Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 85

Date de la décision : 2024-04-26

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DÉCISION INTERLOCUTOIRE

Opposante : Sobeys Capital Incorporated

Requérante : CCP Products, S.A.P.I. de C.V.

Demande : 2144339 pour VUALA

Introduction

[1] Sobeys Capital Incorporated (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce VUALA (la Marque), laquelle est l’objet de la demande d’enregistrement no 2144339 de CCP Products, S.A.P.I. de C.V. (la Requérante).

[2] Par une correspondance datée du 13 mars 2024, la Requérante demande une décision interlocutoire visant à radier le paragraphe 3a) et une partie du paragraphe 3e) de la déclaration d’opposition, et demande en outre une prolongation d’un mois du délai de production et de signification de sa contre-déclaration.

[3] Par une correspondance datée du 28 mars 2024, l’Opposante a répondu à la demande de radiation, en partie en demandant l’autorisation de modifier la déclaration d’opposition.

[4] Par une correspondance datée du 11 avril 2024, la Requérante a répondu à la demande d’autorisation de l’Opposante en maintenant sa demande de radiation, faisant simplement valoir que les modifications [traduction] « ne corrigent pas les irrégularités » qu’elle avait alléguées dans sa demande initiale.

Autorisation de modifier la déclaration d’opposition

[5] L’Opposante demande l’autorisation de modifier les paragraphes 3a) et 3e) de la déclaration d’opposition, qui concernent les motifs fondés sur les articles 38(2)a.1) et 38(2)f) de la Loi sur les marques de commerce (la Loi), examinés ci-dessous.

[6] Compte tenu des circonstances de l’espèce énoncées dans la correspondante de l’Opposante, je suis convaincu qu’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder la permission à l’Opposante en vertu de l’article 48 du Règlement sur les marques de commerce de modifier sa déclaration d’opposition ainsi qu’elle le demande.

[7] Par conséquent, cette décision interlocutoire concerne les motifs d’opposition modifiés dans la déclaration d’opposition modifiée.

Décision interlocutoire sur la demande de radiation

[8] Le caractère suffisant d’une déclaration d’opposition est régi par l’article 38 de la Loi. L’article 38(2) de la Loi donne une liste exhaustive des motifs sur lesquels une opposition peut être fondée, et l’article 38(3) de la Loi exige que les motifs dans une déclaration d’opposition soient énoncés avec des détails suffisants pour permettre au requérant d’y répondre.

[9] Le pouvoir du registraire de radier tout ou partie d’une déclaration d’opposition est énoncé à l’article 38(6) de la Loi, comme suit :

(6) […] le registraire peut, à la demande de celui-ci, radier tout ou partie de la déclaration d’opposition dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) la déclaration ou la partie en cause de celle-ci n’est pas fondée sur l’un des motifs énoncés au paragraphe (2);

b) la déclaration ou la partie en cause de celle-ci ne contient pas assez de détails au sujet de l’un ou l’autre des motifs pour permettre au requérant d’y répondre.

[10] Un motif dûment plaidé invoque les faits pertinents, mais non la preuve que l’opposant a l’intention de soumettre pour établir ces faits [Pepsico Inc c Registraire des marques de commerce (1976), 22 CPR (2d) 62 (CF 1re inst)].

[11] Les motifs d’opposition qui n’ont aucune chance raisonnable d’être accueillis, ou pour lesquels il n’existe aucune cause défendable peuvent être radiés [voir Compagnie d’Assurance-Vie Manufacturers c British American Tobacco (Brands) Limited, 2017 CF 436 aux para 57 à 64]. À cet égard, au paragraphe 60, la Cour fédérale résume les directives de la Cour suprême du Canada concernant les nouveaux actes de procédure comme suit :

