Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Une feuille d’érable sur du papier graphique

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 73

Date de la décision : 2024-04-12

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Herbaland Naturals Inc.

Requérante : BeSweet Creations Inc. (a Delaware corporation)

Demande : 1,905,790 pour BEAUTY BEARS

Introduction

[1] BeSweet Creations, LLC a produit une demande pour enregistrer la marque de commerce BEAUTY BEARS (la Marque) fondée sur l’emploi projeté au Canada et couvrant les produits suivants :

[traduction]

Cl 5 Suppléments alimentaires et nutritifs, nommément vitamines, vitamines et préparations vitaminiques, vitamines gélifiées; vitamines; vitamines et préparations vitaminiques.

[2] Le registraire a enregistré les changements de titre de BeSweet Creations, LLC à BeSweet Creations LLC (a Delaware limited liability company), qui a eu lieu le 3 septembre 2021, puis à BeSweet Creations Inc. (a Delaware corporation) (la Requérante), qui a eu lieu le 10 septembre 2021.

[3] Herbaland Naturals Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). L’opposition est principalement fondée sur l’absence de droit à l’enregistrement en raison de l’emploi antérieur des marques de commerce de l’Opposante. L’Opposante plaide également un motif fondé sur l’absence de caractère distinctif et deux motifs techniques prévus à l’article 38(2).

[4] Bien que la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst) à la p 298]. Pour les raisons fournies ci-dessous, j’estime que l’Opposante ne l’a pas fait et je rejette l’Opposition.

Le dossier

[1] La demande a été produite le 22 juin 2018 et annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 15 juillet 2020. La Loi a été modifiée le 17 juin 2019 et, puisque la Demande a été annoncée après cette date, la Loi dans sa version modifiée s’applique (voir l’article 69.1 de la Loi). L’Opposante a produit sa déclaration d’opposition le 16 novembre 2020.

[2] Dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante invoque six marques de commerce (les Marques de commerce de l’Opposante) présumément employées ou révélées antérieurement au Canada en liaison avec les produits suivants :

[traduction]

vitamines gélifiées; vitamines; préparations vitaminiques; suppléments diététiques et nutritifs pour la santé et le bien-être en général; suppléments diététiques et nutritifs pour renforcer les ongles, favoriser la santé de la peau et garder les cheveux brillants; et bonbons gélifiés.

[3] Les marques de commerce de l’Opposante sont les suivantes :

  • 1.Un texte noir sur un fond blanc qui est une marque de commerce figurative avec un ours complet (tête et corps) à la gauche du mot BEAUTY.

  • 2.Demande no 2,059,526 pour Un logo noir et gris comprenant les mots PURE et BEAUTY avec un dessin d’ours (tête et corps) entre les deux mots.produite le 22 octobre 2020

  • 3.Un logo noir et blanc avec les mots PURE et BEAUTY et un dessin d’ours entre les deux mots.  En dessous se trouve le libellé GUMMIES FOR HAIR, SKIN & Nails.

  • 4.Demande no 2,053,021 pour PURE BEAUTY, produite le 21 septembre 2020.

  • 5.PURE BEAUTY GUMMIES FOR ADULTS Une image en noir et blanc illustrant un contenant de vitamines ayant une étiquette qui indique PURE BEAUTY et la tête fortement stylisée d’un ours sortant derrière le contenant. Une tête de femme avec des cheveux soufflés par la vente figure dans le coin inférieur gauche et « Herbaland » apparaît en évidence dans la partie centrale supérieure de l’étiquette.

  • 6.Demande no 2,053,008 pour BEAUTY GUMMIES, produite le 21 septembre 2020.

 

 

 

[4] Les motifs d’opposition de l’Opposante sont les suivants :

  • absence de droit à l’enregistrement en vertu des articles 38(2)c), 16(1)a) et 16(3) – la Marque crée de la confusion avec les Marques de commerce de l’Opposante en raison de l’emploi antérieur des marques de commerce énumérées ci-dessus depuis au moins aussi tôt que le 18 mars 2018 en liaison avec les produits suivants : vitamines gélifiées, vitamines, préparations vitaminiques; suppléments diététiques et nutritifs pour la santé et le bien-être en général; suppléments diététiques et nutritifs pour renforcer les ongles, favoriser la santé de la peau et garder les cheveux brillants; et bonbons gélifiés;

  • absence de caractère distinctif en vertu des articles 38(2)d) et 2 – la Marque, puisque :

[traduction]

[…] elle ne distingue pas véritablement les produits ou services avec lesquels elle se propose d’être employée par la Requérante (si la Requérante a employé la marque de commerce, ce qui n’est pas admis, mais est nié) des produits ou services des autres, particulièrement les produits suppléments diététiques et nutritifs, nommément vitamines, vitamines et préparations vitaminiques, vitamines gélifiées; vitamines; vitamines et préparations vitaminiques vendus ou offerts par BeSweet Creations, LLC en liaison avec la marque de commerce BEAUTY BEARS, et n’est pas adaptée de manière à les distinguer.

  • non-conformité avec les articles 30(2) et 38(2)e) puisque, à la date de production, la Requérante n’employait et ne projetait pas d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits;

  • non-conformité avec les articles 30(2) et 38(2)f) puisque, à la date de production, la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits à la lumière de l’emploi ou de la révélation antérieurs par l’Opposante des Marques de commerce de l’Opposante.

[5] Le 15 janvier 2021, la Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration niant chacun des motifs d’opposition. Les deux parties ont produit de la preuve. L’Opposante a demandé la permission de produire une demande modifiée le 6 avril 2023, ce qui a été refusé. Les deux parties ont chacune produit de la preuve, laquelle est résumée ci-dessous. Les deux parties ont également produit des observations écrites. Moins de deux jours avant l’audience, l’Opposante a demandé de nouveau la permission de modifier la Déclaration d’opposition. Dans une lettre en date du 13 décembre 2023, le jour avant l’audience, la Requérante a été invitée à présenter des observations en réponse à la demande de l’Opposante, si elle le souhaitait, lors de l’audience. Les deux parties étaient représentées à l’audience. Les observations de la Requérante et ma conclusion refusant la permission de modifier la déclaration d’opposition sont abordées plus en détail ci-dessous.

Sommaire de la preuve de l’Opposante

[6] À l’appui de son opposition, l’Opposante invoque les affidavits de Mme Aisha Yang, cofondatrice et directrice des Ventes et du Marketing de l’Opposante. La preuve de Mme Yang sera abordée plus en détail dans l’analyse ci-dessous. Cependant, il est utile de comprendre que relativement peu de preuve porte sur la période antérieure à la date de production de la Requérante. Cela est très pertinent puisque la date de production est la date pertinente pour le motif fondé sur le droit à l’enregistrement et le motif fondé sur le droit à l’enregistrement est le seul motif plaidé par l’Opposante qui n’est pas sommairement « rejeté ».

