Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 018

Date de la décision : 2024-01-31
[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]


DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : Borden Ladner Gervais LLP

Propriétaire inscrite : G.E.O. Products Ltd.

Enregistrement : LMC790,845 pour Green Earth Organics

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC790,845 pour la marque de commerce Green Earth Organics (la Marque), appartenant actuellement à G.E.O. Products Ltd. (la Propriétaire).

[2] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être modifié afin de supprimer les produits visés par l’enregistrement.

Le dossier

[3] À la demande de Borden Ladner Gervais LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi le 15 février 2023 à la Propriétaire. L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des produits et services spécifiés dans l’enregistrement, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 15 février 2020 au 15 février 2023.

[4] La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits et services suivants :

[traduction]

PRODUITS

Fruits frais et légumes frais biologiques.

SERVICES

Vente au détail, distribution et livraison de produits d’épicerie biologiques.

[5] Les définitions pertinentes d’« emploi » sont énoncées à l’article 4 de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[6] Il est généralement admis que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de la présente procédure est peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)], et qu’il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)]. Toutefois, il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et services spécifiés dans l’enregistrement pendant la période pertinente.

[7] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Daniel Henry, l’unique administrateur et directeur de la Propriétaire, souscrit le 15 mai 2023. Les deux parties ont présenté des observations écrites; aucune audience n’a été tenue.

La preuve

[8] M. Henry explique que la Propriétaire se consacre à la vente des fruits et légumes biologiques ainsi qu’à la vente, à la distribution et à la livraison de produits d’épicerie biologiques en liaison avec la Marque depuis 1998. Ces produits sont vendus dans des paniers arborant la Marque sur le côté et livrés aux clients. Ces clients reçoivent également une facture portant la mention « GREEN EARTH ORGANICS » en haut à gauche; comme Pièce B, M. Henry joint une telle facture pour un panier qu’il a livré à un client au début de l’année 2021. Les mots « Green Earth Organics » figurent que dans le coin supérieur gauche de la facture avec une adresse à Vancouver; cependant, les informations et l’adresse du client sont caviardées sur la facture. Je note que M. Henry ne déclare pas spécifiquement que cette vente, ou toute autre vente ou livraison effectuée par la Propriétaire pendant la période pertinente, a eu lieu au Canada.

[9] Comme Pièce C, M. Henry joint des captures d’écran de la page Web organiclifestyle.com/toronto/organic-home-delivery-toronto, qui, selon lui, était [traduction] « accessible aux personnes du monde entier au cours des trois dernières années ». Intitulée « About Green Earth Organics », M. Henry explique que cette page décrit les produits et le service de livraison de la Propriétaire et permet aux clients de commander des fruits et légumes biologiques par l’entremise du site Web Je note que le site Web fournit un numéro de téléphone de Toronto et de Vancouver à composer pour obtenir des renseignements sur les produits.

Analyse

[10] La Partie requérante fait valoir que la preuve de la Propriétaire ne démontre pas l’emploi de la Marque en liaison avec les produits et services visés par l’enregistrement dans la pratique normale du commerce. En outre, la Partie requérante fait valoir que la preuve n’établit pas que la Marque figurait sur le panier mentionné dans la facture de la Pièce B, et que le site Web de la Pièce C n’établit pas l’emploi de la Marque en liaison avec les services visés par l’enregistrement parce que son contenu constitue du ouï-dire et parce que M. Henry ne démontre pas que le site Web a été consulté par des Canadiens au cours de la période pertinente. Chaque observation sera examinée à tour de rôle.

