Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 019

Date de la décision : 2024-01-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : The Wonderful Company LLC

Requérante : Fresh Trading Limited

Demande : 1 801 724 pour DUDE Design

Introduction

[1] The Wonderful Company LLC (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce DUDE Design (la Marque), reproduite ci-dessous, qui fait l’objet de la demande no 1 801 724 (la Demande) produite par Fresh Trading Limited (la Requérante).

[2] L’état déclaratif des produits pour la Demande (les Produits), dans sa version modifiée, incluant les classes de Nice (Cl), est reproduit ci-après :

[traduction]

32(1) Boissons non alcoolisées aromatisées aux fruits; boissons aux fruits; jus de fruits; eau minérale; boissons gazeuses non alcoolisées

30(2) Sauces aux fruits

[3] La demande revendique l’emploi et l’enregistrement au Royaume-Uni pour tous les Produits.

[4] L’opposition est principalement fondée sur l’allégation que la Marque crée de la confusion avec l’emploi et l’enregistrement antérieurs par l’Opposante des enregistrements nos LMC918,961 (HALOS Character Dessin), LMC918,948 (HALOS & Dessin) et LMC1,052,224 (HALOS BABIES & Dessin) (collectivement, les enregistrements HALOS), en liaison avec des [traduction] « agrumes frais; fruits frais ».

[5] Pour les raisons qui suivent, la demande est rejetée en ce qui a trait au produit [traduction] « eau minérale » et l’opposition est rejetée en ce qui a trait aux autres Produits.

Le dossier

[6] La Demande a été produite le 23 septembre 2016 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 22 mai 2019. Le 19 juillet 2019, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). L’Opposante a, par la suite, été autorisée à produire une déclaration d’opposition modifiée le 14 mai 2020, ainsi que le 19 octobre 2020.

[7] De nombreuses modifications à la Loi sont entrées en vigueur le 17 juin 2019. Conformément aux dispositions transitoires à l’article 70 de la Loi pour les demandes annoncées avant le 17 juin 2019, les motifs d’opposition seront évalués sur le fondement de la Loi dans sa version précédant immédiatement les modifications, à l’exception de la définition de confusion aux articles 6(2) à 6(4) de la Loi, qui sera appliquée dans sa version actuelle.

[8] La déclaration d’opposition modifiée soulève des motifs d’opposition fondés sur la non-conformité aux articles 30d) et 30i) de la Loi, l’enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)d), le droit à l’enregistrement en vertu des articles 16(2)a) et 16(2)b), et le caractère distinctif en vertu de l’article 2 de la Loi. Pour les motifs d’opposition fondés sur une probabilité de confusion alléguée, l’Opposante invoque principalement son enregistrement et son emploi de ses enregistrements HALOS, présentés ci-dessous :

Marque de commerce

No d’enregistrement

Date de production

Date d’enregistrement

LMC918961

13 juin 2013

30 octobre 2015

LMC918948

13 juin 2013

30 octobre 2015

LMC1052224

5 septembre 2014

3 septembre 2019

[9] La Requérante a produit une contre-déclaration réfutant les motifs d’opposition.

[10] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit les affidavits de Craig Cooper (souscrit le 17 mars 2020), Pam Sauve et Laura Rowe. Seul M. Cooper a été contre‑interrogé au sujet de son affidavit et la transcription a été versée au dossier. L’Opposante a par la suite demandé et a obtenu l’autorisation de produire une copie certifiée conforme de l’enregistrement no LMC918,961 pour ce que l’Opposante appelle [traduction] « la Marque HALOS Character ».

[11] À l’appui de la Demande, la Requérante a produit les affidavits de : Jane Buckingham, James Davenport, Kasia Donovan, Melissa Cheng, Richard Du et Samuel Duval. Seul M. Davenport a été contre-interrogé au sujet de son affidavit et la transcription a été versée au dossier.

[12] À titre de contre-preuve, l’Opposante a produit un deuxième affidavit de Craig Cooper. M. Cooper a aussi été contre-interrogé au sujet de cet affidavit et la transcription a été versée au dossier.

[13] Les deux parties ont produit des observations écrites et étaient représentées à l’audience.

Fardeau ultime et fardeau de preuve

[14] C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela signifie que si une conclusion déterminante ne peut être tirée en faveur de la Requérante après examen de tous les éléments de preuve, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst) à la p 298].

Questions préliminaires

L’admissibilité de la contre-preuve

[15] Dans sa preuve principale, l’Opposante a produit l’affidavit de Craig Cooper, vice-président principal, directeur des affaires juridiques et secrétaire de The Wonderful Company LLC et de sa filiale en propriété exclusive Wonderful Citrus LLC. M. Cooper a fourni un témoignage principal concernant la structure organisationnelle et d’entreprise de l’Oppposante et de ses sociétés liées. Il a également fourni des informations concernant les produits de marque HALOS, notamment des informations sur les ventes, l’emballage et les promotions.

[16] Dans le cadre de sa preuve principale, la Requérante a produit l’affidavit de Samuel Duval, ancien stagiaire de l’agent de la Requérante. M. Duval a témoigné de l’emballage d’un achat au Canada de mandarines de marque HALOS le 30 octobre 2020, qui arboraient la marque HALOS & Dessin et la marque avec dessin de personnage HALOS. Cet emballage a été présenté à M. Cooper lors de son premier interrogatoire.

[17] Au cours du contre-interrogatoire de M. Cooper sur son premier affidavit, il a été suggéré qu’il y avait des problèmes de licence ainsi que des erreurs sur certains emballages de produits qui ont été fournis comme preuves. Dans sa contre-preuve, M. Cooper a produit un contrat de licence écrit qui a été accordé par Wonderful Company à Wonderful Citrus Ventures comme Pièce A de son affidavit. Il a également expliqué les erreurs qui figuraient sur l’emballage joint comme Pièce B à l’affidavit Duval et ce que l’emballage aurait dû indiquer à la place.