[7] La preuve de l’Opposante qui précède la date de production de la Requérante, soit le 22 juin 2018, peut être organisée en quatre catégories. D’abord, il y a la preuve documentaire concernant l’approbation réglementaire accordée en novembre 2017 pour des produits qui comprenaient les bonbons gélifiés pour adultes Herbaland PURE BEAUTY [para 6 et Pièce E]. Le deuxième élément de la preuve documentaire antérieure concerne un salon professionnel pour consommateurs tenu le 18 mars 2018 et comprend un feuillet qui aurait été distribué avec les produits de l’Opposante, définis par Mme Yang comme des bonbons gélifiés et des vitamines gélifiées [para 8 et Pièce F]. Le troisième élément de la preuve documentaire de l’Opposante comprend des documents provenant d’Internet, y compris des copies des résultats d’une recherche employant les paramètres « beauty gummies » et bonbons gélifiés « pure beauty », ainsi que des documents d’archives au sujet du site Web de l’Opposante. La preuve de l’Opposante montre également des sites Web de tiers détaillants présentant ce qui est vraisemblablement les produits de l’Opposante en date du 25 février 2018, du 18 avril 2018 et du 29 avril 2018 [affidavit Yang, para 8 et Pièce G]. Ces résultats de recherche, sans aucun autre contexte ou renseignement, ne sont pas très utiles pour évaluer l’emploi, l’annonce, la promotion ou la révélation de la marque de commerce de l’Opposante à ces dates. Il en va de même pour la page d’archive du site Web de l’Opposante.

[8] La preuve documentaire finale correspondant à la période antérieure à la date de production de la Requérante, ou à celle-ci, concerne deux factures datées du 20 juin 2018 et du 22 juin 2018 indiquant « Adult Pure Beauty » comme article [para 17 et Pièce N].

[9] Les autres documents en preuve correspondent à des dates ultérieures au 22 juin 2018.

Sommaire de la preuve de la Requérante

[10] La Requérante invoque l’affidavit de sa directrice principale, Mme Nicole Johnson, qui affirme que la Requérante vend des vitamines en employant son dessin d’ours de couleur bleue (objet des Demandes nos 1,843,404 et 1,994,991) au Canada depuis novembre 2015. Elle atteste que la Requérante a commencé à employer la Marque au Canada en juillet 2018 et que les produits sont toujours en vente par l’entremise de partenaires de commerce électronique, y compris Amazon Canada, et elle fournit une capture d’écran de la liste de produits actuelle sur www.amazon.com avec l’emballage arborant BEAUTY BEARS en liaison avec des vitamines [para 6 et Pièce B]. Lorsque l’affidavit a été produit, les ventes canadiennes de la Requérante depuis 2018 étaient légèrement inférieures à 20 000 $ et correspondaient à plus de 250 commandes individuelles [para 7 et 8]. Mme Johnson identifie les demandes et les enregistrements [traduction] « formés de BEAR » de la Requérante, à savoir pour les marques de commerce SUGARBEARHAIR, NO ONE KNOWS HAIR BETTER THAN A SUGAR BEAR, THE SWEETER WAY TO HEALTHY HAIR, SUGARBEARHEAR & Dessin et GET HEALTHY HAIR EAT THE BLUE BEAR, au Canada [para 9 et 10 et Pièce C].

Question préliminaire – Autorisation de modifier la déclaration d’opposition

Modifications de formalités et ajout de marques de commerce

[11] L’Opposante a demandé la permission de modifier sa déclaration d’opposition très tard dans la soirée, deux jours avant l’audience prévue. J’ai avisé les parties le lendemain qu’en raison du moment de la demande, un délai supplémentaire serait accordé au cours de l’audience du lendemain afin de s’assurer que la Requérante puisse répondre.

[12] Certaines modifications concernent les changements de nom de la Requérante (Modifications de formalités). Cependant, d’autres étaient importantes et comprenaient les marques de commerce que l’Opposante aurait employées ou révélées au Canada, mais qu’elle n’avait pas identifiées dans la déclaration d’opposition. L’Opposante considérait que certaines étaient des variations de celles revendiquées alors que d’autres étaient entièrement nouvelles (Marques de commerce supplémentaires). Dans sa lettre du 12 décembre 2023 demandant la permission de modifier sa déclaration d’opposition, l’Opposante assure que les modifications demandées n’ajoutent pas de motif d’opposition, mais récitent plutôt expressément certaines autres marques de commerce. La Requérante considérait que les modifications soulevaient de nouveaux motifs et qu’elles étaient donc préjudiciables et injustifiées, en termes de retards et de raisons.

[13] Après avoir reçu les observations orales des parties, j’ai rejeté la demande de modification de la déclaration d’opposition. J’ai informé les parties que les raisons de ma décision seraient incluses dans la décision sur le bien-fondé de cette opposition.

[14] Le registraire accordera en général la permission de modifier une déclaration d’opposition s’il est convaincu qu’il est dans l’intérêt de la justice de le faire, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, y compris : 1) l’étape où en est rendue la procédure d’opposition; 2) la raison pour laquelle la modification n’a pas été apportée plus tôt; 3) l’importance de la modification; et 4) le préjudice qui sera causé à l’une ou l’autre des parties.

[15] Je ne crois pas qu’il soit dans l’intérêt de la justice d’accorder la permission de produire la déclaration d’opposition modifiée. L’opposition est à une étape très avancée. De plus, les raisons pour lesquelles les modifications n’ont pas été produites plus tôt ne sont pas entièrement convaincantes. Le préjudice causé à la Requérante par le fait d’autoriser une modification maintenant serait plus important, car l’Opposante serait autorisée à scinder sa cause et à retarder davantage l’enregistrement si la Requérante choisissait de traiter des modifications au moyen d’une preuve ou d’observations écrites supplémentaires. Le préjudice causé à l’Opposante n’est pas aussi important puisque les modifications n’affectent pas de façon significative sa cause. Si j’avais accepté les modifications, cela n’aurait pas changé le résultat de mon analyse ci-dessous.

[16] Plus particulièrement, en ce qui concerne l’étape de la procédure, au moment de la demande, l’étape de la preuve était terminée depuis plus d’un an, les deux parties ayant produit leurs observations écrites de manière séquentielle. L’Opposante fait valoir que ce sont les observations écrites de la Requérante suggérant que plusieurs marques de commerce apparaissant dans la preuve de l’Opposante n’avaient pas été incluses dans la déclaration d’opposition, qui ont nécessité les modifications. Ces observations écrites sont datées du 19 juillet 2023, pourtant l’Opposante n’a pas soulevé cette question avant le 12 décembre 2023. Pour expliquer le retard, l’Opposante souligne qu’un nouvel avocat, bien que du même cabinet, a été retenu à la fin de juillet 2023 ou vers cette date et que l’Agent a été absent du bureau. J’ai demandé lors de l’audience quelle était la durée de l’absence et si des circonstances atténuantes, comme une grave maladie, avaient précipité l’absence. La réponse a été que l’absence était de trois semaines et était attribuable aux vacances et à des voyages d’affaires.

[17] J’estime que ces circonstances n’expliquent pas le délai de cinq mois mis par l’Opposante pour tenter de modifier sa déclaration d’opposition et ne sont pas entièrement compatibles avec l’allégation d’inadvertance présentée, à titre subsidiaire, par l’Opposante. De plus, je note que le délai de cinq mois est plus long que le délai d’un mois de retard dans Mcdowell c Automatic Princess Holdings, LLC, 2017 CAF 126 (Mcdowell), une affaire invoquée par l’Opposante à l’appui de sa demande.

