Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Une feuille d’érable sur du papier graphique

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 87

Date de la décision : 2024-05-02

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’OPPOSITIONS

Opposante : Canadian Tire Corporation, Limited

Requérante : 9285-1096 Quebec Inc.

Demandes : 1913318 – ARCTIC SQUAD

1960967 – ARCTIC SNOW

Introduction

[1] Canadian Tire Corporation, Limited (« l’Opposante ») s’oppose à l’enregistrement des marques de commerce ARCTIC SQUAD et ARCTIC SNOW, lesquelles font l’objet des demandes d’enregistrement nos 1913318 et 1960967 (collectivement les Marques), produites par 9285-1096 Quebec Inc. (la Requérante). La demande pour ARCTIC SQUAD est produite en liaison avec des [traduction] « vêtements pour enfants nommément manteaux, robes, vestes, pantalons, maillots de bain et tee-shirts » et la demande pour ARCTIC SNOW est produite en liaison avec des [traduction] « vêtements, articles chaussants et accessoires, nommément dessous, bottes, casquettes, manteaux, gants, chapeaux, vestes, cache-cous, pantalons, foulards, masques de ski, pantalons de ski, bottes d’hiver et pantalons de neige ».

[2] L’Opposante s’oppose aux deux demandes principalement au motif que les Marques créent de la confusion avec l’enregistrement no LCD34865 de l’Opposante pour la marque de commerce ARCTIC, antérieurement employée ou révélée au Canada en liaison avec des sacs de couchage, des vestes et des robes de nuit et l’enregistrement no LMC321266 pour la marque de commerce ARCTIC & Dessin, reproduite ci-dessous, antérieurement employée ou révélée au Canada par l’Opposante en liaison avec des vestes, des vestes rembourrées et des gilets rembourrés (les Marques de commerce de l’Opposante).

[3] Pour les raisons qui suivent, les deux demandes sont rejetées.

Le dossier

[4] Les demandes pour les Marques ont été produites et opposées à deux moments différents. Plus particulièrement :

  • La demande no 1913318 pour ARCTIC SQUAD a été produite le 3 août 2018 et annoncée dans le Journal des marques de commerce le 24 novembre 2021.

  • La demande no 1960967 pour ARCTIC SNOW a été produite le 3 mai 2019 et annoncée dans le Journal des marques de commerce le 24 novembre 2021.

[5] L’Opposante a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande ARCTIC SQUAD le 4 janvier 2022, et à l’encontre de la demande ARCTIC SNOW le 11 janvier 2022. Les motifs d’oppositions plaidés à l’encontre de chacune sont presque identiques et sont fondés sur la non-enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)d), l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a), l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 38(2)d) et de l’article 2 et la non-conformité avec les articles 38(2)e) et 38(2)f) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Tous les motifs de l’Opposante (sauf pour l’article 38(2)e)) dépendent d’une détermination de la probabilité de confusion entre les Marques et les Marques de commerce de l’Opposante.

[6] La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration niant les motifs d’opposition pour les deux oppositions.

[7] L’Opposante a produit les affidavits de James Prescott, vice-président de l’Approvisionnement mondial et des achats de l’Opposante. La Requérante a produit l’affidavit de M. Abraham Toledano, directeur général de la Requérante. M. Toledano a été contre-interrogé et la transcription et les réponses aux engagements ont été versées au dossier. Comme contre-preuve, l’Opposante a produit la preuve de Sazia Aftab, auxiliaire juridique auprès de l’agent de l’Opposante.

[8] Les deux parties ont produit des observations écrites et ont été représentées lors de l’audience.

Décision préliminaire au cours de l’audience

[9] Lors de l’audience, l’Opposante s’est objectée à l’intention de la Requérante de se présenter en raison de ce que la Requérante n’a pas demandé la tenue d’une audience en vertu de l’article 58 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/2018-227 (le Règlement) et la section IX de la Pratique concernant la procédure d’opposition en matière de marque de commerce (l’Énoncé de pratique) et n’a pas répondu à l’avis d’audience du registraire en date du 2 janvier 2024.

