Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 45

Date de la décision : 2024-03-12

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Indivior UK Limited

Requérante : ALC Bio Innovations Inc.

Demande : 1934054 pour VITAL HUMIC & Dessin

Introduction

[1] La présente est une opposition intentée par Indivior UK Limited (l’Opposante) à l’égard de la demande d’enregistrement numéro 1,934,054 pour la marque de commerce VITAL HUMIC & Dessin (la Marque) produite par ALC Bio Innovations Inc. (la Requérante) et représentée ci-dessous :

VITAL HUMIC & Dessin

[2] La Marque visée par la demande est enregistrée en liaison avec les produits suivants (les Produits) :

[traduction]

Cl1 (1) Suppléments alimentaires pour produits agricoles et plantes; micro-organismes naturels pour l’entretien d’étangs; additifs nutritionnels pour accroître l’activité biologique de l’eau, du sol, des graines et des plantes pour la fertilisation et la bioremédiation.

Cl5 (2) Additifs alimentaires pour animaux pour utilisation comme suppléments alimentaires.

[3] Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette l’opposition.

Le dossier

[4] La demande d’enregistrement pour la Marque a été produite le 4 décembre 2018 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 19 janvier 2022.

[5] Le 21 mars 2022, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13, modifiée le 17 juin 2019 (la Loi). L’Opposante fonde l’opposition sur les articles 39(2)a.1) (mauvaise foi), 38(2)b) (confusion avec une marque de commerce déposée), 38(2)c) (absence de droit à l’enregistrement), 38(2)d) (absence de caractère distinctif), 38(2)e) (aucun emploi ou emploi projeté) et 38(2)f) (absence de droit à l’emploi).

[6] À l’exception du motif fondé sur l’article 38(2)e), les motifs d’opposition sont enracinés dans une allégation de confusion avec la marque de commerce figurative déposée de l’Opposante no LMC983710 représentée ci-dessous (la Marque de commerce de l’Opposante) :

Dessin de flocon de neige

[7] La Requérante a produit une contre-déclaration niant les motifs d’opposition.

[8] Seule l’Opposante a produit une preuve et des observations écrites.

[9] Aucune audience n’a été tenue.

Aperçu de la preuve

Preuve de l’Opposante – L’Affidavit Simkin et l’Enregistrement certifié LMC983710

[10] L’Opposante a produit une copie certifiée de l’enregistrement canadien de la marque de commerce LMC983710 pour la Marque de commerce de l’Opposante et l’affidavit de Richard Simkin, assermenté le 25 août 2022 (l’Affidavit Simkin).

[11] M. Simkin est le directeur de l’Opposante [para 1]. M. Simkin atteste de ce qui suit dans son affidavit :

  • L’Opposante est la propriétaire de l’enregistrement canadien de la marque de commerce pour la Marque de commerce de l’Opposante [para 3]. Une liste complète des produits et services (les Produits et Services de l’Opposante respectivement, collectivement, les Produits de l’Opposante) en liaison avec la Marque de commerce de l’Opposante est jointe à l’Annexe A.

  • L’Opposante, fondée en 1994, est une entreprise pharmaceutique mondiale qui développe des traitements novateurs et transformateurs pour la vie pour les troubles liés à l’usage d’une substance et les maladies mentales graves [para 5].

  • Depuis au moins aussi tôt que 2015, l’Opposante a fabriqué et vendu des préparations pharmaceutiques, nommément SUBLOCADE et SUBOXONE (les Produits pharmaceutiques de l’Opposante) au Canada en liaison avec la Marque de commerce de l’Opposante [para 6].

  • Les Produits pharmaceutiques de l’Opposante sont fabriqués par l’Opposante au Royaume-Uni et sont vendus aux hôpitaux, aux cliniques, aux pharmacies de détail et aux grossistes au Canada par l’entremise de son distributeur canadien [para 7].

  • La Marque de commerce de l’Opposante est apposée sur toutes les boîtes des Produits pharmaceutiques de l’Opposante vendus au Canada [para 8].

  • De 2015 à juin 2022, l’Opposante a vendu plus de 6 millions d’unités des Produits pharmaceutiques de l’Opposante, ce qui représente 356 millions de dollars canadiens [para 9]. Un tableau pour les années 2015 à 2022 indiquant les ventes annuelles de certains des Produits pharmaceutiques de l’Opposante est inclus.

