Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 104

Date de la décision : 2024-05-30

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Id Software LLC

Requérante : 9380-0803 Québec inc.

Demande : 1,909,482 pour Rage of Empires

Introduction

[1] 9380-0803 Québec inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce Rage of Empires (la Marque) en liaison avec des jeux de société.

[2] Id Software LLC (l’Opposante) distribue des jeux informatiques RAGE. Elle s’oppose à cette demande principalement sur la base de ce que la Marque crée de la confusion avec son emploi et enregistrement des marques de commerce RAGE et Rage & Dessin, reproduites ci-dessous.

RAGE Logo

[3] Pour les raisons qui suivent, je rejette la demande.

Contexte

[4] La demande a été produite le 16 juillet 2018 et annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 8 janvier 2020. L’Opposante s’est opposée à la demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) le 28 octobre 2020. La déclaration d’opposition a été modifiée au cours de la procédure pour ajouter le successeur en titre de l’Opposante, ZeniMax Media, Inc., en tant que co-opposante. Comme rien ne dépend de cela, les références à l’Opposante à partir de maintenant feront référence à la fois à ZeniMax Media, Inc. et à Id Software LLC.

[5] L’Opposante a produit comme preuve les affidavits de John Griffin Lesher, son secrétaire et d’Elizabeth Dingman, une bibliothécaire de référence employée par l’ancien agent de marques de commerce de l’Opposante. La Requérante a produit comme preuve les déclarations d’Omar Sadek, son cofondateur, président et trésorier, et de Sean Cohen, son cofondateur, co-propriétaire, vice-président, secrétaire et avocat général. L’Opposante a produit l’affidavit de Siobhan Doody, stagiaire de l’agent de l’Opposante, comme contre-preuve. MM. Sadek et Cohen ont été contre-interrogés. Les deux parties ont produit des observations écrites et étaient présentes à l’audience.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[6] Avant d’examiner les motifs d’opposition, il est nécessaire de rappeler certaines exigences en ce qui a trait (i) au fardeau de preuve dont doit s’acquitter un opposant, soit celui d’étayer les allégations dans la déclaration d’opposition, et (ii) au fardeau ultime qui incombe à un requérant de prouver sa cause.

[7] En ce qui a trait au point (i) ci-dessus, l’opposant a le fardeau de preuve d’étayer les faits sur lesquels il appuie ses allégations formulées dans la déclaration d’opposition : John Labatt Limited c The Molson Companies Limited, 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst) à la p 298. Le fait qu’un fardeau de preuve soit imposé à l’opposant signifie que, pour qu’il soit tenu compte d’une question précise, il doit y avoir une preuve suffisante qui permette de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. Quant au point (ii) mentionné ci-dessus, c’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi invoquées par un opposant (en ce qui a trait aux allégations pour lesquelles l’opposant s’est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait). Le fait que le fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s’il est impossible de parvenir à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve est présentée, la question doit être tranchée à l’encontre d’un requérant.

Motifs d’opposition

Motifs d’opposition fondés sur la confusion

[8] La question déterminante pour la décision en l’espèce concerne les motifs d’opposition fondés sur les articles 12(1)d) et 2 qui allèguent que la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante, y compris ses marques de commerce pour RAGE et RAGE & Dessin. Les dates pertinentes pour évaluer la question de la confusion sont les suivantes : (i) la date de production de la demande (le 16 juillet 2018) à l’égard du motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement, car la Requérante n’a pas fourni la preuve d’emploi; (ii) la date de ma décision à l’égard du motif d’opposition alléguant que la Marque n’est pas enregistrable; et (iii) la date de l’opposition (le 28 octobre 2020) à l’égard du motif d’opposition alléguant que la Marque n’est pas distinctive [pour un examen des dates pertinentes dans les procédures d’opposition, voir American Assn of Retired Persons c Canadian Assn of Retired Persons (1998), 84 CPR (3d) 198 (CF 1re inst) aux p 206 à 208].