[10] Le 18 mars 2024, l’Opposante a produit la liste de jurisprudence qu’elle avait l’intention d’invoquer à l’égard de l’audience prévue le 2 avril 2024. C’est seulement le 19 mars 2024 que la Requérante a indiqué par courriel qu’elle ferait des observations pour la Requérante lors de l’audience prévue le 2 avril 2024 et a produit une liste de jurisprudence de la Requérante.

[11] Lors de l’audience, j’ai demandé à l’agent de la Requérante de faire part de ses observations concernant la raison pour laquelle elle n’avait pas convenablement demandé la tenue d’une audience conformément au Règlement et à l’Énoncé de pratique. L’agent de la Requérante a indiqué qu’il avait joint la Commission des oppositions des marques de commerce par téléphone pour demander s’il pouvait toujours participer à l’audience prévue le 2 avril 2024 et s’il devait entreprendre toute autre démarche pour le faire. Par erreur, on a dit à l’agent de la Requérante qu’il pouvait toujours participer et qu’il n’avait aucune autre démarche à entreprendre pour le faire. La Requérante a alors envoyé un courriel au coordonnateur de l’audience indiquant qu’il participerait à l’audience et a également envoyé une copie de la jurisprudence que la Requérante invoquerait.

[12] Je suis d’accord avec l’Opposante que la Requérante ne s’est pas conformée à l’article 58 du Règlement ou à l’Énoncé de pratique. Nonobstant cela, j’ai informé les parties de ma décision de permettre à la Requérante de faire des observations orales lors de l’audience. À cet égard, j’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 47 de la Loi pour accorder à la Requérante une prolongation pour demander de faire des observations lors de l’audience. J’ajouterais que, autres que les considérations des exigences procédurales formelles, compte tenu des erreurs administratives en l’espèce, ainsi que du fait que l’Opposante avait été informée que la Requérante ferait des observations deux semaines avant l’audience, j’ai estimé que le comportement de la Requérante en l’espèce et le préjudice possible pour l’Opposante n’étaient pas assez graves pour faire perdre à la Requérante son droit à une audience comme le prévoit la Loi.

Fardeau ultime et fardeau de preuve

[13] C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que ses demandes sont conformes aux exigences de la Loi. Cela signifie que s’il est impossible d’arriver à une conclusion définitive en faveur de la Requérante après avoir examiné l’ensemble de la preuve, le litige doit être tranché à l’encontre de la Requérante. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298].

Analyse des motifs d’opposition

[14] Je vais maintenant examiner les motifs d’opposition, en commençant par le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).

Motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité – Article 12(1)d)

[15] La date pertinente pour un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et Le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[16] L’Opposante plaide que les marques de commerce alléguées ARCTIC SNOW et ARCTIC SQUAD ne sont pas enregistrables eu égard aux dispositions de l’article 38(2)b) et de l’article 12(1)d) de la Loi, puisque chacune crée de la confusion avec les Marques de commerce de l’Opposante, lesquelles avaient été antérieurement employées au Canada. Ces marques sont enregistrées en liaison avec les produits suivants :

[traduction]

ARCTIC – Enregistrement no LCD34865

(1) Sacs de couchage.

(2) Vestes, robes de nuit.

ARCTIC & Dessin – Enregistrement no LMC321266

(1) Vestes, vestes rembourrées, gilets rembourrés.

Test en matière de confusion

[17] Le test permettant de trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, où il est stipulé que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice. Pour faire une telle évaluation, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce qui sont pertinentes, y compris celles indiquées à l’article 6(5). La liste des critères énumérés à l’article 6(5) n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents critères selon le contexte [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 1 RCS 772 au para 54]. Je me réfère également à Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC) au para 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e), le degré de ressemblance entre les marques de commerce, est le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[18] Aucune des Marques de commerce de l’Opposante n’est intrinsèquement fort puisque le mot ARCTIC est le nom d’un lieu géographique et suggère donc que les produits connexes sont conçus pour un climat froid. Je n’estime également pas que l’une ou l’autre des Marques soit intrinsèquement forte pour des raisons semblables. À cet égard, les Marques suggèrent également que leurs produits connexes sont conçus pour un climat froid.