[18] La Requérante prétend que les paragraphes 5 et 6 et 13 à 18 de l’affidavit en réponse de M. Cooper, ainsi que les parties de son contre-interrogatoire qui traitent de la manière dont les différentes entreprises « Wonderful » sont affiliées et fournissent des informations sur les produits de marque HALOS ne devraient pas être pris en considération par le registraire parce qu’il ne s’agit pas d’une contre-preuve adéquate. À cet égard, la Requérante fait valoir que cette preuve aurait dû être produite comme preuve principale de l’Opposante.

[19] L’article 54 du Règlement sur les marques de commerce DORS/2018-227 permet la production d’une contre-preuve. Le critère qui permet de déterminer si la preuve constitue une contre-preuve adéquate consiste à établir si la preuve produite par l’Opposante répond à la preuve de la Requérante et répond à des questions imprévues.

[20] J’estime que le deuxième affidavit de M. Cooper constitue une contre-preuve adéquate. À cet égard, je suis convaincue qu’il répond à des questions qui ne pouvaient raisonnablement être prévues ainsi qu’à des questions qui ont été soulevées lors du contre-interrogatoire, et en outre à la preuve présentée par le déposant de la Requérante, M. Duval. J’ajouterai que si je me trompe en concluant ainsi, cette conclusion n’aura aucun effet sur l’issue globale de cette affaire.

La Propriétaire exerce-t-elle un contrôle direct sur la nature et la qualité des Produits?

[21] Dans le cadre de sa preuve principale, la Requérante a produit l’affidavit de M. Davenport, directeur, secrétaire d’entreprise et directeur des opérations de la Requérante. Il est également un directeur et secrétaire d’entreprise pour Innocent UK, une filiale en propriété exclusive de la Requérante, qui est responsable de la distribution des Produits au Royaume-Uni, en Irlande et sur d’autres nouveaux marchés, y compris le Canada. Dans son affidavit, M. Davenport évoque, notamment, les activités de la Requérante, la relation entre la Requérante et Innocent UK, l’emploi de la Marque en liaison avec les Produits au Canada et à l’étranger, et la manière dont la Marque a été employée dans la promotion des Produits de la Requérante.

[22] L’Opposante fait valoir que si M. Davenport affirme qu’Innocent UK est responsable de la distribution des Produits au Royaume-Uni, en Irlande et sur d’autres marchés, y compris le Canada, l’affidavit est muet quant à l’entité qui est la source des Produits. L’Opposante fait également valoir que l’affidavit Davenport est muet quant au moment où la Requérante a fourni une autorisation à Innocent UK et/ou a exercé un contrôle sur la nature et la qualité des Produits vendus en liaison avec la Marque.

[23] En réponse aux observations de l’Opposante mentionnées ci-dessus, la Requérante fait valoir que le registraire a rejeté des arguments similaires avec des preuves similaires dans The Wonderful Company LLC et Fresh Trading Limited, 2023 COMC 8, une décision rendue en vertu de l’article 45, comme suit :

Emploi par la Propriétaire

[23] La Partie requérante observe que l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec les produits vendus par un distributeur ne constitue pas l’emploi de la marque de commerce par le distributeur, mais plutôt un emploi de la marque de commerce qui profite à l’entité à la source du produit, citant Manhattan Industries Inc c Princeton Mfg Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6, aux pp 16-17 (CF 1re inst) [Manhattan Industries] et Havana House Cigar & Tobacco Merchants Ltd c Skyway Cigar Store, 1998 CanLII 7773 (CF 1re inst), au para 60. Par conséquent, puisque la Propriétaire est une entreprise de portefeuille, la Partie requérante observe que tout emploi par Innocent UK ne profiterait pas à la Propriétaire, puisqu’elle n’est pas la source du produit.

[24] Cependant, je suis d’accord avec la Propriétaire que, compte tenu de la nature et de l’objectif de l’article 45 de la Loi, il est approprié de supposer qu’un propriétaire inscrit est la « source » des produits en question, à moins que la preuve n’indique le contraire, comme dans le cas d’un licencié [voir Marks & Clerk c Tritap Food Broker, 2017 COMC 35 et Gowling Lafleur Henderson LLP c Henry Company, LLC, 2017 COMC 51]. En l’espèce, M. Davenport indique clairement que la Propriétaire [traduction] « est responsable de surveiller l’emploi, le maintien, la gestion, la protection et le développement de toute propriété intellectuelle au sein du groupe d’entreprises Innocent à l’échelle mondiale ». De plus, M. Love indique que la Propriétaire, par ses filiales, [traduction] « gère et exerce un contrôle sur […] le développement, la mise en marché, la fabrication et la distribution des boissons de marque “innocent” », y compris les « Produits Innocent ».

[25] Par conséquent, puisque que les affidavits Davenport et Love attestent clairement de la manière dont la Propriétaire exerce un contrôle sur le caractère et la qualité de ses produits, et du moyen par lequel elle le fait, et je suis convaincu que tout emploi démontré de la Marque en liaison avec ces produits par Innocent UK et Innocent Group profiterait à la Propriétaire [voir Empresa Cubana Del Tobaco Trading c Shapiro Cohen, 2011 CF 102, au para 84].

[24] Je commencerai par noter que toute conclusion tirée par le registraire dans le cadre d’une procédure prévue à l’article 45 ne constitue pas une preuve d’emploi dans l’opposition en question. Chaque décision en matière d’opposition doit être tranchée par le registraire en fonction de son propre mérite en tenant compte de la preuve présentée dans l’affaire en particulier, laquelle peut différer de la preuve versée au dossier d’une affaire antérieure impliquant les mêmes parties [voir Purafil Canada Ltd c Purafil, Inc, 2012 COMC 105 au para 20; et Sunny Crunch Foods Ltd c Robin Hood Multifoods Inc (1982) 70 CPR (2d) 244 (COMC) à la p 249]. De plus, il n’y a aucune preuve de M. Love, le déposant dans la procédure prévue à l’article 45, en l’espèce.