Dans l’arrêt [R c Imperial Tobacco, 2011 CSC 42 (Imperial Tobacco)], la Cour suprême réitère que la prudence s’impose avant de radier un acte de procédure et que le droit continue d’évoluer. Plus précisément, elle observe au paragraphe 21 que l’approche de la Cour devrait être « généreuse et permettre, dans la mesure du possible, l’instruction de toute demande inédite, mais soutenable ». La Cour ajoute toutefois, au paragraphe 25, qu’il faut tenir compte du contexte pour établir s’il existe une possibilité raisonnable qu’une demande soit accueillie. Plus précisément, « [i]l s’agit de savoir si, dans le contexte du droit et du processus judiciaire, la demande n’a aucune possibilité raisonnable d’être accueillie »

Motif fondé sur la mauvaise foi – Article 38(2)a.1)

[12] Dans sa déclaration d’opposition modifiée au paragraphe 3a), l’Opposante plaide que la demande a été produite de mauvaise foi, comme suit (les modifications sont soulignées) :

[traduction]

La demande contrevient à l’art. 38(2)a.1) de la Loi. L’artilce 38(2)a.1) prévoit qu’une demande peut faire l’objet d’une opposition au motif que la demande a été produite de mauvaise foi.

À la date de production de la demande (1er novembre 2021), ou à toute autre date pertinente, la Requérante connaissait, ou aurait dû connaître, pleinement, les droits antérieurs bien connus de l’Opposante sur ses marques de commerce VOILA, énoncées aux paragraphes 3b) à c) des présentes, qui avaient été précédemment enregistrées, employées ou révélées au Canada. Dans ces circonstances, la tentative de la Requérante d’enregistrer la marque de commerce visée par la demande représente une tentative délibérée et de mauvaise foi de profiter de la notoriété que l’Opposante a acquise à l’égard de ses marques de commerce VOILA, énoncées aux paragraphes 3b) et c), précédemment enregistrées, employées ou révélées au Canada, et vise à tromper les consommateurs en leur faisant croire que les produits de la Requérante sont en quelque sorte liés ou approuvés par l’Opposante, lorsque ce n’est pas le cas, et ce, en toute connaissance de cause et dans le mépris flagrant des droits de l’Opposante.

En outre, étant donné que la marque de commerce visée par la demande donne une impression fausse, trompeuse ou mensongère, tout emploi de cette marque de commerce serait illégal parce qu’il contrevient à l’art. 7b), aux art. 20, et 22(1) de la Loi, et, par conséquent, la Demande a été produite de mauvaise foi. En particulier :

(i) art. 7b) : L’Opposante jouit d’une réputation susceptible de bénéficier de la protection légale (achalandage) à l’égard de ses marques de commerce VOILA, comme indiqué aux paragraphes 3b) et c), l’emploi de la marque de commerce visée par la demande entraînera une tromperie du public résultant d’une représentation trompeuse (probabilité de confusion), et l’Opposante subira un préjudice réel ou potentiel en raison de l’emploi par la Requérante de la marque de commerce visée par la demande.

(ii) art. 22(1) : La marque de commerce visée par la demande est la même que les marques de commerce VOILA enregistrées de l’Opposante énoncées au paragraphe 3b), ou s’apparente aux marques de commerce VOILA enregistrées de l’Opposante énoncées au paragraphe 3b) au point d’être considérée comme les marques de commerce VOILA, les marques de commerce VOILA enregistrées de l’Opposante sont suffisamment connues pour que l’achalandage qui y est attaché soit appréciable, et la marque de commerce visée par la demande a été ou sera employée d’une manière susceptible d’avoir un effet sur cet achalandage de manière à en déprécier la valeur (lui porter préjudice).

(iii) art. 20 : La marque de commerce visée par la demande est similaire au point de créer de la confusion aux marques de commerce VOILA enregistrées de l’Opposante énoncées au paragraphe 3b) au sens de l’art. 6(5) de la Loi, de sorte que tout emploi de la marque de commerce visée par la demande par la Requérante en liaison avec les produits visés par la demande constituerait une atteinte aux droits exclusifs de l’Opposante sur ces marques de commerce de l’Opposante, au sens de l’art. 20 de la Loi.

