Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Une feuille d’érable sur du papier graphique

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 42

Date de la décision : 2024-03-06

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : GlobalRidge LLC dba NutriBiotic

Requérante : Dairy Crest Limited

Demande : 1,844,063 pour NUTRABIOTIC

Introduction

[1] GlobalRidge LLC dba NutriBiotic (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce NUTRABIOTIC (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1,844,063 produite par Dairy Crest Limited (la Requérante).

[2] L’opposition est fondée sur une allégation selon laquelle la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce NUTRIBIOTIC, antérieurement enregistrée et employée par l’Opposante.

[3] Pour les raisons qui suivent, l’opposition est accueillie.

Aperçu du dossier

[4] La demande d’enregistrement de la Marque a été produite le 22 juin 2017, et est fondée sur l’emploi et l’enregistrement de la Marque au sein de l’Union européenne et sur l’emploi projeté au Canada.

[5] L’état déclaratif des produits, dans sa version modifiée, incluant la classe de Nice (Cl), est reproduit ci-après :

[traduction]

Cl 5 (1) Substituts de repas prébiotiques, aliments et boissons diététiques prébiotiques, à usage vétérinaire; préparations prébiotiques à usage vétérinaire sous forme de poudre soluble et de liquide; préparations d’enzymes et préparations vitaminiques à usage vétérinaire.

[6] La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 24 août 2022, et l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) le 20 octobre 2022.

[7] Les motifs d’opposition invoqués par l’Opposante sont que : la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi; la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des articles 16(2)a) et 16(3) de la Loi; et la Marque n’est pas distinctive en vertu de l’article 2 de la Loi. Comme il est indiqué ci-dessus, ces motifs d’opposition reposent tous sur une probabilité alléguée de confusion entre la Marque et la marque de commerce NUTRIBIOTIC de l’Opposante.

[8] Le 16 novembre 2022, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie essentiellement les motifs d’opposition.

[9] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit les affidavits de Kenny Ridgeway et Scott Taylor, tous deux souscrits le 13 mars 2023 (respectivement l’Affidavit Ridgeway et l’Affidavit Taylor), et celui de Maxwell Guld, souscrit le 14 mars 2023 (l’Affidavit Guld).

[10] À l’appui de sa demande, la Requérante a produit la déclaration de Lucie Lasnier datée du 24 mai 2023 (la Déclaration Lasnier).

[11] Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

[12] Les deux parties ont produit des observations écrites; aucune audience n’a été tenue.

Aperçu de la preuve

Preuve de l’Opposante

Affidavit Ridgeway

[13] L’Affidavit Ridgeway fournit des renseignements sur les activités de l’Opposante, notamment en ce qui concerne l’emploi et la promotion de sa marque de commerce NUTRIBIOTIC au Canada.

[14] Plus précisément, M. Ridgeway est président de l’Opposante et est associé à cette dernière depuis plus de 30 ans (para 1 et 2).

[15] L’Opposante fabrique et vend des suppléments nutritifs aux États-Unis depuis 1980 environ. Ses activités se sont progressivement étendues à la fabrication et à la vente d’autres produits, notamment des produits de soins de santé personnels. L’Opposante vend des suppléments nutritifs au Canada en liaison avec sa marque de commerce NUTRIBIOTIC depuis aussi tôt que le mois d’août 1991, et a commencé à vendre divers produits de soins de santé personnels au Canada peu de temps après (para 3, 6 et 15; Pièces C et K).

[16] L’Opposante vend ses produits NUTRIBIOTIC à divers distributeurs autorisés au Canada, notamment à Ecotrend Ecologics Ltd. (Ecotrend). Les distributeurs canadiens vendent ensuite les produits NUTRIBIOTIC aux détaillants partout au Canada, qui les vendent à leur tour directement aux clients finaux (para 7).

[17] M. Ridgeway déclare que les volumes de vente des produits NUTRIBIOTIC par les distributeurs canadiens entre 2011 et 2022 ont dépassé 460 800 unités, ce qui a généré des revenus pour l’Opposante d’environ 2 951 000 $ US. Il fournit des factures représentatives des ventes pour distribution faites à Ecotrend au Canada datées entre 2015-2022 et faisant voir la Marque NUTRIBIOTIC (para 8 à 10; Pièces E et F).

