Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 102

Date de la décision : 2024-05-30

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : 2718971 Ontario Inc.

Requérante : Kinde Company Ltd.

Demande : 1898015 pour KINDE COMPANY

Introduction

[1] 2718971 Ontario Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce KINDE COMPANY (la Marque), laquelle fait l’objet de la demande d’enregistrement no 1898015 par Kinde Company Ltd. (la Requérante).

[2] Sauf indication contraire, toutes les mentions visent la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13, dans sa version modifiée le 17 juin 2019 (la Loi).

[3] L’enregistrement de la Marque est demandé en liaison avec les produits suivants, reproduits avec les classes de Nice connexes :

[traduction]

3 (1) Produits de soins du corps contenant des cannabinoïdes, nommément crèmes pour le corps, les mains et le visage, lotions pour le bain et la peau, hydratants et lotions hydratantes pour la peau, crèmes, gels, baumes, produits en vaporisateur, baumes à lèvres et onguents topiques, savons, huiles de massage.

5 (2) Produits de soins du corps contenant des cannabinoïdes, nommément lubrifiants à usage personnel.

16 (3) Publications imprimées, nommément bulletins d’information, brochures, magazines, rapports et guides dans le domaine du cannabis.

25 (4) Articles vestimentaires de sport; casquettes de baseball; vêtements de plage; casquettes; vêtements tout-aller; combinaisons; tongs; gants; casquettes de golf; chemises de golf; chapeaux; bandeaux; tee-shirts à manches longues; mitaines; chapeaux de fantaisie; sandales; chemises; chandails molletonnés; tuques; tee-shirts.

33 (5) Boissons alcoolisées, nommément vodka, gin et vin.

[4] L’opposition est fondée sur divers motifs, quoique principalement sur des allégations selon lesquelles la Marque ne possède pas de caractère distinctif au vu des marques de commerce KIND de l’Opposante et que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce déposée KINDER CULTURE de l’Opposante.

Le dossier

[5] La demande d’enregistrement pour la Marque a été produite le 8 mai 2018 et a été annoncée aux fins d’opposition le 9 septembre 2020.

[6] Le 9 mars 2021, l’Opposante s’est opposée à la demande en produisant une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi.

[7] Selon une déclaration d’opposition modifiée produite le 24 juin 2022 qui a été subséquemment versée au dossier, les motifs d’opposition sont fondés sur la non-conformité à l’article 30(2) de la Loi en vertu de l’article 38(2)a) de la Loi; la mauvaise foi en vertu de l’article 38(2)a.1) de la Loi; l’absence de caractère distinctif en vertu des articles 2 et 30(2)d) de la Loi; le fait que la Requérante n’employait pas et ne projetait pas d’employer la Marque en vertu de l’article 38(2)e) de la Loi; l’absence de droit à l’emploi en vertu de l’article 38(2)f) de la Loi; et la non-enregistrabilité en vertu des articles 12(1)d) et 38(2)b) de la Loi.

[8] La Requérante a produit une contre-déclaration et subséquemment une contre-déclaration modifiée niant les motifs d’opposition.

[9] À l’appui de son opposition, l’Opposante a initialement produit l’affidavit de Deborah Lecourt, souscrit le 21 septembre 2021 à Toronto (l’Affidavit Lecourt). En novembre 2021, l’Opposante a demandé la permission de produire une autre preuve sous la forme de l’affidavit de Joshua Nagel, souscrit le 5 novembre 2021 à Toronto (le Premier affidavit Nagel). Nonobstant les objections de la Requérante à la demande de permission de l’Opposante, le Premier affidavit Nagel a été versé au dossier le 30 novembre 2021. Cependant, le 2 décembre 2021, l’Opposante a demandé la permission de produire une version [traduction] « corrigée » de l’affidavit de M. Nagel, souscrit le 29 novembre 2021 (l’Affidavit Nagel corrigé). Cette version de l’affidavit a été versée au dossier le 6 décembre 2021. Enfin, en juin 2022, l’Opposante a demandé la permission de produire une autre preuve sous la forme d’un affidavit supplémentaire de M. Nagel, souscrit le 24 juin 2022 (l’Affidavit Nagel supplémentaire), lequel a également été versé au dossier comme preuve permise.

[10] M. Nagel a été contre-interrogé au sujet de ses affidavits en août 2022 et la transcription du contre-interrogatoire et les engagements ont été versés au dossier.

