Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 90

Date de la décision : 2024-05-08

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : Aird & McBurney LP

Propriétaire inscrite : 101029792 Saskatchewan Ltd.

Enregistrement : LMC729986 pour Utopia Cafe

Introduction

[1] À la demande de Aird & McBurney LP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) le 3 février 2023, à 101029792 Saskatchewan Ltd. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC729986 pour la marque de commerce Utopia Cafe (la Marque).

[2] La Marque est enregistrée en liaison avec les produits et services suivants :

[traduction]

Produits
Linge en forme, notamment tee-shirts, chapeaux, chandails à capuchon, tuques, manteaux, portant tous le nom du café. Produits audio/vidéo, nommément DVD, cassettes vidéo, disques compacts, disques Blu-ray, faisant tous la promotion du café. Articles de promotion, notamment grandes tasses à café, stylos, affiches, faisant tous la promotion du café. Produits de café/thé, nommément café moulu, grains entiers, thés en feuilles entières.

Services
Vente au détail et en gros de café et de thé.

[3] L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard des produits et services spécifiés dans l’enregistrement, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 3 février 2020 au 3 février 2023.

[4] Les définitions pertinentes d’emploi sont énoncées à l’article 4 de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

4(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des produits ou sur les emballages qui les contiennent est réputée, quand ces produits sont exportés du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces produits.

[5] En l’absence d’emploi, conformément à l’article 45(3) de la Loi, l’enregistrement est susceptible d’être radié, à moins que des circonstances spéciales ne justifient le défaut d’emploi.

[6] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Rod Kempa, assermenté le 24 février 2023 à Regina, en Saskatchewan (l’Affidavit Kempa). Les questions relatives à la preuve de la Propriétaire sont discutées ci-dessous.

[7] Les deux parties ont produit des observations écrites, mais seule la Partie requérante était représentée lors d’une audience.

Question préliminaire

[8] En l’espèce, il y a une certaine confusion quant à savoir quelle preuve a en fait été versée au dossier dans le cadre de cette procédure, puisque trois versions de l’Affidavit Kempa ont été produites auprès du registraire au cours de la procédure. Par conséquent, un historique des productions de la Propriétaire (et les réponses à chacune d’elles) est nécessaire.

Le (Premier) Affidavit Kempa

[9] La première version de l’Affidavit Kempa a été produite auprès du registraire le 1er mars 2023 par David G. MacKay du cabinet d’avocats MacKay & McLean. L’Affidavit Kemp est intitulé [traduction] « Affidavit de Ron Kempa » et est composé de sept paragraphes de déclarations sous serment, ainsi que des Pièces A à F jointes, chacune portant une griffe spéciale et l’approbation du commissaire.

[10] Cette production du 1er mars comprenait également un affidavit confirmant signification de l’Affidavit Kempa à la Partie requérante, assermenté par M. MacKay le 1er mars 2023 (l’Affidavit de signification).

[11] Je note que le paragraphe 6 de l’Affidavit Kempa fait référence à cet Affidavit de signification à titre de pièce jointe ([traduction] « à titre de Pièce G »), mais cette version de l’affidavit n’inclut pas un tel affidavit comme une pièce.

[12] Dans une lettre de présentation jointe à la production du 1er mars, M. MacKay dit : [traduction] « Veuillez confirmer réception et adresser toute communication concernant cette procédure au soussigné ».

[13] Toutefois, ni M. MacKay ni le cabinet d’avocats MacKay & McLean n’étaient un agent de marques de commerce inscrit en date du 1er mars 2023 et il n’y a aucune indication que l’un ou l’autre a déjà été un agent de marques de commerce inscrit.

[14] Par conséquent, le 14 mars 2023, le registraire a envoyé une lettre à la Propriétaire (dont des copies ont été envoyées à M. MacKay et à la Partie requérante). La lettre indique ce qui suit :

[traduction]

Nous accusons réception d’une lettre de David G. MacKay, datée du 1er mars 2023, produisant la preuve pour le compte de la propriétaire inscrite.

La preuve ne peut pas être traitée, puisqu’elle a été soumise par une personne qui n’est pas autorisée à représenter une autre personne devant le Bureau du registraire des marques de commerce. En vertu de l’article 25(1) du Règlement sur les marques de commerce, une personne ne peut être représentée par une autre personne que si celle-ci est un agent de marques de commerce.