[11] En ce qui concerne les produits visés par l’enregistrement, je suis d’accord avec la Propriétaire pour dire que M. Henry a fourni un contexte suffisant pour établir que la vente reflétée dans la facture a été effectuée dans pratique normale du commerce de la Propriétaire, et je note que M. Henry confirme explicitement au paragraphe 15 de son affidavit que le panier vendu aurait arboré la Marque. Toutefois, comme l’a fait remarquer la Partie requérante, M. Henry ne confirme pas que la vente a eu lieu au Canada. Les seules références au Canada dans la preuve sont l’adresse de la Propriétaire à Vancouver dans la facture de la Pièce B, les références à Toronto dans l’URL des captures d’écran présentées dans la Pièce C, et les numéros de téléphone de Toronto et de Vancouver indiqués dans ces captures d’écran. Bien que ces documents suggèrent que la Propriétaire est établie au Canada et qu’elle offrait ses produits à la vente au Canada, il est bien établi [traduction] qu’« offrir en vente » n’est pas la même chose que [traduction] « vendre » [voir Michaels & Associates c WL Smith & Associates Ltd (2006), 51 CPR (4th) 303 (COMC)] et que l’annonce à elle seule est insuffisante pour démontrer l’emploi d’une marque de commerce conformément à l’article 4(1) de la Loi [voir Riches, McKenzie & Herbert LLP c Cleaner’s Supply Inc, 2012 COMC 211].

[12] La Cour fédérale a conclu que le registraire doit pouvoir [traduction] « se fonder sur une inférence tirée de faits établis plutôt que sur de la spéculation » pour assurer que chaque élément qu’exige la Loi est satisfait [Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184 au para 11; voir aussi Smart & Biggar c Curb, 2009 CF 47]. En l’espèce, bien que j’accepte que la facture de la Pièce B reflète une vente des produits visés par l’enregistrement dans la pratique normale du commerce pendant la période pertinente, il n’y a aucun élément de preuve qui me permette de conclure que cette vente a eu lieu au Canada. En effet, dans la décision Trademark Factory International Inc c Steven Scott Hanft, 2018 COMC 48, citée par la Propriétaire à l’appui de sa prétention selon laquelle les ventes présentées en preuve ont été effectuées dans la pratique normale du commerce, la Commission a noté que [traduction] « la preuve doit clairement indiquer que des transferts ont eu lieu au Canada, car dans le cas présent, il se pourrait que le consommateur canadien ait acheté les produits du Propriétaire aux États-Unis » [para 18, souligné dans l’original]. En l’espèce, si la Propriétaire, établie en Colombie-Britannique, est en mesure de proposer ses produits à la vente à Toronto, rien ne suggère qu’elle ne pourrait pas également faire des affaires aux États-Unis, même en tenant compte de la déclaration de M. Henry selon laquelle il a personnellement livré le panier. En l’absence de faits confirmant que le seul transfert des produits en preuve a eu lieu au Canada, je ne suis pas prêt à conclure que la Propriétaire a démontré que la Marque a été employée au sens de l’article 4(1) de la Loi. De même, les renseignements dont je dispose sont insuffisants pour me permettre de conclure que la Marque était apposée au Canada sur les produits ou sur leur emballage lors de l’exportation, conformément à l’article 4(3). Comme la Propriétaire n’a invoqué aucune circonstance spéciale qui justifierait le défaut d’emploi, l’enregistrement sera modifié en conséquence.

[13] En ce qui concerne les services visés par l’enregistrement, contrairement aux exigences de l’article 4(1), la présentation d’une marque de commerce dans l’annonce des services est suffisante pour satisfaire aux exigences de l’article 4(2) de la Loi, du moment que le propriétaire de la marque de commerce est prêt et en mesure d’exécuter les services au Canada [Wenward (Canada) Ltd c Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)]. Bien que la facture de la Pièce B ne démontre pas que la Propriétaire a exécuté ses services au Canada pendant la période pertinente, j’accepte que ce transfert, lu en conjonction avec l’URL de la page Web de la Pièce C faisant référence à la livraison à domicile à Toronto et les numéros de téléphone canadiens indiqués sur cette page, démontre que la Propriétaire était prête à exécuter ses services au Canada, et en mesure de le faire.