[25] Cela dit, je suis convaincue que la preuve en l’espèce démontre que la Requérante exerce un contrôle sur la nature et la qualité de ses produits. À cet égard, M. Davenport déclare ce qui suit au paragraphe 4 de son affidavit :

[traduction]

Fresh Trading est l’entreprise portefeuille mère du groupe d’entreprises Innocent. Fresh Trading est propriétaire de tous les droits de propriété intellectuelle, y compris les marques de commerce, qui sont utilisés par les autres entités au sein du groupe d’entreprises Innocent à l’échelle mondiale. Fresh Trading est responsable de surveiller l’emploi, le maintien, la gestion, la protection et le développement de toute propriété intellectuelle au sein du groupe d’entreprises Innocent à l’échelle mondiale. Par ses filiales […] Fresh Trading gère et contrôle les activités suivantes menées par le groupe Innocent : le développement, la mise en marché, la fabrication et la distribution des boissons de marque « innocent », notamment des boissons fouettées aux fruits, des boissons sans produits laitiers, des jus de fruits, des « cocktails concentrés » de jus et de légumes, des boissons pétillantes « de bulles » aux fruits et à l’eau, des produits de fruits pour enfants et de l’eau de noix de coco aux consommateurs du monde entier.

[26] Comme j’estime que la déclaration ci-dessus atteste clairement de la manière dont la Propriétaire exerce un contrôle sur la nature et la qualité de ses produits, je suis convaincue que tout emploi démontré de la Marque en liaison avec ces produits par Innocent UK et Innocent Group profiterait à la Propriétaire.

Analyse des motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 30d)

[27] L’Opposante allègue que la Requérante n’a pas employé la Marque en Angleterre, comme il est revendiqué dans la demande, pour deux raisons :

1. Tout emploi de la Marque ne devrait pas profiter à la Requérante en raison d’ambiguïtés alléguées quant à la question de savoir si la source des Produits est la Requérante ou si elle a obtenu une licence de cette dernière.

2. L’affidavit Rowe, qui fournit la preuve que le site Web situé à l’adresse www.innocentdrinks.co.uk présente les Produits, ne contient pas d’éléments de preuve concernant les produits [traduction] « sauces aux fruits » et [traduction] « eau minérale ». Les seuls produits présentés sur le site Web étaient des boissons, notamment des boissons fouettées, des jus, de l’eau de coco, des bulles et des tubes de fruits.

[28] Bien qu’il incombe à la Requérante le fardeau ultime de démontrer que sa demande est conforme à l’article 30d) de la Loi, le fardeau de preuve initial incombe à l’Opposante en ce qui concerne ce motif [Joseph E Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC)]. Dans la mesure où le requérant a plus facilement accès aux faits, le fardeau de la preuve qui incombe à l’opposant à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’omission de respecter l’article 30d) est moins lourd [Tune Master c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. La date pertinente pour un motif d’opposition fondé sur l’article 30d) de la Loi est la date de production de la demande [voir Austin Nichols & Co, Inc v Cinnabon, Inc (2000), 5 CPR (4th) 565 (COMC)].

[29] À l’appui de son premier argument, l’Opposante invoque ce qu’elle qualifie [traduction] d’« incohérences » dans l’affidavit Davenport. À cet égard, M. Davenport déclare que la Propriétaire est l’entreprise portefeuille mère du groupe d’entreprises Innocent, qui comprend Innocent UK (« Innocent Group »). Alors que M. Davenport affirme qu’Innocent UK est responsable de la distribution des Produits au Royaume-Uni, en Irlande et sur d’autres marchés, y compris le Canada, l’affidavit Davenport est muet quant à l’entité qui est la source des Produits.

[30] L’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve en ce qui concerne son premier argument, car, comme indiqué ci-dessus aux paragraphes 24 à 27, la preuve de M. Davenport démontre clairement comment l’emploi de la Marque par Innocent UK a profité à la Requérante.

[31] En ce qui concerne la deuxième allégation de l’Opposante, celle-ci s’appuie sur les résultats de recherches Internet effectuées par Mme Laura Rowe, stagiaire au sein du cabinet de l’Opposante, le 17 mars 2020 et le 2 avril 2020. Mme Rowe a consulté le site Web situé au nom de domaine www.archive.org et a effectué des recherches à l’aide de la fonction de recherche WayBack Machine. À l’aide de la WayBack Machine, elle a recherché des copies archivées de la page Web située à l’adresse www.innocentdrinks.co.ul/things-we-make entre le début du mois d’août et la fin du mois d’octobre 2016. Elle a observé que les seuls produits présentés sur le site Web au cours de la période susmentionnée étaient des boissons, notamment [traduction] « boissons fouettées », [traduction] « jus », [traduction] « eau de coco », [traduction] « bulles » et [traduction] « tubes de fruits » [Affidavit Rowe, paragraphes 3 à 17 et Pièces B à K]. L’Opposante prétend que le fait que les produits [traduction] « eau minérale » et [traduction] « sauces aux fruits » ne figurent pas dans les copies archivées des pages Web est suffisant pour lui permettre de s’acquitter de son léger fardeau de preuve à l’égard de ce motif.

[32] La Requérante, en revanche, fait valoir que la preuve de l’Opposante constituée de captures d’écran archivées de boissons qui sont apparues sur le site Web de la Requérante d’août 2016 à octobre 2016 est insuffisante en soi pour déterminer si la Requérante avait ou non employé la Marque à l’égard de ces produits au Royaume-Uni à compter du 18 avril 2013. La Requérante fait également valoir que le libellé de l’article 30d) fait référence à une catégorie générale de produits et n’exige donc pas que l’emploi soit démontré à l’égard de chaque produit. À cet égard, elle souligne le libellé spécifique de l’article 30d) de la Loi qui se lit comme suit :

Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

d) dans le cas d’une marque de commerce qui est, dans un autre pays de l’Union, ou pour un autre pays de l’Union, l’objet, de la part du requérant ou de son prédécesseur en titre désigné, d’un enregistrement ou d’une demande d’enregistrement sur quoi le requérant fonde son droit à l’enregistrement, les détails de cette demande ou de cet enregistrement et, si la marque n’a été ni employée ni révélée au Canada, le nom d’un pays où le requérant ou son prédécesseur en titre désigné, le cas échéant, l’a employée en liaison avec chacune des catégories générales de produits ou services décrites dans la demande (non souligné dans l’original);

[33] Si je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau, la Requérante fait valoir ce qui suit :

1. La Pièce J de l’affidavit de Mme Rowe présente des jus de fruits et de l’eau de source en liaison avec la Marque. La Requérante prétend que ces produits sont suffisamment proches pour être considérés comme un type de produit minéral.