[19] En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues, il n’y a aucune preuve que les Marques ont été employées au Canada ou que l’une ou l’autre est devenue connue dans une quelconque mesure au Canada.

[20] Les Marques de commerce de l’Opposante, en revanche, sont devenues largement connues au Canada. À cet égard, M. Prescott explique que le nom ARCTIC a été appliqué pour la première fois aux vêtements d’extérieur en 1913 par le prédécesseur en titre de l’Opposante, Woods Manufacturing Co. Ltd., lorsque le parka de marque ARCTIC a été spécifiquement conçu et développé pour l’Expédition canadienne dans l’Arctique d’une durée de cinq ans. Aujourd’hui, l’Opposante est un détaillant canadien célèbre d’un large éventail de produits et services. L’Opposante vend ses produits de marque ARCTIC par l’entremise de ses 504 Magasins associés Canadian Tire, ainsi que par ses sous-marques de détail, y compris SportChek, avec plus de 190 magasins dans toutes les provinces canadiennes sauf le Québec, et Atmosphere, avec plus de 19 emplacements dans 4 provinces (les Sous-marques de détail de l’Opposante).

[21] M. Prescotte affirme également que les Marques de commerce de l’Opposante constituent l’une des marques maison de file pour vêtements et vêtements extérieurs de l’Opposante. La marque de commerce ARCTIC est employée en liaison avec une gamme de vêtements et de nombreux autres produits et il y a eu des ventes importantes de produits arborant les Marques de commerce de l’Opposante au Canada depuis l’acquisition des Marques de commerce de l’Opposante en 2014. Par exemple, les ventes des produits de l’Opposante sur lesquels sont apposées les Marques de commerce de l’Opposante partout au Canada ont généré d’importants revenus, y compris plus de 2,5 millions de dollars en 2019, plus de 1,1 million de dollars en 2020 et 2021 et plus de 400 000 $ pour les six premiers mois de 2022.

[22] En plus des ventes, l’Opposante fait la publicité des Marques de commerce de l’Opposante de façon étendue au Canada. Les produits de l’Opposante sur lesquels sont apposées les Marques de commerce de l’Opposante ont été annoncés, vendus et offerts sur le site Web situé à https://www.woods.ca/ et sur les sites Web des Sous-marques de détail de l’Opposante. De plus, les publicités de l’Opposante pour les produits de l’Opposante comprennent les présentoirs de marchandises en magasin, les médias sociaux, les médias imprimés, les médias numériques et des initiatives nationales de relations publiques ciblées.

[23] Compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’en général ce facteur favorise l’Opposante.

Période d’emploi

[24] L’Opposante a démontré l’emploi de ses marques de commerce au Canada depuis son acquisition de ces marques en 2014. La Requérante, en revanche, n’a fourni aucune preuve ou déclaration concernant la durée d’emploi des Marques en liaison avec ses produits au Canada.

[25] Ce facteur favorise donc l’Opposante.

Genre de produits et services et nature du commerce

[26] Lorsqu’on examine les articles 6(5)c) et d) de la Loi, c’est l’état déclaratif des produits, tel que défini dans les enregistrements invoqués par l’Opposante, et l’état déclaratif des produits dans la demande d’enregistrement des Marques qui régissent l’évaluation de la probabilité de confusion en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[27] Je suis d’accord avec les déclarations suivantes faites par l’Opposante dans ses observations écrites :

[traduction]

Les Produits de la Requérante sont composés de vêtements pour enfants, à savoir des manteaux, des robes, des vestes, des pantalons, des maillots de bain et des tee-shirts. En l’absence d’une quelconque restriction précisée dans la Demande, les Produits de la Requérante, tels qu’établis dans celle-ci, chevauchent directement et sans ambiguïté les Produits de l’Opposante. Puisque la Requérante n’a produit aucune preuve d’emploi de la Marque ARCTIC SNOW, il n’y a rien dans le dossier qui permet même de suggérer que les produits diffèrent de ceux de l’Opposante ou que les produits des parties ne viseraient pas les mêmes voies de commercialisation.