Dans ces circonstances, la Demande a été produite de mauvaise foi, ce qui va à l’encontre de l’art. 38(2)a.1) de la Loi.

[13] La Requérante demande la radiation de l’intégralité du paragraphe 3a) de la déclaration d’opposition. Dans sa demande, la Requérante fait valoir ce qui suit :

[traduction]

La connaissance des marques alléguées de l’Opposante peut difficilement être considérée comme étayant [un] motif fondé sur la mauvaise foi puisqu’un Requérant peut avoir connaissance des marques alléguées de l’Opposante, mais être d’avis qu’il n’y a pas de confusion ou que le Requérant a des droits supérieurs.

En outre, la contravention à des dispositions législatives fédérales (en l’espèce 3a)(ii) et 3a)(ii) en ce qui concerne les articles 7b) et 22(1) de la Loi sur les marques de commerce) est un motif qui relève de l’absence de droit à l’usage d’une marque de commerce, comme le prévoit l’article 38(2)f) de la Loi sur les marques de commerce. La preuve en est que ces paragraphes 3a)(i) et 3a)(ii) de la déclaration d’opposition sont dupliqués en tant que paragraphes 3e)(i) et 3e)(ii) de la déclaration d’opposition.

Par ailleurs, hormis une référence à des articles de la Loi, il n’y a pas de faits pertinents à l’appui de ce motif d’opposition.

Par conséquent, le paragraphe 3a) de la déclaration d’opposition doit être radié dans son intégralité.

[14] Outre les modifications de l’acte de procédure mentionnées ci-dessus, l’Opposante fait valoir en réponse ce qui suit :

[traduction]

Contrairement aux suggestions de la Requérante, l’Opposante n’a pas allégué la simple connaissance des marques de commerce de l’Opposante au titre de ce motif d’opposition. L’Opposante a allégué la mauvaise foi et a fourni des faits pertinents à l’égard de ces allégations. Autrement dit, l’Opposante a allégué que la tentative d’enregistrer la marque de commerce visée par la demande représente une tentative de profiter de la notoriété que l’Opposante a acquise à l’égard de ses marques de commerce, et vise à tromper les consommateurs en leur faisant croire que les produits de la Requérante sont en quelque sorte liés ou approuvés par l’Opposante, lorsque ce n’est pas le cas, et qu’une telle tentative est délibérée compte tenu de la connaissance préalable alléguée de la Requérante des droits de l’Opposante.

Il s’agit d’un motif d’opposition valable et s’inscrit tout à fait dans le cadre reconnu de la « mauvaise foi » telle qu’elle est définie dans le droit des marques de commerce. Comme l’a récemment souligné la Cour fédérale, l’objectif des dispositions de la Loi relatives à la [traduction] « mauvaise foi » est [traduction] « d’éviter une utilisation abusive du régime des marques de commerce » et la mauvaise foi lors de la production d’une demande d’enregistrement d’une marque de commerce ne se limite pas au comportement malhonnête d’un requérant, mais peut aussi comprendre des actes qui vont à l’encontre des normes en matière de comportement commercial acceptable. Pour apprécier le comportement d’un requérant, il faut prendre en considération son intention subjective lorsqu’il a produit sa demande en fonction des circonstances objectives propres à l’affaire : Beijing Judian Restaurant Co. Ltd. c Meng, 2022 CF 743 [Beijing] aux para 31 et 37.

Il convient de noter que la Commission des oppositions a récemment accepté qu’un motif d’opposition fondé sur la mauvaise foi presque identique avait été suffisamment plaidé pour ne pas être radié à l’étape de la décision interlocutoire. Voir : Décision interlocutoire concernant la demande no 1985545 (DERMA-V) datée du 5 juin 2023. […] Cet aspect du motif fondé sur la mauvaise foi ne devrait donc pas non plus être radié en l’espèce.