  • L’Opposante annonce les Produits pharmaceutiques de l’Opposante au Canada au moyen de multiples voies. Entre 2018 et 2022, l’Opposante a dépensé plus de 9,5 millions de dollars canadiens [para 10]. Un tableau établissant les dépenses publicitaires annuelles de 2015 à juin 2022 est fourni.

  • L’Opposante fait la promotion des Produits pharmaceutiques de l’Opposante par l’entremise des réunions virtuelles au cours desquelles des membres de l’équipe de ventes donnent des renseignements aux fournisseurs de soins de santé (FSS) canadiens [para 11].

  • Des documents promotionnels imprimés et numériques portant la Marque de commerce de l’Opposante employés par l’Opposante sont fournis à la Pièce A [para 12 et 13].

  • L’Opposante fait également la promotion des Produits pharmaceutiques de l’Opposante au moyen de vidéos envoyées aux FSS canadiens. Des captures d’écran de ces vidéos sont jointes à la Pièce A.

  • L’Opposante organise également des événements de conférenciers et des webinaires pour les clients actuels et potentiels. En juin 2022, l’Opposante a organisé 117 événements (virtuels et en personne) et a organisé 228 événements en 2021 [para 15]. Des estimations du nombre d’événements de conférenciers organisés par l’Opposante pour les années 2015 à 2020 sont fournies.

  • L’Opposante fait également la promotion des Produits pharmaceutiques de l’Opposante en participant à des conférences au Canada en personne et de manière virtuelle [para 16].

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[12] Conformément aux règles de preuve habituelles, l’Opposante a le fardeau de preuve initial d’établir les faits inhérents à ses allégations formulées dans la déclaration d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd, 1990 CarswellNat 1053 (CF)]. L’imposition d’un fardeau de preuve à l’Opposante à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que cette question soit examinée, il doit exister une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question [John Labatt à la p 298]

[13] En ce qui concerne les allégations à l’égard desquelles l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, comme il est allégué dans la déclaration d’opposition. L’imposition d’un fardeau ultime à la Requérante signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que l’ensemble de la preuve a été examinée, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante.

Évaluation des motifs d’opposition

Article 12(1)d) – Enregistrabilité

[14] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable, puisqu’elle crée de la confusion avec l’enregistrement no LMC983710 de l’Opposante pourDessin de flocon de neige, lequel a été enregistré en liaison avec les Produits de l’Opposante le 27 octobre 2017.

[15] La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de la décision du registraire [Park Avenue Furniture Corp c Wickers/Simmons Bedding Ltd, (1991) 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[16] Un opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve initial à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) si l’enregistrement invoqué est toujours en règle à la date de la décision rendue à l’égard de l’opposition. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire pour confirmer que l’enregistrement invoqué par l’Opposante existait et appartenait toujours à l’Opposante [Quaker Oats Co Ltd of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)].

[17] J’estime donc que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve pour ce motif. Je dois maintenant déterminer si la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime.

Le test en matière de confusion

[18] Le test à appliquer pour trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[19] Par conséquent, l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais celle entre des produits ou services d’une source qui sont considérés comme provenant d’une autre source. Essentiellement, la question en l’espèce est de savoir si un consommateur moyen, qui a un souvenir imparfait de la Marque de commerce de l’Opposante, penserait que les produits contenus dans la demande d’enregistrement de la Marque proviennent de l’Opposante, ou qu’ils sont parrainés ou approuvés par l’Opposante.

[20] Dans l’application du test en matière de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à chacun dans le cadre d’une évaluation contextuelle [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23]. Je cite également Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 où la Cour suprême du Canada déclare, au para 49, que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques de commerce, est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

Degré de ressemblance

[21] Lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble sous l’angle de la première impression. Il ne faut pas scruter séparément chacun de leurs éléments constitutifs [Wool Bureau of Canada Ltd c Registraire des marques de commerce (1978), 40 CPR (2d) 25 (CF 1re inst)]. Cela étant dit, il est préférable de commencer par déterminer s’il y a un aspect de chaque marque de commerce qui est particulièrement frappant ou unique. Il est raisonnable de conclure que de tels aspects frappants ou uniques sont importants dans leurs marques de commerce respectives [Masterpiece, para 64].

