Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A maple leaf on graph paper

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 007

Date de la décision : 2024-01-17

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : Wilson Lue LLP

Propriétaire inscrite : Bhang Corporation

Enregistrement : LMC1,052,625 pour BHANG

Introduction

La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC1,052,625 pour la marque de commerce BHANG (la Marque), appartenant à Bhang Corporation (la Propriétaire).

Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être modifié.

Le dossier

À la demande de Wilson Lue LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi le 17 octobre 2022 à la Propriétaire. L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 17 octobre 2019 au 17 octobre 2022.

La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits suivants :

[traduction]

(1) Bonbons au chocolat; confiseries au chocolat; gomme à mâcher.

(2) Cigarettes électroniques; cartouches de recharge pour cigarettes électroniques vendues vides; cartouches vendues remplies de propylène glycol pour cigarettes électroniques; vendues remplies de glycérine végétale pour cigarettes électroniques.

La définition pertinente d’« emploi » est énoncée à l’article 4 de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

Il est généralement admis que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de la présente procédure est peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)], et qu’il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)]. Toutefois, il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et services spécifiés dans l’enregistrement pendant la période pertinente.

En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de J. Graham Simmonds, administrateur et président-directeur général de la Propriétaire, exécuté le 16 mai 2023. Les deux parties ont produit des observations écrites; aucune audience n’a été tenue.

La preuve

M. Simmonds explique que la Propriétaire est une société de portefeuille de propriété intellectuelle qui a octroyé par licence ses droits sur la Marque à INDIVA Limited (Indiva), et explique la manière dont la Propriétaire contrôlait la nature et la qualité des produits liés à la Marque pendant toute la période pertinente. Il explique que la Propriétaire a été conçue par un chef et chocolatier professionnel pour produire des tablettes de chocolat infusées au cannabis ainsi qu’une [traduction] « collection haut de gamme de vapoteuses, de gommes et de pulvérisateurs buccaux ». Il déclare que les produits arborant la Marque sont fabriqués par Indiva et vendus par des détaillants de cannabis tiers et en ligne par l’intermédiaire de la Société ontarienne du cannabis.

Dans les annexes B à K, la Propriétaire joint des images de ses produits de chocolat et de leur emballage sur son site Web, sur des sites Web de tiers, des photographies de points de vente au détail, etc. Comme discuté plus en détail ci-dessous, les images fournies à titre de pièce ne sont pas datées, à l’exception de l’annexe B, qui comporte un avis de droit d’auteur daté de 2023, et de l’annexe G, que M. Simmonds décrit comme des [traduction] « exemples d’images de cartes de consommation à distribuer qui sont fournies aux consommateurs finaux dans les magasins de vente au détail au point de vente des produits », et qui indique une date du 13 août 2020. En outre, une capture d’écran du compte Instagram de la Propriétaire jointe à titre d’annexe H comprend une image montrant l’année 2023. M. Simmonds ne déclare pas explicitement que ces images sont représentatives de la manière dont la Marque était présentée au cours de la période pertinente.

À titre d’annexe L, M. Simmonds joint des copies de bons de commande d’un détaillant tiers basé en Ontario qui vend les produits de la Propriétaire à des consommateurs finaux. Les bons de commande sont datés d’août et de septembre 2020 et montrent des ventes de « Bhang – THC Milk Chocolate Bar ». À titre d’annexe M, M. Simmonds joint des exemples de rapports de redevances émis par Indiva à l’intention de la Propriétaire, montrant les produits de la Propriétaire vendus au Canada. Les rapports sont datés entre janvier 2020 et septembre 2022 et montrent les ventes de « Bhang Ice Milk Chocolate », « Packaged Bhang TCH Chocolate Dark », « Packaged Bhang TCH Chocolate Milk », « Bhang Caramel 1:1 Chocolate Packaged », « CBD Milk Chocolate », « Packaged Bhang Toffee and Salt Milk Chocolate », « Packaged Bhang THC Cookies and Cream White Chocolate », « Packaged Bhang THC Caramel Mocha Milk Chocolate », et d’autres produits de chocolat similaires. M. Simmonds déclare que ces pièces sont [traduction] « des exemples de preuves de ventes de produits de la Propriétaire arborant la Marque de commerce par l’intermédiaire de sa chaîne de distribution jusqu’au consommateur final », et dans le cas de l’annexe M, confirme que les produits ont été vendus partout au Canada et que [traduction] « [d]ans chaque cas de vente, la Marque de commerce est présentée ».