L’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve à l’égard de tous les motifs fondés sur la confusion

[9] L’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve à l’égard de tous les motifs fondés sur la confusion pour les raisons suivantes :

a) Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) – J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)] et je confirme que ces enregistrements existent encore :

LMC801,781

RAGE

[traduction]

1) Logiciels et programmes de jeux informatiques vendus avec leurs guides d’utilisation comme un tout

LMC863,958

RAGE ANARCHY

[traduction]

(1) Logiciel de jeu pour utilisation avec les ordinateurs et les consoles de jeux vidéo; logiciel de jeu téléchargeable offert sur Internet et sur des appareils sans fil; logiciels de jeu pour utilisation avec des jeux interactifs en ligne; manuels de jeux informatiques et vidéo; magazines, livres et brochures sur les jeux vidéo; guides de stratégies pour jeux informatiques et vidéo.

LMC863,957

RAGE Logo

[traduction]

(1) Logiciels de jeu pour ordinateurs et consoles de jeux vidéo; logiciels de jeu téléchargeables offerts sur Internet et sur appareils sans fil; logiciels de jeu pour utilisation avec des jeux interactifs en ligne.


(2) Manuels de jeux informatiques et vidéo; magazines, livres et brochures sur les jeux vidéo; guides de stratégies pour jeux informatiques et vidéo.

LMC1,037,474

RAGE Logo

[traduction]

(1) Téléphones mobiles et accessoires de téléphone mobile, nommément casques d’écoute, casques d’écoute sans fil, écouteurs, casques d’écoute mains libres, couvercles à bouton-pression, étuis en cuir pour téléphones mobiles et appareils électroniques, supports de téléphone, attaches de téléphone, façades de remplacement pour téléphones mobiles et haut-parleurs portatifs, étuis pour téléphones mobiles.

b) Motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) – la preuve de l’Opposante de la présence de la marque de commerce RAGE sur des copies du jeu informatique vendu au Canada est suffisante pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau de preuve (affidavit Lesher, para 34, Pièces 7 à 9).

c) Motif d’opposition fondé sur l’article 2 – La preuve de l’Opposante de ventes de plus de 52 000 jeux informatiques RAGE en 2019 (para 34) ainsi que la preuve établissant que les jeux informatiques RAGE ont été présentés dans des publications de tiers telles que The Globe and Mail et Toronto Star au Canada (affidavit Dingman, Pièce A) est suffisante pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau de preuve à l’appui du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif. L’Opposante a démontré qu’en date du 28 octobre 2020, sa marque de commerce RAGE était connue dans une certaine mesure au Canada et que la réputation de cette marque de commerce était importante, significative ou suffisante [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[10] Je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec une quelconque des marques de commerce de l’Opposante à l’une des dates pertinentes. Puisque les dates pertinentes ne semblent pas avoir une incidence importante sur mes conclusions dans le cadre de l’article 6(5) en l’espèce, je propose d’aborder les trois motifs d’opposition fondés sur la confusion ensemble. J’axerai mon analyse sur la marque de commerce RAGE de l’Opposante, puisque j’estime qu’elle représente le meilleur argument de l’Opposante. C’est-à-dire, si le motif de l’Opposante n’est pas accueilli pour cette marque de commerce, il ne sera pas accueilli pour ses autres marques de commerce.

Test en matière de confusion

[11] Le test à appliquer pour trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[12] Par conséquent, l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais celle entre des produits ou services d’une source qui sont considérés comme provenant d’une autre source. Essentiellement, la question ici est de savoir si un consommateur, ayant un souvenir imparfait de la marque de commerce RAGE de l’Opposante, penserait que les jeux de société de marque RAGE OF EMPIRES de la Requérante proviennent de l’Opposante, sont parrainés par elle ou sont approuvés par elle.

[13] Dans l’application du test en matière de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, y compris dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à chacun dans le cadre d’une évaluation contextuelle [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, supra]. Je cite également Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 où la Cour suprême du Canada déclare, au para 49, que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques de commerce, est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

Caractère distinctif inhérent

[14] Une marque de commerce est intrinsèquement distinctive lorsque rien en elle n’oriente le consommateur vers une multitude de sources [Compulife Software Inc c Compuoffice Software Inc, 2001 CFPI 559 au para 19]. Comme l’a souligné le juge Bédard dans Philip Morris Products SA c Imperial Tobacco Canada Limited, 2014 CF 1237, citant Apotex Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), 2010 CAF 31, la question de savoir si une marque de commerce est distinctive est une question de fait, qui doit être tranchée par référence au message message que la marque transmet au consommateur ordinaire des produits ou services en question lorsque la marque est considérée de façon globale et sous l’angle de la première impression.