[18] J’accepte que l’inadvertance est parfois inévitable. Cependant, compte tenu du temps qui s’était écoulé, il aurait été préférable que l’Opposante explique mieux l’inadvertance, comme il semble que ce fut le cas dans McDowell, comme la cour a conclu au para 34 que [traduction] « [l]’avocat de Mme McDowell a expliqué les circonstances qui ont mené à la demande. Il n’y a aucun motif de ne pas retenir son explication ». J’estime également qu’il est difficile d’accepter l’explication de l’inadvertance lorsque l’explication principale était un changement d’avocat au sein du même cabinet combiné à une absence du bureau.

[19] Le délai relatif aux Modifications de formalités a été encore plus long, puisqu’elles ont été demandées en mars 2022 et inscrites au registre en avril 2022. De plus, l’Opposante n’a pas expliqué pourquoi, lorsqu’elle a demandé la permission de produire une première déclaration d’opposition modifiée en avril 2023, elle n’a pas jugé bon de demander les mêmes Modifications de formalités. Mes commentaires ci‑dessus concernant les lacunes dans l’explication de l’inadvertance de l’Opposante s’appliquent également aux Modifications de formalités.

[20] En ce qui a trait à l’importance des modifications et au préjudice causé aux parties, l’Opposante soutient que certaines des Marques de commerce supplémentaires sont des variations de celles citées dans la déclaration d’opposition et d’autres apparaissent dans la preuve de l’Opposante. Elle soutient que, en tant que tel, il n’y a aucun préjudice pour la Requérante. Je ne peux pas être entièrement d’accord, du moins en ce qui concerne les marques de commerce qui ne sont pas des variantes des Marques de commerce de l’Opposante. Les Marques de commerce supplémentaires feraient en sorte que l’Opposante scinderait sa cause et prolongerait potentiellement le processus d’enregistrement.

[21] Je note que les modifications concernant les Marques de commerce supplémentaires ne sont pas particulièrement importantes puisqu’elles ne comblent pas deux lacunes critiques dans la preuve de l’Opposante. Plus particulièrement, comme je l’analyserai avec plus de détails ci-dessous, il n’y a aucune preuve d’emploi des Marques de commerce de l’Opposante avant la date de production de la Requérante. De plus, comme l’a soutenu la Requérante, la collectivisation par l’Opposante de ses marques de commerce sous une seule expression, « Beauty Marks », fait qu’il est difficile de déterminer dans quelle mesure l’une des marques de commerce a été employée, annoncée ou révélée. Pour cette raison, les modifications concernant les Marques de commerce supplémentaires ne sont pas pertinentes à l’analyse ci-dessous et n’auraient eu aucune incidence sur l’issue de la présente affaire.

[22] Dans le même ordre d’idées, les Modifications de formalités ne sont pas pertinentes. Le registre représente avec exactitude la propriété courante et je suis d’accord avec l’Opposante, qui admet que rien dans cette affaire ne dépend de la question des changements de nom de la Requérante.

[23] En raison de la demande tardive, la Requérante a eu sa première occasion de traiter les modifications demandées lors de l’audience et a eu moins d’une journée pour préparer sa réponse. Le préjudice est également associé à ce facteur.

[24] Enfin, en ce qui concerne le fait que l’Opposante s’est appuyée sur l’affaire McDowell, je suis consciente que la Cour a conclu aux paragraphes 35 à 38 que le délai « extraordinaire » de quatorze ans dans le traitement de la demande était un facteur important. La présente demande a été produite en 2018 et l’Opposition a commencé en 2020. Par conséquent, le retard n’est pas un facteur. Cependant, je note qu’accepter les modifications aurait pu entraîner un long délai pour permettre à la Requérante de répondre en produisant une preuve, et potentiellement aux deux parties de présenter ensuite des observations supplémentaires.

Modifications concernant le motif fondé sur le caractère distinctif

[25] Comme il en sera question ci-dessous, le motif d’opposition de l’Opposante alléguant l’absence de caractère distinctif n’est pas fondé sur l’emploi de la marque de commerce par l’Opposante. Plutôt, il fait référence au prédécesseur en titre de la Requérante, qui en était le propriétaire lorsque la déclaration d’opposition a été produite. Il est possible que l’Opposante ait eu l’intention de s’appuyer sur ce fondement pour faire valoir l’emploi non autorisé par des entités liées.

[26] Les révisions proposées pour ce motif d’opposition conservent une référence spécifique aux produits et services de la Requérante ou de ses prédécesseurs en titre, toutefois le nouveau préambule mentionne les marques de commerce de l’Opposante. En l’absence d’observations spécifiques à ce motif, j’estime que les énoncés dans le préambule concernant l’emploi par l’Opposante de ses Marques de commerce supplémentaires visaient à s’appliquer aux motifs fondés sur le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16 et l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 38(2)f), qui reposent sur les marques de commerce de l’Opposante, et non au motif fondé sur l’absence de caractère distinctif qui repose sur l’emploi par la Requérante et ses prédécesseurs. Subsidiairement, j’estime que la révision proposée ne satisfait pas aux exigences de l’article 38(3)a) de la Loi en ce que les motifs d’opposition ne sont pas étayés de façon suffisamment détaillée pour permettre à la Requérante d’y répondre. Il a été dit que [traduction] « [l]’équité exige avant tout » que cela soit fait [AstraZeneca AB c Novopharm Ltd, 2001 CAF 296 au para 35].

Question préliminaire – Marques de commerce non mentionnées dans la déclaration d’opposition et marques de commerce visées par une référence collective

[27] La Requérante soutient que l’Opposante s’appuie sur plusieurs marques de commerce qui ne sont pas mentionnées dans sa déclaration d’opposition [observations écrites de la Requérante, para 43 à 48]. Je suis d’accord. L’Opposante identifie les six marques de commerce suivantes dans sa Déclaration d’opposition (Marques de commerce de l’Opposante) :

  • Dessin en gris d’un ours à la gauche du mot BEAUTY

  • Un logo noir et gris comprenant les mots PURE et BEAUTY avec un dessin d’ours (tête et corps) entre les deux mots.

  • Un logo noir et blanc avec les mots PURE et BEAUTY et un dessin d’ours entre les deux mots.  En dessous se trouve le libellé GUMMIES FOR HAIR, SKIN & Nails.

  • PURE BEAUTY

  • PURE BEAUTY GUMMIES FOR ADULTS Dessins, reproduit ci-dessous :

  • BEAUTY GUMMIES

 

(Demande no 2,059,526)

 

 

(Demande no 2,053,021)

 

Une image en noir et blanc illustrant un contenant de vitamines ayant une étiquette qui indique PURE BEAUTY et la tête fortement stylisée d’un ours sortant derrière le contenant. Une tête de femme avec des cheveux soufflés par la vente figure dans le coin inférieur gauche et « Herbaland » apparaît en évidence dans la partie centrale supérieure de l’étiquette.

(Demande no 2,053,008)

[28] Mme Yang fait référence au paragraphe quatre de son affidavit aux marques de commerce [traduction] « de type BEAUTY » et inclut les trois marques de commerce énumérées ci-dessus pour lesquelles l’enregistrement a été demandé. Comme l’a remarqué l’Opposante au paragraphe 20 de ses observations écrites, elle inclut aussi deux autres marques de commerce qui ne sont pas énumérées dans la déclaration d’opposition, à savoir la Demande no 2,053,010 pour Un dessin en gris illustrant un dessin de tête d’ours hautement stylisé à la gauche du mot BEAUTY et Un dessin en gris d’une tête d’ourse hautement stylisée à la gauche du mot BEAUTY (Marques de commerce face d’ourse). Après avoir énuméré ces marques de commerce, elle y fait référence par [traduction] « Marques BEAUTY » [affidavit Yang, notation suivant le para 4].

