Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Une feuille d'érable sur du papier quadrillé

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 64

Date de la décision : 2024-03-28

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposantes : 6164722 Canada inc. et L’escadron Vanlife Sagas inc.

Requérant : David Vachon

Demande : 1,910,982 pour VANLIFE

Introduction

[1] 6164722 Canada inc. et L’escadron Vanlife Sagas inc. (les Opposantes) s’opposent à l’enregistrement de la marque de commerce VANLIFE (la Marque) faisant l’objet de la demande d’enregistrement no. 1,910,982 produite par David Vachon (le Requérant).

[2] La demande d’enregistrement est basée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis le 27 novembre 2016 en liaison avec les services suivants (les Services) :

(1) Vente de véhicules motorisés modifiés sur mesure

(3) Location de véhicules récréatifs motorisés et modifiés sur mesure.

(2) Services de modification, transformation et aménagement intérieur et extérieur de véhicules récréatifs motorisés et destinés à la pratique du camping et autres activités extérieures; services de conceptions sur mesure d’aménagement, de modification et de transformation intérieur [sic] et extérieurs de véhicules récréatifs motorisés destinés à la pratique du camping et autres activités extérieurs [sic]

[3] Pour les raisons qui suivent, j’estime qu’il y a lieu de rejeter la demande d’enregistrement.

Dossier

[4] La demande d’enregistrement de la Marque fut produite le 23 juillet 2018 et annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 23 septembre 2020.

[5] Une déclaration d’opposition fut produite le 23 mars 2021 en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). À moins d’indication contraire, tous les renvois dans la présente décision réfèrent à la Loi dans sa version telle que modifiée le 17 juin 2019.

[6] Les Opposantes fondent leur opposition sur les motifs suivants :

  • la Marque n’est pas enregistrable au sens de l’article 12(1)(b) de la Loi car, qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, la Marque donne une description claire de la nature des Services [article 38(2)(b) de la Loi];

  • la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi car elle fait l’objet d’un emploi par plusieurs autres personnes et ne distingue donc pas véritablement les Services en liaison avec lesquels elle est employée par le Requérant de ceux d’autres personnes, ni n’est adaptée à les distinguer ainsi [article 38(2)(d) de la Loi]; et

  • à la date de production de la demande, le Requérant n’employait pas ni ne projetait d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Services [article 38(2) de la Loi].

[7] Le Requérant a produit une contre-déclaration niant chacun des motifs d’opposition plaidés par les Opposantes.

[8] Au soutien de leur opposition, les Opposantes ont produit une déclaration solennelle de Julien Roussin Côté, datée du 7 septembre 2022 et accompagnée des pièces O‑1 à O‑8 (la Déclaration Roussin Côté); et une déclaration solennelle de Dominic Faucher, datée du 7 septembre 2022 et accompagnée des pièces O‑1 à O‑8 (la Déclaration Faucher).

[9] Au soutien de sa demande, le Requérant a produit une déclaration solennelle en son propre nom, datée du 7 janvier 2022 et accompagnée des pièces R-1 à R-17 (la Déclaration Vachon); et une déclaration solennelle de Sabrina Lavoie, datée du 7 janvier 2022 et accompagnée des pièces SL‑1 à SL‑23 (la Déclaration Lavoie).

[10] Aucun témoin n’a été contre-interrogé.

[11] Les parties ont soumis des observations écrites et étaient présentes à l’audience tenue.

Fardeau de preuve

[12] C’est aux Opposantes qu’il incombe au départ d’établir le bien-fondé de leur opposition. Leurs motifs d’opposition doivent être dûment plaidés et les Opposantes doivent s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits sur lesquels elles appuient chacun de ceux-ci. Une fois ce fardeau satisfait, il incombe au Requérant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun des motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3e) 293, 1990 CanLII 11059 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29].

Preuve des parties

[13] Je fournis ci-dessous un aperçu de la preuve produite par les parties que j’examinerai plus en détail dans mon analyse des motifs d’opposition. Dans mon examen de la preuve, je ferai abstraction de toute affirmation d’un témoin équivalant à une opinion sur des questions de fait et de droit qu’il revient au registraire de trancher. Je ferai également abstraction des éléments de preuve qui ont été soumis par le biais des observations écrites.

Preuve des Opposantes

La Déclaration Roussin Côté

[14] M. Roussin Côté est le président de l’Opposante 6164722 Canada Inc., faisant affaire sous le nom Go-Van (Go-Van). M. Roussin Côté explique que son entreprise offre depuis 2015 du contenu lié à « la vanlife » via un magazine en ligne et des services de promotion en ligne pour les entreprises de location de vans. M. Roussin Côté indique qu’il a écrit un « livre sur la vanlife, intitulé Vie de Van, paru en 2019 ».

[15] Dans sa déclaration, M. Roussin Côté fournit des imprimés de pages Web définissant le terme vanlife comme signifiant essentiellement un mode de vie alternatif qui consiste à vivre dans un véhicule aménagé pour ce faire. M. Roussin Côté fournit également des imprimés de pages Web contenant des publications sur ce mode de vie, tels que des livres, des blogs et des articles de magazines, ainsi que des imprimés de certaines pages du site Web du Requérant.

[16] Par ailleurs, M. Roussin Côté relate que le Requérant a produit une demande d’enregistrement pour la Marque aux États-Unis. Au soutien, il fournit une copie de la demande en question ainsi qu’une copie d’une lettre officielle de l’examinateur du United States Patent and Trademark Office (USPTO) dans le dossier.

La Déclaration Faucher

[17] M. Faucher est le président et directeur de création de l’Opposante L’escadron Vanlife Sagas inc. (Vanlife Sagas), une entreprise qu’il décrit comme œuvrant dans « la création de contenus liés à la vanlife ».