[11] À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Paul Blake Wilson, souscrit le 20 janvier 2022 à Niagara-on-the-Lake, en Ontario (l’Affidavit Wilson).

[12] M. Wilson a été contre-interrogé et les transcriptions du contre-interrogatoire et les engagements ont été versés au dossier.

[13] Les deux parties ont produit des observations écrites et ont été représentées à une audience.

[14] L’audience s’est déroulée conjointement à l’égard de la procédure d’opposition à l’encontre de la demande no 1898017 pour la marque de commerce Kinde Logo, reproduite ci-dessous :

Kinde Logo (la Marque figurative))

[15] Une décision séparée sera rendue à l’égard de cette procédure.

Aperçu de la preuve de l’Opposante

Les demandes KIND

[16] L’Opposante a demandé l’enregistrement de la marque nominale KIND (Demande no 2024508 et Demande divisionnaire no 2273578) et la marque de commerce KIND Dessin (Demande no 2076679). La marque KIND Dessin est reproduite ci-dessous.

KIND DESSIN

[17] La demande d’enregistrement pour la marque de commerce KIND est produite en liaison avec un éventail de produits et de services, y compris diverses boissons alcoolisées, des publications, des produits et accessoires de cannabis et des produits vestimentaires, ainsi que divers services de publicité et d’édition.

[18] La demande d’enregistrement pour la marque de commerce KIND Dessin est produite en liaison avec un éventail de produits et de services, y compris divers produits de cannabis, des publications électroniques et imprimées et des vestimentaires, ainsi que divers services de publicité et d’édition.

[19] Je note que les dates de production de ces demandes (le 24 avril 2020 pour les demandes pour la marque de commerce KIND et le 11 janvier 2021 pour la demande pour KIND Dessin) postdatent la date de production du 8 mai 2018 de la demande pour la Marque.

Enregistrement KINDER CULTURE

[20] L’Opposante est la propriétaire de l’enregistrement no LMC1129436 pour la marque de commerce KINDER CULTURE, enregistrée en liaison avec les produits vestimentaires suivants de la classe de Nice 25 :

[traduction]

Articles vestimentaires de sport; articles chaussants de sport; soutiens-gorge; vestes; combinaisons-pantalons; chasubles; jambières; maillots; lingerie; tee-shirts à manches longues; chemises pour hommes; sous-vêtements pour hommes; robes de nuit; culottes; polos; ponchos; vêtements de nuit; sandales; chemises; chaussures; jupes et robes; chaussettes et bas; vêtements de bain pour hommes et femmes; cravates; tee-shirts; vêtements de dessous; blouses pour femmes; lingerie féminine; chemisiers pour femmes; vêtements sport pour femmes; tailleurs pour femmes; débardeurs; pantalons molletonnés; chandails molletonnés; chapeaux.

Affidavit Lecourt

[21] Mme Lecourt est une adjointe employée par l’agent au dossier de l’Opposante [para 1]. L’Affidavit LeCourt est principalement composé d’imprimés du site Web de l’Opposante, kindmagazine.ca, de septembre 2021 [Pièces B à M]. Sont jointes à titre de Pièce N des copies des [traduction] « Magazines de l’Opposante », lesquels semblent être six numéros de Kind Magazine, datés entre avril 2020 et juillet 2021.

Le Premier affidavit Nagel

[22] Puisque l’Affidavit Nagel corrigé a été versé au dossier dans cette procédure et que les pièces des deux affidavits sont les mêmes, il n’est pas nécessaire de résumer le Premier affidavit Nagel ou d’en discuter davantage. En effet, l’Opposante fait valoir que ce premier affidavit [traduction] « n’aurait pas dû être produit puisqu’il s’agit d’une version vieille et incorrecte qui avait été signée par accident » et [traduction] « ne devrait pas faire partie du dossier puisqu’il comprend des renseignements erronés » [observations écrites de l’Opposante aux para 4.2 et 4.3].

L’Affidavit Nagel corrigé

[23] M. Nagel est le fondateur et directeur de l’Opposante [para 3]. Il explique que l’Opposante est une entreprise médiatique qui publie un magazine en liaison avec les marques de commerce KIND de l’Opposante, le premier numéro ayant été publié et distribué en février 2020 [para 11]. L’Opposante offre des espaces publicitaires dans son magazine, lequel est disponible en ligne et à de tierces chaînes de vente de cannabis en détail [para 58 à 61].