[29] Si l’Opposante avait l’intention d’invoquer ses Marques de commerce face d’ours, elles auraient dû être mentionnées dans la Déclaration d’opposition. Comme il a été noté ci-dessus, un motif d’opposition est principalement défini par l’article de la Loi duquel il relève, ainsi que par la marque de commerce établissant les droits sous-jacents [voir également 101217990 Saskatchewan Ltd (District Brewing Company) c Lost Craft Inc, 2022 CF 1254 au para 10]. Je suis restreinte dans mon analyse aux motifs soulevés dans la Déclaration d’opposition et je ne suis pas autorisée à prendre en compte la preuve ou les observations de l’Opposante concernant les Marques de commerce face d’ours qui ne sont pas identifiées dans la déclaration d’opposition [Schneider Electric Industries SAS c Spectrum Brands, Inc, 2021 CF 518 au para 27; Pernod Ricard, SA c Molson Breweries, 1995 ACF No 1577 au para 2; McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd, 1994 ACF No 638 aux para 16 et 17, conf par 1996 CanLII 3963 (CAF)].

[30] L’importance de l’inclusion par l’Opposante des Marques de commerce face d’ours avec les autres Marques de commerce de l’Opposante collectivement sous [traduction] « Marques BEAUTY » est qu’en regroupant les marques de commerce de cette manière, il devient difficile de savoir à quelle(s) marque(s) de commerce particulière(s) se rapporte une déclaration employant cette expression. Pour certains éléments de preuve, une référence au soutien documentaire permettra de clarifier si une marque de commerce particulière est concernée, mais autrement les déclarations sont ambiguës. Cela sera abordé plus en détail ci-dessous sous le motif fondé sur le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16.

[31] Mme Yang a également fait référence aux Demandes d’enregistrement canadiennes no 1,929,122 pour Un dessin en gris d’un ours (tête et corps) avec des cercles pour le museau et les pattes de l’ours, produite le 7 novembre 2018, et no 2,053,011 pour Un dessin en gris illustrant la partie supérieure d’un corps stylisé d’un ours à la droite du libellé VEGAN D3 AND B12, gummies for adults, produite le 21 septembre 2020, dans le cadre de sa discussion sur la vente par l’Opposante de bonbons gélifiés. Ces marques de commerce n’ont pas non plus été incluses dans la déclaration d’opposition et, pour les raisons fournies ci-dessus, elles ne seront pas non plus prises en compte.

Analyse et motifs de la décision

Droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16

[32] L’Opposante plaide que la Marque crée de la confusion avec les Marques de commerce de l’Opposante, précédemment employées ou révélées au Canada, lesquelles n’avaient pas été abandonnées à la date de l’annonce.

[33] La date pertinente à l’égard de ce motif est la première de la date de premier emploi de la Marque au Canada ou de la date de production de la demande. En l’espèce, la date de production était le 22 juin 2018, alors que l’emploi de la Marque n’a commencé qu’après cette date. Par conséquent, la date pertinente est la date à laquelle la demande a été produite.

Le fardeau de preuve de l’Opposante n’est pas rempli

[34] À l’appui du motif fondé sur le droit à l’enregistrement, la preuve doit démontrer qu’au moins une des Marques de commerce de l’Opposante, invoquées à l’appui de ce motif d’opposition, avait été employée ou révélée avant la date pertinente, le 22 juin 2018, et n’avait pas été abandonnée en date du 15 juillet 2020 (la date de l’annonce de la Demande).

L’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve en ce qui concerne la révélation

[35] L’Opposante n’arrive pas à démontrer que sa marque de commerce avait été révélée à la date pertinente puisque la preuve de Mme Yang ne démontre pas que la marque de l’Opposante était devenue bien connue au Canada en raison de la distribution de ses produits ou de l’annonce au Canada, comme l’exige l’article 5 de la Loi.

L’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve en ce qui concerne l’emploi

[36] La preuve d’emploi doit informer le registraire des situations entourant l’emploi afin que le registraire puisse arriver à une opinion et appliquer les exigences de la Loi [John Labatt Ltd. c Rainier Brewing Co (1984) 80 CPR (2d) 228 (CAF) aux para 235 et 236]. Ce n’est qu’après qu’un tel emploi a été établi que la Requérante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la demande est conforme aux exigences de la Loi.

[37] L’article 4(1) de la Loi, qui est reproduit ci-dessous, explique ce qui est exigé pour qu’une marque de commerce soit considérée comme employée en liaison avec des produits :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[38] Afin que l’une des Marques de commerce de l’Opposante soit employée en liaison avec les bonbons gélifiés et les vitamines gélifiées de l’Opposante, elle doit être marquée sur ces produits ou sur leur emballage ou être associée d’une certaine façon avec les produits dans la pratique normale du commerce de manière à fournir l’avis de liaison requis.

[39] L’Opposante a revendiqué l’emploi de sa marque de commerce PURE BEAUTY depuis aussi tôt que mars 2018 [affidavit Yang, para 8, 14, 16 et 17]. Cependant, la facture la plus antérieure à l’appui de telles ventes est en date du 20 juin 2018, deux jours avant que la Requérante ne produise sa demande [affidavit Yang, para 17 et Pièce N]. La preuve de l’Opposante n’explique pas pourquoi aucune facture ou aucune autre preuve de ventes pertinentes n’est disponible pour la période entre mars 2018 et le 20 juin 2018. Bien que j’estime que la preuve, considérée dans son ensemble, appuie l’emploi d’une ou plusieurs des Marques de commerce de l’Opposante dans la deuxième moitié de 2018, la preuve d’emploi avant, pendant et peu après la date pertinente est ambiguë. Je ne suis pas en mesure de conclure que, lorsque la preuve est lue dans son ensemble, l’on pourrait raisonnablement conclure que l’emploi d’une ou plusieurs des Marques de commerce de l’Opposante a commencé avant la date pertinente pour les raisons qui suivent.

Feuillets

[40] Mme Yang affirme que l’Opposante a fabriqué, distribué et vendu au Canada des bonbons gélifiés et des vitamines gélifiées sous la marque de commerce PURE BEAUTY et les dessins de celle-ci depuis au moins aussi tôt que mars 2018. Sa revendication est appuyée par des feuillets annonçant des bonbons gélifiés PURE BEAUTY et encourageant les clients à visiter le présentoir de l’Opposante à l’exposition « Healthy Family Expo » organisée le 18 mars 2018 à Vancouver [affidavit Yang, para 8 et Pièce F]. Elle n’explique pas pourquoi les feuillets encourageant les gens à participer à une exposition seraient distribués à cette même exposition. Le feuillet arbore le Dessin PURE BEAUTY FOR ADULTS de l’Opposante, appelé dans la déclaration d’opposition de l’Opposante également Gummies for Hair Skin & Nails.