Analyse

D’emblée, je souligne que l’article 50(1) de la Loi exige que le propriétaire d’une marque de commerce contrôle, directement ou indirectement, la nature ou la qualité des produits ou services vendus sous cette marque de commerce. Le propriétaire d’une marque de commerce dispose essentiellement de trois méthodes pour démontrer qu’il exerce le contrôle exigé par l’article 50(1) de la Loi : premièrement, attester clairement qu’il exerce le contrôle exigé; deuxièmement, produire une preuve démontrant qu’il exerce le contrôle exigé; ou troisièmement, produire une copie du contrat de licence qui prévoit le contrôle exigé [Empresa Cubana Del Tabaco c Shapiro Cohen, 2011 CF 102 au para 84]. Je suis d’accord avec la Propriétaire pour dire que M. Simmonds a clairement attesté du fait que la Propriétaire exerce le contrôle requis et que tout emploi de la Marque par Indiva profiterait à la Propriétaire.

La Partie requérante prétend que la Propriétaire n’a pas démontré l’emploi de chacun des produits, que sa preuve est ambiguë quant aux produits illustrés et qu’elle ne montre pas comment la Marque était présentée pendant la période pertinente. Chaque question sera examinée à tour de rôle.

La Partie requérante prétend, et je suis d’accord, que les preuves ne montrent pas de transferts des produits [traduction] « gomme à mâcher » ou [traduction] « Cigarettes électroniques; cartouches de recharge pour cigarettes électroniques vendues vides; cartouches vendues remplies de propylène glycol pour cigarettes électroniques; vendues remplies de glycérine végétale pour cigarettes électroniques ». Bien que M. Simmonds fasse référence aux [traduction] « vapoteuses, gommes et pulvérisateurs buccaux » au début de son affidavit, il n’y a aucune preuve que ces produits ont été transférés au Canada dans la pratique normale du commerce par la Propriétaire ou Indiva pendant la période pertinente. Puisqu’il n’y a aucune preuve de circonstances spéciales qui justifieraient le défaut d’emploi, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec ces produits au sens des articles 4(1) et 45 de la Loi. L’enregistrement sera modifié en conséquence.

En ce qui concerne les produits [traduction] « bonbons au chocolat » et [traduction] « confiseries au chocolat », la Partie requérante note que M. Simmonds fait largement référence au [traduction] « produit » de la Propriétaire et n’explique pas comment les produits de chocolat montrés dans les pièces seraient englobés par l’un ou l’autre de ces produits visés par un enregistrement. À cet égard, la Partie requérante note que dans la décision Gowling Lafleur Henderson LLP c Liwayway Marketing Corporation, 2015 COMC 195, la Commission n’était pas convaincue que l’emploi en liaison avec ce que la Partie requérante décrivait dans cette affaire comme une [traduction] « collation à saveur de chocolat » appuierait l’enregistrement des [traduction] « confiseries, nommément noix, chocolat, gomme, sucre ». Toutefois, il est bien établi en droit que chaque affaire dépend de ses propres faits, et je ne suis pas d’avis que les conclusions de la Commission concernant les éléments de preuve dans cette affaire soient applicables en l’espèce.

