit et un licencié soient des sociétés liées ne suffit pas pour établir l’existence du contrôle, aux termes d’une licence, en vertu de l’article 50 [voir MCI Communications Corp c MCI Multinet Communications Inc (1995), 61 CPR (3d) 245 (COMC) et Dynatech Automation Systems Inc c Dynatech Corp (1995), 64 CPR (3d) 101 (COMC)]. Toutefois, on peut déduire que ce contrôle existe, par exemple, lorsqu’un particulier est un administrateur ou un dirigeant du propriétaire inscrit et du titulaire de licence [voir Petro-Canada c 2946661 Canada Inc (1999), 83 CPR (3d) 129 (CF 1ʳᵉ inst); Lindy c Canada (Registraire des marques de commerce), [1999] ACF no 682 (CAF)]. En l’espèce, M. Usher s’est décrit comme le secrétaire-trésorier de la Propriétaire, ainsi que comme le directeur général de U‑Buy Discount Foods Limited, où WORLDWIDE FOOD DIST. est un nom commercial enregistré pour U‑Buy. Par conséquent, j’admets que la Marque a été employée sous licence, selon les déclarations sous serment de M. Usher, et je déduis des positions de M. Usher au sein de la Propriétaire et de la titulaire de licence que cet emploi était au profit de la Propriétaire, en vertu de l’article 50 de la Loi. Par conséquent, j’accepte que la Propriétaire a fourni des preuves qui démontrent qu’elle exerce le contrôle requis [conformément à Empresa Cubana, précité].

[20] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que la Propriétaire a fourni une preuve suffisante pour démontrer l’emploi de la Marque au sens des articles 4(1) et 45 de la Loi.

Décision

[21] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera maintenu selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

 

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Kathryn Barnett

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo


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