[15] L’Opposante fait également valoir qu’il n’y a pas de duplication des motifs et que, de toute façon [traduction] « les actes de procédure ne devraient pas être radiés pour duplication au stade de la décision interlocutoire ».

[16] Tout d’abord, en ce qui concerne la question de savoir si les motifs peuvent faire double emploi, je suis d’avis avec l’Opposante que de tels actes de procédure ne devraient pas nécessairement être radiés pour cette seule raison.

[17] Cependant, malgré les autres observations de l’Opposante, j’estime qu’aucun des actes de procédure de l’Opposante n’indique d’actions, de conduite ou de comportement de la part de la Requérante qui équivaut à de la mauvaise foi. Par exemple, l’Opposante n’a pas plaidé le fondement factuel de son affirmation selon laquelle [traduction] « la tentative de la Requérante d’enregistrer la marque de commerce visée par la demande représente une tentative délibérée et de mauvaise foi de profiter de la notoriété que l’Opposante a acquise à l’égard de ses marques de commerce VOILA ». Cette affirmation est spéculative et catégorique, et sans fondement factuel pour une telle conclusion. En revanche, les parties dans l’affaire Beijing avaient des relations antérieures qui comprenaient une procédure préalable entre entités liées.

[18] En l’espèce, les arguments de l’Opposante ne sont pas adaptés au cas particulier et s’appliqueraient essentiellement dans toutes les procédures d’opposition impliquant des marques de commerce créant présumément de la confusion. Bien que l’intention de miner une autre entreprise (ou de tromper les consommateurs, comme cela est allégué en l’espèce) puisse être pertinente dans une évaluation de la mauvaise foi [voir Blossman Gas, Inc c Alliance Autopropane Inc, 2022 CF 1794], l’Opposante ne plaide aucun fait pertinent à l’appui de ses allégations. Ce type d’approche spéculative [traduction] « fourre-tout » (y compris les références et le recours aux articles 7b), 20 et 22 de la Loi) est une invitation à plaider la mauvaise foi dans chaque procédure, créant potentiellement une définition imprévue et excessivement large de la mauvaise foi dans le contexte du régime canadien des marques de commerce.

[19] En outre, alors que les arguments subsidiaires sont généralement acceptables, les termes employés par l’Opposante ne permettent pas de déterminer si la Requérante [traduction] « connaissait, ou aurait dû connaître, pleinement, les droits antérieurs […] de l’Opposante » [non souligné dans l’original]. Si la Requérante aurait dû connaître, on ne voit pas en quoi cela constitue de détails suffisants pour que la Requérante réponde. Même si la Requérante connaissait, les circonstances objectives pertinentes de cette affaire particulière n’ont pas été plaidées (par exemple, une relation antérieure entre les parties).

[20] Contrairement à la suggestion de l’Opposante, cette dernière n’a pas plaidé une obligation ou une norme spécifique à la Requérante qu’elle n’aurait pas respectée à l’égard de l’Opposante ou d’autres personnes pertinentes. À titre d’exemple seulement, l’Opposante n’a pas plaidé des faits pertinents concernant la conduite ou le comportement de la Requérante qui a injustement empêché l’Opposante de déposer la demande d’enregistrement pour sa ou ses propres marques de commerce à une date antérieure, ni un comportement ou un modèle de conduite de la Requérante qui, s’il était avéré, serait considéré comme [traduction] « allant à l’encontre des normes en matière de comportement commercial acceptable » (par exemple, accroupissement de marques de commerce, extorsion, usurpation d’une marque par un distributeur, etc.).

[21] Si l’Opposante a connaissance d’actions, de conduites ou de comportements qui pourraient être qualifiés de [traduction] « mauvaise foi », il lui incombe alors de le préciser dans son acte de procédure. En l’espèce, le seul fait pertinent plaidé semble être que la Requérante a présenté une demande d’enregistrement d’une marque de commerce qui créerait de la confusion. Toutefois, le fait que des parties ayant des intérêts concurrentiels fassent appel à des procédures établies dans Loi et le Règlement ne constitue pas en soi de la mauvaise foi ou de l’abus de procédure.