[…] Dans ce cas-ci, les Produits de la Requérante sont identiques aux Produits de l’Opposante, ou autrement les chevauchent directement. En termes de voies de commercialisation des parties, la Requérante n’a fourni aucune preuve concernant les voies de commercialisation par lesquelles elle vend ou propose de vendre les Produits de la Requérante et il n’y a aucune restriction sur les voies de commercialisation énumérée dans la Demande. Par conséquent, l’analyse de la nature du commerce de la Requérante doit tenir compte du fait que les Produits de la Requérante peuvent être vendus par toute voie à laquelle elle a accès. Les voies de commercialisation des parties qui seraient normalement considérées comme étant associées aux produits des parties se chevauchement clairement et directement.

[28] Je conclus donc que ces facteurs favorisent également l’Opposante.

Degré de ressemblance

[29] Lorsqu’on examine le degré de ressemblance entre les marques de commerce, on doit les considérer dans leur ensemble; il n’est pas correct de placer les marques de commerce côte à côte et de comparer et d’observer des ressemblances ou les différences entre les éléments ou les composantes des marques de commerce [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 au para 20].

[30] Il y a un degré de ressemblance significatif entre les marques de commerce en question dans la présentation et le son, puisque la Requérante a adopté la partie nominale des Marques de commerce de l’Opposante dans son ensemble comme premier élément de chacune des Marques. Je conclus également que les idées suggérées par les Marques de commerce de l’Opposante et la Marque ARCTIC SNOW de la Requérante sont plutôt semblables; c.-à-d. des vêtements conçus pour les climats froids. Cependant, il y a légèrement moins de ressemblance dans des idées suggérées entre les Marques de commerce de l’Opposante et la Marque ARCTIC SQUAD de la Requérante, puisque l’élément SQUAD dans la marque de commerce ARCTIC SQUAD de la Requérante suggère que ses vêtements doivent être portés par un groupe de personnes dans un climat froid, plutôt que l’idée générale de vêtements conçus pour être portés dans un climat froid.

Circonstances de l’espèce – Preuve de l’état du registre

[31] M. Toledano affirme qu’il est le directeur principal de la Requérante et qu’il a effectué une recherche dans le registre des marques de commerce. Sa recherche a révélé 47 marques de commerce contenant le mot ARCTIC enregistrées au Canada pour l’emploi en liaison avec des vêtements et des accessoires de vêtements. De plus, jointes à titre de Pièces 3 à 8 à son affidavit sont diverses captures d’écran des sites Web suivants qui, selon les affirmations de M. Toledano, sont représentatifs de tels produits au Canada : arctic-bay.ca (au sujet de la marque déposée ARCTIC BAY); www.arcticnorth.ca (au sujet de la marque déposée ARCTIC AN NORTH); arcticexpedition.ca (au sujet de la marque de commerce déposée Arctic Expedition); www.canadagoose.com (au sujet de la marque déposée Canada Goose Arctic Program & Dessin); www.arcticcatparts.ca (au sujet de la marque déposée Arctic Cat); et arcticwear.ca (au sujet de la marque déposée Arctic Wear). L’Opposante a présenté de nombreuses observations concernant cette preuve, lesquelles seront discutées de façon plus approfondie ci-dessous.

[32] La preuve de l’état du registre favorise un requérant lorsqu’il peut être démontré que la présence d’un élément commun dans les marques inciterait les consommateurs à porter une plus grande attention aux autres caractéristiques de ces marques et à les distinguer les unes des autres au moyen de ces autres caractéristiques, atténuant ainsi la probabilité de confusion [Mcdowell c Laverana GmbH & Co. KG, 2017 CF 327 au para 42 (la première affaire McDowell)]. Parmi les marques de commerce pertinentes, on compte celles qui : i) sont déposées ou autorisées et fondées sur l’emploi; ii) celles qui concernent des produits et services similaires à ceux des marques de commerce en cause; et iii) celles qui incluent l’élément en question en tant qu’élément important [Sobeys West Inc c Schwan’s IP, LLC, 2015 COMC 197, conf par 2017 CF 38].

