Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 100

Date de la décision : 2024-05-28

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Zoe International Distributing Inc.

Requérante : Em Jay’s Inc.

Demande : 1929202 pour EM JAY’S

Aperçu

[1] Em Jay’s Inc. (la Requérante) a produit une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce EM JAY’S (la Marque), pour emploi en liaison avec les produits et services suivants (les Produits et Services visés par la demande) :

[traduction]

Cannabis à fumer, marijuana séchée, huile de cannabinoïdes pour vaporisateurs oraux pour fumer, chanvre; articles pour fumeurs de cannabis, nommément pipes, pipes électroniques, vaporisateurs stylos, vaporisateurs, papier à rouler et pipes en verre.

Services de magasin de vente au détail et services de concession de marijuana, de cannabis et d’accessoires liés au cannabis et à la marijuana, nommément de pipes, de pipes électroniques, de vaporisateurs stylos, de vaporisateurs, de papier à rouler et de pipes en verre.

[2] Zoe International Distributing Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la Marque pour plusieurs motifs. Bon nombre des motifs d’opposition sont fondés sur l’allégation que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce déposée JAYS de l’Opposante et ses marques de commerce non enregistrées JAY’S et JUICY JAY’S. L’Opposante allègue avoir employé ses marques de commerce en liaison avec un large éventail de produits, dont la plupart sont liés à la consommation de tabac à fumer et de cannabis à fumer.

[3] Pour les raisons qui suivent, la demande est rejetée à l’égard des produits [traduction] « articles pour fumeurs de cannabis, nommément […] vaporisateurs stylos […] papier à rouler […] » et des services [traduction] « services de magasin de vente au détail et services de concession […] d’accessoires liés au cannabis et à la marijuana, nommément […] de vaporisateurs stylos […] de papier à rouler […] ». L’opposition est rejetée à l’égard des autres produits et services.

Le dossier

[4] La demande d’enregistrement de la Marque a été produite le 7 novembre 2018 et a été annoncée conformément à l’article 37 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) le 22 décembre 2021.

[5] L’Opposante a produit une déclaration d’opposition le 18 février 2022, en vertu de l’article 38(1) de la Loi. La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration le 21 avril 2022.

[6] À l’appui de l’opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Demetra Georganas, souscrit le 22 août 2022 (l’Affidavit Georganas). À l’appui de la demande, la Requérante a produit l’affidavit de Paul Scida, souscrit le 21 février 2023 (l’Affidavit Scida). En réponse à l’Affidavit Scida, l’Opposante a produit les affidavits de Christine Phillips, souscrit le 22 mars 2023 (l’Affidavit Phillips), et David Farahmand, souscrit le 22 mars 2023 (l’Affidavit Farahmand). Aucun des déposants n’a été contre-interrogé au sujet de son affidavit.

[7] Les deux parties ont produit des observations écrites et l’Opposante a présenté des observations lors d’une audience.

Preuve de l’Opposante

[8] Mme Georganas est la présidente-directrice générale de l’Opposante [Affidavit Georganas, para 1]. Elle décrit l’entreprise de l’Opposante comme la fabrication et la distribution en gros de produits accessoires pour les marchés [traduction] « à rouler » ou [traduction] « à confectionner », comme le papier à rouler, les plateaux à rouler, des briquets et des cendriers, entre autres [para 4].

[9] Mme Georganas affirme que l’Opposante a enregistré la marque de commerce JAYS sous le numéro d’enregistrement LMC 664,612 (la Marque déposée de l’Opposante) [para 9 et Pièce A]. Mme Georganas affirme que l’Opposante a employé la Marque déposée de l’Opposante et plusieurs autres marques de commerce [traduction] « formées de JAYS », y compris JUICY JAY’S, COOL JAYS et JAVA JAYS, en liaison avec des produits accessoires pour l’industrie du cannabis et du tabac [para 10]. Mme Georganas fournit de nombreux exemples de marques, d’étiquettes et d’emballages employés par l’Opposante en liaison avec les papiers à rouler, les bâtonnets d’encens, les cônes préroulés, les vaporisateurs stylos et les plateaux à rouler à divers moments dans le temps de 2002 à 2022 [para 18 à 21, Pièces B à D].