[18] M. Ridgeway déclare que, depuis 1991, la marque de commerce NUTRIBIOTIC et les produits qui y sont liés ont fait l’objet d’une publicité et d’une promotion considérables au Canada, l’Opposante ayant dépensé en moyenne environ 7 000 $ US par an pour le marketing (para 12). Cette publicité et cette promotion ont pris différentes formes, notamment :

· Sur le site Web de l’Opposante à l’adresse nutribiotic.com enregistré en août 1997 ‒ Des imprimés de plusieurs pages du site Web sont inclus dans la Pièce A de l’Affidavit Ridgeway et la Pièce J montre qu’il a eu plus de 100 000 visiteurs canadiens entre le 6 mai 2017 et le 6 mars 2023 (para 4 et 13 à 18; Pièces A et H à J)

· Sur les catalogues imprimés ‒ déclarés avoir été fournis aux distributeurs canadiens depuis 1991 (para 15; Pièce K).

· Lors des salons professionnels et des conférences ‒ consacrés aux produits naturels, biologiques, de santé et de bien-être (para 16 à 17, Pièce L).

· Sur des médias sociaux ‒ notamment sur Facebook (depuis 2015) et Twitter (depuis 2020) (para 18; Pièce M).

Affidavit Taylor

[19] M. Taylor est le contrôleur d’Ecotrend, un distributeur en gros de produits éthiques de santé et de bien-être pour les humains et les animaux, y compris les produits de l’Opposante vendus sous sa marque NUTRIBIOTIC (para 1 à 4). Son affidavit appuie celui produit par M. Ridgeway et fournit des renseignements sur les activités d’Ecotrend. Il sert notamment à étayer l’argument de l’Opposante selon lequel les produits de la Requérante pourraient sans doute être vendus aux mêmes distributeurs par les mêmes voies, en concurrence directe avec l’Opposante (para 2 à 15, Pièces A à H).

Affidavit Guld

[20] M. Guld est employé par les agents de marques de commerce de l’Opposante et présente en preuve les résultats de sa visite dans un magasin (une pharmacie et un centre de santé naturelle) à Vancouver, en Colombie-Britannique, soit des photographies de divers produits de marque NUTRIBIOTIC ainsi que de plusieurs produits vétérinaires et d’autres produits de santé et de bien-être pour animaux sous diverses marques de commerce de tiers, tous disponibles à la vente sur place (para 1à 4, Pièces A et B). Son affidavit sert principalement à étayer l’argument de l’Opposante selon lequel il est probable que les détaillants du marché des produits de santé et de bien-être offrent à la vente des produits des deux parties à leurs clients.

Preuve de la Requérante ‒ Déclaration Lasnier

[21] Mme Lasnier est une technicienne juridique employée par l’agent de marque de commerce de la Requérante et présente la preuve de l’état du registre sous la forme de recherches qu’elle a effectuées dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes pour toutes les marques de commerce actives contenant soit (i) l’élément NUTR soit (ii) l’élément BIOTI, séparément (para 1à 3, Pièces LL-1 et 2).

Fardeau de preuve et fardeau ultime respectifs des parties

[22] C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].

Motifs d’opposition

Non-enregistrabilité (confusion avec une marque de commerce déposée)

[23] En ce qui concerne le motif d’opposition en vertu de l’article 12(1)d), l’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable, car elle crée de la confusion avec sa marque de commerce NUTRIBIOTIC enregistrée sous le no LMC465,060 en liaison avec divers suppléments nutritifs et produits de soins de santé personnels.

[24] Ayant exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire de consulter le registre, je confirme que l’enregistrement est en règle à la date de la présente décision. La Requérante doit maintenant établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas une probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée de l’Opposante.

Critère en matière de confusion

[25] Le critère à appliquer pour trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[26] Par conséquent, l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais celle entre les produits d’une source qui sont considérés comme provenant d’une autre source. La question ici est de savoir si un consommateur, qui n’aurait qu’un vague souvenir de la marque de commerce NUTRIBIOTIC de l’Opposante, et qui voit les produits de la Requérante en liaison avec la Marque, penserait qu’ils proviennent de l’Opposante, qu’ils sont parrainés ou approuvés par elle.

[27] Dans l’application du critère en matière de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques ont été en usage; le genre de produits ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces facteurs ne sont pas exhaustifs et un poids différent peut être accordé à chacun d’eux dans le cadre d’une évaluation contextuelle [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22].