[22] L’Opposante fait valoir que la Marque possède un degré élevé de ressemblance à l’égard de la Marque de commerce de l’Opposante, en ce que [traduction] « les deux marques comportent des dessins fortement similaires, composés de paires de lignes (soit droites, soit ondulées) disposées en formes de V et prolongées vers l’extérieur d’un vertex commun pour représenter une forme circulaire » [observations écrites de l’Opposante, para 36]. L’Opposante fait également valoir que, en raison de [traduction] « l’orientation et la variation tonale de la partie figurative de la Marque », elle semble être une version négative inversée de la Marque de commerce de l’Opposante [observations écrites de l’Opposante, para 36].

[23] La Marque de commerce de l’Opposante est un dessin symétrique composé d’une série de formes en V de taille et de forme identiques.

[24] La Marque de la Requérante possède également un élément figuratif circulaire et, lorsqu’elle est placée côte à côte avec la Marque de commerce de l’Opposante, il est possible de voir comment la Marque de la Requérante pourrait être vue comme un dessin circulaire composé de formes en V. Toutefois, il est incorrect de faire subir aux marques de commerce une comparaison étroite, côte à côte. Lorsque la Marque de la Requérante est observée du point de vue d’un consommateur ordinaire avec seulement un souvenir imparfait de la Marque de commerce de l’Opposante, il n’est pas du tout clair que la Marque de la Requérante serait reconnue comme un dessin circulaire de formes en V. J’estime qu’il est tout aussi probable que la Marque de la Requérante soit considérée comme une collection aléatoire de formes avec des longueurs différentes éparpillées dans un motif circulaire. Néanmoins, du point de vue du consommateur moyen pressé ayant un souvenir imparfait de la Marque de commerce de l’Opposante, il y a une ressemblance notable entre la Marque de commerce de l’Opposante et l’élément figuratif de la Marque.

[25] Cependant, la Marque de la Requérante contient également les mots VITAL HUMIC sous l’élément figuratif. Bien que le mot VITAL soit un mot anglais commun, le mot HUMIC n’a aucune signification immédiatement évidente et il n’y a aucune preuve que ce mot ait une quelconque signification en anglais ou en français.

[26] Bien que je sois d’accord qu’il existe un degré appréciable de ressemblance entre les éléments figuratifs des marques de commerce en question, lorsque ces marques de commerce sont évaluées dans leur ensemble, il est évident qu’elles sont plus différentes qu’elles ne sont semblables. La Marque est notamment différente de la Marque de commerce de l’Opposante dans le son, les idées suggérées et, dans une moindre mesure, la présentation, compte tenu de l’élément nominal de la Marque, à savoir VITAL HUMIC, lequel j’estime posséder un certain degré appréciable de caractère distinctif inhérent et qui est présumément l’élément le plus frappant de la Marque.

[27] L’article 6(5)e) de la Loi indique clairement que l’ensemble de la présentation, du son et des idées suggérées par les marques de commerce en question doit faire l’objet de considérations dans l’évaluation du degré de ressemblance aux fins de l’analyse de la confusion. En l’espèce, il existe des aspects différents et significatifs de l’évaluation du degré de ressemblance qui favorisent chacune des parties. Cependant, dans l’ensemble, j’estime que la Requérante est légèrement favorisée par ce facteur.

Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[28] La preuve de l’Opposante, à savoir l’Affidavit Simkin, appuie une conclusion d’emploi de la Marque de commerce de l’Opposante au Canada en liaison avec les Produits pharmaceutiques de l’Opposante depuis 2015. Plus particulièrement, l’Opposante a établi que la Marque de commerce de l’Opposante a été apposée sur l’emballage de ses produits pharmaceutiques depuis 2015 et a fourni des chiffres de ventes annuelles au Canada pour les Produits pharmaceutiques de l’Opposante pour chacune des années 2015 à la mi-2022, ayant un total cumulatif s’approchant des 8 millions de dollars canadiens [Affidavit Simkin, para 8 et 10].

[29] En ce qui a trait à la Marque de la Requérante, bien que la demande en question revendique l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que le 1er décembre 2017, aucune preuve n’a été produite établissant l’emploi de la Marque. Une demande d’enregistrement de marque de commerce pour une marque fondée sur l’emploi antérieur n’est pas suffisante pour établir l’emploi de la marque en vertu de l’article 4(1) de la Loi.

[30] Ce facteur favorise donc l’Opposante.