En l’espèce, les bons de commande et les rapports de redevances joints comme annexes L et M montrent qu’Indiva a vendu une gamme de produits de chocolat au Canada pendant la période pertinente, dont plusieurs semblent correspondre aux tablettes de chocolat présentées aux annexes B, F, I et K. Gardant à l’esprit que le registraire peut prendre connaissance des définitions du dictionnaire [voir Gervais c CIBC Mellon Global Securities Services Co (2004), 34 CPR (4th) 571 (COMC) au para 7; Shapiro Cohen LLP c Proa, 2017 COMC 162 au para 44], je note que le Canadian Oxford Dictionary (2 ed) définit le terme « confiserie » comme « un dessert sucré ou un bonbon ». Bien que ni M. Simmonds ni la Propriétaire, dans ses observations écrites, n’établissent de corrélation explicite entre les produits de chocolat et les produits spécifiques visés par l’enregistrement, il est clair, à mon avis, que les produits de chocolat présentés en preuve pourraient relever à la fois des « bonbons au chocolat » et des « confiseries au chocolat ».

La Partie requérante prétend en outre que [traduction] « la Propriétaire ne peut s’appuyer sur les mêmes éléments de preuve pour démontrer l’emploi en liaison avec les deux ensembles de produits », et que [traduction] « dans le meilleur des cas, la preuve de la Propriétaire ne démontrerait l’emploi qu’en liaison avec les “confiseries au chocolat” ou les “bonbons au chocolat”, mais pas avec les deux ». Toutefois, bien que le registraire ait conclu que l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec un seul article n’appuiera pas en général l’emploi en liaison avec plusieurs produits dans un enregistrement [voir John Labatt Ltd c Rainier Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF); Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184], ce n’est pas le cas en l’espèce. En revanche, la Propriétaire a démontré des transferts de plusieurs produits différents de chocolat, dont chacun pourrait correspondre à des [traduction] « bonbons au chocolat » ou à des [traduction] « confiseries au chocolat ».

En ce qui concerne les bons de commande de l’annexe L, la Partie requérante fait valoir qu’étant donné qu’Indiva [traduction] « est la licenciée canadienne exclusive de la [Marque] », il n’est [traduction] « pas clair si le “produit” dont les ventes sont censées être reflétées dans les bons de commande émane de la Propriétaire (ce qui serait incompatible avec la nature exclusive de la licence), de la licenciée de la Propriétaire, ou d’un tiers non lié dont on ne peut pas dire que l’emploi profite à la Propriétaire » [soulignement dans l’original]. Cependant, ces bons de commande sont conformes à l’explication donnée par M. Simmonds sur la pratique de commerce de la Propriétaire, dans laquelle ses produits sont fabriqués et vendus par Indiva, puis vendus aux consommateurs finaux par des détaillants de cannabis tiers. Il est bien établi qu’une pratique normale du commerce d’un propriétaire de marque de commerce implique souvent une série de transactions survenant entre le fabricant et le consommateur final, faisant potentiellement intervenir divers distributeurs, grossistes et détaillants, et que la distribution et la vente des produits du propriétaire par de telles entités peuvent constituer un emploi de la marque de commerce qui profite au propriétaire sans avoir besoin d’une licence, pourvu que le propriétaire constitue le premier maillon de la chaîne de distribution [Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CF 1ʳ inst); Lin Trading Co c CBM Kabushiki Kaisha (1988), 21 CPR (3d) 417 (CAF); Osler, Hoskin & Harcourt c Canada (Registraire des marques de commerce) (1997), 77 CPR (3d) 475 (CF 1ʳ inst)]. M. Simmonds confirme que l’annexe L constitue « un exemple de preuve des ventes des produits de la [Propriétaire] arborant la Marque de commerce à travers sa chaîne de distribution jusqu’au consommateur final »; par conséquent, je conclus que tout emploi de la Marque lié aux transactions détaillées dans les annexes L et M profite à la Propriétaire.