[33] Antérieurement, lorsqu’un grand nombre de marques de commerce pertinentes étaient relevées au registre, on pouvait à tout le moins inférer un certain emploi de l’élément commun [voir, par exemple, Kellogg Salada Canada Inc cv Maximum Nutrition Ltd, 1992 CanLii 14792 (CAF) où la preuve a démontré au moins 47 marques de commerce et 42 noms commerciaux à la date de production de la demande qui contenaient l’élément NUTRI comme partie de la marque]. Cependant, la Cour d’appel fédérale a très récemment confirmé que les conclusions fondées sur le registre devraient être tirées seulement lorsqu’il y a un grand nombre d’enregistrements pertinents et un emploi réel [Tweak-D Inc c Canada (Procureur général), 2023 CAF 238 au para 14] :

[traduction]

« L’état du registre » peut, dans certains cas, démontrer un motif d’enregistrabilité de marques semblables. Nous adoptons les raisons de la Cour fédérale aux para 28 et 29 que les conclusions fondées sur le registre devraient être tirées seulement lorsqu’il y a un grand nombre d’enregistrements pertinents et un emploi réel : McDowell c. Laverana GmbH & Co. KG, 2017 CF 327 aux para 42 à 46; Tokai of Canada Ltd. c. Kingsford Products Company, LLC, 2021 CF 782 au para 56; Puma au para 48.

[34] Ce raisonnement confirme selon moi la difficulté que la Cour a éprouvée dans le passé pour conclure qu’un élément d’une marque a été couramment adopté comme composante de marques de commerce employées en liaison avec les produits ou les services pertinents seulement en raison de la preuve de l’état du registre. Par exemple, dans Hawke & Company Outfitters LLC c Retail Royalty Company, 2012 CF 1539 au para 44, le juge Montigny (tel il était à l’époque) a expliqué la difficulté avec la preuve de l’état du registre comme suit :

« [U]ne recherche dans le registre du bureau des marques de commerce ne constitue pas la meilleure façon de s’enquérir de l’état du marché ou de l’usage réel d’une marque. Le fait qu’une marque figure au registre ne constitue pas une preuve qu’elle est présentement employée, qu’elle était en usage aux dates pertinentes, qu’elle est employée en rapport avec les marchandises ou des services semblables à ceux des parties, ou encore de connaître l’ampleur de cet usage […] » [para 40].

[35] Dans Vital Source Inc c Vital Life Pharmaceutical Inc, 2020 COMC 21 (Vital Source), l’ancienne membre Fung a fourni un bon résumé de la loi concernant la preuve de l’état du registre et de l’état du marché. Dans cette décision, elle a émis les commentaires suivants aux paragraphes 75 à 77 :

Dans Canada Bread Company, Limited c Dr Smood ApS, 2019 CF 306, […] le juge Roy a fait remarquer que deux autres décisions de la Cour fédérale [McDowell c Laverana GmbH & Co KG 2017 CF 327 et McDowell c The Body Shop International PLC, 2017 CF 581] souscrivaient aux observations du juge de Montigny dans la décision Hawke où « la preuve de l’emploi d’un élément commun ne devient pertinente que lorsque les marques enregistrées sont couramment employées sur le marché en question ». Il a ajouté qu’il « demeure très difficile de savoir quelles inférences peuvent légitimement être tirées sans preuve de l’emploi d’un élément commun par des tiers sur le marché » [para 61].

Des exemples de preuve de l’emploi réel des éléments communs qui ont été examinés par la Cour fédérale comprennent des répertoires téléphoniques indiquant des noms commerciaux d’entreprises au Canada, des sites Web à partir desquels les Canadiens peuvent commander les produits pertinents, l’achat de produits pertinents au Canada [voir Alticor], des annonces en ligne et des dépliants [voir Clearnet Communications], des sites Web montrant les marques de commerce d’entreprises exploitées dans le même domaine [voir Ecletic Edge Inc v Victoria’s Secret Store Branch Management, Inc 2015 CF 453] et des renseignements sur les ventes annuelles de produits [voir Hawke & Company Outfitters].