2. La Pièce O de l’affidavit de Mme Rowe présente la Marque en liaison avec une purée de fruits. La Requérante prétend que les définitions de purée et de sauce sont suffisamment proches pour que la preuve d’une purée de fruits puisse constituer l’emploi d’une sauce aux fruits.

[34] Je commencerai par dire qu’en toute déférence, je ne suis pas d’accord avec la Requérante sur le fait que la conformité à l’article 30d) n’exige pas que l’emploi soit démontré en liaison avec chaque produit. À cet égard, la demande ne vise pas des produits d’une catégorie générale, mais des produits spécifiques nommés individuellement. Je n’ai pas non plus connaissance d’une quelconque jurisprudence affirmant le contraire. En conséquence, je conclus que la conformité à l’article 30d), exige que l’emploi soit démontré à l’égard de chacun des produits ou services visés par la demande.

[35] Ensuite, bien que je comprenne que les produits énumérés sur le site Web de la Requérante entre août 2016 et octobre 2016 ne reflètent pas nécessairement tous les produits que la Requérante vendait pendant ses seize années d’emploi de la Marque au Royaume-Uni (Davenport, para 19), en examinant cette question, j’ai tenu compte des commentaires suivants de l’ancien membre Bradbury dans la décision Association médicale canadienne c Dr. C. Soldan GmbH, 2004 CanLII 71751 :

Je sais que l’énumération des marchandises dans le site Internet de la requérante, en date du 30 juillet 2002, n’indique pas nécessairement quelles étaient les marchandises vendues par elle en liaison avec sa marque allemande avant la production de la présente demande. Toutefois, il va sans dire qu’il n’est pas facile pour une tierce partie d’établir l’absence de ventes d’une requérante dans un pays étranger à n’importe quel moment, et à plus forte raison s’il faut remonter plusieurs années en arrière. Je crois donc que l’opposante s’est acquittée de sa légère charge de présentation. Il aurait été relativement facile pour la requérante de répondre en produisant des éléments de preuve établissant l’emploi de sa marque en Allemagne à la date pertinente en ce qui a trait aux marchandises contestées.

[36] En l’espèce, la Marque est clairement présente sur le site Web de la Requérante en liaison avec certains des Produits, mais pas avec tous. À mon avis, cette preuve est suffisante pour suggérer, à tout le moins, que les produits manquants n’étaient pas offerts par la Requérante à la date pertinente. Je suis donc convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve. La prochaine question à trancher est donc de savoir si l’eau de source de la Requérante peut être qualifiée d’eau minérale et si la purée de fruits de la Requérante peut être qualifiée de sauce aux fruits.

[37] En ce qui concerne l’eau minérale de la Requérante, la Pièce J de l’affidavit de Mme Rowe montre un produit appelé BUBBLES, qui est décrit dans la publicité comme [traduction] « un mélange légèrement pétillant de jus de fruits et d’eau de source ». Bien que l’eau de source soit un ingrédient du produit, l’Opposante fait valoir que cela ne signifie pas que la Marque est employée avec de l’eau de source ou de l’eau minérale elle-même [voir Ziaja Ltd c Jamieson Laboratories Ltd (2005), 50 CPR (4th) 237 (COMC) au para 10; McMillan LLP c Orange Brand Services Ltd, 2016 COMC 111 aux para 72 et 73]. Je suis d’accord. Par conséquent, je n’estime pas que la preuve de l’emploi de la Marque avec le mélange de jus de fruits et d’eau de source démontre l’emploi de la Marque avec de l’eau minérale.

[38] En ce qui concerne les sauces aux fruits, la Pièce O de l’affidavit de Mme Rowe montre la présentation de [traduction] « tubes de fruits » qui sont décrits dans l’annonce comme [traduction] « Pas de morceaux. Pas de déchets. Juste un tube rempli de purée de fruits purs pour garder vos tout-petits (et leurs boîtes à lunch) en bonne santé. » La Requérante fait valoir que les sauces et les purées sont des synonymes et que ses éléments de preuve démontrent l’emploi de la Marque avec une [traduction] « sauce aux fruits ». À l’appui de cette position, la Requérante note que le dictionnaire en ligne Merriam Webster (https://www.merriam-webster.com) fournit les définitions suivantes :

“sauce” - … “stewed fruit eaten with other food or as a dessert”; “Sauce”.

“puree” - …“a paste or thick liquid suspension usually made from cooked food ground finely”; “Puree”.

[traduction]

« sauce » - […] « compote de fruits consommée avec d’autres aliments ou comme dessert »; « Sauce ».

« puree » - […] « une pâte ou une suspension liquide épaisse généralement faite à partir d’aliments cuits finement hachés »; « Purée ».

[39] Ces définitions me permettent de conclure qu’une interprétation raisonnable des produits [traduction] « sauce aux fruits » engloberait un produit de purée de fruits. Par exemple, à mon avis, la sauce aux pommes pourrait être raisonnablement considérée comme un synonyme de purée de pommes et vice versa.

[40] Compte tenu de ce qui précède, comme la Requérante n’a pas démontré l’emploi de la Marque à la date pertinente en liaison avec de l’eau minérale, ce motif d’opposition est accueilli en ce qui concerne l’eau minérale uniquement.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[41] L’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable puisque, en contravention à l’article 12(1)d) de la Loi, la Marque crée de la confusion avec les enregistrements HALOS de l’Opposante.

[42] La date pertinente pour examiner ce motif d’opposition est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[43] J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire pour consulter le registre et confirmer que ces enregistrements existent toujours [Quaker Oats Co Ltd of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial en ce qui concerne ce motif d’opposition. Par conséquent, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre la Marque et l’une quelconque des marques de commerce enregistrées de l’Opposante.