[15] La marque nominale de l’Opposante possède un degré de caractère distinctif très limité, car RAGE suggère le sujet du jeu informatique de tir à la première personne de l’Opposante, c’est-à-dire une personne ayant la rage ou en colère (voir l’affidavit Lesher, Pièce 2, qui décrit le jeu de l’Opposante). La marque figurative RAGE de l’Opposante possède un degré de caractère distinctif légèrement plus élevé en raison de sa stylisation. En revanche, la marque de commerce RAGE OF EMPIRES possède un degré de caractère distinctif plus élevé, bien qu’encore limité, car cette expression a une construction inhabituelle. Le caractère distinctif de la Marque est limité par le fait que, comme l’Opposante, la Marque décrit des aspects du jeu de société proposé par la Requérante qui comprend des empires médiévaux, l’art de la guerre et la frustration potentielle des joueurs (affidavit Sadek, para 12).

Mesure dans laquelle les marques sont devenues connues et période d’emploi

[16] Ces facteurs favorisent l’Opposante, car la Requérante n’a pas encore vendu son jeu de société RAGE OF EMPIRES (bien qu’il a été testé).

[17] L’Opposante a lancé son jeu vidéo RAGE au Canada sur diverses plateformes en 2011 (affidavit Lesher, para 10 Il était disponible pour l’achat chez les détaillants GameStop, Best Buy et Walmart, ainsi que sur la boutique en ligne Steam (affidavit Lesher, para 12). La marque de commerce RAGE est présente sur les copies physiques et sur le site Web de Steam (affidavit Lesher, Pièces 7 à 9). En ce qui concerne la vente, la publicité et le marketing des marques de commerce RAGE, l’Opposante a eu, en vertu d’une licence, un contrôle direct ou indirect sur la nature ou la qualité des produits et services vendus, annoncés et commercialisés avec les marques de commerce RAGE au Canada (affidiavit Lesher, para 29). Les ventes des jeux vidéo RAGE ont oscillé entre 6 000 et 52 000 unités entre 2011 et 2019, mais elles ont ensuite chuté avec seulement 7 000 unités vendues en 2021 (affidavit Lesher, para 34). Outre les informations relatives aux ventes, l’Opposante a également démontré que son jeu informatique RAGE a acquis une réputation au Canada en faisant l’objet d’un certain nombre d’articles de presse (affidavit Dingman, Pièce A).

Genre de produits, de services et nature du commerce

[18] Les produits des parties sont tous deux des jeux, quoique de types différents : jeux informatiques par opposition aux jeux de société. Ainsi, bien qu’il y ait un certain chevauchement dans le genre de produits puisqu’ils sont tous deux présents sur le marché des jeux, le risque de confusion est réduit dans la mesure où les produits des parties s’adressent à différents secteurs du marché.

[19] La preuve de l’Opposante selon laquelle (i) sa franchise de jeux DOOM a été adaptée en un jeu de société autorisé DOOM : Le jeu de société (affidavit Lesher, para 16, Pièce 3) et (ii) son jeu vidéo RAGE a été adapté en série de bandes dessinées et en roman (affidavit Lesher, para 17, Pièces 4 et 5) ne sont pas particulièrement convaincants pour démontrer qu’il existe un chevauchement important dans le genre de produits ou la nature du commerce, car il n’y a aucune preuve que les consommateurs canadiens connaissent l’un ou l’autre de ces produits.