[28] Je cite également Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, où la Cour suprême du Canada déclare, au para 49, que la ressemblance entre les marques est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

Degré de ressemblance

[29] Ce facteur favorise fortement l’Opposante dans la mesure où les marques de commerce des parties sont quasi-identiques, ne différant que par une lettre.

Caractère distinctif inhérent

[30] Ce facteur ne favorise pas de manière notable l’une ou l’autre partie, étant donné que les marques de commerce en cause, dans leur ensemble, possèdent un degré similaire de caractère distinctif inhérent. Les deux marques de commerce sont constituées d’un mot inventé sans signification particulière et aucune ne peut être trouvée dans les dictionnaires couramment utilisés. En outre, même si je pense qu’elles pourraient toutes deux suggérer un mot ou une marque inventé ou faire allusion à des idées telles que les produits des parties sont liés à des suppléments nutritifs contenant des prébiotiques ou des probiotiques ou à un mode de vie sain/nutritif, il est difficile de déterminer comment les marques de commerce des parties seraient perçues par les consommateurs.

Mesure dans laquelle les marques sont devenues connues et période d’emploi

[31] Ces facteurs favorisent l’Opposante. La preuve de l’Opposante montre que la marque de commerce NUTRIBIOTIC de l’Opposante a été employée pendant plus de 30 ans en liaison avec des suppléments nutritifs et des produits de soins de santé personnels et est devenue connue dans une certaine mesure au Canada en liaison avec de tels produits (principalement par la vente, la publicité et la promotion, comme il est indiqué ci-dessus). La demande d’enregistrement de la Marque, en revanche, est fondée sur l’emploi projeté et la Requérante admet dans ses observations écrites que la Marque n’est pas encore employée au Canada.

Genre de produits ou entreprises et nature du commerce

[32] Pour évaluer le genre des produits et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des produits de la Requérante avec l’état déclaratif des produits dans l’enregistrement invoqué par l’Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. Ces états déclaratifs doivent toutefois être lus de manière à déterminer la nature probable de l’entreprise ou du commerce envisagé par les parties plutôt que tous les commerces possibles qui pourraient être visés par le libellé. Une preuve de la nature véritable des commerces des parties est utile à cet égard [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF)], bien qu’il faille faire preuve de prudence pour ne pas limiter la portée de la protection qu’offre une marque déposée en fonction de son usage réel [Absolute Software Corporation c Valt.X Technologies Inc, 2015 CF 1203].

[33] La marque de commerce invoquée par l’Opposante est enregistrée en liaison avec les produits suivants :

[traduction]

(1) Suppléments nutritionnels, nommément protéines du riz, vitamines, extraits liquides de pamplemousse, suppléments nutritionnels à base de plantes; onguent et produits de premiers soins en aérosol pour la peau; nettoyants pour la peau, gels dentifrices, bains moussants, gels pour la douche; produits pour pulvérisation nasale, gouttes auriculaires, poudres pour les pieds et désodorisants pour hygiène personnelle.

(2) Suppléments nutritionnels, nommément minéraux, vitamines et mélanges de minéraux, poudres pour boissons nutritives, vitamines en poudre, extraits à base de plantes, extraits de végétaux, comprimés à base de plantes, comprimés à base d’algues; et rince-bouche.

(3) Liquide antiseptique.

[34] Comme indiqué ci-dessus, l’état déclaratif des produits liés par la Marque vise désormais essentiellement les préparations prébiotiques, les substituts de repas et les aliments et boissons diététiques, ainsi que les préparations d’enzymes et préparations vitaminiques à usage vétérinaire.

[35] La Requérante fait brièvement valoir que tous ses produits sont destinés à un usage vétérinaire et que les vétérinaires sont des acheteurs professionnels qui accorderont plus d’attention à l’achat de produits à usage vétérinaire qu’un consommateur du grand public qui achète des produits pour sa consommation habituelle. S’appuyant sur la décision Borden Inc c Robin Hood Multifood Ltd (1979), 49 CPR (2d) 133 (COMC) et en faisant référence aux produits alimentaires par rapport aux suppléments pour animaux, la Requérante fait également valoir que des marques de commerce identiques peuvent très bien coexister dans le registre si elles visent des produits suffisamment différents.