[41] La Requérante soutient que les déclarations entourant toute vente au moment de l’Exposition sont de simples affirmations sans preuve de l’exposition ou de la vente de tout produit de marque [observations écrites de la Requérante, para 24]. Mme Yang affirme que les feuillets ont été fournis aux consommateurs à l’Exposition où les vendeurs présentent leurs produits et en font la promotion. La distribution, dit-elle, a eu lieu au cours [traduction] « du lancement, de la promotion et de l’offre aux consommateurs de divers produits de l’Opposante à un kiosque de présentation […] ». Elle n’affirme pas que des ventes ont eu lieu à ce moment. Elle ne fournit pas non plus de support documentaire pour de telles ventes ou, à titre subsidiaire, n’explique pas pourquoi aucun support documentaire n’existe. Ces lacunes sont importantes puisque les expositions commerciales destinées aux consommateurs peuvent se concentrer sur la promotion plutôt que la vente et il n’est pas clair que les bonbons gélifiés et les vitamines gélifiées de l’Opposante ont été vendus lors de l’événement plutôt que de simplement faire l’objet de publicité et de promotion. Bien que Mme Yang affirme que les feuillets ont été fournis aux consommateurs des bonbons gélifiés de marque PURE BEAUTY au moment du transfert dans la pratique normale du commerce, en l’absence d’autres faits, cette déclaration est ambiguë et n’est pas particulièrement utile.

[42] Il n’est pas clair ce que Mme Yang considère comme le moment du transfert, y compris si des ventes des produits arborant une ou plusieurs des Marques de commerce de l’Opposante ont eu lieu à l’Exposition ou si des commandes ont été prises à ce moment-là, le produit étant fourni plus tard. En l’absence d’autres détails, y compris ce qu’implique exactement la pratique normale du commerce en ce qui concerne une exposition destinée aux consommateurs, je ne suis pas convaincue que la présentation de PURE BEAUTY Gummies for Hair, Skin & Nails ou PURE BEAUTY figurant sur les feuillets établit l’emploi antérieur de la marque de commerce par l’Opposante. Des allégations d’emploi se contentant de suivre le libellé de la Loi ne suffiront pas (voir Aerosol Fillers Inc. c Plough (Canada) Ltd. (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)). Un déposant doit plutôt décrire les faits à partir desquels le registraire peut se faire une opinion ou inférer logiquement l’emploi au sens de l’article 4 de la Loi [Guido Berlucchi & C Srl c Brouillette Kosie Prince, 2007 CF 245 au para 18]. Plus particulièrement, il doit y avoir une preuve expliquant et démontrant ce qu’est la pratique normale du commerce et la façon dont la marque de commerce a été employée dans ce contexte [Gowling, Strathy & Henderson c Royal Bank (1995), 63 CPR (3d) 322, (CF 1re inst)].

[43] Mon doute quant à savoir si des ventes des produits de marque PURE BEAUTY de l’Opposante ont eu lieu aussi tôt qu’en mars 2018 est renforcé par le fait additionnel que l’autorisation de vendre des bonbons gélifiés et des vitamines gélifiées a seulement été accordée quelques mois avant l’événement de mars. Il semblerait raisonnable d’inférer qu’il faudrait un certain temps à l’Opposante pour fabriquer ou autrement se procurer les bonbons gélifiés. Je tiens également compte du fait que les ventes totales pour 2018 ont été modestes, avec 1 434 unités vendues cette année-là comparativement à plus de six fois cette quantité vendue l’année suivante. Bien que ces faits, seuls ou ensemble, ne soient pas déterminants, ils suggèrent que l’événement de l’Exposition aurait pu être axée sur la promotion plutôt que la vente du nouveau produit. Le manque de renseignements factuels au-delà du libellé de la Loi m’amène à conclure que la preuve, dans son ensemble, ne démontre pas l’emploi de l’une des Marques de commerce de l’Opposante depuis aussi tôt que le 18 mars 2018.

Recherches Internet et archives de sites Web

[44] Ces documents de recherches Internet invoqués par l’Opposante ont été limités à la période entre le 1er janvier 2018 et le 18 juin 2018. Les résultats comprenaient une entrée datée de février 2018 montrant [traduction] « Magasiner 2 articles Soleil et bestioles 2 articles – Protection contre le soleil 2 articles – Pure Beauty 2 articles – Rentrée scolaire 1 article – Multivitamines gélifiées véganes pour enfants Herbaland ». Deux résultats supplémentaires sont en date d’avril 2018, dont l’un montre [traduction] « Pure Beauty, compte de 60 Nouveau Herbaland – Bonbons gélifiés pour adultes, Pure Bea… Bonbons gélifiés pour enfants Herbaland, Immune boos..20,99 $ Aliments et boissons – Zevia... ». L’autre résultat montre [traduction] « Bonbons gélifiés Pure Beauty Herbaland… ». Le matériel d’archives disponible sur le site Wayback Machine, montre ce qui semble être le site herbaland.com le 19 juin 2019. La page contient l’énoncé [traduction] « Présentant notre nouveau bonbon gélifié Beauty pour la santé des cheveux, de la peau et des ongles! » et une représentation d’un contenant de bonbons gélifiés et de vitamines gélifiées de l’Opposante. Le contenant présenté est semblable à celui qui comporte le dessin d’étiquette PURE BEAUTY GUMMIES FOR ADULTS de l’Opposante indiqué par le numéro de marque de commerce 5, ci-dessus, mais indique HAIR SKIN AND NAILS, plutôt que PURE BEAUTY [para 8 et 9 et Pièces G et I].

[45] Ces résultats de recherche, sans aucun autre contexte ou renseignement, ne sont pas particulièrement utiles pour évaluer l’emploi, l’annonce, la promotion ou la révélation de la marque de commerce de l’Opposante à ces dates. Il n’est pas clair comment l’une des Marques de commerce de l’Opposante est employée en liaison avec les bonbons gélifiés ou les vitamines gélifiées. Je suis d’accord avec la position de la Requérante qu’il n’est pas suffisant, aux fins de l’article 4(1), que les produits aient été annoncés pour la vente sur ces sites Web; plutôt, une certaine preuve de transferts dans la pratique normale du commerce est requise.

Ventes et factures

[46] Sous l’entête [traduction] « Ventes », Mme Yang affirme que depuis au moins aussi tôt que mars 2018, l’Opposante a vendu ses bonbons gélifiés et ses vitamines gélifiées en liaison avec une ou plusieurs des [traduction] « Marques BEAUTY » indirectement aux consommateurs par l’entremise d’épiceries, de pharmacies et de magasins et détaillants en ligne végans et de santé et bien-être, ainsi que des détaillants en ligne généraux [affidavit Yang, para 14]. La déclaration ne précise pas laquelle des Marques BEAUTY était appliquée aux produits ou à leur emballage vendus avant la date pertinente. Également, l’expression couvre plusieurs marques de commerce et, par conséquent, ne concerne pas l’emploi d’une marque de commerce en particulier. De plus, les Marques BEAUTY, comme définies par l’Opposante, comprennent des marques de commerce qui ne sont pas mentionnées dans la Déclaration d’opposition. Pour cette raison, les déclarations contenues dans la preuve de l’Opposante invoquant l’emploi de l’expression Marques BEAUTY doivent être abordées avec prudence.