[24] L’Affidavit Nagel corrigé démontre ce qui suit :

  • les détails des demandes d’enregistrement no 2024508 pour KIND et no 2076679 pour KIND Dessin [para 6 à 10];

  • les antécédents de l’Opposante, y compris des chiffres de circulation et le [traduction] « point focal » du contenu du magazine [para 11 à 13];

  • les plans de l’Opposante de [traduction] « lancer un ensemble de produits de cannabis avec plusieurs producteurs licenciés » en 2022 [para 14 et 15];

  • le plan d’affaires de l’Opposante, le développement de la marque et les dépenses publicitaires depuis octobre 2019 [para 16 et 17];

  • des trousses médiatiques associées au magazine [para 18 et 19, Pièces D et E];

  • des articles de tiers concernant la tenue par l’Opposante de prix soulignant [traduction] « les meilleures entreprises canadiennes du cannabis de l’année » [para 20 à 22, Pièces F et G];

  • le site Web de l’Opposante, kindmagazine.ca, comporte divers articles présentés sur le site Web sur les sujets de l’art et de la culture, des aliments et des boissons, de la santé et du bien-être, des voyages et de l’aventure et du cannabis [para 23 à 36, Pièces H à T];

  • le magasin de détail en ligne de l’Opposante, kindmagazine.entripyshirts.com, par lequel l’Opposante vend divers produits vestimentaires [para 37 à 39, Pièces U];

  • les sept numéros imprimés du magazine de l’Opposante, publiés entre février 2020 et juillet 2021 [para 40 à 48, Pièces V à BB];

  • l’édition en ligne du magazine de l’Opposante, publiée sur issuu.com et le site Web de l’Opposante [para 49 à 57, Pièces CC à II];

  • les comptes de médias sociaux de l’Opposante [para 64 à 69, Pièces JJ à LL].

[25] M. Nagel conclut son affidavit en affirmant que l’Opposante [traduction] « ne sait pas que la Requérante exploite un site Web ou une quelconque entreprise » [para 71].

Affidavit Nagel supplémentaire

[26] L’Affidavit Nagel supplémentaire démontre l’enregistrement de l’Opposante pour la marque de commerce KINDER CULTURE (nLMC1129436). Je note que la cession de l’enregistrement à l’Opposante a été inscrite par le registraire en mai 2022.

Aperçu de la preuve de la Requérante

Affidavit Wilson

[27] M. Wilson est le directeur et copropriétaire de la Requérante [para 1]. L’Affidavit Wilson démontre ce qui suit :

  • Les antécédents de la Requérante, laquelle a été constituée en société en Ontario en avril 2018 [para 4 à 8, Pièce C];

  • La participation de M. Wilson à l’industrie du cannabis depuis mai 2015, y compris auprès de Marigenix Corp. (laquelle cherche à être autorisée comme producteur de cannabis médicinal) et l’emploi projeté des marques de commerce SKWHERE en liaison avec un marché du cannabis en ligne [para 6 à 8, Pièces D à F];

  • Le développement de la marque de la Requérante, en particulier le choix et la signification de KINDE [para 9 à 12, Pièce G];

  • Le développement de l’entreprise de la Requérante, y compris les demandes d’enregistrement de marques de commerce, l’enregistrement des noms de domaine de sites Web, les présentations aux investisseurs, les lettres d’intention et un contrat de licence potentiel avec un fabricant de cannabis [para 13 à 18, Pièces H à M].

[28] M. Wilson termine son affidavit en déclarant que la Requérante a investi une quantité importante de temps et de ressources pour développer sa marque KINDE depuis 2018 et il fait part de son opinion que l’Opposante [traduction] « a agi de mauvaise foi et a entrepris un comportement visant à perturber les efforts continus de la Requérante de développer son entreprise » [para 20].

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[29] Conformément aux règles de preuve habituelles, l’Opposante a le fardeau de preuve d’établir les faits sur lesquels elle appuie les allégations formulées dans sa déclaration d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd, 1990 CarswellNat 1053 (CF 1re inst)]. L’imposition d’un fardeau de preuve à l’Opposante à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que cette question soit prise en considération, il doit exister une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question.