[36] La Requérante a en effet modifié la demande d’enregistrement de la Marque pour préciser que tous ses produits sont à usage vétérinaire. Cependant, premièrement, rien n’indique dans l’enregistrement invoqué que les produits de l’Opposante sont limités en ce qui concerne leur emploi ou leur consommation. Deuxièmement, en l’absence de toute preuve sur ce point, je n’estime pas que cette restriction indique nécessairement que les produits de la Requérante sont exclusivement destinés à être utilisés par des vétérinaires, comme le suggèrent ses observations écrites. À mon avis, ces termes peuvent également être possiblement interprétés comme faisant simplement référence à des produits pour animaux ou, plus spécifiquement, à des produits pour la consommation animale.

[37] En d’autres termes, j’estime que les produits de la Requérante‒tels qu’ils sont décrits‒peuvent tout aussi bien être perçus comme comprenant divers suppléments diététiques et nutritifs pour les animaux, alors que les produits énumérés dans l’enregistrement de l’Opposante comprennent des suppléments nutritifs ainsi que des produits de soins de santé personnels.

[38] Dans cette optique, j’ai tendance à accepter les observations de l’Opposante selon lesquelles les voies de commercialisation des produits des parties pourraient se chevaucher. Plus précisément, la preuve de M. Ridgeway indique que les suppléments nutritifs de l’Opposante ont été vendus par l’intermédiaire de distributeurs canadiens, y compris Ecotrend, et la preuve de M. Taylor indique qu’Ecotrend achète effectivement de tels suppléments pour les distribuer aux détaillants canadiens. La preuve de M. Taylor indique également qu’Ecotrend achète des produits de santé et de bien-être ‒ y compris des suppléments nutritifs pour la consommation et l’utilisation par les humains et les animaux ‒ pour la consommation et l’utilisation par les humains et les animaux auprès d’autres vendeurs pour les distribuer à des détaillants canadiens. Enfin, la preuve de M. Guld confirme que ce type de produit peut être trouvé dans les mêmes magasins de vente au détail. Par conséquent, ultimement, les distributeurs et les détaillants sur le marché des produits de santé et de bien-être pourraient éventuellement offrir à la vente les suppléments des deux parties à des consommateurs finaux.

[39] Pour conclure, en ce qui concerne la décision Robin Hood Multifood Ltd, j’estime que ses circonstances peuvent être distinguées de celles que j’examine en l’espèce, notamment en ce que l’Opposante a démontré l’emploi de sa marque de commerce invoquée alors que dans l’affaire citée, la preuve de l’Opposante ne montrait qu’un emploi très limité par un tiers qui n’était nulle part pris en compte et dont les activités n’étaient pas expliquées. De toute façon, je n’estime pas que cette affaire aide la Requérante, car les produits dont elle traite sont en fait très différents‒des produits alimentaires tels que les spaghettis, par exemple, par rapport à un supplément alimentaire pour animaux. En l’espèce, les produits des deux parties comprennent des suppléments nutritifs.

Autre circonstance de l’espèce – état du registre

[40] La preuve de l’état du registre est produite pour démontrer le caractère distinctif commun ou l’absence de caractère distinctif d’une marque de commerce ou d’une partie d’une marque de commerce. Il est établi que lorsque des marques de commerce renferment un élément commun qui fait également partie de plusieurs autres marques sur le même marché, cela a tendance à amener les consommateurs à prêter davantage attention aux autres éléments qui ne sont pas communs aux marques en question et à les distinguer [K-Tel International Ltd c Interwood Marketing Ltd (1997), 77 CPR (3d) 523 (CF 1re inst)].

[41] Cela dit, cette preuve n’est pertinente que dans la mesure où des inférences peuvent en être tirées en ce qui concerne l’état du marché, lesquelles ne peuvent être tirées que lorsqu’un nombre significatif de marques de commerce pertinentes est trouvé [Ports International Ltd v Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)]. Les marques de commerce pertinentes comprennent celles qui : (i) sont déposées ou autorisées et basées sur l’emploi; (ii) concernent des produits et services similaires à ceux des marques en cause; et (iii) incluent l’élément en tant qu’élément important [Sobeys West Inc c Schwan’s IP, LLC, 2015 COMC 197 au para 38, conf par 2017 CF 38].