Enfin, la Partie requérante fait valoir que la preuve de la Propriétaire est ambiguë quant à savoir si, ou comment, la Marque était présentée en liaison avec les produits de la Propriétaire au cours de la période pertinente. À cet égard, la Partie requérante note que les annexes C à F et I à K ne sont pas datées, que les annexes B et H indiquent des dates qui ne sont pas comprises dans la période pertinente, et que la date indiquée dans l’annexe G n’est pas expliquée par M. Simmonds. La Partie requérante fait valoir que l’affidavit [traduction] « est complètement muet quant à savoir si les faits allégués et les annexes jointes correspondent à la période pertinente ». En ce qui concerne la déclaration de M. Simmonds dans sa description des rapports de redevances de l’annexe M selon laquelle le produit de la Propriétaire « a été vendu partout au Canada […] Dans chaque cas de vente, la marque est présentée », la Partie requérante semble suggérer que cette affirmation peut ne pas faire référence aux ventes consignées dans les rapports de redevances (qui sont examinés dans le même paragraphe immédiatement avant et après cette déclaration), mais à d’autres ventes qui ont eu lieu en dehors de la période pertinente. De plus, la Partie requérante fait valoir que M. Simmonds n’explique pas ou ne montre pas comment la Marque était apposée sur les produits ou leur emballage, étant donné que la preuve de la présentation de la Marque est [traduction] « non datée et donc non pertinente ».

À mon avis, la dissection de la preuve de la Propriétaire par la Partie requérante équivaut à une approche trop technique qui est incompatible avec l’objet de la procédure prévue à l’article 45 [voir Dundee Corp c GAM Ltd, 2014 COMC 152 au para 21; Reckitt Benckiser (Canada) Inc c Tritap Food Broker, 2013 COMC 65 au para 27]. S’il est vrai que M. Simmonds ne confirme pas explicitement que les annexes B à H sont représentatives de la présentation de la Marque pendant la période pertinente, il confirme que les annexes L et M reflètent les ventes pendant la période pertinente de produits [traduction] « arborant la Marque ». Je suis disposé à inférer que ces produits arboraient la Marque sur leur emballage d’une manière similaire aux tablettes de chocolat figurant dans les annexes B, F, I et K, en gardant à l’esprit que tirer des inférences, c’est tirer des déductions logiques raisonnablement probables de la preuve [Sim & McBurney c En Vogue Sculptured Nail Systems Inc, 2021 CF 172 au para 15]. Pour parvenir à cette conclusion, je suis aidé par d’autres indices qui, bien qu’insuffisants à eux seuls pour démontrer l’emploi au sens de la Loi, suggèrent en outre que la Marque a été présentée dans le cadre du transfert des produits pendant la période pertinente. Ceux-ci comprennent la présentation de la Marque dans les descriptions de produits dans les rapports joints en tant qu’annexes L et M, et la déclaration de M. Simmonds selon laquelle les cartes de consommation à distribuer arborant la Marque montrée dans l’annexe G, qui indique une date dans la période pertinente, ont été fournies aux consommateurs finaux au point de vente des produits de la Propriétaire.

En fin de compte, sur la base de la preuve de la Propriétaire concernant les ventes de ses divers produits de chocolat au Canada dans la pratique normale du commerce pendant la période pertinente, de la déclaration de M. Simmonds selon laquelle ces ventes concernaient des produits arborant la Marque, et de la preuve de la Propriétaire sur la façon dont la Marque est apposée sur l’emballage de ses produits, je suis disposé à conclure que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les produits [traduction] « bonbons au chocolat » et [traduction] « confiseries au chocolat » au sens des articles 4(1) et 45 de la Loi.

Décision

Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de radier [traduction] « gomme à mâcher » des produits (1), et de radier la totalité des produits (2), selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

L’état déclaratif modifié sera libellé comme suit :

[traduction]

Bonbons au chocolat; confiseries au chocolat

___________________________

G.M. Melchin

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.