[18] La déclaration de M. Faucher est essentiellement identique à celle de M. Roussin Côté. Les pièces jointes sont identiques. Par conséquent, je ferai dorénavant uniquement référence à la Déclaration Roussin Côté.

Preuve du Requérant

La Déclaration Vachon

[19] La Déclaration Vachon dresse le portrait du projet d’affaire du Requérant dans le créneau de la transformation, location et vente de véhicules récréatifs.

[20] Le Requérant relate d’abord son parcours en ce qui concerne la transformation de fourgonnettes. Il explique notamment qu’en 2001, il a acquis et transformé une première fourgonnette en véhicule récréatif pour son usage personnel, et qu’en 2012, il a fondé une entreprise d’ébénisterie, la compagnie 9263‑1464 Québec inc. qui opère sous le nom DVA Concept Design.

[21] M. Vachon relate aussi qu’en septembre 2017, il a apposé la Marque sur une fourgonnette transformée en véhicule récréatif et que cette fourgonnette a circulé au Québec comme outil promotionnel pour sa compagnie DVA Concept Design. Selon M. Vachon, ces activités promotionnelles lui ont permis de bâtir un carnet de commandes et de « lancer officiellement l’entreprise VANLIFE en 2018 ».

[22] De plus, M. Vachon fournit des détails concernant les opérations des compagnies qu’il a fondées en 2019 dans le cadre de son projet d’affaire, soit les sociétés « Compagnie de location de véhicules récréatifs VanLife » (Vanlife Montréal) offrant des services de vente et location de véhicules récréatifs et « Compagnie de design et d’aménagement de véhicules récréatifs VanLife » (Conversion VanLife) offrant des services de modification, de transformation et d’aménagement de véhicules motorisés. M. Vachon déclare qu’il est l’actionnaire majoritaire et le président de ces deux sociétés et il joint à sa déclaration des extraits du Registre des entreprises du Québec au soutien. Il déclare également que la promotion des produits et services de Vanlife Montréal et de Conversion VanLife se fait de manière commune, par les mêmes employés et sur les mêmes plateformes.

[23] Dans l’ensemble, je note que la Déclaration Vachon fait davantage état des activités promotionnelles réalisées ou entrepris par le Requérant depuis 2017, fournissant peu de détails sur l’exécution des Services, et encore moins sur l’exécution des Services en liaison avec la Marque.

La Déclaration Lavoie

[24] Mme Lavoie est avocate à l’emploi de Benoît & Côté inc., le cabinet représentant le Requérant. Elle joint à sa déclaration des extraits du Registre des marques de commerce ainsi que des extraits de dictionnaires.

Analyse

[25] À titre préliminaire, il y a lieu de noter que la Déclaration Vachon fait état des activités commerciales non seulement du Requérant, mais aussi celles de Vanlife Montréal et Conversion VanLife. Les Opposantes soulignent que le Requérant n’a mis en preuve aucune licence, ni détails sur les moyens par lesquels le Requérant exerçait un contrôle de manière à ce que l’emploi de la Marque par ces entités profite au Requérant en vertu de l’article 50 de la Loi.

[26] J’estime néanmoins que la preuve est suffisante pour inférer l’existence du contrôle requis, notamment à la lumière du rôle du Requérant à titre d’actionnaire majoritaire et président des sociétés en question, et des déclarations de M. Vachon concernant leurs activités promotionnelles conjointes [voir Lindy c Canada (Registraire des marques de commerce) (1999), 241 NR 362 (CAF) pour le principe que le contrôle requis peut être inféré des faits, par exemple, lorsque le propriétaire inscrit est un dirigeant, un administrateur, ou un actionnaire majoritaire du licencié]. Je note d’ailleurs que certaines déclarations de M. Vachon (e.g. « je poursuis l’utilisation de la marque VANLIFE en association avec les services de vente et location de véhicules récréatifs à travers la société Vanlife Montréal », para 12 de la Déclaration Vachon) appuient une telle inférence.

[27] J’accepte donc que l’emploi de la Marque par Vanlife Montréal et Conversion VanLife puisse profiter au Requérant en vertu de l’article 50 de la Loi – je ne ferai donc pas de distinction entre ces entités et le Requérant dans mon analyse.

[28] Cela dit, même si j’étais dans l’erreur, et comme il deviendra évident de mon analyse ci-après, ma conclusion à ce sujet n’a aucune incidence sur le résultat ultime de la présente procédure.

Motif fondé sur l’article 38(2)(e)

[29] À l’audience, l’agent des Opposantes a soumis que la déclaration d’opposition contient une erreur typographique car celle-ci aurait dû alléguer l’article 30(b) de l’ancienne Loi, plutôt que l’article 38(2)(e) de la Loi qui était en vigueur à la date de production de la déclaration d’opposition.

[30] À cet égard, la position des Opposantes est essentiellement que la présente demande d’enregistrement n’était pas conforme à l’article 30(b) de la Loi telle que cette dernière se lisait au moment de la production de la demande en 2018. Les Opposantes soumettent que la preuve du Requérant n’appuie pas la date de premier emploi revendiquée dans la demande d’enregistrement et qu’aucune preuve n’a été soumise démontrant un emploi de la Marque par le Requérant [observations écrites des Opposantes aux para 87 à 112].

[31] Comme les dispositions transitoires de la Loi prévoient qu’une demande d’enregistrement annoncée après l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi est régie par celle-ci [article 69.1 de la Loi], il n’y a pas lieu de considérer davantage la « correction », sans fondement juridique, argumentée par les Opposantes. En effet, c’est le motif d’opposition tel que plaidé dans la déclaration d’opposition, i.e. sous l’article 38(2)(e) de la Loi, qui est applicable dans le présent cas.