[47] Mme Yang a fourni des factures représentatives indiquant « Adults Pure Beauty » comme article [affidavit Yang, para 17 et Pièce N]. La plus ancienne d’entre elles est datée du 20 juin 2018 et implique une vente de produits, dont douze unités décrites comme « Adult Pure Beauty » coûtant 71,40 $ à Purity Life Health Products, située en Ontario. Une deuxième facture, au même acheteur, est datée du 22 juin 2018 et fait référence à 24 unités du produit Adult Pure Beauty. Bien que les factures appuient une revendication de ventes de bonbons gélifiés, l’Opposante n’a inclus aucune preuve démontrant la manière dont la marque de commerce PURE BEAUTY apparait sur ces produits ou leur emballage. Ceci est pertinent, puisque la représentation sur la page Web archivée de l’Opposante du 19 juin 2018 montre un contenant étiqueté « HerbaLand Hair, Skin and Nails ». Le texte indique [traduction] « Présentant notre nouveau bonbon gélifié Beauty pour la santé des cheveux, de la peau et des ongles ». Les documents ultérieurs présentent un dessin très similaire, remplacement « Hair, Skin and Nails » par « PURE BEAUTY ». Ainsi, il y a au moins deux étiquettes potentielles et il n’est pas clair avec laquelle les ventes de juin sont associées.

[48] Il est possible que la présentation d’une marque de commerce sur une facture puisse, à elle seule, étayer une conclusion selon laquelle la marque de commerce a été employée [Tint King of California Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), 2006 CF 1440 et Hortilux Schreder BV c Iwasaki Electric Co, 2012 CAF 321]. Cependant, même si je devais considérer la présentation de PURE BEAUTY sur la facture comme l’emploi de la marque de commerce, il n’est pas clair que la facture accompagnait les Produits de manière à ce qu’il y ait un avis de liaison entre PURE BEAUTY figurant sur la facture et les produits eux-mêmes, comme il est requis [Riches, McKenzie & Herbert c Pepper King Ltd (2000), 8 CPR (4th) 471 (CF 1re inst)].

[49] Il est bien reconnu que le fait de passer une commande pour des produits n’établit pas, à lui seul, l’emploi au sens de l’article 4. Dans l’évaluation de l’emploi d’une marque de commerce, le point critique est le moment où la propriété ou la possession des produits, est transférée. Tous les éléments requis de l’emploi doivent être présents à ce moment [Ridout & Maybee LLP c HJ Heinz Co Australia Ltd, 2014 CF 442 au para 42 (Heinz)]. Je ne suis pas convaincue que les factures appuient une revendication que la propriété ou la possession de bonbons gélifiés, ou de leur emballage a eu lieu en date du 22 juin 2018. À cet égard, je note que l’Opposante est établie en Colombie-Britannique et que les produits sont expédiés en Ontario. Même si la facture datée du 20 juin 2018 reflète un accord d’achat, il n’y a aucune preuve que la propriété dans les bonbons gélifiés et les vitamines gélifiées, ou leur possession, avait été transférée à l’acheteur à la date pertinente [Estee Lauder Cosmetics Ltd. c Loveless, 2017 CF 927 aux para 32 à 34]. De plus, les factures ne contiennent aucun renseignement suggérant à quel moment une expédition pourrait avoir eu lieu, puisque la [traduction] « date d’expédition » est laissée en blanc, ainsi que l’expéditeur et le numéro de suivi. Par conséquent, la preuve ne me permet pas d’inférer précisément à quel moment la propriété dans les produits, ou leur possession, a été transférée [Rogers Media Inc c La Cornue, 2019 COMC 63 au para 57]. De plus, bien qu’une inférence concernant la réception par l’acheteur puisse, dans certaines circonstances, être justifiée en ce qui concerne la preuve relative à une procédure de radiation simple et rapide en vertu de l’article 45, elle n’est pas nécessairement justifiée dans l’analyse du droit à l’enregistrement, particulièrement lorsque la facture est datée dans les deux jours suivant la date pertinente [voir Heinz au para 40 à 49 et Eclipse International Fashions Canada Inc. c Shapiro Cohen, 2005 CAF 64 au paragraphe 6 pour le différent fardeau].

[50] Puisque la preuve de l’Opposante n’étaye pas sa prétention d’avoir employé l’une des Marques de commerce de l’Opposante à la date pertinente, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial et ce motif d’opposition est donc rejeté.

[51] Cela dit, même si je devais conclure que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard du motif fondé sur le droit à l’enregistrement par l’emploi de sa marque de commerce PURE BEAUTY sur la facture du 20 juin 2018, le motif d’opposition serait malgré tout rejeté pour les raisons exposées ci-dessous.

Introduction – Probabilité de confusion

[52] L’Opposante a plaidé l’absence de droit à l’enregistrement en raison de la confusion avec les Marques de commerce de l’Opposante, y compris PURE BEAUTY, précédemment employées ou révélées au Canada en liaison avec les bonbons gélifiés et les vitamines gélifiées de l’Opposante. Je vais maintenant évaluer la confusion en me fondant sur la marque de commerce PURE BEAUTY de l’Opposante au cas où j’aurais eu tort de conclure que la facture du 20 juin 2018 de l’Opposante indiquant PURE BEAUTY comme article ne peut pas être invoquée comme preuve que l’Opposante avait employé cette marque de commerce à la date pertinente du 22 juin 2018.

Analyse relative à la confusion

[53] Le test en matière de confusion est évalué comme une question de la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé à la vue de la marque du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’opposant et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques. Lorsqu’il évalue la probabilité de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chacune a été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce; notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’accorder un poids égal à chacun de ces facteurs énumérés ou à toute autre circonstance de l’espèce pertinente [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, Veuve Cliquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27].

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues

[54] Les mots descriptifs possèdent un degré très limité de caractère distinctif inhérent [Molson Cos c John Labatt Ltd, 1994 178 NR 20 aux para 5 à 8 (CAF) et Venngo Inc c Concierge Connection Inc, 2017 CAF 96 au para 46].

[55] L’Opposante admet que les marques de commerce des parties partagent un degré semblable de caractère distinctif inhérent [observations écrites de l’Opposante, para 58]. La Requérante soutient que la faiblesse de la marque de commerce PURE BEAUTY réduit la probabilité de confusion (observations écrites de la Requérante, para 68).

[56] Je peux prendre connaissance d’office de la signification des mots « beauty », « pure » et « bears ». Ce faisant, j’ai consulté le dictionnaire Canadian Oxford Dictionary (deuxième édition). Je note les significations suivantes :

 

Pure : [traduction] non mélangé

Beauty : [traduction] une combinaison de qualités comme la forme, la couleur, etc., qui est plaisante pour les sens esthétiques, particulièrement la vue

Bear : [traduction] tout mammifère large et lourd de la famille Ursidae, ayant une fourrure épaisse et marchant sur ses talons

[57] La preuve de l’Opposante suggère que les bonbons gélifiés en forme d’ours sont disponibles depuis un certain temps, y compris ceux contenant des vitamines [affidavit Yang, Pièce V]. Je suis consciente que Wikipédia est une plateforme Internet ouverte et, par conséquent, pas nécessairement fiable, toutefois j’accorderai malgré tout un certain poids limité à cette preuve. Je note que rien ne dépend de cette preuve.