[44] Sauf indication contraire, je me concentrerai sur l’enregistrement no LMC918961 de l’Opposante pour la marque HALOS Character Dessin de l’Opposante, car, à mon avis, elle représente le meilleur argument de l’Opposante. Les produits liés à cet enregistrement sont [traduction] « agrumes frais; fruits frais ».

Test en matière de confusion

[45] Deux marques de commerce seront considérées comme créant de la confusion lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou dans la même classe de la classification de Nice [article 6(2) de la Loi]. Ainsi, le test en matière de confusion ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais plutôt la confusion portant à croire que les produits et les services liés à chacune des marques de commerce des parties proviennent de la même source. Lorsqu’il est probable que les produits de la Requérante proviennent de l’Opposante ou sont approuvés, autorisés ou appuyés par l’Opposante, il s’ensuit que les marques de commerce créent de la confusion [Glen-Warren Productions Ltd c Gertex Hosiery Ltd (1990), 29 CPR (3d) 7 (CF 1re inst)].

[46] Le test doit être appliqué comme une question de la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé à la vue de la marque de commerce du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce de l’opposant et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques de commerce [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23]. Il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles établies aux articles 6(5)a) à e) de la Loi, mais ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à chacun des facteurs selon le contexte [Mattel USA Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22]. Je cite également Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 où la Cour suprême du Canada déclare, au para 49, que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques de commerce, est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

Article 6(5)a) – caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[47] Les marques des deux parties sont des dessins uniques et possèdent donc un certain degré de caractère distinctif inhérent. Toutefois, la preuve de l’Opposante elle-même indique que la marque HALOS Character Dessin [traduction] « a été créée pour représenter une mandarine avec un visage et une auréole dessus ». En d’autres termes, un élément clé de la Marque HALOS Dessin Character représente le produit véritable qu’elle vise à vendre – les mandarines. Ainsi, bien que la Marque HALOS Dessin Character soit un dessin unique, ce dessin est assez suggestif des produits qui y sont liés.

[48] La Marque, en revanche, n’est pas suggestive ni descriptive des Produits. J’estime donc que la Marque possède un caractère distinctif inhérent plus fort que la marque de l’Opposante.

[49] L’article 6(5)a) prend également en considération la mesure dans laquelle une marque est connue, ce que l’on appelle souvent le caractère distinctif acquis. Par sa promotion ou son emploi, la force d’une marque peut être accrue.

[50] En l’espèce, M. Cooper déclare que les entreprises du groupe d’entreprises Wonderful ont vendu des mandarines en liaison avec la marque de commerce HALOS, y compris la marque HALOS & Dessin et la marque HALOS Character Dessin à des clients au Canada depuis au moins aussi tôt que novembre 2013. Bien que la preuve des ventes des produits de l’Opposante vendus en liaison avec l’une de ces marques ne soit pas disponible avant 2016, M. Cooper déclare que depuis le début de 2016, l’Opposante a vendu plus de 7,3 millions de caisses au Canada.

[51] En outre, en plus d’être vendus dans des sacs, les produits de marque HALOS sont contenus dans des boîtes qui affichent également bien en vue la marque HALOS & Dessin. M. Cooper explique que l’emballage montré dans les images ci-dessous est représentatif de la manière dont la marque HALOS & Dessin, y compris la marque HALOS Character Dessin, a été présentée en liaison avec tous les produits de marque HALOS vendus par l’Opposante depuis au moins aussi tôt que novembre 2013.

M. Cooper a également confirmé lors du contre-interrogatoire que la marque HALOS Character Dessin n’est apparue seule que dans divers documents destinés aux points de vente entre le 1er janvier 2016 et le 17 mars 2020, pour lesquels le montant dépensé était [traduction] « supérieur à 175 000 $ » [contre-interrogatoire de M. Cooper, Q 61 à 63]. Par conséquent, bien que l’Opposante ait démontré que sa marque HALOS & Dessin est connue dans une mesure considérable au Canada, la mesure dans laquelle la marque HALOS Character Dessin est connue, en elle-même, n’est pas aussi importante.

[52] En ce qui concerne la preuve de l’emploi de la Marque de la Requérante et de la mesure dans laquelle elle est connue, l’Opposante souligne les incohérences suivantes dans l’affidavit Davenport relativement à l’emploi de la Marque au Canada :

· Bien que M. Davenport fournisse au paragraphe 20 de son affidavit des chiffres de vente des Produits [traduction] « dans le monde entier » de 2011 à 2020, son affidavit est muet quant à l’endroit où ces ventes ont eu lieu et/ou aux produits qui ont été vendus.

· Bien que M. Davenport déclare aux paragraphes 22 à 24 de son affidavit que les Produits ont été vendus dans la pratique normale du commerce par des distributeurs tiers, y compris, mais sans s’y limiter, par l’intermédiaire de détaillants en ligne tels qu’Amazon.ca, il ne fournit pas de détails comme le moment où ces ventes ont eu lieu ou l’étendue de ces ventes.

· Bien que les captures d’écran d’Amazon.ca soient censées être représentatives de la manière dont les Produits ont été mis en vente et continuent de l’être au Canada, lors du contre-interrogatoire, M. Davenport a reconnu qu’il n’avait pas personnellement pris les captures d’écran, qu’il n’avait pas visité le site Amazon.ca lors de la signature de son affidavit pour s’assurer que les captures d’écran étaient exactes et qu’il n’était jamais allé sur le site Web Amazon.ca et qu’il ne pouvait donc pas confirmer les informations qui sont généralement disponibles sur ce site Web.

· Bien que M. Davenport déclare que les Produits de la Requérante ont été vendus et continuent d’être vendus dans un café d’Edmonton, en Alberta, et qu’il fournisse comme Pièce O des [traduction] « des photos du produit de bulles innocent mis en vente au Canada », il a admis lors du contre-interrogatoire qu’il ne savait pas de quel café il était question, qu’il n’avait pas pris la photo présentée à la Pièce O et qu’il ne savait pas qui l’avait fait.