[30] La Requérante a le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi ainsi que l’allègue l’Opposante dans le cas des allégations à l’égard desquelles l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve. L’imposition d’un fardeau ultime à la Requérante signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que l’ensemble de la preuve a été examinée, alors la question doit être tranchée à son encontre.

Non-conformité – Termes ordinaires du commerce – Article 30(2)

[31] En vertu de l’article 38(2)a) de la Loi, l’Opposante plaide que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30(2) de la Loi, en ce que la demande ne contient pas un état déclaratif dans les termes ordinaires du commerce des produits spécifiés; en particulier, qu’aucun des produits visés par la demande n’est décrit dans les termes ordinaires du commerce.

[32] La date pertinente pour ce motif est la date de production de la demande.

[33] Cependant, rien dans la preuve n’appuie ce motif et je note que les observations de l’Opposante n’abordent pas de façon significative ce motif.

[34] Puisque l’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve initial, le motif fondé sur la non-conformité avec l’article 30(2) est rejeté.

Mauvaise foi – Article 38(2)a.1)

[35] En vertu de l’article 38(2)a.1), l’Opposante plaide que la marque de commerce de la Requérante n’est pas enregistrable et a été produite de mauvaise foi, puisque, à la date de production de la demande ou à tout moment par après, la Requérante n’avait pas une intention de bonne foi d’employer la Marque au Canada en liaison avec les produits visés par la demande. En particulier, l’Opposante plaide que :

  • Les produits visés par la demande sont une liste longue et excessivement généralisée de produits.

  • La liste longue et excessivement généralisée de produits de la Requérante peut seulement avoir été montée aux fins d’encombrement du Registre des marques de commerce et de tentative de bloquer injustement l’emploi légitime de diverses marques de commerce par des tiers, y compris l’Opposante.

[36] La date pertinente pour un motif d’opposition fondé sur la mauvaise foi est la date de production.

[37] Une fois de plus, rien dans la preuve n’appuie ce motif et l’Opposante n’aborde pas de façon significative ce motif dans ses observations.

[38] Puisque l’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve initial, le motif fondé sur la mauvaise foi est rejeté.

Absence de caractère distinctif – Article 2

[39] Conformément à l’article 30(2)d) de la Loi, l’Opposante plaide que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi. En particulier, l’Opposante fait valoir que la Marque ne distingue pas et n’est pas adaptée pour distinguer les produits visés par la demande des produits et services des autres et en particulier des produits et services offerts en liaison avec les marques de commerce de l’Opposante, lesquelles n’avaient pas été abandonnées.

[40] La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de production de la première déclaration d’opposition, à savoir le 9 mars 2021.

[41] L’article 2 de la Loi définit le terme « distinctive » comme suit :

« distinctive » Se dit de la marque de commerce qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire de ceux d’autres personnes, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

[42] Une marque de commerce « distingue véritablement » en acquérant le caractère distinctif par l’emploi, ce qui aboutit à un caractère distinctif dans les faits. D’autre part, une marque de commerce qui est « adaptée à les distinguer ainsi » est une marque qui ne dépend pas de son emploi pour acquérir son caractère distinctif, car elle est intrinsèquement distinctive [voir Astrazeneca AB c Novopharm Ltd, 2003 CAF 57 au para 16].

[43] Sous un motif fondé sur l’absence de caractère distinctif comme celui-ci, l’Opposante a le fardeau initial d’établir qu’à la date pertinente, ses marques de commerce i) étaient connues dans une certaine mesure au Canada en liaison avec les produits et services pertinents et ii) avaient au Canada une réputation « importante, significative ou suffisante » de façon à annuler le caractère distinctif de la Marque [voir Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, aux para 33 et 34; et Ontario Dental Assistants Association c Association dentaire canadienne, 2013 CF 266, au para 42, conf par 2013 CAF 279].

[44] Dans Auld Phillips Ltd c Suzanne’s Inc, 2005 CAF 429, bien que dans le cadre d’une procédure de radiation prévue à l’article 57 de la Loi, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’« [é]videmment, il ne peut arriver que rarement qu’un commerçant unique soit en mesure de faire perdre à une marque son caractère distinctif, mais rien ne l’empêche en principe » [para 7].

[45] Je note en premier lieu qu’il n’y a aucune preuve d’emploi ou de réputation au Canada de la marque de commerce KINDER CULTURE de l’Opposante.