[14] Bien que la Partie requérante prétende que la référence de M. Henry selon laquelle le site Web était accessible [traduction] « au cours des trois dernières années » peut faire référence à trois ans à compter de la date à laquelle l’affidavit a été souscrit (c’est-à-dire le 15 mai 2023, trois mois après la fin de la période pertinente), par opposition à la période pertinente de trois ans, j’accepte néanmoins que les captures d’écran reflètent la façon dont le site Web se serait présenté pendant au moins la majorité de la période pertinente. En ce qui concerne les observations de la Partie requérante sur le fait que le contenu de cette page constitue du ouï-dire, il est bien établi que, compte tenu de la nature sommaire de la procédure prévue à l’article 45, « [t]oute préoccupation quant au fait que sa preuve constitue du ouï-dire devrait être dirigée vers le poids de celle-ci, plutôt que son admissibilité » [Eva Gabor International Ltd c 1459243 Ontario Inc, 2011 CF 18 au para 18].

[15] Bien que je sois d’avis avec la Partie requérante que M. Henry n’a pas clairement expliqué la relation entre le site Web présenté dans la Pièce C et la Propriétaire, j’accepte néanmoins que les pages Web constituent une annonce des services de vente au détail de la Propriétaire en liaison avec la Marque, compte tenu de la déclaration sous serment de M. Henry selon laquelle la page est [traduction] « entièrement consacrée à la Propriétaire inscrite et à ses produits ». En ce qui concerne l’annonce, je note que les documents arborant la marque de commerce doivent être [traduction] « distribués à » ou accédés par les clients potentiels afin de constituer une annonce [Cornerstone Securities Canada Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) (1994), 58 CPR (3d) 417 (CF 1re inst)]. Ainsi, pour que les pages Web produites en pièce constituent une annonce des services visés par l’enregistrement, il doit exister une base permettant d’inférer que des Canadiens ont accédé à ces pages Web pendant la période pertinente [voir, par exemple, Ridout & Maybee c Residential Income Fund LP, 2015 COMC 185 aux para 47 et 48].

[16] En l’espèce, M. Henry a confirmé que les sites Web étaient accessibles pendant une grande partie de la période pertinente. Je note que le registraire est prêt à inférer qu’un site Web publiquement accessible s’adressait aux Canadiens et était visité par ceux-ci sur la base d’une adresse URL « .ca ». [voir Andrews Robichaud c Entechnevision Inc, 2017 COMC 109 au para 31; Drake Marks Associates c Services Optométriques (Opt) Inc, 2023 COMC 137 au para 42]. Bien que le site Web en preuve dans cette affaire ne soit pas un site Web « .ca », je suis prêt à inférer, sur la base de l’URL de la page Web (qui comprend « organic-home-delivery-toronto ») et des numéros de téléphone indiqués sur le site Web, que le site Web s’adresse à des clients potentiels de Toronto et peut-être de Vancouver. Sur la base de ces facteurs, j’estime qu’il est raisonnable d’inférer qu’au moins certains Canadiens auraient accédé au site Web pendant la période pertinente.

[17] En conséquence, je suis convaincu que la Propriétaire a annoncé ses services au Canada en liaison avec la Marque, et qu’elle offrait et était prête à exécuter ces services pendant la période pertinente. Par conséquent, je suis convaincu que la Propriétaire a démontré l’emploi des services visés par l’enregistrement au sens des articles 4(2) et 45 de la Loi.

Décision

[18] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de supprimer les produits de l’enregistrement selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

[19] L’enregistrement modifié sera libellé comme suit :

[traduction]

Vente au détail, distribution et livraison de produits d’épicerie biologiques.

___________________________

G.M. Melchin

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme
Hortense Ngo

Manon Duchesne Osborne

Cassandre Choquette Sauvageau


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Pour la Partie requérante : Borden Ladner Gervais LLP

Pour la Propriétaire inscrite : Jonathan Mesiano-Crookston

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