Degré de ressemblance

[20] Le degré de ressemblance entre les marques de commerce aura souvent le plus grand effet sur l’analyse de la confusion. Lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, la loi est claire qu’il faut examiner les marques de commerce dans leur ensemble. Le test approprié n’est pas une comparaison côte à côte, mais un souvenir imparfait dans l’esprit d’un consommateur de la marque de commerce d’un opposant [Veuve Clicquot, supra au para 20]. La meilleure façon de comparer les marques de commerce consiste à déterminer d’abord si un aspect d’une marque de commerce est particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece au para 64]. La marque de commerce RAGE de l’Opposante est un seul mot; la Marque est une seule phrase unitaire sans élément particulièrement frappant.

[21] Je n’estime pas que les marques de commerce ont un degré important de ressemblance dans le son ou les idées suggérées. En particulier, les marques de commerce suggèrent des idées différentes – RAGE par opposition à une guerre ou une insurrection entre empires.

[22] Cela étant, les marques de commerce RAGE et RAGE OF EMPIRES présentent un degré important de ressemblance visuelle puisque la Marque inclut l’intégralité de la marque nominale de l’Opposante. Ceci est encore souligné par le fait qu’il existe des présentations potentielles de la Marque où l’on pourrait mettre l’accent sur l’élément RAGE. Comme l’indique la décision de la Cour d’appel fédérale dans Pizzaiolo Restaurants Inc v Les Restaurants La Pizzaiolle Inc, 2016 CAF 265, le registraire devrait tenir compte du fait qu’une marque nominale doit être évaluée en tenant compte du fait que les présentations futures pourraient être utilisées dans n’importe quel style, police ou couleur [voir par analogie Domaines Pinnacle Inc c Constellation Brands Inc, 2016 CAF 302 et Arterra Wines Canada, Inc c Diageo North America, Inc, 2020 CF 508 aux para 62 et 63].

Preuve de l’état du registre et de l’état du marché

[23] La preuve de l’état du registre et du marché ne favorise pas la Requérante dans une quelconque mesure significative.

[24] La preuve concernant l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des conclusions valables concernant l’état du marché [Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Del Monte Corporation c Welch Foods Inc (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF)]. De plus, les inférences concernant l’état du marché ne peuvent être tirées de cette preuve que si un grand nombre d’enregistrements pertinents sont trouvés [Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd, 1992 CanLII 14792 (CAF)]. Des marques de commerce pertinentes comprennent celles qui : (i) sont déposées ou autorisées et fondées sur l’emploi; (ii) concernent des produits et services semblables à ceux des marques en cause; et (iii) comprennent l’élément en tant qu’élément important [Sobeys West Inc c Schwan’s IP, LLC, 2015 COMC 197]. Les preuves des parties en l’espèce comprennent les marques de commerce suivantes :

PRIMAL RAGE
(LMC484,859)

[traduction]
Logiciels de jeux vidéo ordinateurs préenregistrés sur mémoire morte; cartouches de jeux vidéo, disques d’ordinateurs pour jeux vidéo, jeux vidéo sans pièces et pièces connexes.

GOD EATER 2 RAGE BURST
(LMC1,016,944)

[traduction]
Classe 9 : [Jeux informatiques; jeux informatiques téléchargeables; jeux vidéo informatiques téléchargeables d’Internet; jeux vidéo.

Classe 41 : Services de divertissement, nommément offre d’un jeu informatique accessible sur un réseau par les utilisateurs de ce réseau au moyen de téléphones mobiles et d’ordinateurs; offre de jeux informatiques sur réseau entre des réseaux de communication et des ordinateurs.

[25] M. Cohen joint également des pièces montrant des jeux de société comprenant l’élément RAGE discuté sur le site Web de classement BoardGameGeek, certains de ces jeux de société étant disponibles sur amazon.ca et amazon.com. Je n’estime pas que cette preuve aide la Requérante de façon significative puisque les pages Web n’établissent pas la mesure dans laquelle les consommateurs canadiens connaissent les produits RAGE identifiés dans les recherches de M. Cohen. Rien ne prouve que ces produits ont été vendus au Canada, qu’ils ont été achetés par des Canadiens ou qu’ils sont autrement connus des Canadiens [voir Sally Beauty International, Inc c ADA International Beauty Inc, 2015 COMC 38 au para 25 pour une conclusion similaire]. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de conclure qu’il existe un emploi commun de l’élément RAGE tel que je peux inférer que les consommateurs ont l’habitude de distinguer les marques de commerce comprenant cet élément en portant une plus grande attention aux différences entre celles-ci [Advance Magazine Publishers Inc. c Farleyco Marketing Inc. Eyeglasses, 2009 CF 153 au para 78].