[58] L’Opposante fait valoir que ses marques de commerce PURE BEAUTY et la Marque partagent un degré semblable de caractère distinctif inhérent. J’estime que le caractère distinctif inhérent de PURE BEAUTY et celui de la Marque sont minimes en raison de la nature descriptive de ces marques de commerce. Plus particulièrement, PURE BEAUTY décrit qu’une esthétique agréable, et rien d’autre que cela, est la fonction, ou le résultat, de l’emploi des bonbons gélifiés et des vitamines gélifiées de l’Opposante [Thomson Research Associated Ltd. c le Registraire des marques de commerce (1982), 67 CPR (2d) 205 au para 4 (CF 1re inst)]. L’adjectif PURE modifie le nom BEAUTY. Ainsi, il n’y a rien de particulièrement notable quant à la combinaison particulière des mots. En ce qui a trait à la Marque, le nom BEAUTY, de nouveau, suggère une esthétique agréable, alors que le nom BEARS fait référence à la forme de ces Produits. Des deux, j’estime que la Marque possède un degré légèrement plus élevé de caractère distinctif en raison de la combinaison plus inhabituelle de deux mots allitératifs, qui peuvent être considérés comme des noms, qui ne se joignent pas aussi naturellement que les mots composant la marque de commerce de l’Opposante.

[59] Le caractère distinctif peut également être acquis par l’emploi et la promotion d’une marque de commerce. En effet, par un emploi et une promotion étendus, le propriétaire d’une marque de commerce, même clairement descriptive, peut réussir à s’acquitter de son lourd fardeau d’établir que la marque de commerce est devenue distinctive [Sarah Coventry Inc c Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238 (CF 1re inst); GSW Ltd c Great West Steel Industries Ltd (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF 1re inst)].

[60] La Requérante n’a démontré aucun emploi, annonce ou promotion de la Marque au Canada en liaison avec les Produits à la date pertinente. Comme il en a été question ci-dessus, même si je conclus que la facture en date du 20 juin 2018 appuie une revendication d’emploi de la marque de commerce PURE BEAUTY de l’Opposante avant la date pertinente, la preuve indique un emploi minime de la marque de commerce en liaison avec douze contenants de bonbons gélifiés à la date pertinente. En ce qui a trait aux feuillets, aucune indication n’a été fournie quant au nombre de ceux-ci qui ont été distribués ou le moment auquel cela aurait pu se produire. De même, la preuve provenant d’Internet est muette quant au nombre de visiteurs par sites. Par conséquent, je peux conclure, au mieux, que la marque de commerce PURE BEAUTY a été rendue connue dans une faible mesure au Canada, ou une partie du Canada, en raison de la présence Internet de l’Opposante et des visites possibles par des Canadiens. Je ne suis pas prête à arriver à la même conclusion concernant les dépliants de l’Opposante puisque, comme l’a souligné la Requérante, il n’y a aucune indication du nombre de dépliants, et je note également quand ceux-ci sont parvenus aux consommateurs [observations écrites de la Requérante, para 24].

[61] Puisque les marques de commerce des parties sont composées de mots descriptifs ayant un caractère distinctif inhérent limité, que la Marque est légèrement plus intrinsèquement distinctive que la marque de commerce PURE BEAUTY de l’Opposante et que seule la marque de commerce de l’Opposante a été employée ou est devenue connue dans une quelconque mesure, laquelle est minime, j’estime que ce facteur ne favorise aucune des deux parties.

Période d’emploi

[62] Même si je présume que la facture en date du 20 juin 2018 reflète un transfert de produits dans la pratique normale du commerce qui a atteint l’acheteur à la date pertinente, la période d’emploi s’élèverait à un minimum de quelques heures et à un maximum d’une ou deux journées. Ce facteur, par conséquent, favorise l’Opposante très légèrement, voire aucunement.

Genre des produits, services ou entreprises; et nature du commerce

[63] C’est l’état déclaratif des Produits de la Requérante, comme défini dans sa demande, comparé aux produits en liaison avec lesquels la marque de commerce PURE BEAUTY de l’Opposante a été employée qui est visé par l’évaluation du genre des produits, services ou entreprises des parties. Puisque la preuve démontre que la marque de commerce PURE BEAUTY de l’Opposante est associée aux bonbons gélifiés et aux vitamines gélifiées, il y a un chevauchement direct avec les Produits. Puisque les produits des parties sont les mêmes, il est raisonnable de supposer que les voies de commercialisation se chevauchent également. Par conséquent, ces facteurs favorisent l’Opposante.

Ressemblance dans la présentation, le son ou les idées suggérées

[64] La ressemblance entre les marques de commerce est souvent le facteur qui influencera probablement le plus l’analyse de la confusion [Masterpiece, au para 49].

[65] Dans Masterpiece, au paragraphe 64, la Cour suprême du Canada a déclaré que la meilleure façon d’évaluer le degré de ressemblance consiste à se demander d’abord si un aspect de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique. Il faut éviter de placer les marques de commerce côte à côte et d’en faire une analyse critique.

[66] Je n’estime aucun élément de la Marque ou de PURE BEAUTY particulièrement frappant ou unique à la lumière de la signification descriptive de ces expressions. Tout caractère distinctif découle, en grande partie, de la combinaison des deux mots et cela atténue l’importance du mot commun BEAUTY. Je note également que les marques de commerce ne partagent pas la même première partie. Ce facteur est souvent important aux fins de distinction [Conde Nast Publications Inc c Union des Éditions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst) et Park Avenue Furniture Corp c Wickes/Simmons Bedding Ltd, 1991 CanLII 11769 (CAF)].

[67] Bien qu’il existe un certain degré de ressemblance dans la présentation, le son et les idées suggérées par les marques de commerce des parties étant donné qu’elles partagent la partie commune BEAUTY, la présence des autres mots au moins aussi distinctifs que BEAUTY, ainsi que la probabilité que les deux mots formant chaque marque de commerce seraient considérés ensemble plutôt que de se concentrer sur BEAUTY, me mènent à conclure que les marques de commerce sont plus différentes que semblables. Par conséquent, la ressemblance dans la présentation, le son et les idées suggérées par les marques de commerce favorise la Requérante.

Autre circonstance de l’espèce – Jurisprudence relative aux marques de commerce faibles

[68] Comme il a été souligné ci-dessus, lorsqu’un mot est un mot commun et descriptif, il a droit à une portée de protection plus étroite qu’un mot inventé ou unique. Une partie adoptant une marque de commerce faible accepte donc un certain risque de confusion [General Motors c Bellows [1949] RCS 678 (General Motors), citant Office Cleaning Services Ltd c Westminster Window & General Cleaners, Ltd (1946), 63 CPR 39 à la p 41 (HL); et Fairmount Properties Ltd c Fairmount Management LLP, 2008 CF 876].