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[31] Bien que les deux marques de commerce en question possèdent un certain caractère distinctif inhérent en raison de leur élément figuratif original, j’estime que, dans l’ensemble, la Marque possède un degré plus élevé de caractère distinctif inhérent compte tenu de l’élément figuratif unique et de l’élément nominal de la locution « vital humic » n’étant pas une locution commune avec une claire signification à la première impression.

[32] En ce qui a trait à la mesure dans laquelle les marques sont connues, puisqu’il n’existe aucune preuve d’emploi la Marque au dossier, on ne peut pas conclure que la Marque est connue dans une quelconque mesure au Canada. L’Opposante a produit une preuve d’emploi au Canada pour approximativement sept années et demie. La Marque de commerce de l’Opposante est donc nécessairement connue dans une plus grande mesure au Canada, ce qui fait que l’Opposante est favorisée à l’égard de la mesure dans laquelle les marques sont connues.

[33] Puisque ce facteur est divisé entre les parties, j’estime qu’aucune des parties n’est favorisée par ce facteur.

Genre des produits, services et entreprise

[34] La Marque de commerce de l’Opposante est enregistrée en liaison avec des préparations pharmaceutiques pour le traitement de troubles liés à l’usage d’une substance, le sevrage et la surdose, les troubles de l’humeur connexes, ainsi que le soulagement de la douleur et les services médicaux et pharmaceutiques connexes [voir l’Annexe A jointe].

[35] L’Opposante fait valoir que les produits et services dans l’enregistrement pour la Marque de commerce de l’Opposante ne se limitent pas aux produits et services pour les humains puisque certaines déclarations, comme [traduction] « préparations pharmaceutiques, préparation du médicament et préparations médicinales pour le soulagement de la douleur » et [traduction] « offre de renseignements et de conseils en matière de soins de santé dans les domaines de la santé et du bien-être », sont suffisamment larges pour couvrir des produits et services pour animaux [observations écrites de l’Opposante, para 54 et 55].

[36] En ce qui a trait à l’entreprise de l’Opposante, l’Opposante se décrit comme [traduction] « une entreprise pharmaceutique mondiale » qui développe des [traduction] « traitements transformateurs pour la vie pour les troubles liés à l’usage d’une substance et d’autres maladies mentales graves » [Affidavit Simkin, para 4]. Le portefeuille de produits de l’Opposante se concentre sur [traduction] « l’aide aux patients pour répondre à leurs besoins en matière d’accoutumance et de schizophrénie » [Affidavit Simkin, para 5].

[37] Dans l’évaluation de ce facteur, les états déclaratifs des produits et services des parties doivent être lus dans l’optique de déterminer le type probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober [Mcdonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1994), 55 CPR (3d) 463 (CF), conf par 1996 CanLII 3963 (CAF), 68 CPR (3d) 168 (CAF)]. À cet égard, la preuve visant à démontrer comment les marques de commerce sont véritablement employées devrait être évaluée [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1990), 33 CPR (3d) 454 (CF)].

[38] La preuve de l’Opposante fournit des renseignements détaillés sur les Produits pharmaceutiques de l’Opposante offerts à la vente au Canada, nommément SUBLOCADE et SUBOXONE, y compris :

  • SUBLOCADE est vendu par l’Opposante aux hôpitaux, aux cliniques, aux pharmacies de détail et aux grossistes au Canada [Affidavit Simkin, para 7].

  • SUBLOCANE est uniquement disponible directement de l’Opposante pour les pharmacies qui ont des comptes ouverts auprès de l’Opposante [Affidavit Simkin, Pièce 2.1].

  • Conformément aux conditions de vente à partir de l’Opposante, SUBLOCADE [traduction] « ne doit jamais être manipulé par le patient, ou être en sa possession, avant administration par un fournisseur de soins de santé qualifié » [Affidavit Simkin, Pièce 2.1].

  • Les documents promotionnels pour les Produits pharmaceutiques de l’Opposante semblent être exclusivement envoyés aux FSS et aux pharmaciens [Affidavit Simkin, para 12, 13 et 14, Pièces 2, 3 et 4].

  • SUBLOCADE est uniquement disponible au moyen d’un processus de distribution contrôlé qui exige que tous les FSS aient une certification pour SUBLOCADE afin de prescrire ces produits. Sans la certification requise, les pharmaciens ne peuvent pas fournir le produit [Affidavit Simkin, Pièce 2.4].