Conception du jeu de société

[26] La présence de la marque de commerce RAGE OF EMPIRES dans le dessin du jeu (contre-interrogatoire de Sadek) n’aide pas la Requérante de manière significative puisque ce qui est accordé par l’enregistrement d’une marque nominale est le droit de la présenter en utilisant une quelconque police, dans un quelconque dessin ou une quelconque caractéristique au choix du propriétaire [Masterpiece, supra au para 55; Pizzaiolo Restaurants, supra aux para 26 à 33].

Conciliation de la jurisprudence

[27] La Requérante cite un certain nombre d’affaires dans lesquelles le registraire a autorisé l’enregistrement d’une marque de commerce partageant le même élément que la marque de commerce d’un opposant (observations écrites de la Requérante, para 56). La Requérante souligne qu’il appartient au registraire, en rejetant une demande, de concilier les incohérences dans une certaine mesure et de ne pas se fonder uniquement sur le principe selon lequel chaque affaire doit être tranchée en fonction des faits qui lui sont propres [Canadian Parking Equipment Ltd. c Canada (Registraire des marques de commerce) (1990), 34 CPR (3d) 154 (CF 1re inst) à la p 161]. Premièrement, il est difficile d’établir des analogies entre des affaires où la nature des produits est très différente de celle de la présente affaire. Deuxièmement, en l’espèce, l’état du Registre ne démontre pas un modèle d’enregistrabilité des marques de commerce RAGE, l’état du marché ne me permet pas d’inférer que les Canadiens sont en mesure de distinguer les marques des parties, il n’y a pas non plus de preuve d’emploi de la Marque par la Requérante, encore moins d’inférence pouvant être tirée d’une absence de confusion. Si l’une de ces circonstances avait été présente, la balance des probabilités aurait pu pencher en faveur de la Requérante.

Conclusion

[28] La question posée par l’article 6(2) de la Loi est de savoir si les acheteurs qui achètent des jeux de société en liaison avec la Marque croiraient que ces produits sont offerts, autorisés ou concédés sous licence par l’Opposante en raison de l’une de ses marques de commerce RAGE. J’ai évalué cela comme une question de la première impression que laisse dans l’esprit d’un consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la Marque, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de l’une ou l’autre des marques de commerce RAGE, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[29] Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la Marque de commerce RAGE de l’Opposante. Bien que la nature précise des produits soit différente, je parviens à cette conclusion en me fondant sur le degré de ressemblance entre ces marques de commerce et sur le fait que seule la marque de commerce RAGE de l’Opposante est devenue connue au Canada. Je reconnais que les marques de commerce suggestives sont plus susceptibles de coexister; une partie adoptant une marque de commerce faible est tenue d’accepter un certain risque de confusion [General Motors Corp v Bellows (1949), 10 CPR 101 (CSC) aux p 115 et 116; Mövenpick Holding AG c Exxon Mobil Corp, 2010 COMC 126, 2011 CF 1397, conf par 2013 CAF 6; Culinar Inc c National Importers (2004), 2004 CanLII 71834 (COMC)]. Bien que la marque de commerce de l’Opposante ne soit pas le genre de marque qui bénéficie généralement d’une protection étendue, avoir une protection étroite n’est pas la même chose que n’avoir aucune protection du tout. Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur les articles 12(1)d) et 2 sont accueillis.

Autres motifs d’opposition

[30] Ayant rejeté la demande sur la base des motifs d’opposition fondés sur les articles 12(1)a) et 16(1)a), et sur le caractère distinctif, il n’est pas nécessaire pour moi d’évaluer les autres motifs d’opposition.

Décision

[31] Compte tenu de ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

_______________________________

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

Félix Tagne Djom

Manon Duchesne Osborne


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2024-01-15

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Mark L. Robbins

Pour la Requérante : Ismaël Coulibaly

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Pour la Requérante : Benoît & Côté Inc.

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