En vertu de l’article 2 de la Loi sur le Collège des agents de brevets et des agents de marques de commerce et de l’article 1 du Règlement sur les marques de commerce, un agent de marques de commerce désigne une personne physique titulaire d’un permis d’agent de marques de commerce ou d’un permis d’agent de marque de commerce en formation délivré en vertu de l’article 29 de la Loi sur le Collège des agents de brevets et des agents de marques de commerce.

Veuillez noter que cette lettre ne rend pas la signification d’un quelconque document invalide et n’a aucun effet sur les dates limites en suspens. Par conséquent, la propriétaire inscrite a encore jusqu’au 3 mai 2023 pour produire sa contre-preuve à l’avis prévu à l’article 45.

Si la preuve doit être produite de nouveau après la date limite prescrite, une demande de prorogation rétroactive en vertu de l’article 47(2) de la Loi sur les marques de commerce, accompagnée de la taxe prescrite et comportant des faits suffisants pour permettre au registraire de constater que le l’omission de la partie de respecter son délai ou de demander une prorogation dans le délai n’était pas raisonnablement évitable, sera requise.

Le deuxième affidavit, non assermenté

[15] En réponse à la lettre du 14 mars du registraire, M. Kempa a produit une deuxième version de son affidavit, reçue par le registraire le 12 avril 2023. Aucune lettre de présentation n’était jointe à cette production, mais la note suivante, écrite à la main, figure dans le haut de la première page de cette version : [traduction] « Je produis ceci en mon propre nom ».

[16] Je note également qu’il n’y a aucune indication dans la soumission elle-même que cette version a été signifiée ou envoyée à la Partie requérante (cependant, la Partie requérante a subséquemment confirmé qu’elle a obtenu ou reçu une copie).

[17] Cette version est en grande partie identique à l’Affidavit Kempa, mais avec deux différences clés : elle est datée du 22 février 2023 (deux jours plus tôt que l’Affidavit Kempa) et n’est pas assermentée. Bien que chacune des six pièces porte des griffes spéciales, aucune n’est approuvée par le commissaire à l’assermentation. Autrement dit, il semble s’agir d’une ébauche antérieure non assermentée de l’Affidavit Kempa. Bien que par définition il ne s’agisse pas d’un affidavit, j’appellerai cette version l’Affidavit non assermenté.

[18] En effet, à cet égard, lorsqu’un propriétaire de marque de commerce tente de produire un document non assermenté comme sa preuve dans le cadre d’une procédure prévue à l’article 45, le registraire avise habituellement qu’un tel document ne peut pas être versé au dossier puisque, en vertu de l’article 45 de la Loi, la preuve doit être produite sous la forme d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle [par exemple, cette pratique est mentionnée dans Bereskin & Parr/SENCRL, srl c Workshop for Sustainable Living, Inc, 2019 COMC 47 au para 7]. Je note également que, à cette étape de la procédure, M. Kempa disposait encore de trois semaines jusqu’à ce que la date limite originale de production de la preuve par la Propriétaire expire.

[19] Pourtant, le 16 mai 2023, le registraire a donné aux parties l’avis pour les observations écrites, en application de l’article 73 du Règlement sur les marques de commerce (le Règlement). Cet avis est une lettre de format standard, laquelle prévoit simplement en partie ce qui suit :

[traduction]

En réponse à l’avis prévu à l’article 45 concernant la marque de commerce susmentionnée, la preuve a été reçue par le registraire.

[20] En d’autres termes, cet avis n’indique pas les détails de la preuve; c.-à-d. si le registraire considérait que l’Affidavit Kempa ou l’Affidavit non assermenté (ou les deux) ont été versés au dossier.

[21] En réponse à l’avis du registraire, la Partie requérante a soumis ses observations écrites le 14 juillet 2023. Dans ses observations écrites, la Partie requérante identifie l’Affidavit non assermenté, daté du 22 février 2023, comme la preuve dans cette procédure, affirmant que la Propriétaire [traduction] « n’a fourni aucune preuve autre que la Déclaration non assermentée Kempa » [para 13]. La Partie requérante relève à juste titre les lacunes dans l’Affidavit non assermenté, faisant valoir qu’il ne devrait pas être considéré comme une preuve dans cette procédure [para 14 à 18].