[69] Il est également bien admis que des différences relativement petites suffiront à distinguer des marques faibles les unes des autres [Boston Pizza International Inc c Boston Chicken Inc (2001), 15 CPR (4th) 345 (CF 1re inst) au para 66]. Comme il est expliqué dans Provigo Distribution Inc c Max Mara Fashion Group SRL, 2005 CF 1550 au para 31 :

Comme les deux marques en elles-mêmes sont faibles, il est juste d’affirmer que même de petites différences suffiraient à les différencier. S’il en était autrement, le premier utilisateur de termes couramment employés se verrait conférer injustement un monopole de ces termes. Les tribunaux ont également justifié cette conclusion en affirmant qu’on s’attend à ce que le public soit plus prudent lorsque des noms commerciaux faibles comme ceux-ci sont employés […]

[70] En raison de la faiblesse des marques de commerce des parties et de la capacité des mots PURE et BEARS à les distinguer, ce facteur favorise la Requérante. Arriver à une conclusion différente permettrait à l’Opposante d’injustement monopoliser le mot commun BEAUTY.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[71] Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, comme indiqué ci-dessus, en particulier la faiblesse de la marque de commerce PURE BEAUTY de l’Opposante et la portée étroite de sa protection, j’estime que la prépondérance des probabilités entre une conclusion qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion et qu’il y a une probabilité raisonnable de confusion penche en faveur de la Requérante. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Caractère distinctif

[72] La date pertinente à l’égard du motif fondé sur le caractère distinctif est la date de production de la Déclaration d’opposition, en l’espèce, le 16 novembre 2020 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185].

[73] L’Opposante a plaidé que la Marque n’est pas distinctive puisqu’elle ne distingue pas, et n’est pas adaptée à distinguer, les Produits des produits ou des services des autres, particulièrement les suppléments diététiques et nutritionnels, nommément les vitamines, les vitamines et les préparations de vitamines, les vitamines gélifiées; les vitamines; les vitamines et les préparations de vitamines vendues ou fournies par la Requérante, employés en liaison avec la marque de commerce BEAUTY BEARS.

[74] L’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial d’établir les faits appuyant son motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif. Ce n’est qu’une fois que ce fardeau de preuve a été rempli qu’il incombe à la Requérante de démontrer que la Marque est adaptée pour distinguer, ou distingue réellement, ses produits ou services des produits et services des autres [Joseph E Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 à la p 329 (COMC) et Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst)].

[75] L’Opposante soutient que la Requérante n’a pas réussi à démontrer qu’elle avait employé la Marque à la date pertinente en raison des simples affirmations d’emploi de la Requérante depuis juillet 2018 et, par conséquent, elle ne peut pas réellement distinguer les produits de la Requérante de ceux de l’Opposante [observations écrites de l’Opposante, para 72 et 73]. Comme il a été souligné, la référence aux Marques de commerce de l’Opposante n’apparaît pas dans la déclaration d’opposition. Peu importe, la Loi prévoit également la capacité d’une marque de commerce d’être « adaptée à les distinguer ainsi ». Pour les marques de commerce adaptées pour distinguer, l’emploi n’est pas requis [AstraZeneca AB c Novopharm Ltd, 2003 CAF 57 au para 16]. Même si la Requérante n’arrivait pas à prouver que la Marque avait été employée en date du 16 novembre 2020, le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif ne serait pas accueilli si la Marque était adaptée pour distinguer.

[76] L’Opposante poursuit en soutenant que la marque de commerce de la Requérante n’est pas adaptée pour distinguer ses produits de ceux de l’Opposante. Cependant, comme il a été noté ci-dessus, l’absence de caractère distinctif à la lumière des Marques de commerce de l’Opposante n’est pas ce qui a été plaidé. Plutôt, le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif de l’Opposante allègue l’absence de caractère distinctif à la lumière de l’emploi par le prédécesseur en titre de la Requérante, BeSweet Creations LLC.

[77] Un motif d’opposition est principalement défini par la disposition de la Loi, ainsi que par la marque de commerce établissant les droits sous-jacents [voir Schneider Electric Industries SAS c Spectrum Brands, Inc, 2021 CF 518 et 101217990 Saskatchewan Ltd (District Brewing Company) c Lost Craft Inc, 2022 CF 1254 aux para 10 et 11]. Interpréter le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif comme s’appuyant sur une ou plusieurs marques de commerce non identifiées des Marques de commerce de l’Opposante équivaudrait à permettre un nouveau motif d’opposition en soi sans nécessiter la modification par l’Opposante de sa déclaration d’opposition.

[78] Je note que l’Opposante semble avoir compris les paramètres du motif dans son résumé des procédures, toutefois ses observations subséquentes confondent l’emploi par la Requérante avec [traduction] « l’emploi par d’autres » et en fin de compte [traduction] « l’emploi par l’Opposante » [observations écrites de l’Opposante, para 9b), 71, 77 et 78]. Ce faisant, l’Opposante élargit la portée du motif existant ou crée entièrement un nouveau motif d’opposition. Bien que la Requérante semble avoir répondu à l’interprétation erronée du motif par l’Opposante, cela ne dispense pas l’Opposante de l’obligation de présenter ses arguments à l’intérieur des limites des actes de procédure, qui, dans le cas du motif fondé sur le caractère distinctif, se limitaient aux marques de commerce et à l’emploi de la marque de commerce de la Requérante.

[79] Je note que, bien que la Requérante a changé son nom au cours de la procédure, il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque par un prédécesseur en titre ou une entité liée qui pourrait remettre en question le caractère distinctif de la Marque en vertu des articles 48(2) ou 50 de la Loi. Je rejette donc le motif d’opposition fondé sur l’article 2 puisque l’Opposante ne pouvait pas invoquer ses propres marques de commerce qui n’ont pas été mentionnées dans son motif d’opposition et également parce qu’il n’y a aucune preuve d’emploi par le prédécesseur de la Requérante qui remet en question le caractère distinctif de la Marque [voir Imperial Developments Ltd c Imperial Oil Ltd (1984), 79 CPR (2d) 12 (CF 1re inst) pour la proposition qu’un opposant ne peut pas invoquer un motif d’opposition non plaidé].

Autres motifs d’opposition sommairement rejetés

[80] L’Opposante a également plaidé que la Requérante n’employait pas et ne projetait pas d’employer la Marque, en contravention à l’article 38(2)e) de la Loi et que la Requérante n’avait pas le droit d’employer la marque de commerce en liaison avec les Produits compte tenu de l’emploi ou de la révélation antérieurs par l’Opposante de ses propres marques de commerce en liaison avec des bonbons gélifiés et des vitamines gélifiées, en contravention à l’article 38(2)f).

[81] L’Opposante n’a produit aucune preuve à l’appui du motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)e) et aucun soutien pour ce motif ne peut être tiré de la preuve de la Requérante. Par conséquent, à tout le moins parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial, ce motif d’opposition est rejeté.

[82] En ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f), l’Opposante n’a pas exposé le fondement sous-jacent de l’allégation établissant pourquoi ou comment la Requérante n’a pas le droit d’employer la Marque. De plus elle n’a produit aucune preuve et n’a fait aucune observation écrite concernant ce motif. Lorsque j’ai demandé au cours de l’audience si l’intention de l’Opposante était de retirer ce motif, l’Agent de l’Opposante a dit que ce n’était pas le cas et que ce motif devrait être accueilli pour les mêmes raisons que le motif fondé sur le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16. Cependant, l’article 38(2)f) porte sur le droit légitime d’un requérant d’employer ou d’autres interdictions légales d’employer la marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi [Methanex Corporation c Suez International, société par actions simplifiée, 2022 COMC 155]. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Décision

[83] Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

Coleen Morrison

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches

Manon Duchesne Osborne


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2023-12-14

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Craig Ash

Pour la Requérante : Joanna Pitkin

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Oyen Wiggs Green & Mutala LLP

Pour la Requérante : Aird McBurney LP

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