  • SUBOXONE est seulement disponible sur ordonnance et exige également que les FSS obtiennent la certification auprès de l’Opposante [Affidavit Simkin, Pièce 2.14].

[39] Il est clair, selon la preuve de l’Opposante, que ses produits sont des produits pharmaceutiques d’ordonnance pour emploi chez les humains et ses services sont des services médicaux et de santé liés à ces produits pharmaceutiques. J’estime qu’une entreprise, des produits et des services de ce genre, particulièrement compte tenu la structure d’accès contrôlé en liaison avec la vente et à la distribution des Produits pharmaceutiques de l’Opposante, sont facilement distinguables des suppléments et additifs alimentaires pour produits agricoles, pour le sol et pour animaux de la Requérante qui ne sont d’aucune façon liés aux Produits pharmaceutiques de l’Opposante ou aux Produits de l’Opposante dans leur ensemble.

[40] En ce qui a trait à l’affirmation de l’Opposante que ses produits ne se limitent pas dans l’enregistrement pour sa marque de commerce à ceux destinés à l’emploi chez les humains, et en particulier qu’il y a un point de rencontre potentiel entre les médicaments de l’Opposante pour le soulagement de la douleur et les additifs alimentaires pour animaux pour l’emploi comme suppléments nutritifs, j’estime que ce lien potentiel est trop distant. La déclaration dans la demande d’enregistrement pour la Marque est claire sur le fait que les additifs sont des suppléments nutritifs dans l’alimentation pour animaux. Il n’y a aucun fondement pour spéculer sur le fait que ces additifs sont d’une quelconque façon médicinaux ou thérapeutiques au-delà des avantages nutritionnels.

[41] En ce qui a trait aux services formulés de façon générale par l’Opposante [traduction] « conseils pharmaceutiques » et [traduction] « offre de renseignements et de conseils en matière de soins de santé dans les domaines de la santé et du bien-être » et l’affirmation selon laquelle ces services pourraient être offerts pour des animaux, je ne peux arriver à aucune interprétation relevant du bon sens de l’enregistrement de l’Opposante qui permet d’arriver à la conclusion que ces services étaient destinés à couvrir quoi que ce soit d’autre que ceux offerts aux humains. J’estime que le Canadien moyen tiendrait implicitement compte des services liés à la pharmacie et aux soins de santé pour décrire des services destinés aux humains, sauf indication du contraire comme cela a été le cas pour l’usage vétérinaire ou particulièrement pour des animaux.

[42] À la lumière de ce qui précède, j’estime que ce facteur favorise la Requérante.

Nature du commerce

[43] L’Opposante observe que, compte tenu du genre semblable des produits et services des parties, il est raisonnable de s’attendre à ce que les Produits de la Requérante puissent être vendus et/ou fournis par l’intermédiaire des mêmes voies de commercialisation que ceux de l’Opposante [observations écrites de l’Opposante, para 58].

[44] Dans l’évaluation de la nature du commerce, l’approche appropriée est de comparer les états déclaratifs des produits et services comme ils sont établis dans l’enregistrement et la demande en question. Toutefois, comme c’est le cas avec le facteur précédent du genre des produits, des services et de l’entreprise, ces états déclaratifs doivent être lus en vue de déterminer le type probable d’entreprise ou de commerce voulus par les parties plutôt que tous les commerces possibles qui pourraient être englobés par le libellé des déclarations [Chanel S de RL c Marcon, 2010 COMC 98].

[45] Puisque j’ai conclu que les Produits de l’Opposant se distinguent des Produits de la Requérante, et puisque la preuve de l’Opposante indique que les Produits pharmaceutiques de l’Opposante sont des substances contrôlées seulement vendues par l’Opposante à des pharmacies certifiées et ne pouvant être prescrites que par les FSS certifiées par l’Opposante, j’estime qu’il est très peu probable que le commerce des suppléments alimentaires agricoles, du sol et pour animaux de la Requérante, lesquels seraient logiquement vendus dans des centres jardiniers ou des magasins d’équipement agricole, chevaucherait la voie de commercialisation de produits pharmaceutiques d’ordonnance hautement régulée de l’Opposante.

[46] Par conséquent, j’estime que ce facteur favorise la Requérante.