[46] À l’égard des marques de commerce KIND de l’Opposante, dans ses observations écrites, l’Opposante note les détails concernant sa publication de magazine, sa présence en ligne et la boutique de vêtements en ligne [para 7.3 à 7.7], comparant l’emploi par l’Opposante de ses marques de commerce KIND au fait que la Requérante n’a pas offert ses produits en vente en liaison avec la Marque [para 7.8]. Par conséquent, l’Opposante fait valoir que la preuve établit que ses marques de commerce KIND avaient, à la date pertinente, [traduction] « acquis une réputation au Canada qui était suffisante pour influencer le caractère distinctif de [la Marque] » [para 7.9, citant Bojangles].

[47] Dans ses observations écrites, la Requérante fait valoir que l’Opposante n’explique pas la façon dont sa preuve lui permet de s’acquitter de son fardeau et, plutôt, que l’Opposante cherche à invoquer de simples déclarations conclusives puisque l’Opposante [traduction] « ne s’acquitte pas, et ne peut possiblement pas s’acquitter » de son fardeau initial ou du test applicable dans les circonstances [para 61 à 64]. À cet égard, en partie, la Requérante note qu’il n’est pas suffisant que la marque de commerce de l’Opposante [traduction] « influence » le caractère distinctif de la Marque : il est nécessaire de démontrer que les marques de commerce de l’Opposante sont devenues suffisamment bien connues au Canada à la date pertinente pour annuler le caractère distinctif de la Marque [para 64].

[48] En effet, en l’espèce, j’accepte que la Marque possède à tout le moins un certain caractère distinctif inhérent en liaison avec les produits visés par la demande. Bien que j’accepte que les marques de commerce KIND de l’Opposante sont connues dans une certaine mesure au Canada depuis 2020, il n’est pas possible de considérer qu’il existe la preuve que la réputation des marques de commerce KIND de l’Opposante était importante, significative ou suffisante de façon à annuler un tel caractère distinctif de la Marque. À cet égard, en notant en partie que la demande est fondée sur l’emploi projeté, il n’y a simplement aucune preuve d’annulation.

[49] Comme l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau initial, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté.

N’emploie pas et n’a pas projeté d’employer – Article 38(2)e)

[50] En vertu de l’article 38(2)e) de la Loi, l’Opposante plaide que, à la date de production de la demande ou à tout moment par après, la Requérante n’employait pas et ne projetait pas d’employer la Marque au Canada en liaison avec les produits visés par la demande.

[51] La date pertinente pour ce motif est la date de production de la demande.

[52] En soi, le plaidoyer est insuffisant. Peu importe, rien dans la preuve n’appuie l’allégation que la Requérante ne projetait pas ou n’était pas en mesure de projeter l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par la demande et je note que l’Opposante n’aborde pas de façon significative ce motif dans ses observations.

[53] Par conséquent, comme l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial, le motif fondé sur l’article 38(2)e) de la Loi est rejeté.

Absence de droit à l’emploi – Article 38(2)f)

[54] En vertu de l’article 38(2)f), l’Opposante plaide que, à la date de production de la demande au Canada, ou à tout moment par après, la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les produits de la Requérante : en particulier, la Requérante n’a pas acquis les licences ou les autorisations pertinentes pour vendre ou offrir en vente les produits visés par la demande au Canada à la date de production de la demande.

[55] La date pertinente pour ce motif est la date de production de la demande.

[56] L’article 38(2)f) de la Loi est libellé comme suit :

(2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants : […]

f) à la date de production de la demande au Canada […] le requérant n’avait pas le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec ces produits ou services.

[57] Je note en premier lieu que le plaidoyer est insuffisant, même lorsque l’on tient compte de la déclaration d’opposition dans son ensemble. À tout le moins, l’Opposante n’a plaidé aucun détail concernant les [traduction] « licences ou autorisations pertinentes » qui auraient eu une incidence sur le droit de la Requérante d’employer la Marque à la date pertinente. En effet, l’article 38(2)f) de la Loi porte sur le droit d’un requérant d’employer sa marque de commerce (par exemple, conformément aux lois fédérales pertinentes ou aux autres obligations juridiques interdisant l’« emploi » d’une marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi). Dans l’analyse de l’article 38(2)f) de la Loi, la question de savoir si un requérant a le droit juridique d’« employer » sa marque de commerce à la date pertinente ne doit pas être mélangé avec les questions de savoir si le requérant est, était ou a autrement été conforme aux règlements potentiellement applicables ou à des instruments semblables concernant l’exploitation de son entreprise.