Toutefois, tous les éléments de preuve de l’emploi réel ne sont pas présentés de façon égale. Dans Eclectic Edge Inc c. Gildan Apparel (Canada) LP, 2015 CF 1332, la Cour a prévenu que ce « n’est pas la quantité ou les chiffres seuls qui importent, mais plutôt la qualité des éléments de preuve montrant l’emploi réel [de l’élément] commun […] en liaison avec les marchandises en cause et dans le secteur pertinent au Canada » [para 92]. À titre d’exemple, des sites Web qui sont inactifs ou inaccessibles aux Canadiens, l’inclusion de marques enregistrées à des catégories sans lien de produits et de services, l’absence des renseignements sur les ventes et/ou les activités au Canada et la preuve de mesures d’application, d’oppositions ou de règlements qui auraient pu interrompre l’emploi de l’élément commun par des tiers dans le marché pourraient tous avoir une incidence sur la valeur probante de la preuve en question [voir Vivat Holdings Ltd c Levi Strauss & Co, 2005 CF 707 et Ecletic Edge Inc c Gildan Apparel (Canada) LP].

[36] En l’espèce, des 47 enregistrements de marques de commerce présentés par la Requérante, j’estime qu’au moins 11 de ces marques de commerce ne comportent pas l’élément ARCTIC de manière significative. À cet égard, comme l’a souligné l’Opposante, le mot ARCTIC est, dans de nombreux cas, subordonné ou à peine visible dans les marques de commerce énumérées par M. Toledano. Par exemple, les suivantes sont incluses parmi les marques énumérées dans l’affidavit Toledano :

No d’enregistrement

Marque de commerce

 

No d’enregistrement

Marque de commerce

 

No d’enregistrement

Marque de commerce

LMC953171

LOGO ARCTIC GEM LABS AVEC OURS POLAIRE SUR ROCHER OU FORMATION DE GLACE AVEC FEUILLE D’ÉRABLE

 

LMC1112388

Un logo avec une carte et du texte

Description générée automatiquement

 

LMC597473

LMC818643

 

LMC1090727

 

LMC750591

LMC293187

Un logo en noir et blanc

Description générée automatiquement

 

LMC1132603

 

LMC1023590

LMC1069876

 

LMC601185

Un logo en noir et blanc

Description générée automatiquement

 

 

 

 

[37] D’autres objections à la preuve de M. Toledano soulevées par l’Opposante comprennent les suivantes :

  • Bien que M. Toledano ait aussi inclus la demande d’enregistrement de marque de commerce no 1692849 pour ARCTIC KINGDOM, cet enregistrement a été radié pour défaut d’emploi le 16 novembre 2020.

  • M. Toledano ne fournit aucune preuve quant à la nature ou à l’entreprise des tiers, aucune preuve que ces parties ont la même voie de commercialisation que celle de l’Opposante, aucune preuve concernant l’étendue dans laquelle ces entités ont acquis une quelconque réputation au Canada.

  • Il n’y a même pas la preuve d’une seule vente des produits mentionnés. À cet égard, l’Affidavit Toledano ne contient aucun reçu, aucune facture et aucun autre document de vente pour l’un des produits illustrés dans les captures d’écran de sites Web démontrant qu’ils ont été en fait vendus au Canada à un quelconque moment.

  • Les imprimés de sites Web, constituant du ouï-dire, démontrent simplement que les sites Web existaient lorsqu’ils ont été imprimés, mais ils ne constituent pas une preuve du contenu du site Web.

  • M. Toledano a admis que les imprimés de sites Web concernent seulement 9 marques appartenant à 6 propriétaires parmi l’ensemble des 47 marques de commerce qu’il a présentées.

[38] La Requérante, en revanche, cite la décision Vital Source, supra, au para 76 pour appuyer son argument que des exemples de preuve de l’emploi réel d’un élément commun qui a été examiné par la Cour fédérale comprennent des sites Web à partir desquels les Canadiens peuvent commander les produits pertinents et des sites Web présentant les marques de commerce d’entreprises exploitées dans le même domaine. La Requérante maintient que puisque sa preuve d’extraits de sites Web illustre la façon de commander ces produits au Canada, cette preuve, combinée à la preuve de l’état du registre, devrait être suffisante pour conclure à l’emploi de ces marques dans le marché au Canada.