[32] La date pertinente pour l’appréciation de ce motif est la date de production de la demande d’enregistrement.

[33] Je note d’abord que le motif tel que plaidé est insuffisant. Bien qu’il soit en général suffisant de simplement faire valoir qu’un requérant n’employait pas la marque de commerce visée par la demande à la date de production de celle-ci pour s’acquitter du premier volet de l’article 38(2)(e) de la Loi, les Opposantes n’ont invoqué aucun fait pertinent ou raison pour laquelle le Requérant ne projetait pas d’employer la Marque au Canada à la date de production de la présente demande afin de s’acquitter du deuxième volet. De plus, la preuve au dossier n’apporte aucun soutien ni clarification à cet égard.

[34] Il convient aussi de souligner que l’évaluation d’un motif d’opposition sous l’article 38(2)(e) de la Loi vise à déterminer si un requérant employait ou projetait d’employer la marque de commerce visée par la demande au Canada à la date de production de celle-ci, et non pas à déterminer si un requérant a revendiqué la bonne base d’enregistrement dans sa demande. En effet, pour les demandes annoncées après le 17 juin 2019, un requérant n’est plus tenu d’inclure de revendication distincte, par exemple, d’emploi depuis une date particulière antérieure, et rien n’empêche non plus un requérant de modifier sa demande pour supprimer ce type de revendications [voir l’article 35 du Règlement sur les marques de commerce et l’énoncé de pratique de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada intitulé Énoncé de pratique sur la modification et la suppression des revendications d’emploi, d’emploi projeté, et d’emploi et d’enregistrement à l’étranger].

[35] Comme déjà mentionné et tel qu’il ressortira de l’analyse ci-dessous concernant le motif sous l’article 38(2)(d) de la Loi, la preuve du Requérant est mince en ce qui concerne l’emploi de la Marque. Cela étant dit, il n’est pas nécessaire de me prononcer sur le premier volet du présent motif d’opposition. En effet, même si je concluais au non-emploi de la Marque à la date de production de la demande sous le premier volet, les Opposantes n’obtiendraient pas gain de cause sous le deuxième volet étant donné qu’elles n’ont plaidé aucun fait matériel au soutien de celui-ci, pas plus qu’il n’y a d’éléments de preuve au dossier à cet effet.

[36] Par conséquent, le présent motif d’opposition est rejeté.

Motif fondé sur l’article 38(2)(b)

[37] Les Opposantes plaident que la Marque n’est pas enregistrable au sens de l’article 12(1)(b) de la Loi, car celle-ci donne une description claire de la nature des Services.

[38] La date pertinente pour l’appréciation de ce motif d’opposition est la date de production de la demande d’enregistrement.

[39] La question de savoir si une marque de commerce donne une description claire doit être envisagée du point de vue du consommateur moyen des services liés à cette marque. Le mot « nature » s’entend d’une particularité, d’un trait ou d’une caractéristique des services, et le mot « claire » signifie « [traduction] facile à comprendre, évident ou simple » [Drackett Co of Canada Ltd c American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29 (C de l’Éch)]. L’évaluation du caractère descriptif de la Marque doit se faire en tenant compte des services qui y sont associés [Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario c Canada (Procureur général), 2012 CAF 60].

[40] Les parties s’entendent que le terme vanlife fait essentiellement référence à un mode de vie nomade, impliquant un véhicule transformé ou modifié afin d’être capable d’y habiter.

[41] Aux dires des Opposantes, puisque les Services du Requérant « ont un lien étroit » avec la définition du mot VANLIFE, il est « inévitable » qu’un consommateur soit, à première vue, en mesure de déterminer clairement le caractère ou les caractéristiques des Services [observations écrites des Opposantes au para 36]. À l’audience, les Opposantes ont soumis que pour vivre « la vanlife », ou « la vie en van », il faut « nécessairement acheter une van, louer une van, ou transformer une van », soit les Services visés par la demande.

[42] Les Opposantes font également valoir qu’une demande d’enregistrement pour la Marque, en liaison avec des services similaires aux Services, a été rejetée par l’examinateur du USPTO car celui-ci a déterminé que la Marque était descriptive.

[43] Le Requérant conteste l’admissibilité et la pertinence de la preuve concernant la demande refusée par l’examinateur du USPTO, et nie que les Opposantes aient établi une signification du terme vanlife connue du « grand public canadien » en date du 23 juillet 2018, soit la date pertinente pour évaluer ce motif.

[44] Tout d’abord, concernant la décision de l’examinateur du USPTO, je note que les décisions étrangères ne contraignent pas le registraire et que bien que celles-ci puissent parfois avoir un effet de persuasion, je ne considère pas que ce soit le cas en l’espèce. Qu’il suffise de mentionner que la preuve au dossier n’établit pas que le droit américain concernant le caractère descriptif d’une marque de commerce coïncide avec les exigences particulières de l’article 12(1)(b) de la Loi, la décision de l’examinateur américain faisant référence au caractère « simplement descriptif » (« merely descriptive »), plutôt qu’à celui « clairement descriptif » devant être évalué sous l’article 12(1)(b) de la Loi.

[45] Ensuite, concernant la signification de la Marque, le Requérant souligne avec raison que la majorité de la preuve concernant le sens du terme vanlife est postérieure à la date pertinente. Les références antérieures à la date pertinente sont des imprimés de sites Web WordSpy (www.wordspy.com) et Urban Dictionary (www.urbandictionary.com) qui présentent des citations incluant le terme vanlife ainsi que des définitions de ce terme [para 3 et pièce O-1 de la Déclaration Roussin Côté]. Même si j’acceptais que cette preuve soit suffisante pour permettre aux Opposantes de s’acquitter de leur fardeau, j’estime que le Requérant s’est aussi déchargé du sien, soit d’établir que la Marque n’était pas clairement descriptive au sens de l’article 12(1)(b) de la Loi à la date de production de la demande.