[22] Autrement, la Partie requérante critique le présumé contenu de la preuve, faisant valoir que si l’Affidavit non assermenté est considéré comme une preuve, l’enregistrement devrait être radié pour défaut d’emploi de la Marque [para 19 à 42]. Ces observations sont discutées de façon plus détaillée ci-dessous.

La troisième version

[23] Le 22 août 2023, M. Kempa a produit les observations écrites de la Propriétaire. Les observations indiquent qu’une copie a été envoyée à la Partie requérante, bien que la manière et la date de prise d’effet de la signification ne sont pas précisées.

[24] À la première page de ces observations, M. Kempa aborde le contenu de [traduction] « l’Affidavit assermenté de Rod Kempa »; il tente également de fournir une preuve supplémentaire sous la forme d’autres déclarations et de neuf pages de pièces jointes à ses observations. Comme il en est question ci-dessous, je n’ai pas tenu compte de ces déclarations non assermentées ou des documents supplémentaires joints à titre de preuve dans cette procédure.

[25] À la deuxième page de ces observations, M. Kempa se penche sur l’Affidavit non assermenté, affirmant ce qui suit :

[traduction]

En ce qui a trait à l’argument des irrégularités de la déclaration non assermentée, je m’excuse d’avoir envoyé la version en ébauche de ma déclaration solennelle.
J’ai inclus les copies requises.

[26] Cette troisième version de l’Affidavit Kempa (la Troisième version) comprend la note écrite à la main suivante dans le haut de la première page : [traduction] « Je, Rod Kempa, produis cette preuve en mon propre nom », accompagnée de la signature de M. Kempa.

[27] Autrement, cette version est en grande partie identique au premier affidavit Kempa avec une seule différence évidente : compris à titre de Pièce G est l’Affidavit de signification susmentionné. Curieusement, la griffe spéciale de la pièce à la dernière page de la Pièce G semble avoir été approuvée le 23 février 2023, malgré le fait que l’affidavit et toutes les autres pièces indiquent que l’affidavit a été assermenté le 24 février 2023. Cela est particulièrement curieux puisque l’Affidavit de signification qui constitue la Pièce G a été lui-même créé le 1er mars 2023.

[28] De nouveau, je note qu’une Pièce G est anticipée et mentionnée dans le premier Affidavit Kempa, mais n’a en fait pas été jointe à cet affidavit. De plus, alors que le paragraphe 6 de l’Affidavit Kempa identifie la Pièce G comme [traduction] « le reçu du bureau de poste », dans la Troisième version, cela a été modifié en [traduction] « une copie du reçu du bureau de poste ».

[29] En tout état de cause, en réponse à la production des observations écrites de la Propriétaire, le 8 septembre 2023, le registraire a demandé que la Propriétaire informe le registraire de la façon et de la date de prise d’effet de la signification des observations écrites à l’égard de la Partie requérante, en vertu de l’article 72 du Règlement. M. Kempa a fourni la preuve d’une telle signification le 22 septembre 2023.

[30] Entre-temps, le 21 septembre 2023, la Partie requérante a produit sa demande pour la tenue d’une audience. Dans sa lettre, la Partie requérante a également profité de l’occasion pour faire objection aux [traduction] « observations inappropriées » de la Propriétaire et à l’inadmissibilité des pièces jointes aux observations de la Propriétaire. De nouveau, de telles observations seront abordées ci-dessous.

[31] La Partie requérante a également noté que la Troisième version n’est pas identique à l’Affidavit non assermenté en ce que, entre autres, elle comprend une pièce supplémentaire, soit l’Affidavit de signification. À ce titre, la Partie requérante remet en question [traduction] « l’intégrité » de cette version, se demandant si elle a été altérée de sa forme commandée et soulevant des doutes quant à savoir si la Propriétaire s’est acquittée de son [traduction] « obligation de s’assurer qu’elle produit la preuve assermentée requise ».

[32] Le 6 octobre 2023, le registraire a accusé réception de la demande de la tenue d’une audience adressée par Partie requérante. Le registraire a également accusé réception de la preuve de signification par la Propriétaire de ses observations écrites. En ce qui a trait aux questions d’admissibilité alléguées concernant les observations écrites de la Propriétaire, le registraire a informé les parties que les [traduction] « décisions concernant l’admissibilité sont rendues seulement à l’étape de la décision ».