Conclusion à l’égard de la confusion

[47] La question posée par l’article 6(5) de la Loi dans le cadre de ce motif est celle de savoir si les clients des produits offerts sous la Marque de la Requérante croiraient que ces produits proviennent de la même source ou sont autrement liés aux Produits de l’Opposante.

[48] Compte tenu de ce qui précède, en particulier les différences générales dans le degré de ressemblance entre les marques de commerce en question et les différences dans les entreprises, produits, services et commerces liés aux marques de commerce respectives, je suis convaincue qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion dans le cadre de ce motif d’opposition.

[49] Ce motif est donc rejeté.

Articles 38(2)c) et 16(1)a) – Absence de droit à l’enregistrement – Confusion avec une marque de commerce employée antérieurement

[50] L’Opposante fait valoir que la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque en liaison avec les Produits puisque, à la date revendiquée de premier emploi de la Marque, soit le 1er décembre 2017, la Marque créait de la confusion avec la Marque de commerce de l’Opposante, laquelle avait été antérieurement employée au Canada.

[51] Puisque la date pertinente antérieure pour ce motif ne renforce pas la position de l’Opposante à l’égard de l’un des facteurs prévus à l’article 6(5) de la Loi, pour les mêmes raisons établies ci-dessus pour le motif fondé sur l’article 12(1)d), j’estime qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion dans le cadre de ce motif.

[52] Ce motif d’opposition est donc rejeté.

Article 2 – Absence de caractère distinctif

[53] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi puisqu’elle ne distingue pas véritablement, et n’est pas adaptée pour distinguer, les Produits de la Requérante des Produits de l’Opposante.

[54] La date pertinente pour ce motif est la date de production de l’opposition, à savoir le 21 mars 2022 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185].

[55] L’article 2 de la Loi définit le terme « distinctive » en ce qui concerne les marques de commerce comme suit :

« distinctive » Se dit de la marque de commerce qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire de ceux d’autres personnes, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

[56] Pour s’acquitter de son fardeau à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer que, à la date pertinente, la réputation de sa marque de commerce empêche la Marque d’être distinctive et que le niveau d’emploi requis doit être « importan[t], significati[f] » ou constituer une « réputation […] suffisante » en liaison avec les produits et services pertinents à la date pertinente [Hilton Worldwide Holding LLP c Solterra (Hastings) Limited Partnership, 2019 COMC 133, citant Bojangles’International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657].

[57] Je suis convaincue que l’Opposante a fourni une preuve suffisante d’emploi et d’annonce des Produits de l’Opposante, laquelle comprend des chiffres de ventes et d’annonces annuelles pour les années 2015 à la mi-2022, ainsi que des descriptions détaillées de documents promotionnels imprimés et numériques, des événements de conférenciers et de la participation à des conférences au Canada, pour s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif d’opposition.

[58] Cependant, la détermination de ce motif repose également sur l’évaluation de la probabilité de confusion entre les marques de commerce en question [Hilton]. Comme il a été établi ci-dessus dans l’évaluation du motif fondé sur l’article 12(1)d), j’estime, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce et les produits et services en question et que la date pertinente antérieure pour ce motif n’a aucune influence sur ma conclusion précédente.

[59] Par conséquent, même si l’Opposante a démontré une réputation suffisante pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, j’estime que la Marque de commerce de l’Opposante ne nie pas le caractère distinctif de la Marque.

[60] Le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif est donc rejeté.

Article 38(2)f) – Absence de droit à l’emploi

[61] L’Opposante fait valoir que, à la date de production de la demande pour la Marque, la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque au Canada avec les Produits puisqu’un tel emploi est susceptible de :

  • créer de la confusion dans le marché avec la Marque de commerce de l’Opposante;

  • avoir pour effet de déprécier l’achalandage lié à la Marque de commerce de l’Opposante en contravention à l’article 22 de la Loi;

  • constituer une commercialisation trompeuse en vertu des articles 7b) et c) à l’égard des produits, services ou entreprise de l’Opposante.

[62] L’article 38(2)f) de la Loi porte sur le droit d’un requérant d’employer sa marque de commerce (c’est-à-dire conformément aux lois fédérales pertinentes et aux autres obligations juridiques), contrairement au droit d’un requérant d’enregistrer sa marque de commerce (relativement à la marque de commerce d’une autre personne, conformément à l’article 16 de la Loi). À mon avis, le simple fait de soutenir qu’une marque de commerce visée par une demande créait de la confusion avec une marque de commerce antérieurement employée ou enregistrée ne constitue pas un fait qui peut étayer un motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f) [voir DCK Concessions Ltd c Hong Xia Zhang, 2022 COMC 200 et Smarte Carte, Inc c Sandals Resorts International 2000 Inc, 2023 COMC 67, pour des conclusions semblables].