[22] En d’autres termes, la demande d’enregistrement d’une marque qui créerait de la confusion n’est pas, en soi, un fait suffisant pour soutenir une allégation de mauvaise foi. Les termes péjoratifs et spéculatifs employés tout au long de l’acte de procédure (par exemple [traduction] « aurait dû connaître », [traduction] « tentative délibérée et de mauvaise foi […] de tromper », [traduction] « mépris flagrant », [traduction] « donne une impression tellement fausse, trompeuse ou mensongère », [traduction] « tout emploi de cette marque de commerce serait illégal », etc.) indiquent une simple spéculation concernant l’intention alléguée de la Requérante lors de la présentation de la demande relative à la Marque. Nonobstant ce langage et les décisions antérieures du registraire citées par l’Opposante, l’acte de procédure équivaut au type d’allégation qui a été correctement et régulièrement jugé insuffisant en ce qui concerne les motifs fondés sur l’article 30i) de la Loi (avant les modifications en 2019), alléguant qu’un requérant connaissait ou aurait dû connaître les droits antérieurs d’un opposant à l’égard de ses marques de commerce [voir, par exemple, Woot, Inc c WootRestaurants Inc, 2012 COMC 197].

[23] Même en appliquant l’approche généreuse à l’égard des actes de procédure indiquée par la Cour suprême dans l’arrêt Imperial Tobacco, je ne considère pas que l’Opposante ait plaidé des faits pertinents équivalant à une cause défendable au titre de ce motif. Les arguments de l’Opposante à cet égard – qu’ils soient considérés individuellement ou collectivement – ne soutiennent pas un motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)a.1) de la Loi et ne fournissent pas de faits pertinents suffisants pour permettre à la Requérante de répondre.

[24] Compte tenu de tout ce qui précède, je radie l’intégralité du motif d’opposition allégué en vertu de l’article 38(2)a.1)

Motif fondé sur l’absence de droit à l’emploi – Article 38(2)f)

[25] Dans sa déclaration d’opposition modifiée au paragraphe 3e), l’Opposante plaide en partie comme suit (les modifications sont soulignées) :

[traduction]

La demande contrevient à l’art. 38(2)f) de la Loi. L’article 38(2)f) prévoit qu’il peut être fait opposition à une demande au motif que, à la date de production de la demande au Canada, déterminée compte non tenu de l’article 34(1), le requérant n’avait pas le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les produits ou services spécifiés dans la demande.

Dans ces circonstances, la Requérante n’avait pas le droit d’employer la marque de commerce au Canada, car tout emploi de la marque de commerce visée par la demande […] représente une tentative délibérée de profiter de la notoriété que l’Opposante a acquise à l’égard de ses marques de commerce VOILA, énoncées aux paragraphes 3b) et c), précédemment enregistrées, employées ou révélées au Canada, et vise à tromper les consommateurs en leur faisant croire que les produits de la Requérante sont en quelque sorte liés ou approuvés par l’Opposante, lorsque ce n’est pas le cas, et ce, en toute connaissance de cause et dans le mépris flagrant des droits de l’Opposante.

[26] Dans sa demande, la Requérante fait valoir ce qui suit :

[traduction]

La connaissance des marques alléguées de l’Opposante peut difficilement être considérée comme étayant un motif fondé sur l’absence de droit à l’usage de la marque de commerce visée par l’opposition puisqu’un Requérant peut avoir connaissance des marques alléguées de l’Opposante, mais être d’avis qu’il n’y a pas de confusion ou que le Requérant a des droits supérieurs.

Par conséquent, les deuxième et troisième paragraphes du paragraphe 3a) de la déclaration d’opposition doivent être radiés.