[42] Comme indiqué ci-dessus, Mme Lasnier a effectué une recherche dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes pour trouver des marques actives comprenant l’élément NUTR et joint en vrac à sa déclaration des imprimés contenant la liste des 1904 entrées trouvées par la recherche [Pièce LL-1]. Mme Lasnier a également effectué une recherche dans cette base de données pour trouver des marques comprenant l’élément BIOTI et joint en vrac à sa déclaration des imprimés contenant la liste des 161 entrées trouvées par la recherche [Pièce LL-2].

[43] Les parties n’ont pas abordé cet élément de preuve de manière très détaillée dans leurs observations écrites.

[44] L’Opposante fait valoir à juste titre qu’il n’existe aucune preuve d’emploi de quelque marque de commerce au Canada en lien avec des suppléments nutritifs, à l’exception de la marque de commerce NUTRIBIOTIC de l’Opposante, qui comprend la combinaison du préfixe NUTR et du suffixe BIOTIC.

[45] La Requérante mentionne simplement que la marque de commerce de l’Opposante est composée d’éléments fortement dilués dans le registre et courants sur le marché. À cet égard, je note tout d’abord que la Requérante n’a produit aucune véritable preuve d’emploi sur le marché. Je note également que Mme Lasnier n’a pas limité ses recherches aux marques autorisées ou déposées et que ses éléments de preuve comprennent donc également de nombreux résultats non pertinents, notamment sous la forme de marques formalisées, recherchées, par défaut, annoncées et même visées par des oppositions. Elle n’a pas non plus limité ses recherches à des produits spécifiques quelconques. Il n’est donc pas clair si la Requérante est d’avis que sa preuve serait utile, que les types de produits visés par les résultats obtenus soient semblables ou non. Quoi qu’il en soit, le témoignage de Mme Lasnier est d’autant plus lacunaire qu’elle ne fournit pas de détails complets concernant l’une ou l’autre des marques de commerce révélées. J’ajouterais sur ce point qu’il ne revient pas au registraire de combler les lacunes éventuelles de la preuve de l’état du registre soumise par la Requérante [voir SOS Tutorat Inc / SOS Tutoring Inc c SOSPROF Inc, 2022 COMC 52 au para 65 pour une conclusion similaire concernant de telles lacunes de la preuve de l’état du registre].

[46] Compte tenu de ce qui précède, je n’estime pas que la preuve de Mme Lasnier soit d’une quelconque utilité pour la Requérante.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[47] Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce et après avoir appliqué le test en matière de confusion comme étant une question de première impression et du souvenir imparfait, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties. J’arrive à cette conclusion à la lumière du degré très élevé de ressemblance entre les marques de commerce, de l’emploi de la marque de commerce de l’Opposante et de la mesure dans laquelle cette marque est devenue connue, du lien étroit entre les produits des parties et de la possibilité de chevauchement dans leurs voies de commercialisation. Le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est donc accueilli.

Absence de droit à l’enregistrement (emploi antérieur de la marque)

[48] Bien que les dates pertinentes diffèrent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) porte également sur la question de la confusion avec la marque de commerce NUTRIBIOTIC de l’Opposante, et les preuves d’emploi présentées par l’Opposante, évoquées ci-dessus, permettent à l’Opposante de s’acquitter du fardeau correspondant. Dans la mesure où les conclusions que j’ai tirées en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) s’appliquent également, pour l’essentiel, au présent motif d’opposition, je parviens à la même décision à son sujet; le motif d’opposition fondé sur l’article 16 est donc également accueilli.

Autre motif d’opposition (absence de caractère distinctif)

[49] Étant donné que j’ai rejeté la demande pour deux motifs, je n’évaluerai pas l’autre motif d’opposition fondé sur l’article 2 de la Loi.

[50] Je ferai toutefois remarquer que, malgré les différences dans la date pertinente, dans la mesure où ce motif concerne la question de la confusion entre les marques de commerce des parties, j’aurais probablement tiré la même conclusion que celle énoncée ci-dessus concernant la probabilité de confusion pour des raisons similaires à celles discutées dans l’analyse du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).

Décision

[51] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

_______________________________

Iana Alexova

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense NgoFélix Tagne Djom

Manon Duchesne


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Oyen Wiggs Green & Mutala LLP

Pour la Requérante : Simon Lemay

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.