[46] Plus particulièrement, bien que la Marque puisse référer au mode de vie auquel les clients du Requérant aspirent, celle-ci ne décrit pas la nature même des Services de vente, location, ou transformation de véhicules récréatifs motorisés. En effet, la signification qui se dégage de la Marque n’est pas évidente ou simple comme il est requis pour que l’on puisse conclure qu’une marque donne une description claire au sens de la Loi. Il faut plutôt procéder à un exercice mental pour passer de l’idée évoquée par la Marque, soit que les consommateurs puissent « vivre la vanlife » s’ils se prévalent des Services du Requérant, et parvenir à identifier ces derniers [voir GWG Ltd c Registraire des marques de commerce (1981), 55 CPR (2e) 1 aux pp 6 et 7 (CF 1re inst) pour une discussion concernant l’évaluation du caractère clairement descriptif lorsque l’attribution d’une signification requière un exercice de « gymnastique mentale »].

[47] Je conclus donc que la première impression créée par la Marque ne décrit pas clairement la nature des Services. Certes, la Marque est évocatrice mais, aux termes de l’article 12(1)(b) de la Loi, cela n’empêche pas son enregistrement.

[48] Par conséquent, ce motif d’opposition est également rejeté.

Motif fondé sur l’article 38(2)(d)

Le motif plaidé par les Opposantes

[49] Les Opposantes plaident que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, car elle fait « l’objet d’un emploi par plusieurs autres personnes et ne distingue donc pas véritablement les Services en liaison avec lesquels elle est employée par le Requérant de ceux d’autres personnes, ni n’est adaptée à les distinguer ainsi ».

[50] La date pertinente pour l’appréciation de ce motif d’opposition est la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 23 mars 2021.

[51] À ma lecture des observations écrites des parties, et suite aux plaidoiries orales, je constate que le Requérant paraît interpréter ce troisième motif comme étant une simple répétition du motif alléguant le caractère clairement descriptif de la Marque sous l’article 38(2)(b), ainsi qu’une allégation d’emploi antérieur de VANLIFE à titre de marque de commerce par des tiers [voir les observations écrites du Requérant aux para 94 à 108]. Une telle interprétation fait fi de quelques nuances importantes.

[52] Premièrement, tel que discuté par la Cour fédérale dans Conseil canadien des ingénieurs professionnels c APA - Engineered Wood Assn, un motif fondé sur le caractère non-distinctif sous l’article 38(2)(d) de la Loi n’est pas une simple répétition d’un motif sous l’article 38(2)(b), et l’absence de caractère clairement descriptif d’une marque ne signifie pas nécessairement que cette marque est distinctive [(2000), 7 CPR (4e) 239 (CF 1re inst) à la p 253].

[53] Ainsi, bien que le présent motif d’opposition allègue que vanlife est un terme employé pour décrire un mode de vie lié aux Services, la question n’est pas de savoir si ce terme est clairement descriptif. Il faut plutôt se demander si, à la lumière d’un emploi antérieur de ce terme par des tiers, la Marque pouvait servir à identifier le Requérant comme source unique des Services ou, autrement dit, si elle pouvait servir à distinguer les Services du Requérant de ceux d’autres personnes à la date pertinente du 23 mars 2021.

[54] Deuxièmement, concernant l’allégation d’emploi antérieur du terme vanlife, il est important de souligner que les Opposantes n’allèguent pas un emploi fait à titre de marque de commerce. Le motif repose plutôt sur l’adoption de ce terme à titre de mot courant ou générique.

[55] Pour s’acquitter de leur fardeau initial, les Opposantes doivent donc produire suffisamment de preuve afin que je puisse raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués, soit qu’il y a eu emploi par des tiers du terme vanlife dans une mesure qui serait suffisante pour nier le caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2e) 44 (CF 1re inst) à la p 58; pour l’analyse d’un motif d’opposition similairement fondé sur une allégation d’utilisation antérieure d’un terme à titre de mot courant, voir Ebel Quarries Inc c Owen Sound Ledgerock Limited, 2014 COMC 11].

[56] La preuve documentaire jointe à la Déclaration Roussin Côté est volumineuse. Cependant, il est loin d’être clair que l’entièreté de cette preuve reflète la compréhension du terme vanlife au Canada à la date pertinente du 23 mars 2021. Tel que souligné par le Requérant, plusieurs documents ne sont pas datés ou sont datés après la date pertinente, et/ou n’établissent pas clairement un lien avec le Canada. C’est le cas, par exemple, de plusieurs imprimés de pages Web [pièces O-1, O-2, et O‑3], de la liste de résultats obtenus d’une recherche sur Google pour des vidéos en lien avec les mots-clés « Documentaire vanlife » [pièce O‑4], et de l’imprimé d’un extrait de la page Instagram pour le mot-clic #vanlife [pièce O‑6].

[57] J’estime cependant que la preuve des Opposantes est suffisante pour établir que vanlife était un terme courant utilisé au Canada à la date pertinente, notamment dans le contexte de location de véhicules récréatifs, mettant ainsi en doute le caractère distinctif de la Marque au moment de la production de la déclaration d’opposition.