[58] En tout état de cause, rien dans la preuve n’appuie ce motif et je note que les observations de l’Opposante n’abordent pas de façon significative ce motif.

[59] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’emploi est rejeté.

Confusion avec une marque de commerce déposée – Article 12(1)d)

[60] Conformément à l’article 38(2)b) de la Loi, l’Opposante plaide que la demande n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, car la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce déposée KINDER CULTURE de l’Opposante (enregistrement no LMC1129436), laquelle n’avait pas été abandonnée.

[61] Comme souligné ci-dessus, la marque de commerce KINDER CULTURE est enregistrée en liaison avec un large éventail de produits vestimentaires, y compris des vêtements d’entraînement, des chapeaux et divers types de gilets.

[62] La date pertinente en ce qui a trait à la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de la présente décision [Simmons Ltd c A to Z Comfort Beddings Ltd, 1991 CarswellNat 1119 (CAF)]. Puisque l’enregistrement KIND CULTURE de l’Opposante existe encore au registre, l’Opposante s’acquitte de son fardeau initial.

[63] Par conséquent, la Requérante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce KINDER CULTURE de l’Opposante. La question principale dans le cadre de ce motif concerne les divers produits vestimentaires, de couvre-cheffes et d’articles chaussants de la classe de Nice 25 aux produits (4) de la demande pour la Marque.

Test en matière de confusion

[64] Le test en matière de confusion est établi à l’article 6(2) de la Loi, qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[65] Le test applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la Marque en liaison avec les produits faisant l’objet de la demande, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’Opposante et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 au para 20].

[66] En faisant une telle évaluation, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[67] Les critères ou les facteurs énoncés à l’article 6(5) de la Loi ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux varie en fonction du contexte propre à chaque affaire [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au para 54]. Dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, la Cour suprême du Canada a déclaré que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques de commerce, est souvent celui qui revêt le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [au para 49] et que, bien que le premier mot dans la marque de commerce peut être le plus important dans certains cas, il est préférable de se demander si la marque de commerce présente un aspect qui est particulièrement « frappant ou unique » [au para 64].

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[68] En l’espèce, il n’y a aucune preuve concernant la mesure dans laquelle les marques de commerce des parties sont devenues connues au Canada.

[69] En ce qui a trait au caractère distinctif inhérent des marques de commerce, dans ses observations écrites, l’Opposante affirme simplement que la marque de commerce KINDER CULTURE de l’Opposante est intrinsèquement distinctive, alors que ce n’est pas le cas pour la Marque de la Requérante [para 8.8].

[70] Pour sa part, dans ses observations écrites, la Requérante fait valoir que l’élément distinctif de la Marque est le terme inventé KINDE, lequel combine [traduction] « l’idée de produits de cannabis de haute qualité ou d’un effet puissant (“kind” ou “kine”) » avec [traduction] « l’idée de gentillesse (“kind”) » [para 92], alors que la marque de commerce KINDER CULTURE n’est pas un terme inventé et [traduction] « suggère soit une “culture d’enfants”, soit une culture démontrant un degré élevé de gentillesse” » [para 93]. Par conséquent, bien qu’elle reconnaît que la marque de commerce de l’Opposante possède un certain degré de caractère distinctif inhérent, la Requérante fait valoir que la Marque possède un degré plus élevé de caractère distinctif inhérent.

[71] En liaison avec les produits vestimentaires principalement en question dans le cadre de ce motif, j’estime que les marques de commerce des parties possèdent un degré semblable de caractère distinctif inhérent, en ce qu’elles manquent toutes deux une signification claire en liaison avec les produits vestimentaires.

[72] Par conséquent, dans le meilleur des cas pour l’Opposante, ce facteur ne favorise aucune des parties.

Période pendant laquelle les marques ont été en usage

[73] Puisqu’il n’y a aucune preuve d’emploi de l’une ou l’autre marque de commerce, ce facteur ne favorise aucune des parties.