[27] Je note que le deuxième paragraphe de ce motif dans la déclaration d’opposition initiale – faisant référence à la connaissance alléguée de la Requérante des droits antérieurs de l’Opposante – a été supprimé et n’est donc plus en cause. Outre cette suppression et les modifications susmentionnées de l’acte de procédure, en réponse, l’Opposante fait valoir en partie ce qui suit :

[traduction]

Tel que modifié, cet aspect du motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f) n’allègue pas la simple connaissance des marques de commerce de l’Opposante au titre de ce motif d’opposition. L’Opposante a fourni des faits pertinents à l’égard de ces allégations. Autrement dit, l’Opposante a allégué a allégué que la Requérante n’avait pas le droit d’employer la marque de commerce, étant donné que tout emploi de la marque de commerce visée par la demande représente une tentative de profiter de la notoriété que l’Opposante a acquise à l’égard de ses marques de commerce, et vise à tromper les consommateurs en leur faisant croire que les produits de la Requérante sont en quelque sorte liés ou approuvés par l’Opposante, lorsque ce n’est pas le cas, et qu’une telle tentative est délibérée compte tenu de la connaissance préalable alléguée de la Requérante des droits de l’Opposante.

[28] L’Opposante fait également référence à deux décisions interlocutoires rendues par le registraire en décembre 2022 et le 5 juin 2023, en faisant valoir que [traduction] « des motifs d’opposition fondés sur l’article 38(2)f) presque identiques ont été acceptés comme suffisamment plaidés à l’étape interlocutoire ».

[29] Toutefois, bien que l’acte de procédure de l’Opposante contienne une allégation selon laquelle la demande [traduction] « représente une tentative délibérée et de mauvaise foi de profiter de la notoriété [de l’Opposante]… et de tromper les consommateurs », il n’identifie aucune disposition législative applicable prima facie, restriction contractuelle, obligation légale, décision d’un tribunal compétent ou autre interdisant l’emploi de la Marque qui était en vigueur à la date pertinente. Même si la demande d’enregistrement de la Marque a été produite de mauvaise foi, il n’est pas clair comment cette seule mauvaise foi devrait signifier que la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque à la date pertinente ou autrement. La question de savoir si un emploi réel ou potentiel de la Marque [traduction] « représente une tentative délibérée et de mauvaise foi de profiter » de la notoriété de l’Opposante ou serait susceptible de [traduction] « tromper les consommateurs » est spéculative et de telles questions – qu’elles soient ou non déterminantes pour le droit de la Requérante d’employer la Marque – n’étaient pas déterminés à la date pertinente applicable au motif fondé sur l’article 38(2)f).

[30] À cet égard, si, au lieu de présenter une demande d’enregistrement de la Marque, la Requérante avait simplement commencé à l’employer, et que l’Opposante avait par la suite engagé une procédure devant la Cour fédérale en alléguant qu’il y avait confusion, que la Requérante [traduction] « profitait » de la notoriété de l’Opposante, que cet emploi était [traduction] « trompeur » pour les consommateurs, etc., alors ce seraient les emplois particuliers démontrés qui seraient examinés, et ce serait en fin de compte la décision de la Cour fédérale qui pourrait régir toute applicabilité de l’article 38(2)f) de la Loi. Aucun emploi réel et, plus important encore, aucune décision de ce genre n’ont été plaidés en l’espèce. En particulier, compte tenu de la date pertinente (notamment indiquée dans l’article lui-même), la spéculation concernant l’effet de [traduction] « tout emploi » après la date pertinente ne relève pas nécessairement de l’article 38(2)f) de la Loi dans une procédure d’opposition [voir, par analogie,, Aichi Miso Tamari Shoyu Cooperative Society et Hikari Miso Co. Ltd, 2023 COMC 86 au para 83].