[58] Je constate notamment la présence du terme vanlife dans de nombreuses publications canadiennes, dont les articles suivants fournis aux pièces O‑2 et O‑3 de la Déclaration Roussin Côté:

  • « Why van life is the best way to travel », daté du 14 juin 2019, et « Millenial Women Tell Us Why They Joined the #VanLife Trend… », daté du 19 janvier 2020, publiés sur le site Web de Just Go Vans (justgovans.ca);

  • « La Norvège : Le paradis du Vanlife? », daté du 5 février 2020 et publié sur le site Web de l’Opposante Vanlife Sagas (vanlifesagas.com);

  • « Voici 6 endroits où louer un véhicule pour vivre la vanlife au Québec cet été », daté du 27 mai 2020 et publié sur le site Web du Journal de Montréal (journaldemontreal.com);

  • « Vanlife au Québec : 8 conseils de pro pour réussir ses vacances », daté du 8 juin 2020 et publié sur le site Web de Elle Québec (ellequebec.com); et

  • « Une saison de folie pour la vanlife au Québec », daté du 12 novembre 2020 et publié sur le site Web Espaces (espaces.ca).

[59] La Déclaration Roussin Côté fournit également une liste de livres portant sur « la vanlife », ou son équivalent phonétique « van life », tels qu’identifiés par une recherche sur les sites Web de Renaud-Bray (renaud-bray.com) et Indigo (chapters.indigo.ca) [pièce O‑5]. Plusieurs des titres identifiés présentent des dates de parution avant la date pertinente, dont :

  • Van Life : Your Home on the Road, paru le 10 octobre 2017;

  • The Vanlife Companion, paru le 20 novembre 2018;

  • The Rolling Home Presents the Culture of Vanlife, paru le 27 mars 2019;

  • Vanlife Diaries: Finding Freedom on the Open Road, paru le 9 avril 2019;

  • Van Life: Skill Up for Life on the Road, paru le 23 avril 2019; et

  • Vanlife en Famille: Osez la Liberté!, paru le 24 septembre 2020.

[60] De plus, je constate la présence du terme vanlife sur des sites Web offrant des services de location et d’aménagement de véhicules récréatifs [Déclaration Roussin Côté, pièce O-3], notamment :

  • un imprimé du site Web de Québec Campervans (quebeccampervans.com) offrant la location de vans aménagées qui fait référence à « La vanlife sur-mesure », et qui présente un avis de droit d’auteur daté de 2020; et

  • un imprimé du site Web de Curious Campervans (curiouscampervans.com) offrant des aménagements de caravanes en Colombie-Britannique (« Handcrafted Campervan Conversions in BC, Canada » ). Une section de la page Web invite les lecteurs à visionner une vidéo d’un voyage vanlife en 2020 et demande aux lecteurs de contribuer des idées pour un voyage futur en 2021 (« Check out the video below for our 2020 vanlife trip through the Kootenays and Rocky Mountains. Where should we go in 2021?! »).

[61] Les Opposantes s’étant acquittées de leur fardeau initial, il revient au Requérant de démontrer que sa Marque distinguait effectivement ses Services de ceux des autres, ou était adaptée à les distinguer ainsi à la date pertinente [voir Muffin Houses Inc c The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3e) 272 (COMC) pour ce même principe en ce qui concerne des produits].

Caractère distinctif d’une marque de commerce

[62] Il y a deux types de caractère distinctif. D’abord, le caractère distinctif inhérent, lorsque la marque est constituée d’un nom unique ou inventé qui ne peut désigner qu’une seule chose. Ensuite, le caractère distinctif acquis, lorsque les consommateurs associent une marque à une source déterminée suite à l’emploi continu cette marque. Le caractère distinctif acquis correspond donc à la mesure dans laquelle une marque est devenue connue suite à son emploi. Pour établir qu’une marque a acquis un caractère distinctif, il faut démontrer que les consommateurs connaissent cette marque comme indicateur d’une source unique [Tommy Hilfiger Licensing Inc c Produits de Qualité IMD Inc, 2005 CF 10 aux para 53 à 58].

[63] Il est sans conteste que l’ « essence même d’une marque de commerce est d’être distinctive » [Drolet c Stiftung Gralsbotschaft, 2009 CF 17 au para 168]. En effet, c’est le caractère distinctif d’une marque qui permet aux consommateurs de savoir ce qu’ils achètent et d’en connaître la provenance [Kirkbi AG c Ritvik Holdings Inc / Gestions Ritvik Inc, 2005 CSC 65 au para 39; voir aussi Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22 au para 75].

[64] La question de savoir si une marque possède un caractère distinctif est donc une question de fait déterminée par référence au message qu’elle transmet au consommateur ordinaire des produits ou des services en question [voir Richtree Restaurant du Marché Inc c Mövenpick Holding AG, 2016 CF 1046 au para 33].

[65] Pour les raisons qui suivent, je considère la preuve du Requérant insuffisante pour établir par prépondérance des probabilités que la Marque transmettait à la date pertinente un message clair identifiant le Requérant comme source unique des Services.

Le Requérant n’a pas démontré le caractère distinctif inhérent de sa Marque

[66] Le Requérant a fait valoir que le terme vanlife possède un caractère distinctif inhérent. À cet égard, le Requérant a repris à l’audience des arguments soumis en lien avec le motif d’opposition fondé sur la nature clairement descriptive du terme vanlife, soit que les Opposantes n’ont mis en preuve aucune définition de dictionnaire ou de source « officielle » établissant une définition pour le mot vanlife, et qu’au plus, ce terme n’est connu que par un nombre « très limité » de personnes pour faire référence à un style de vie alternatif.

[67] Même en l’absence de définition dans le dictionnaire, il me paraît tout à fait raisonnable de conclure de la preuve que le terme vanlife était compris par le public canadien comme désignant un mode de vie nomade, incluant par une communauté d’amateurs de ce mode de vie comprenant des individus et des compagnies offrant la location et/ou l’aménagement de véhicules récréatifs adaptés pour la « vie en van ».