L’Affidavit Kempa est la preuve au dossier

[33] En l’espèce, en tant que document non assermenté, il est clair que l’Affidavit non assermenté ne peut pas être considéré comme preuve au dossier. Par conséquent, et puisque le registraire a indiqué que la preuve a été reçue lorsqu’il a émis l’avis du 16 mai 2023, j’estime que le premier Affidavit Kempa a été versé au dossier. Bien qu’une explication plus explicite aurait été bénéfique aux parties, j’accepte que, au moment de recevoir l’Affidavit non assermenté avec la note écrite à la main, le registraire a essentiellement reconsidéré l’Affidavit Kempa convenablement assermenté et signifié comme s’il avait été produit directement par M. Kempa lui-même.

[34] En effet, j’estime que l’Affidavit Kempa aurait pu et (avec l’avantage ajouté d’avoir du recul) aurait probablement dû être versé au dossier lorsqu’il a été reçu. Je n’estime pas que la déclaration dans la lettre du 14 mars du registraire que [traduction] « La preuve ne peut pas être traitée […] » signifie que le registraire n’avait aucun pouvoir ou choix de verser l’Affidavit Kempa au dossier à cette date. Le registraire est maître de ses propres procédures et rien selon l’article 25 du Règlement n’interdit expressément au registraire de verser au dossier une quelconque preuve produite ou un autre document. Je note également que la question n’est pas abordée de façon spécifique dans l’énoncé de pratique, Pratique concernant la procédure de radiation prévue à l’article 45.

[35] En tout état de cause, je garde à l’esprit les directives de la jurisprudence, y compris que les procédures prévues à l’article 45 sont de nature simple, sommaire et expéditive [Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1re inst)]; que le registraire ne suit pas strictement les Règles des Cours fédérales, en particulier à l’égard de l’admissibilité des pièces [voir, par exemple, Maximilian Fur Co Inc c Maximillian for Men’s Apparel Ltd (1983), 82 CPR (2d) 146) (COMC); Tension 10 Inc c Tension Clothing Inc (2004), 45 CPR (4th) 136 (COMC); et Gowling Lafleur Henderson LLP c Croxall, 2013 COMC 1]; et que les lacunes techniques dans un affidavit ne devraient pas bloquer une réponse appropriée à un avis prévu à l’article 45 [Baume & Mercier SA c Brown (1985), 4 CPR (3d) 96 (CF 1re inst)].

[36] Avec de tels principes à l’esprit, j’estime qu’il est juste de supposer que l’Affidavit Kempa aurait pu être simplement versé au dossier en mars 2023 et que la question de représentation a été abordée au moyen de la lettre séparée, c.-à-d. informe la Propriétaire et M. MacKay que, à la lumière de l’article 25 du Règlement, les communications ne doivent pas être transmises à M. MacKay comme il a été demandé. J’estime que cela aurait été une résolution expéditive et efficiente.

[37] De plus, je n’estime pas que la lettre du 14 mars du registraire exigeait que la Propriétaire produise de nouveau sa preuve. Plutôt, j’estime que la lettre place simplement l’Affidavit Kempa dans un état d’incertitude qui a été considéré comme corrigé lorsque la Propriétaire a confirmé d’une certaine façon que la preuve devrait être considérée comme produire par la Propriétaire directement. Notant que le registraire aurait pu exercer son pouvoir discrétionnaire à tout moment pour verser l’Affidavit Kempa au dossier, j’estime que le registraire l’a fait au moment de recevoir l’Affidavit non assermenté.

[38] Même si je me trompe quant à savoir si le premier Affidavit Kempa peut ou devrait être versé au dossier, j’accepterais tout de même que la Troisième version peut être versée au dossier en l’espèce, puisqu’elle a été soumise pour corriger les lacunes de l’Affidavit non assermenté. Bien que la Partie requérante souligne correctement les écarts entre elle et l’Affidavit non assermenté, ces écarts ne sont pas importants. Bien que cela soit quelque peu étrange, l’Affidavit de signification a été mentionné dans chaque version de l’Affidavit Kempa et, en bout de compte, cela n’est aucunement pertinent sur le plan de substance.