[39] Toutefois, ce que la Requérante omet de mentionner est que la qualité de la preuve démontrant l’emploi réel dans l’industrie pertinente est également très importante. À cet égard, la décision dans Vital Source souligne également que l’absence des renseignements sur les ventes et/ou les activités au Canada pourrait avoir une incidence sur la valeur probante de la preuve en question [Ecletic Edge Inc c Gildan Apparel (Canada) LP, 2015 CF 1332 et Vivat Holdings Ltd c Levi Strauss & Co, 2005 CF 707].

[40] En l’espèce, je ne suis pas convaincue que la preuve fournie soit suffisante pour démontrer l’emploi d’une quelconque marque de tiers dans le marché en liaison avec des produits pertinents en vertu de l’article 4(1) de la Loi. Mettant même de côté les questions de preuve avec les imprimés de sites Web de tiers, la Requérante n’a même pas fourni la preuve d’une seule vente des produits mentionnés. À cet égard, l’Affidavit Toledano ne contient aucun reçu, aucune facture et aucun autre document de vente pour l’un des produits illustrés dans les captures d’écran de sites Web démontrant qu’ils ont été en fait vendus au Canada à un quelconque moment. Par conséquent, même si je concluais qu’il y avait au moins 35 marques de commerce ARCTIC pertinentes dans la preuve de M. Toledano, en l’absence de preuve d’emploi de ces marques de commerce dans le marché, je ne suis pas en mesure de tirer la conclusion que les consommateurs porteraient plus d’attention aux autres caractéristiques des marques dans le marché afin de les distinguer.

[41] Cette circonstance de l’espèce ne favorise donc pas la Requérante dans une quelconque mesure significative.

Conclusion

[42] La question posée par l’article 6(2) de la Loi est de savoir si les acheteurs des produits fournis en liaison avec les Marques ARCTIC SNOW ou ARCTIC SQUAD croiraient que ces produits sont offerts, autorisés ou font l’objet d’une licence octroyée par l’Opposante en raison de ses Marques de commerce ARCTIC. Je l’ai évaluée comme une question de première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de l’une ou l’autre des Marques, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de l’une ou l’autre des Marques de commerce de l’Opposante, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[43] Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce et appliqué le test en matière de confusion comme étant une question de première impression et du souvenir imparfait, je conclus que dans le meilleur des cas pour la Requérante, la probabilité de confusion entre les Marques ARCTIC SNOW et ARCTIC SQUAD et les Marques de commerce de l’Opposante est bien équilibrée entre une conclusion de confusion et d’absence de confusion. J’arrive à cette conclusion puisque, nonobstant la faiblesse inhérente des marques de commerce des parties, les Marques de commerce de l’Opposante sont devenues connues dans une importante mesure au Canada, la Requérante n’a démontré aucun emploi et aucune réputation pour l’une de ses Marques, les produits des parties se chevauchent et il existe un degré important de ressemblance entre les marques de commerce. Puisque le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce incombe à la Requérante, je dois donc trancher à l’encontre de la Requérante.

[44] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est accueilli.

Droit à l’enregistrement – Article 16(1)a) et Caractère distinctif – Articles 38(2)d) et 2

[45] En ce qui a trait aux motifs d’opposition fondés sur l’article 16(1)a) de la Loi, puisque le Requérant n’a démontré aucun emploi des Marques, les dates pertinentes sont les dates de production des demandes (le 3 août 2018 et le 3 mai 2019). Les dates pertinentes pour évaluer le motif relatif à l’absence de caractère distinctif sont les dates de l’opposition (le 4 janvier 2022 et le 11 janvier 2022). Les motifs d’opposition de l’Opposante fondés sur l’article 16(1)a) et sur l’article 2 reposent sur l’emploi antérieur et la réputation des Marques de commerce de l’Opposante ainsi que sur l’emploi antérieur par l’Opposante et la réputation au Canada des Marques de commerce de l’Opposante.