[68] En effet, étant donné l’utilisation antérieure de vanlife comme terme générique dans des publications canadiennes mises en preuve dans la Déclaration Roussin Côté, je suis d’avis que ce terme n’était ni original, ni unique ou inventif à la date pertinente du 23 mars 2021. Par conséquent, j’estime que la Marque ne possédait pas de caractère distinctif inhérent à cette date.

Le Requérant n’a pas démontré le caractère distinctif acquis de sa Marque

[69] Le Requérant a fait valoir que la Marque a aussi acquis un caractère distinctif par le biais de son emploi. À cet égard, le Requérant prétend que la preuve démontre l’emploi de la Marque, étant notamment d’avis que la présentation de VANLIFE MTL et du « Logo » ci-après décrit sont des exemples d’emploi de la Marque en soi.

[70] Le Requérant s’appuie entre autres sur les éléments de preuve suivants dans la Déclaration Vachon [voir les observations écrites du Requérant aux para 109 à 113]:

  • copie d’un rapport Analytics montrant le nombre de visites au site Web du Requérant www.vanlifemtl.com entre le 7 février 2018 et 21 avril 2021, dont plus de 200 000 visiteurs ayant choisi soit la langue « fr-ca » ou « en-ca » [para 16, pièce R-9];

  • copie d’un rapport sur les statistiques concernant les visites et le type d’interaction des visiteurs avec le site Web www.vanlifemtl.com, montrant plus de 200 000 nouveaux utilisateurs de ce site en 2020 et une projection de plus de 300 000 nouveaux utilisateurs en 2021 [para 17, pièce R-10]; et

  • imprimé des pages de publications du compte Instagram du Requérant ayant, au moment de son impression en 2022, plus de 25 000 abonnés [para 18, pièce R‑11]. Ce compte Instagram porte le pseudonyme VanLifeMtl. La photo de profil du compte est l’image suivante (le Logo):

Logo comportant une dessin rappelant une van et une route, ainsi que le termes "VanLife" et "MTL" sur des lignes distinctes.

[71] Parmi les photographies publiées sur le compte Instagram, j’en note quelques unes montrant des vans sur lesquelles figure le Logo, l’adresse du site Web www.vanlifemtl.com, ou les deux. Les publications Instagram présentées à la pièce R‑11 ne sont pas datées. Par contre, je note une capture d’écran à la pièce R‑2 montrant une publication datée du 30 septembre 2017 sur le compte Instagram du Requérant; cette publication comprend une photographie d’un individu portant un chandail marqué VANLIFEMTL devant une fourgonnette marquée vanlifemtl.com.

[72] Au paragraphe 114 de ses observations écrites, le Requérant souligne également les efforts « substantiels » de promotion mis en preuve dans la Déclaration Vachon, soit:

  • la participation à des foires commerciales et événements promotionnels entre 2017 et 2019 [paras 7 à 10];

  • le maintien d’un site Web de réservation de véhicules récréatifs au www.vanlifemtl.com [para 23];

  • le maintien de comptes de médias sociaux Instagram et FaceBook ayant le pseudonyme VanLife Mtl et affichant le Logo comme photo de profil [paras 18, 19, et 22];

  • l’acquisition de 34 noms de domaine comportant le terme vanlife, énumérés dans un tableau avec chacune de leurs dates de création [para 14, pièce R‑8]; et

  • des vidéos diffusées sur la plateforme YouTube [para 21, pièce R‑12].

[73] Concernant ces vidéos, M. Vachon déclare que « Vanlife Montréal fait … la promotion de ses produits et services à travers des vidéos sur la plate‑forme Youtube®, toujours en association avec la marque de commerce VANLIFE ». Au soutien, il joint la pièce R‑12, soit une liste énumérant des vidéos disponibles sur cette plateforme incluant leurs titres, dates de publication et statistiques de visionnement. Je note quelques dizaines de milliers de visionnements entre les mois de septembre 2019 et septembre 2020. Plusieurs titres font référence à VanLife MTL (e.g. « Location de campervans VanLifeMTL », « VanLife MTL lance sa saison 2019 », et « Vivez l’aventure avec VanLife MTL! »). Bien que le terme VANLIFE en soi est également présent dans certains titres (e.g. « VanLife », et « VanLife Cover Automne »), le contenu des vidéos n’a pas été mis en preuve et il m’est impossible d’évaluer comment, le cas échéant, la Marque était présentée dans ces vidéos.

[74] Pour ce qui est de l’exécution de services, la preuve se limite essentiellement à certaines déclarations relativement vagues de M. Vachon, comme celles référant à la « clientèle » de VanLife Montréal, ainsi qu’un document que M. Vachon décrit comme étant « les statistiques internes [montrant] le nombre de location de fourgonnettes VANLIFE pour chaque mois depuis l’année 2018 » [para 28, pièce R‑15]. Ce document d’une page est un tableau donnant un nombre de transactions et un chiffre de ventes mensuelles entre mai 2018 et avril 2021. Le total pour ces trois années, sans compter le mois d’avril 2021, est de 866 transactions équivalant à environ 1 200 000 $. M. Vachon affirme que le « prix de vente de fourgonnettes aménagées par Conversion Vanlife est entre 125,000$ et 200,000$ », mais ne fournit aucun chiffre de vente pour des fourgonnettes vendues ou transformées. Aucune déclaration n’est faite par rapport à la présentation de la Marque sur les fourgonnettes louées, vendues, ou transformées par le Requérant.