[39] Ce qui est clair, c’est que M. Kempa a fait des déclarations solennelles le 24 février 2023 sous la forme d’un affidavit qui a été convenablement signifié auprès de la Partie requérante et produit auprès du registraire. Bien que le registraire n’a pas [traduction] « traité » initialement cette production, il semble qu’elle l’a été avec la délivrance de l’avis pour les observations écrites. En effet, aux fins de cette décision, j’estime que l’Affidavit Kempa a été versé au dossier. Autrement dit, à tout le moins, je considère la correspondance d’avril 2023 de la Propriétaire comme la confirmation que l’Affidavit Kempa doit être versé au dossier. Une conclusion contraire, c.-à-d. la conclusion que seul l’Affidavit non assermenté est [traduction] « au dossier » dans cette procédure entraînerait un important préjudice pour la Propriétaire et serait contraire au bon sens et aux principes et directives susmentionnés de la jurisprudence.

[40] En ce qui a trait à un quelconque préjudice pour la Partie requérante, je note qu’elle a le droit de présenter des observations, conformément à l’article 45(2) de la Loi. Elle l’a fait, et de telles observations abordent à la fois les formalités et le contenu de l’Affidavit Kemp, dans ses trois versions. À cet égard, la Partie requérante a eu la possibilité de faire d’autres observations lors de l’audience. Par conséquent, tout préjudice fait à la Partie requérante (pour le manque de clarté concernant la version de l’Affidavit Kempa qui aurait été considérée comme au dossier dans cette procédure) a déjà été subi, mais également atténué.

[41] Compte tenu de ce qui précède, j’aborderai maintenant le contenu de l’Affidavit Kempa.

La preuve de la Propriétaire

[42] L’Affidavit Kemap est bref et démontre ce qui suit :

· M. Kempa est l’unique directeur et propriétaire de la Propriétaire [para 1].

· La Propriétaire est une entreprise dûment enregistrée en Saskatchewan [para 1 et 2, Pièce B].

· En date du 21 mai 2021, la Propriétaire avait un enregistrement de nom d’entreprise pour « Utopia Café » en Saskatchewan [para 3, Pièce C].

· La Propriétaire [traduction] « employait la marque de commerce en liaison avec des affiches, de la publicité et l’exploitation du Utopia Café situé [à] Regina, en Saskatchewan, et avait été employée le plus récemment en juin 2022 » [para 4]. À l’appui, les pièces suivantes sont jointes :

o Pièce D : [traduction] « Publicité Facebook pour le restaurant en juin 2022 », ce qui comprend une photo de l’extérieur du restaurant, y compris l’affiche UTOPIA CAFE (illustrée ci-dessous), ainsi que des photos qui semblent être l’intérieur du café et certaines de ses offres d’aliments et de boissons.

o Pièce E : [traduction] « Permis de vendeur – Taxe de vente provinciale » délivré à la Propriétaire par le gouvernement de la Saskatchewan, daté du 6 juillet 2021.

o Pièce F : Rapport d’inspection de [traduction] « l’Autorité sanitaire de la Saskatchewan » pour le Utopia Café, daté le 8 octobre 2021.

[43] M. Kempa explique que le Utopia Café [traduction] « a depuis lors fermé partiellement en raison de l’emploi persistant et continu dans les affiches et les publicités de la marque de commerce d’un restaurant concurrent à Regina, en Saskatchewan, exploité sous le nom Utopia Café ou Utopia […] malgré mes demandes répétées au propriétaire et à l’exploitant de cesser l’emploi » [para 5].

[44] Comme il est noté ci-dessus, le paragraphe 6 de l’affidavit confirme la signification par courrier recommandé à la Partie requérante, notant que [traduction] « la Pièce “G” est le reçu du bureau de poste », mais elle n’est pas en fait jointe.

Analyse.

[45] Dans ses observations, la Partie requérante fait valoir qu’il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque en liaison avec l’un des produits visés par l’enregistrement au cours de la période pertinente ou autre [para 19 et 20]. En effet, à tout le moins, je suis d’accord qu’il n’y a aucune preuve de transfert de l’un des produits visés par l’enregistrement au cours de la période pertinente. À cet égard, comme il a été indiqué ci-dessus, je n’ai pas tenu compte des déclarations ou documents non assermentés inclus dans les observations écrites de la Propriétaire à titre de preuve.