· Bien que M. Davenport produise des preuves sur la façon dont la marque est présentée sur les pages des médias sociaux pour promouvoir les produits, il n’y a aucune preuve quant à la durée pendant laquelle elle a été présentée sur l’une ou l’autre des pages des médias sociaux, et à part l’information de son équipe des médias sociaux selon laquelle plus de 2 500 abonnés se trouvent au Canada, il n’y a aucune preuve concernant l’exposition de ces pages des médias sociaux aux Canadiens ou autrement.

[53] Je suis d’accord avec l’Opposante pour dire qu’une grande partie de la preuve présentée par M. Davenport concernant la mesure dans laquelle la marque est connue au Canada en liaison avec les Produits de la Requérante est soit du ouï-dire, soit insuffisante pour démontrer que la Marque est devenue connue au Canada dans une mesure significative.

[54] Par conséquent, dans l’ensemble, compte tenu du caractère distinctif acquis et inhérent des marques, je ne conclus pas que ce facteur favorise l’une ou l’autre des parties.

Article 6(5)b) – période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[55] La Requérante admet que ce facteur favorise l’Opposante, car la marque HALOS Character Dessin est employée au Canada depuis 2013.

Article 6(5)c) et d) – genre de produits, services ou entreprises; et nature du commerce

[56] En ce qui concerne la nature des produits et les voies de commercialisation, l’Opposante présente les observations suivantes aux paragraphes 83 et 84 de ses observations écrites (les « Produits restants » faisant référence aux Produits tels qu’ils ont été modifiés) :

[traduction]

83. Les Produits restants énumérés dans la Demande se chevauchent et/ou sont étroitement liés aux agrumes frais et aux fruits frais de l’Opposante vendus en liaison avec la Marque Halos Character et les Marques HALOS Dessin, en particulier les produits sauce aux fruits et boissons aux fruits.

84. Étant donné que les produits sont étroitement liés, il est raisonnable d’inférer qu’il y a également un chevauchement des voies de commercialisation. En effet, les preuves dans cette affaire démontrent que les Produits Innocent et les Produits de Marque HALOS sont vendus à des grossistes, à des détaillants, à des distributeurs et à des épiceries qui vendent les produits au public.

[57] La Requérante, en revanche, fait valoir que, bien que les produits des deux parties soient des produits alimentaires, ils sont intrinsèquement différents et ne se chevauchent pas. À cet égard, la Requérante fait valoir que la Marque est visée par la demande en liaison avec les produits [traduction] « sauces aux fruits » de la classe 30 et les produits [traduction] « boissons non alcoolisées aromatisées aux fruits, boissons aux fruits, jus de fruits, eau minérale, boissons gazeuses non alcoolisées » de la classe 32, alors que les Marques Halos Dessin sont enregistrées à l’égard des produits [traduction] « fruits frais » et [traduction] « agrumes frais » de la classe 31. S’appuyant sur la décision rendue dans l’affaire Edelweiss Food Products Inc c World’s Finest Chocolate Canada Ltd, 2000 CanLII 28672 (COMC), la Requérante fait également valoir que, comme les produits sont intrinsèquement différents, ils seraient vendus dans des rayons complètement différents de l’épicerie.

[58] Je commencerai par noter que le fait que les produits des parties soient regroupés dans différentes classes de la classification de Nice n’est pas déterminant. À cet égard, la Loi exclut expressément la classification de Nice de l’analyse de la confusion prévue à l’article 6(2) de la Loi, [Stryker Corporation c Aphria Inc., 2023 COMC 193]. De plus, la présente affaire peut être distinguée de la décision rendue dans l’affaire Edelweiss Food Products, car les produits en l’espèce ne sont pas aussi différents que le chocolat et les produits de viande dans cette affaire.

[59] Cela dit, bien que les produits en l’espèce ne soient pas nécessairement intrinsèquement différents, j’estime qu’il existe des différences entre les fruits frais de l’Opposante et les boissons non alcoolisées aromatisées aux fruits, les boissons aux fruits, les jus de fruits, l’eau minérale, les boissons gazeuses non alcoolisées et les sauces aux fruits de la Requérante. À cet égard, les boissons et les sauces aux fruits sont des produits transformés, alors que les fruits frais ne le sont pas. Cela dit, j’estime quand même que les produits des parties sont liés dans la mesure où ils comprennent des fruits, des arômes de fruits ou des ingrédients à base de fruits.

[60] En ce qui concerne les voies de commercialisation des parties, l’agent de l’Opposante a déclaré à l’audience qu’il n’y a aucune preuve que les produits seraient vendus dans des rayons complètement différents de l’épicerie. Je suis d’accord. Cela dit, je suis disposée à prendre connaissance d’office du fait que, dans une épicerie typique, les fruits frais ne se trouvent pas dans le même rayon que les boissons transformées aromatisées aux fruits et autres boissons.

[61] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que, dans l’ensemble, ce facteur favorise l’Opposante.

Article 6(5)e) – degré de ressemblance entre les marques de commerce

[62] Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce en question est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [Masterpiece, précité, au para 49]. On doit considérer le degré de ressemblance entre les marques dans leur présentation, leur son et les idées qu’elles suggèrent. Cependant, il faut éviter de placer les marques de commerce côte à côte dans le but de les examiner attentivement et d’en relever les similitudes ou les différences; chaque marque de commerce doit être considérée dans son ensemble [Veuve Clicquot, précité].

[63] En l’espèce, la similitude dans la présentation entre les marques des parties découle du fait que les marques des deux parties présentent une auréole au-dessus d’un cercle dessiné avec précision ou de manière imparfaite. Néanmoins, lorsque les marques des parties sont considérées comme un tout et de la première impression pour un consommateur plutôt pressé, l’impression visuelle globale des marques est plus différente que semblable. L’élément frappant de la marque de l’Opposante est la marque dans son ensemble, qui est composée d’une mandarine tridimensionnelle avec un visage heureux et une auréole qui a été intentionnellement conçue pour [traduction] « représenter une mandarine » La Marque, quant à elle, ne ressemble même pas à un visage puisqu’elle n’est pas ronde comme une tête et qu’elle ne contient pas de nez ni de bouche.