[10] Mme Georganas explique que les produits de l’Opposante sont mis en marché auprès de tous les détaillants offrant des accessoires pour fumer, en mettant l’accent sur les [traduction] « magasins d’accessoires de cannabis » qui se spécialisent dans l’équipement et les accessoires utilisés pour fumer [para 7]. Depuis la légalisation du cannabis en 2017, l’Opposante met en marché et vend également ses produits à des épiciers et des stations-service, comme Costco, Loblaws et Shell [para 8]. Mme Georganas affirme que les marques de l’Opposante sont vendues dans 95 % des magasins d’accessoires de cannabis et des dispensaires de cannabis au Canada [para 8] et que les papiers à rouler de l’Opposante sont vendus dans 50 % des dépanneurs et des stations-service au Canada [para 8]. Mme Georganas affirme que l’Opposante a vendu plus de 900 000 unités de gros de produits en liaison avec soit la Marque déposée de l’Opposante, soit l’une des autres marques de commerce formées de JAYS, d’une valeur approximative de 18 millions de dollars [para 24]. Mme Georganas note également que cela correspond à plus de 20 millions de paquets de détail distribué aux détaillants pour la revente [para 24].

[11] Mme Georganas décrit également les activités de marketing et de promotion de l’Opposante, y compris la distribution de catalogues de produits aux détaillants, la participation à des salons professionnels de l’industrie et l’exploitation d’un site Web présentant les produits de l’Opposante [para 13 à 15 et Pièce B]. Selon Mme Georganas, la distribution annuelle des catalogues de l’Opposante a varié de 850 copies à 2 350 copies sur une période d’environ 20 ans [para 13]. Également, en 2020, les dépenses en marketing et promotion de l’Opposante étaient d’approximativement 330 000 $ [para 16].

Preuve de la Requérante

[12] M. Scida est l’unique actionnaire, cadre et directeur de la Requérante [Affidavit Scida, para 1]. Il affirme que la Requérante a exploité une entreprise de dispensaire de cannabis en liaison avec la Marque depuis avril 2020 [para 5]. Il affirme que la Marque est un nom inventé avec un double sens créatif : l’intention est de ressembler à « Mary Jane », qui est à la fois le nom d’une personne et une expression courante pour marijuana [para 6].

[13] M. Scida affirme que la Requérante a employé la Marque en liaison avec plusieurs des Produits visés par la demande (nommément pipes, pipes électroniques, vaporisateurs stylos, vaporisateurs, papier à rouler et pipes en verre) et l’ensemble des Services visés par la demande depuis avril 2020 [para 10]. Il affirme que ces produits et services sont disponibles à l’emplacement matériel de la Requérante à Etobicoke, en Ontario, et par le site Web et la boutique en ligne de la Requérante situés à http://emjays.ca [para 12, 15, 16]. Il fournit également des photos représentatives démontrant la façon dont la Marque figure sur les Produits visés par la demande et la façon dont elle est présentée à l’emplacement matériel de la Requérante et sur le site Web [para 12 à 14, 16 à 18 et Pièces 3 à 7]. M. Scida affirme que la Requérante a gagné environ 2,4 millions de dollars grâce aux ventes des Produits visés par la demande susmentionnés et à l’exécution des Services visés par la demande [para 23].

[14] En ce qui a trait aux autres Produits visés par la demande (nommément cannabis à fumer, marijuana séchée, huile de cannabinoïdes pour vaporisateurs oraux pour fumer et chanvre), M. Scida affirme que la Requérante a l’intention de commencer à employer la Marque en liaison avec ces produits [para 11].

[15] M. Scida explique aussi comment l’entreprise, les produits et les services de la Requérante sont annoncés en liaison avec la Marque, par l’entremise de plusieurs comptes de médias sociaux [para 22 et Pièce 10]. Il affirme que les Marques sont devenues bien connues au Canada comme pour dénoter les produits et services haut de gamme de la Requérante, comme le démontrent plusieurs évaluations de cinq étoiles sur les évaluations en ligne Google [Pièce 9].

Contre-preuve de l’Opposante

[16] Mme Phillips est une enquêteuse privée [Affidavit Phillips, para 1]. Elle affirme que le 20 mars 2023, elle a employé un outil logiciel pour enregistrer l’intégralité du site Web de la Requérante situé sur emjays.ca. Le site Web complet en format PDF est inclus à son affidavit [para 4, Pièce A]. Le site Web comprend de nombreuses pages pour des produits qui sont disponibles pour la vente par l’entremise du site Web de la Requérante, dont la plupart semblent être les produits d’autres (y compris l’Opposante) [voir, en général, la Pièce A].

[17] M. Farahmand est un enquêteur privé [Affidavit Farahmand, para 1]. Il affirme que le 20 mars 2023 il a appelé un numéro de téléphone de l’immeuble d’exploitation de la Requérante et a parlé à quelqu’un qui, selon ses affirmations, [traduction] « semblait être » un employé du magasin. M. Farahmand témoigne de ce que cette personne lui a dit concernant les produits disponibles dans les locaux de la Requérante, comparativement à ceux disponibles sur le site Web de la Requérante [para 3 et 4].