[46] À l’égard des services, je suis également d’accord avec la Partie requérante qu’il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque en liaison avec les ventes [traduction] « en gros » de café et de thé.

[47] Cela laisse seulement la question de la [traduction] « Vente au détail [..] de café et de thé » en cause. La Partie requérante souligne que nulle part dans la preuve M. Kempa ne présente clairement au minimum une simple affirmation que la Marque est employée en liaison avec l’un des produits ou services particuliers visés par l’enregistrement [para 23]. Cependant, comme il est noté ci-dessus, le paragraphe 4 de l’Affidavit Kempa comprend la déclaration solennelle que la Propriétaire [traduction] « employait la marque de commerce en liaison avec des affiches, de la publicité et l’exploitation du Utopia Café ». Dans ses observations écrites, nonobstant sa tentative de fournir des faits supplémentaires, la Propriétaire fait valoir que [traduction] « Il n’est pas nécessaire d’expliquer ce qu’entendait l’exploitation du café puisque les affiches néon illuminées de tasses de thé et de café dans les fenêtres indiquant ce qui était offert en vente » [page 1].

[48] Bien qu’un propriétaire inscrit [traduction] « joue avec le feu » lorsqu’il laisse des pièces sans explication, c’est l’affidavit dans son ensemble qui doit être considéré et des conclusions raisonnables peuvent être tirées de la preuve fournie [voir Eclipse International Fashions Canada Inc c Shapiro Cohen, 2005 CAF 64, 48 CPR (4th) 223 (CAF)]. En effet, la preuve doit être lue dans la perspective d’être prêt à comprendre ce qui est dit [Portage World-Wide, Inc c Croton Watch Co, Inc, 2017 COMC 96 au para 21; Moffat & Co. c 2008474 Ontario Inc, 2022 COMC 167 au para 23].

[49] J’estime que, compte tenu de la preuve dans son ensemble, il est raisonnable de conclure que, à tout le moins, la Propriétaire offrait et était prête à vendre du café et du thé en liaison avec la Marque par l’exploitation de son café, à tout le moins jusqu’en juin 2022 [pour une conclusion semblable, voir Riches, McKenzie & Herbert LLP c Park Pontiac Buick GMC Ltd, 2005 CarswellNat 4408 (COMC) au para 9; Feltmate/Delibato/Heagle LLP c In Publications Inc, 2017 COMC 70 aux para 19 et 20; et Joia Calcado, SA c Vella Shoes Canada Ltd, 2020 COMC 10 au para 31].

[50] Bien que la preuve en l’espèce est plus faible que dans ces affaires, une telle conclusion correspond aux pièces au dossier, y compris l’enregistrement de l’entreprise de la Propriétaire (Pièce C), la publicité Facebook et les photos (Pièce D), le permis de vendeur (Pièce E) et le rapport d’inspection de l’Autorité sanitaire de la Saskatchewan (Pièce F), lesquelles indiquent toutes à tout le moins une certaine exploitation de l’entreprise de café de la Propriétaire avant juin 2022.

[51] Compte tenu de tout ce qui précède, je suis convaincu que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque au sens des articles 4 et 45 de la Loi, mais seulement à l’égard de la [traduction] « Vente au détail […] de café et de thé ».

[52] Puisque des circonstances spéciales n’ont pas été présentées particulièrement par la Propriétaire en l’espèce, je note simplement que la cessation d’activités de la Propriétaire en juin 2022 semble avoir été une décision volontaire. Sinon, les questions concernant la violation alléguée de la marque de commerce par un concurrent ne relèvent pas de cette procédure.

Décision

[53] Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié pour supprimer l’ensemble des produits et [traduction] « […] en gros » de l’état déclaratif des services selon les dispositions de l’article 45 de la Loi. L’état déclaratif modifié sera libellé comme suit :

[traduction]

Vente au détail de café et de thé.

 

 

_______________________________

Andrew Bene

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches

Félix Tagne Djom

Manon Duchesne Osborne

 

 


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2024-02-26

COMPARUTIONS

Pour la Partie requérante : Lawrence Veregin

Pour la Propriétaire inscrite : Aucune comparution

AGENTS AU DOSSIER

Pour la Partie requérante : Aird & Berlis LLP

Pour la Propriétaire inscrite : Aucun agent nommé

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