Genre de produits, services ou entreprises, et nature du commerce

[74] Lorsqu’on examine le genre des produits des parties relativement à la question de la confusion, ce sont les états déclaratifs des produits dans la demande et l’enregistrement en cause qui gouvernent [Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd, 1987 CarswellNat 749 (CAF); Miss Universe Inc c Bohna, 1994 CarswellNat 1443 (CAF)].

[75] Comme souligné précédemment, les produits visés par l’enregistrement de l’Opposante chevauchent les produits vestimentaires visés par la demande de la classe de Nice 25. Comme l’a fait valoir l’Opposante, puisqu’aucune restriction n’est indiquée quant aux voies de commercialisation ou aux clients ciblés, les vêtements de la Requérante en liaison avec sa marque de commerce cibleraient probablement les mêmes consommateurs et les mêmes voies de commercialisation que ceux de l’Opposante [para 8.15].

[76] Par conséquent, ces facteurs favorisent l’Opposante, bien que seulement à l’égard des produits (4) dans la demande.

Degré de ressemblance

[77] Dans ses observations écrites, l’Opposante fait valoir que la partie frappante de la marque de commerce de l’Opposante est KINDER’ alors que la partie frappante de la Marque est KINDE [para 8.21]. Notant que le déposant de la Requérante, M. Wilson, a lui-même confirmé qu’il prononce cela par « kind », avec la lettre E restant muette [para 8.22], l’Opposante fait valoir que [traduction] « l’impression qu’un consommateur aurait lorsqu’il rencontre les marques des deux parties serait en grande partie influencée par cette ressemblance frappante » [para 8.23]. En ce qui a trait aux idées suggérées, l’Opposante observe également que les deux marques de commerce [traduction] « évoquent des sentiments d’une culture d’entreprise gracieuse en liaison avec les produits (c.-à-d. que les produits de l’Opposante proviennent d’une marque “KINDER” CULTURE alors que les produits de la Requérante proviennent d’une entreprise “KINDE” COMPANY) », affirmant que puisque la lettre E est muette, elle n’est d’aucune utilité pour la Requérante [para 8.25].

[78] Cependant, les observations de l’Opposante ont tendance à disséquer de façon inappropriée les marques de commerce plutôt que de les évaluer dans leur ensemble. En ce qui a trait au degré de ressemblance dans le son, dans la mesure que le consommateur moyen ne prononcerait peut-être pas la lettre E dans la Marque, ils prononceraient malgré tout l’élément COMPANY. Bien que la première partie des deux Marques est « kind » ou même « kinde », il y a suffisamment de différences visuelles et phonétiques pour réduire leur ressemblance dans l’ensemble.

[79] En ce qui a trait aux idées suggérées, bien que « company culture » [culture d’entreprise] est une idée et peut être employée pour faire le lien entre une « kinder culture » [culture plus gentille] et une « kind company » [entreprise gentille], l’idée d’une [traduction] « culture d’entreprise gentille » ou gracieuse n’est pas en fait présente dans l’une ou l’autre des marques de commerce. Dans la mesure qu’il est même nécessaire de considérer la ou les idées suggérées au-delà des mots eux-mêmes dans une marque nominale donnée, bien que les deux marques de commerce sont probablement enracinées dans le mot « kind », l’idée d’une [traduction] « entreprise gentille » et d’une [traduction] « culture plus gentille » constitue malgré tout des idées différentes.

[80] À mon avis, les différences dans les marques de commerce sont plus grandes que leurs ressemblances dans la présentation, le son et les idées suggérées.

[81] Par conséquent, ce facteur favorise la Requérante.

Conclusion – Confusion avec la Marque de commerce de l’Opposante

[82] Ayant examiné toutes les circonstances de l’espèce, j’estime que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime concernant la probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties en question dans le cadre de ce motif. J’arrive à cette conclusion en raison du faible degré de ressemblance entre les marques de commerce, nonobstant le chevauchement du genre des produits vestimentaires des parties.

[83] Par conséquent, le motif d’opposition en vertu de l’article 12(1)d) fondé sur la confusion avec la marque de commerce KINDER CULTURE de l’Opposante est rejeté.

Décision

[84] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

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Andrew Bene

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches

Félix Tagne Djom

Manon Duchesne Osborne

 

 


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2024-03-05

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Marta Tandori Cheng

Pour la Requérante : John H. Simpson

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Riches, McKenzie & Herbert LLP

Pour la Requérante : John H. Simpson

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