[64] De plus, il n’y a pas de similitude entre les marques des parties lorsqu’elles sont prononcées. Enfin, en ce qui a trait à l’idée suggérée, comme question de première impression pour un consommateur plutôt pressé, la marque de commerce enregistrée de l’Opposante suggère un personnage de mandarine joyeux, La Marque ne suggère en aucune façon une mandarine.

Circonstance de l’espèce– emploi véritable de la Marque

[65] L’Opposante fait également valoir que les similitudes entre les marques des parties sont encore plus marquées lorsque l’on considère la manière dont la Requérante est censée employer la Marque. À cet égard, l’Opposante note que la Requérante modifie son dessin pour y faire figurer différents fruits, dont une orange, comme montré ci-dessous.

[66] Vous trouverez ci-dessous une image de la Marque en liaison avec une image claire d’une pomme et de framboises :

[67] À mon avis, le degré de ressemblance entre les marques serait faible même si la Marque est présentée en liaison avec une image claire d’un fruit tel qu’une orange, comme illustré ci-dessus, ou une pomme avec des framboises. À cet égard, j’estime que cette présentation de la Marque différencierait davantage la Marque de la marque de l’Opposante, car le consommateur verrait le fruit montré avec la Marque comme représentant la saveur du produit plutôt que comme faisant partie de la marque de commerce elle-même.

[68] Par conséquent, je n’estime pas que cette circonstance de l’espèce aide l’Opposante.

Preuve de l’état du registre et de l’état du marché

[69] La Requérante a produit la preuve de l’état du registre et de l’état du marché afin d’établir que les marques de commerce comportant un élément HALO ou ANGEL, un dessin de visage, ou un dessin de personnage de fruit, sont soit inscrites au registre, soit employées en liaison avec des produits relevant des classes 29 à 32. La Requérante fait valoir que ses éléments de preuve démontrent que les marques comportant des personnages de fruits sont assez courantes, de sorte que la Marque HALOS Character doit se voir accorder une protection très limitée.

[70] La preuve de l’état du registre favorise un requérant lorsqu’il peut être démontré que la présence d’un élément commun dans les marques inciterait les consommateurs à porter une plus grande attention aux autres caractéristiques de ces marques et à les distinguer les unes des autres au moyen de ces autres caractéristiques, réduisant ainsi la probabilité de confusion [McDowell c Laverana GmbH & Co KG, 2017 CF 327, au para 42 (McDowell)]. Parmi les marques de commerce pertinentes, on compte celles qui : (i) sont déposées ou autorisées et fondées sur l’emploi; (ii) celles qui concernent des produits et services similaires à ceux des marques de commerce en cause; et (iii) celles qui incluent l’élément en question en tant qu’élément important [Sobeys West Inc c Schwan’s IP, LLC, 2015 COMC 197, conf par 2017 CF 38].

[71] Lorsqu’un grand nombre de marques de commerce pertinentes sont trouvées dans le registre, on peut conclure à tout le moins à un certain emploi de l’élément commun [voir, par exemple, Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd, 1992 CanLii 14792 (CAF)]. Lorsque le nombre de marques de commerce pertinentes cernées n’est pas grand, la preuve d’un tel emploi doit être fournie [voir McDowell, précité et Canada Bread Company, Limited c Dr Smood APS, 2019 CF 306].

[72] En l’espèce, la Requérante a produit la preuve de l’état du registre par le biais de l’affidavit de Mme Jane Buckingham, recherchiste en marques de commerce auprès de la Requérante. Elle a été chargée par un avocat de l’agent de la Requérante d’effectuer une recherche dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes afin de retrouver les détails de toutes les demandes et de tous les enregistrements de marques actifs dans les classes internationales 29 à 32 pour les marques suivantes :

· les marques qui comprennent les mots HALO et/ou HALOS;

· les marques qui comprennent les mots ANGEL et/ou ANGELS;

· les marques classées selon le code de conception 26.1.25 (cercles ou ellipses représentant une auréole).

La Requérante fait valoir qu’il existe de nombreuses marques HALO et ANGEL inscrites au registre pour emploi avec des produits des classes 29 à 32, dont quelques-unes sont mentionnées ci-dessous :

Marque

No d’enregistr.

Produits

Propriétaire

LMC1081179

Herbes, légumes et fruits frais; salades de fruits et de légumes […]

TruLeaf Sustainable Agriculture Limited

LMC971518 (Annulée le 2023-04-25)

Boissons non alcoolisées aromatisées aux fruits; jus de fruits; eaux minérales; boissons au yogourt; boissons aux fruits; boissons gazeuses non alcoolisées; sirops et poudres pour faire des boissons; bières

Fresh Trading Limited

LMC792561

Friandises au chocolat

Mars Canada Inc.

[73] La Requérante a également tenté de présenter d’autres preuves de l’état du registre de diverses marques de dessins de visage enregistrées en liaison avec des fruits par le biais de ses observations écrites au paragraphe 74. Comme l’a fait remarquer l’agent de l’Opposante à l’audience, la preuve de l’état du registre ne peut toutefois pas être prise en considération lorsqu’elle est produite par le biais d’observations écrites et sans la production de copies certifiées conformes des enregistrements ou, à tout le moins, d’un affidavit mentionnant les détails des enregistrements pertinents [John Labatt Ltd/John Labatt Ltee c WCW Western Canada Water Enterprises Inc (1991), 39 CPR (3d) 442 (COMC)]. Je ne tiendrai donc pas compte de la preuve de l’état du registre présentée par le biais des observations écrites de la Requérante.

[74] La preuve de l’état du marché a été produite par la Requérante au moyen de l’Affidavit Donovan, de l’Affidavit Cheng et de l’Affidavit Du, qui ont chacun présenté des preuves de produits alimentaires/de boissons comportant des personnages de fruits animés. Dans ses observations écrites, la Requérante a demandé que le registraire prenne note des preuves suivantes de l’emploi de marques comportant des personnages de fruits en liaison avec des mandarines fraîches et des agrumes frais au Canada :

· Mme Melissa Chang, une stagiaire de l’agent de la Requérante, a acheté les mandarines RASCALS et les clémentines COPAG DELIGHT dans une épicerie McEwan Fine Foods à North York (Ontario), le 20 janvier 2021.