[31] Une conclusion de confusion par le registraire dans une procédure d’opposition, en tant que question de droit, informe l’enregistrement de la marque en cause et ne s’applique qu’à celui-ci, plutôt qu’à tout droit d’employer cette marque de commerce de manière plus large. Par exemple, une conclusion de confusion en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi n’entraînerait pas nécessairement une absence prima facie de droit d’employer la marque de commerce visée par la demande. En d’autres termes, il ne découle pas nécessairement d’une conclusion de confusion par le registraire à une date pertinente donnée qu’un requérant n’avait absolument pas le droit d’employer sa marque de commerce, au sens des définitions larges du terme « emploi » énoncées à l’article 4 de la Loi.

[32] Nonobstant les décisions antérieures mentionnées dans les observations de la Requérante, je note que des actes de procédure essentiellement similaires à l’acte de procédure en cause ont été jugés comme ne soulevant pas un motif d’opposition valable, Methanex Corporation c Suez International, 2022 COMC 155 aux para 80 à 83; D.C.K. Concessions Limited c Hong Xia Zhang, 2022 COMC 200 aux para 37 à 40; 130872 Ontario Inc c Canadian Home Medical Group Inc, 2023 COMC 121 au para 14; et AMKmotion GmbH+Co. KG c Kollmorgen Corporation, 2024 COMC 33 aux para 47 à 51]. Encore une fois, bien que l’acte de procédure en cause contienne des termes péjoratifs et spéculatifs (par exemple, [traduction] « mépris flagrant ») qui peuvent ou non avoir été présents dans ces affaires, à mon avis, de tels termes n’ajoutent rien de significatif à un acte de procédure par ailleurs inapproprié et déficient ni ne le corrigent.

[33] Encore une fois, même en appliquant l’approche généreuse à l’égard des actes de procédure indiquée par la Cour suprême dans l’arrêt Imperial Tobacco, je ne considère pas que l’Opposante ait plaidé des faits pertinents équivalant à une cause défendable au titre de ce motif en ce qui concerne le deuxième paragraphe du paragraphe 3e) de la déclaration d’opposition modifiée. Un tel argument – qu’il soit considéré isolément ou dans le contexte de la déclaration d’opposition modifiée dans son ensemble – ne soutient pas un motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f) de la Loi et ne fournit pas de faits pertinents suffisants pour permettre à la Requérante de répondre.

[34] Compte tenu de ce qui précède, le deuxième paragraphe du motif fondé sur l’article 38(2)f), tel qu’il est plaidé dans la déclaration d’opposition modifiée, est par la présente radié.

[35] Étant donné que la Requérante n’a pas demandé que la partie restante du paragraphe 3e) soit radiée (concernant les contraventions alléguées aux articles 7b), 20 et 22(1) de la Loi, telles qu’elles ont été initialement plaidées ou modifiées), seul le deuxième paragraphe en question est radié en l’espèce.

Résumé

[36] Compte tenu de tout ce qui précède, les passages suivants sont par la présente radiés de la déclaration d’opposition modifiée :

· L’intégralité du paragraphe 3a) concernant le motif fondé sur l’article 38(2)a.1) de la Loi.

· Le deuxième paragraphe du paragraphe 3e) concernant le motif fondé sur l’article 38(2)f) de la Loi, commençant par [traduction] « Dans ces circonstances […] » et se terminant par [traduction] « […] mépris flagrant des droits de l’Opposante ».

Date limite pour la contre-déclaration

[37] Je note que, le 22 avril 2024, la Requérante a demandé et obtenu une prolongation de délai jalon pour produire sa contre-déclaration, jusqu’au 21 mai 2024.

[38] De toute façon, conformément à la demande initiale de la Requérante et à la section II.2 de l’énoncé de pratique intitulé Pratique concernant la procédure d’opposition en matière de marque de commerce, la Requérante aura un mois à compter de la date de la présente décision pour produire et signifier sa contre-déclaration.

Andrew Bene

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hortense go

Manon Duchesne Osborne

 


Agents inscrits au dossier

Pour l’Opposante : Gowling WLG (Canada) LLP

Pour la Requérante : Robic Agence PI S.E.C./Robic IP Agnecy LP

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