[46] L’argument de l’Opposante concernant la confusion est plus solide sous son motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), car la date pertinente ultérieure permet de tenir compte de l’ensemble de la preuve de l’Opposante concernant sa réputation. De plus, la Requérante ne fournit aucune autre preuve quant aux dates antérieures qui ferait pencher la balance en sa faveur. Par conséquent, puisque l’Opposante a eu gain de cause pour le motif fondé sur l’article 12(1)d), elle a également gain de cause pour ses motifs d’opposition fondés sur l’article 16(1)a) et l’article 2.

Aucun emploi ou emploi projeté – Article 38(2)e)

[47] L’Opposante plaide également que, aux dates de production des demandes au Canada, la Requérante n’employait pas et ne projetait pas d’employer les Marques au Canada en liaison avec les produits visés par les demandes. À l’appui de cette information, l’Opposante invoque la preuve de M. Prescott.

[48] M. Prescott a mené une recherche Google pour le nom de la Requérante. Il n’a trouvé aucun site Web pour la Requérante et aucun produit associé avec l’une ou l’autre des Marques de la Requérante. En fait, il n’a pas été en mesure de trouver une quelconque référence à la Requérante au-delà de répertoires d’entreprises.

[49] Invoquant les décisions dans Indigo Books & Music Inc c Preferred One Inc, 2010 COMC 100 au para 54; Molson Canada c Anheuser-Busch Inc, 2003 CF 1287, aux para 56 et 57, l’Opposante fait valoir que cette preuve est suffisante pour lui permettre de s’acquitter de son léger fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif pour deux raisons : 1) les faits requis que la Requérante ait employé ou projetait d’employer l’une ou les des Marques relèvent uniquement des connaissances de la Requérante; et 2) il est difficile de prouver une négation, particulièrement dans le cas d’une demande fondée sur l’emploi projeté.

[50] En vertu de l’article 38(2)e) de la Loi, lequel constitue toujours un motif d’opposition relativement nouveau, un opposant doit faire valoir non seulement que le requérant n’employait pas la marque de commerce en question au Canada, mais également que le requérant ne projetait pas de l’employer. En l’espèce, il est valide de se demander si la preuve de l’Opposante remet en question l’emploi des Marques par la Requérante aux dates de production des demandes. À cet égard, j’estime qu’il est inhabituel qu’une entreprise qui emploie une marque de commerce en liaison avec des produits de vêtements dans l’ère moderne ne semble avoir aucune présence commerciale sur Internet. En revanche, l’échec de trouver une quelconque présence commerciale sur Internet pour des produits n’a pas été suffisant dans le passé pour soulever à lui seul des doutes quant à savoir si une marque était employée en vertu de l’ancien article 30b) de la Loi [voir, par exemple, MMS Enterprise Holdings Inc c Vertica Resident Services Inc, 2015 COMC 154].

[51] Peu importe, l’Opposante n’a fourni aucune preuve pour remettre en question l’emploi projeté par la Requérante de l’une ou l’autre, ou les deux, de ses Marques aux dates de production des demandes. Je reconnais qu’il est en effet difficile de prouver une négation, comme dans le cas d’une demande fondée sur l’emploi projeté. Toutefois, je n’estime pas que l’absence d’une quelconque référence sur Internet à l’entreprise de la Requérante ou ses produits associés à l’une ou l’autre de ses Marques aux dates de production des demandes soit suffisante pour suggérer que la Requérante ne projetait pas d’employer l’une ou l’autre de ses Marques à une date ultérieure.

[52] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial relativement à ce motif. Ce motif est par conséquent rejeté.

Absence de droit à l’emploi – Article 38(2)f)

[53] Puisque trois motifs d’opposition de l’Opposante ont déjà été accueillis, il n’est pas nécessaire d’aborder ce dernier motif d’opposition.

Décision

[54] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette les demandes d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

_______________________________

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches

Félix Tagne Djom

Manon Duchesne Osborne

 

 


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2024-04-02

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Sebastien Beck-Watt

Pour la Requérante : Mark Sumbulian

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Cassels Brock & Blackwell LLP

Pour la Requérante : Mark Sumbulian

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.