[63] Dans le même ordre d’idées, les deux autres fondements invoqués dans le plaidoyer pour ce motif comportent également un élément de confusion de la part du consommateur moyen. Puisque j’ai conclu qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion ci-dessus et que la date pertinente antérieure pour ce motif ne renforce pas l’argument de l’Opposante, j’estime également que ces parties du motif fondé sur l’article 38(2)f) ne sont pas accueillies.

[64] Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Article 38(2)e) – Aucun emploi ou emploi projeté de la Marque au Canada

[65] L’Opposante fait valoir que, à la date de production de la demande pour la Marque, la Requérante n’employait pas et ne projetait pas d’employer la Marque au Canada avec l’ensemble des Produits.

[66] L’Opposante n’a produit aucune preuve pour appuyer ce motif. Par conséquent, pour au moins la raison que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial, le motif fondé sur l’article 38(2)e) est rejeté.

Article 38(2)a.1) – Demande produite de mauvaise foi

[67] L’Opposante fait valoir que la demande pour la Marque a été produite de mauvaise foi puisqu’elle constitue une tentative par la Requérante d’exploiter la réputation de la Marque de commerce de l’Opposante.

[68] Comme aucune preuve n’a été produite à l’appui de cette allégation et qu’aucune observation n’a été faite par l’Opposante concernant ce motif, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Décision

[69] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

_______________________________

Leigh Walters

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches

Félix Tagne Djom

Manon Duchesne Osborne

 


Annexe A

Les Produits et Services visés par l’enregistrement de l’Opposante

[traduction]

Produits

Préparations pharmaceutiques, médicaments et préparations médicinales pour le traitement des dépendances physiques et psychologiques, nommément des troubles liés à la consommation de substances, de la toxicomanie, de la dépendance à des substances, des troubles liés au sevrage de substances et des surdoses de substances; préparations pharmaceutiques, médicaments et préparations médicinales pour le traitement des maladies mentales, nommément des facteurs de comorbidité associés aux troubles liés à la consommation de substances, à la toxicomanie, à la dépendance à des substances, aux troubles liés au sevrage de substances et aux surdoses de substances, comme les troubles de l’humeur, les troubles anxieux, les troubles cognitifs et bipolaires, l’épilepsie, la schizophrénie; préparations pharmaceutiques, médicaments et préparations médicinales pour le soulagement de la douleur.

Services

Services médicaux, nommément services de recherche médicale donnant accès à une base de données médicale par un réseau d’information mondial, diffusion d’information médicale, conseils médicaux, services de diagnostic médical, services de laboratoire médical et dépistage médical; soins de santé, nommément administration de régimes de soins de santé, services de limitation des coûts de soins de santé, offre de renseignements d’urgence sur la santé par téléphone ainsi que recherche dans le domaine des soins de santé, services de gestion thérapeutique, services de soins de santé à domicile, services de traitement de la dépendance et services de consultation dans le domaine des soins de santé; services de clinique médicale; conseils en matière de pharmacie; conseils en santé, nommément services de counseling en matière de dépendance à des substances, services de counseling en matière de réadaptation à la suite d’abus de substances et exploitation d’un centre de bien-être offrant du counseling en matière de toxicomanie; offre d’information et de conseils en matière de soins de santé dans les domaines de la santé et du bien-être, de la santé comportementale, de la gestion des limitations fonctionnelles et de la gestion thérapeutique; offre d’information et de conseils pharmaceutiques pour le traitement et la prévention des troubles liés à la consommation de substances, de la toxicomanie, de la dépendance à des substances, des troubles liés au sevrage de substances, des surdoses de substances, des facteurs de comorbidité associés aux troubles liés à la consommation de substances, à la toxicomanie, à la dépendance à des substances, aux troubles liés au sevrage de substances, à la surdose de substances, des maladies, des affections et des troubles mentaux, ainsi que de la douleur et de l’analgésie.

 


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : MLT AIKINS LLP

Pour la Requérante : WITMART INC.

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