· M. Richard Du, un stagiaire en droit employé par l’agent de la Requérante, a acheté les oranges OUTSPAN GEMS dans un magasin Whole Foods Market à Toronto (Ontario), le 15 juillet 2020. En effectuant une recherche Google sur les oranges et les clémentines, il a également trouvé un produit appelé CLEM'N’TINA'S qui représentait des oranges animées. Une capture d’écran du site Web présentant ce produit a été prise le 3 août 2020.

· Mme Kasia Donovan, une stagiaire d’été employée par l’agent de la Requérante, a effectué une recherche sur Google le 4 août 2020 en utilisant les mots clés [traduction] « animé », [traduction] « fruit », [traduction] « collations » et a trouvé la page Web https://cutiescitrus.com/about/ qui indique que les mandarines CUTIES ne sont disponibles à l’achat au Canada chez Walmart qu’entre novembre et avril. C’est pourquoi elle n’a pas pu trouver ce produit lorsqu’elle a mené son enquête dans diverses épiceries à Uxbridge (Ontario) et à London (Ontario) en juillet 2020.

[75] La Requérante a également produit des éléments de preuve démontrant que d’autres marques comportant des personnages de fruits sont employées en liaison avec d’autres fruits et légumes frais.

[76] Dans l’ensemble, la Requérante fait valoir que ses éléments de preuve démontrent qu’il existe [traduction] « une pléthore de marques représentant des personnages de fruits animés, des anges et des auréoles, en liaison avec des fruits et des produits alimentaires, tant sur le registre des marques de commerce que sur le marché canadien ». L’Opposante, en revanche, fait valoir que les demandes et les enregistrements trouvés dans les recherches de la Requérante ne sont pas pertinents pour l’analyse de la confusion parce que les demandes ou les enregistrements trouvés dans les recherches : ont été abandonnés ou sont autrement inactifs, se rapportent à des marques de commerce qui ne ressemblent à aucune des marques de commerce en question, et/ou visent des produits ou des services non apparentés. L’Opposante ajoute également que la preuve de l’état du marché présentée par la Requérante ne concernait aucune des marques faisant l’objet des demandes ou des enregistrements cernés dans les recherches de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC).

[77] Je suis d’accord avec l’Opposante pour dire que la preuve de l’état du registre présentée par la Requérante, en soi, n’aide pas la Requérante. À cet égard, les recherches effectuées dans le registre n’ont révélé que des marques de commerce comprenant les mots ANGEL, HALOS et/ou le dessin d’une auréole, et non des dessins de visage ou de personnage qui sont les éléments dominants communs aux marques des parties.

[78] Toutefois, il existe également des preuves d’au moins trois utilisations par des tiers de marques comportant des dessins de visage ou de personnage en liaison avec des agrumes sur le marché canadien. En outre, si l’on met de côté le fait que la présentation des marques de commerce sur des sites Web ne constitue pas en soi une preuve que les Canadiens connaissent ces marques de commerce dans une quelconque mesure significative [Symantec Corporation et Veritas Technologies LLC c Det Norske Veritas AS, 2021 COMC 143 au para 24], il y a également des preuves de l’existence de deux autres marques comportant des dessins de visage ou de personnage utilisés en liaison avec des agrumes. Bien que je sois d’accord avec la Requérante pour dire que, dans l’ensemble, sa preuve suggère que les consommateurs sont quelque peu habitués à voir des dessins de visage ou de personnage dans les commerces connexes et peuvent donc prêter plus d’attention aux autres éléments de ces marques, la preuve de la Requérante n’arrive pas à établir que les acheteurs de produits de fruits frais ou transformés au Canada sont habitués à distinguer des marques de commerce comprenant à la fois un dessin de personnage et un dessin d’une auréole. Par conséquent, je n’estime pas que ce facteur favorise la Requérante dans une quelconque mesure utile.

Conclusion – analyse de la confusion

[79] Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la Marque en liaison avec les Produits, lorsqu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce HALOS Character Dessin de l’Opposante, et ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [Veuve Clicquot, précité, au para 20].

[80] Bien que l’Opposante ait établi que sa marque de commerce HALOS & Dessin est connue dans une large mesure au Canada, que sa marque HALOS Character Dessin, seule, est connue dans une certaine mesure, et que les produits des parties sont liés et que leurs voies de commercialisation pourraient se chevaucher, la marque HALOS Character Dessin de l’Opposante est une marque intrinsèquement faible. En outre, j’estime que les marques des parties sont plus différentes que semblables. Je conclus donc que la prépondérance des probabilités entre la conclusion qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion et celle qu’il y a une probabilité raisonnable de confusion est légèrement en faveur de la Requérante. Ce motif est donc rejeté.

Motifs d’opposition fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement et le caractère distinctif

[81] La preuve de l’Opposante décrite aux paragraphes 51 et 52 de la présente décision est suffisante pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau de preuve. Bien que je reconnaisse que la preuve de l’état du marché ne serait pas prise en compte (parce qu’elle est postérieure aux dates pertinentes pour l’absence de droit à l’enregistrement et le caractère distinctif), j’estime malgré tout que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime puisque les consommateurs seraient en mesure de distinguer la Marque et la faible marque de commerce de l’Opposante en raison des différences dans les marques de commerce des parties dans la présentation, le son et les idées suggérées.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[82] L’Opposante n’a produit aucune preuve et n’a présenté aucune observation concernant ce motif. En conséquence, ce motif est rejeté.


Décision

[83] Compte tenu de ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement en ce qui a trait au produit [traduction] « eau minérale » et je rejette l’opposition en ce qui a trait au reste des produits en vertu de l’article 38(12) de la Loi.

_______________________________

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

Manon Duchesne Osborne

Cassandre Choquette Sauvageau


COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

DATE DE L’AUDIENCE : 2023-11-02

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Stikeman Elliott

Pour la Requérante : Gowling WLG

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Kevin Kelly

Pour la Requérante : Nathan Piche

 

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