[75] Considérant la preuve dans son ensemble, j’accepte que la preuve démontre l’annonce et l’exécution d’au moins une partie des Services par le Requérant. Cependant, comme il ressortira de l’analyse qui suit, il n’est pas clair que la preuve démontre l’emploi de la Marque en liaison avec les Services au sens de l’article 4(2) de la Loi, et encore moins l’emploi de celle-ci dans une mesure suffisante pour établir que les consommateurs reconnaissaient la Marque comme indicateur d’une source unique.

Emploi de la Marque en soi

[76] Bien que le Requérant allègue l’emploi abondant et continu de « la Marque », cette-ci apparaît très peu souvent dans la preuve en liaison avec les Services du Requérant. Les Opposantes soulignent avec raison que la preuve du Requérant démontre plutôt l’usage générique du mot vanlife comme désignant une expérience ou mode de vie. À titre d’exemples, je note les passages suivants, tous contenus dans des articles publiés sur le site Web du Requérant avant la date pertinente [pièce O-8 de la Déclaration Roussin Côté]:

  • « Bien que le mouvement vanlife soit de plus en plus connu…»,

  • « … si vous caressez l’idée de la vanlife… »,

  • « J’ai fait l’expérience de la VanLife avec des amies… »,

  • « … la Vanlife ce n’est pas du camping à proprement dit. », et

  • « … l’esprit de communauté entourant le mouvement de la Vanlife. »

[77] À l’audience, le Requérant n’a pu identifier qu’un seul exemple d’emploi de la Marque en soi dans l’ensemble de la preuve. Il s’agit de l’inscription du mot VANLIFE sur l’ameublement intérieur de fourgonnettes figurant dans des photographies publiées sur le site Web du Requérant, incluant certaines pages Web qui fournissent des détails sur le service de location de véhicules récréatifs [pièce R‑14A de la Déclaration Vachon].

[78] J’estime que la présentation de la Marque, à l’intérieur de véhicules récréatifs et dans des photographies de tels véhicules publiées sur le site Web du Requérant, est une preuve insuffisante pour établir que la Marque en soi avait acquis un caractère distinctif quelconque en liaison avec les Services à la date pertinente. Sans plus de détails factuels concernant la présentation de la Marque sur les véhicules, le nombre de véhicules loués, vendus ou modifiés par le Requérant qui auraient été ainsi marqués, sur quelle période de temps, la date de publication des photographies en question sur le site Web, ou autre information pertinente, la preuve ne me permet pas de déterminer la mesure dans laquelle la Marque serait devenue connue suite à son emploi au sens de l’article 4(2) de la Loi.

[79] Concernant l’affirmation de M. Vachon qu’il a « apposé la marque VANLIFE sur une fourgonnette transformée en véhicule récréatif » en septembre 2017 [Déclaration Vachon au para 6], je constate que les photographies qu’il fournit à l’appui de cette affirmation [pièce R-2], ne montrent pas la Marque comme telle, que ce soit sur l’ameublement intérieur de celle‑ci, ou sur l’extérieur de la fourgonnette. La fourgonnette porte plutôt le mot-clic #vanlifemtl et une référence au site Web www.vanlifemtl.com.

[80] Avant de poursuivre, il convient de rappeler ici qu’un simple enregistrement de nom de domaine ne constitue pas à lui seul un emploi de marque de commerce [voir Sun Media Corporation c The Montreal Sun (Journal Anglophone), Inc, 2011 COMC 15]. Conséquemment, l’existence des noms de domaine énumérés à la pièce R‑8 de la Déclaration Vachon, sans plus, ne démontre ni l’emploi de la Marque ni l’acquisition d’un quelconque caractère distinctif.

Emploi de VANLIFE MTL

[81] Les parties semblent d’accord que le Requérant utilise VANLIFE MTL comme nom commercial. À cet égard, je note les exemples suivants d’emploi de VANLIFE MTL comme désignant le Requérant (et accessoirement ses véhicules), tous contenus dans des articles publiés sur le site Web du Requérant avant la date pertinente [pièce O-8 de la Déclaration Roussin Côté] :

  • « VanLife MTL vous propose une expérience complétement différente »,

  • « … VanLife MTL trouve important d’aménager des vans 4 saisons… »,

  • signé par « dominick ménard, ambassadeur vanlife mtl et fondateur de bonvélo »,

  • « L’équipe de VanLife MTL travaille très fort… »,

  • « Une VanLife MTL c’est comme un chalet sur roues… »,

  • « Partez quelques jours que ce soit en louant une van VanLife MTL… », et

  • « Je me suis donné comme mission de vous convaincre qu’une aventure hivernale en VanLife MTL, c’est possible! ».

[82] À l’audience, le Requérant a soumis que le terme MTL est simplement un ajout pour « préciser » sa Marque et « mieux identifier » son entreprise. Selon le Requérant, l’emploi de VANLIFE MTL équivaut donc à l’emploi de la Marque. Autrement dit, le Requérant veut se prévaloir de l’emploi de la marque (et du nom commercial) VANLIFE MTL pour démontrer que la Marque avait acquis un caractère distinctif.

[83] De prime abord, je note que l’emploi d’un nom commercial et l’emploi d’une marque de commerce ne sont pas mutuellement exclusifs, et ce, particulièrement en liaison avec des services [Consumers Distributing Co/Cie Distribution aux Consommateurs c Toy World Ltd, 1990 CarswellNat 1398 (COMC); I Quint Group Inc c Quintcap Inc, 2021 COMC 281 au para 72].

[84] Cela étant dit, je ne suis pas convaincue que la Marque en soi ait pu avoir acquis un caractère distinctif par le biais de l’emploi de VANLIFE MTL. En effet, pour en venir à une telle conclusion, le Requérant devait démontrer qu’en percevant VANLIFE MTL, la première impression du consommateur aurait été que la Marque en soi était employée. Pour résoudre un cas de cette nature, il faut notamment se demander si la Marque se démarquait de l’élément additionnel MTL, ou si l’élément additionnel aurait été perçu comme étant purement descriptif ou comme une marque de commerce ou un nom commercial distinct [Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3e) 535 (COMC) à la p 538].

[85] Selon la Cour fédérale d’appel, le critère pratique que l’on doit appliquer dans un tel cas consiste à comparer la marque en question avec celle réellement employée, et à déterminer « si les distinctions existant entre ces deux marques sont à ce point minimes qu'un acheteur non averti concluerait, selon toute probabilité, qu'elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine » [Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie international pour l’informatique CII Honeywell Bull SA, [1985] 1 CF 406 (CAF) à la p 409, 1985 CanLII 5537]. À mon avis, ce n’est pas le cas en l’espèce.

[86] J’en arrive à cette conclusion en tenant d’abord compte de la nature évocatrice du mot vanlife ainsi que de l’usage courant de ce mot à la date pertinente comme terme générique signifiant un mode de vie. À cet égard, il importe de rappeler que les marques composées de mots descriptifs ou suggestifs possèdent peu de caractère distinctif inhérent [voir Prince Edward Island Mutual Insurance Co c Insurance Co of Prince Edward Island (1999), 86 CPR (3e) 342 (CF 1re inst); Kellogg Canada Inc c Weetabix of Canada Ltd, 2002 CFPI 724].

[87] Je tiens également compte du fait que le terme additionnel MTL n’est pas un mot, mais plutôt une combinaison de lettres qui serait vraisemblablement perçue, dans le présent contexte, comme une abréviation faisant référence à la ville de Montréal. Qui plus est, je note que les combinaison de lettres, initiales et acronymes sont généralement des marques faibles manquant de caractère distinctif inhérent [voir GSW Ltd c Great West Steel Industries Ltd (1975), 22 CPR (2e) 154 (CF 1re inst) aux pp 162 à 164]. Par conséquent, le terme additionnel MTL – qu’il soit perçu par les consommateurs comme une référence à la ville de Montréal suggérant la provenance des Services ou simplement comme une combinaison de lettres – possède peu de caractère distinctif inhérent.

[88] Ainsi, les composantes VANLIFE et MTL ne possèdent ni l’une ni l’autre un caractère distinctif inhérent marqué. À mon avis, le caractère distinctif de VANLIFE MTL provient plutôt de la combinaison de ces deux composantes. Par conséquent, j’estime qu’un consommateur est susceptible de percevoir VANLIFE MTL comme une phrase unitaire ou un tout indissociable, plutôt qu’en la combinaison de deux marques, ou en la combinaison de la Marque et d’un simple terme de « précision ». En effet, à la lumière de la preuve des Opposantes démontrant l'usage antérieur de vanlife par des tiers, j’estime que l’ajout du terme MTL est loin d’être superflu ou minime: cet ajout transforme ou qualifie le terme VANLIFE de manière à distinguer les Services du Requérant de ceux de tiers.

Emploi du Logo

[89] À l’audience, le Requérant a soumis que le Logo n’est qu’une variation mineure de la Marque et que la présentation du Logo en liaison avec les Services équivaut à l’emploi de la Marque. Le Requérant a également soumis que l’élément VANLIFE domine le Logo sur les plans visuel et sonore.

[90] Je ne suis pas convaincue par les soumissions du Requérant. D’abord sur le plan visuel, étant donné la nature suggestive des éléments nominatifs VANLIFE et MTL discutée précédemment, j’estime que l’effet frappant du Logo résulte de sa composante graphique, incluant le contraste marqué entre la route noire de forme triangulaire qui est découpée par la fourgonnette de forme rectangulaire. Je note également que la forme triangulaire de la route donne un effet de perspective et de mouvement qui attire l’œil vers ces éléments figuratifs.

[91] Sur le plan sonore, la composante graphique du Logo ne serait vraisemblablement pas prononcée. Bien que le terme MTL soit dans une taille de caractère plus petite que le terme VANLIFE, je ne suis pas pour autant convaincue que le terme MTL serait ignoré par les consommateurs. Pour les raisons exprimées plus haut, et particulièrement l’importance de l’ajout du terme MTL, j’estime que les consommateurs seraient davantage susceptibles de prononcer le Logo comme la combinaison des termes VANLIFE et MTL, comme dans « vanlife M-T-L » ou « vanlife Montréal ».

[92] En somme, je ne suis pas convaincue que l’emploi du Logo équivaut à l’emploi de la Marque et qu’il ait pu permettre au Requérant d’acquérir une réputation en liaison avec le terme VANLIFE en lui seul, de manière à ce que les consommateurs reconnaissent la Marque en soi comme identifiant le Requérant en tant que source unique des Services.

Conclusion sur le caractère distinctif

[93] Comme je l’ai indiqué précédemment, le Requérant a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun des motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque. Le fait que le fardeau ultime incombe au Requérant signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été considérée, la question doit être tranchée à l’encontre du Requérant.

[94] À la lumière de mon analyse plus haut, je ne suis pas convaincue que le Requérant s’est acquitté du fardeau de démontrer que sa Marque distinguait ses Services de ceux de tiers à la date pertinente. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur les articles 38(2)(d) et 2 de la Loi est accueilli.

Décision

[95] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

Eve Heafey

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2023-11-30

COMPARUTIONS

Pour les Opposantes : Frédéric Letendre

Pour le Requérant : Hilal El Ayoubi

AGENTS AU DOSSIER

Pour les Opposantes : Yulex, Avocats et stratèges, S.E.N.C.R.L.

Pour le Requérant : Hilal El Ayoubi

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