Motifs d’opposition

[18] L’Opposante invoque les motifs d’opposition suivants :

  • La Marque n’est pas enregistrable puisqu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée JAYS de l’Opposante [le Motif fondé sur la non-enregistrabilité).

  • La Requérante n’a pas le droit d’obtenir l’enregistrement de la Marque pour plusieurs raisons en vertu de l’article 16 de la Loi (les Motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement).

  • La Marque n’est pas distinctive (le Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif).

  • La demande pour enregistrer la Marque a été produite de mauvaise foi (le Motif fondé sur la mauvaise foi).

  • La Requérante n’employait pas et ne projetait pas d’employer la Marque au Canada (le Motif fondé sur l’absence d’emploi ou d’emploi projeté).

  • La Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque au Canada (le Motif fondé sur l’absence de droit à l’emploi).

[19] L’Opposante doit énoncer chacun de ces motifs avec des détails suffisants pour permettre à la Requérante de répondre [article 38(3)a) de la Loi]. L’Opposante doit également alléguer les faits pertinents sur lesquels chacun de ces motifs est fondé [voir Pepsico Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) (1975), 22 CPR (2d) 62 (CF 1re inst)].

[20] Également, pour chaque motif d’opposition, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial de produire une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. Si l’Opposante s’acquitte de ce fardeau initial, alors c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de convaincre le registraire que, selon la prépondérance des probabilités, les motifs d’opposition ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].

Raisons de la décision

Motif fondé sur la non-enregistrabilité

[21] En ce qui a trait à ce motif, l’Opposante affirme que la Marque n’est pas enregistrable en vertu des articles 12(1)d) et 38(2)b) de la Loi, puisqu’elle crée de la confusion avec la Marque déposée de l’Opposante [déclaration d’opposition, para 4(b)]. Ayant exercé mon pouvoir discrétionnaire pour consulter le statut de l’enregistrement de marque de commerce de l’Opposante [voir Quaker Oats Co Ltd of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)], j’ai confirmé que la Marque déposée de l’Opposante est enregistrée pour emploi en liaison avec le tabac et les accessoires de tabac, nommément papiers à rouler (les Produits visés par l’enregistrement de l’Opposante). Par conséquent, c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la Marque ne crée pas de confusion avec la Marque déposée de l’Opposante à la date de cette décision [Simmons Ltd c A to Z Comfort Beddings Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

Test en matière de confusion

[22] La Marque sera considérée comme créant de la confusion avec la Marque déposée de l’Opposante lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, et que les services liés aux marques sont loués ou exécutés (selon le cas), par la même personne [article 6(2) de la Loi]. La question de la confusion doit être évaluée comme une question de première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque de commerce du requérant alors qu’il n’a qu’un souvenir imparfait de la marque de commerce de l’opposant. Ce consommateur ordinaire plutôt pressé ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques de commerce [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 au para 20].

[23] L’application du critère de confusion est un exercice qui consiste à rechercher les faits et à tirer des conclusions [Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 au para 102 (Masterpiece)]. Toutes les circonstances de l’espèce doivent être prises en considération, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, notamment :

  • le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues;

  • la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage;

  • le genre de produits, services ou entreprises;

  • la nature du commerce;

  • le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

Caractère distinctif inhérent

[24] Le caractère distinctif inhérent d’une marque de commerce fait référence à son originalité. Les marques de commerce sont intrinsèquement distinctives lorsque rien en ce qui les concerne n’oriente le consommateur vers une multitude de sources. Lorsqu’une marque de commerce peut faire référence à de nombreuses choses ou est seulement descriptive des produits ou services en question, une protection moindre sera accordée à la marque [United Artists Pictures Inc c Pink Panther Beauty Corp, 1998 CanLII 9052 (CAF) au para 23 (Pink Panther)]. On peut raisonnablement s’attendre à une plus grande discrimination de la part du public à l’égard de telles marques de commerce, de sorte que les différences relativement faibles soient suffisantes pour éviter la confusion [General Motors Corp c Bellows, 1949 CanLII 47 (CSC) (General Motors)].

[25] La Marque et la Marque déposée de l’Opposante ont toutes deux un faible degré de caractère distinctif inhérent. La preuve établit que la Marque est un jeu de mots qui fait référence à « Mary Jane », une expression courante pour la marijuana [Affidavit Scida, para 6]. La Marque est donc à tout le moins suggestive du genre des Produits et services visés par la demande, lesquels comprennent de la marijuana, divers produits de cannabis, des articles pour fumer du cannabis et des services de détail et de distribution liés à de tels produits. La Marque possède donc un faible caractère distinctif inhérent.

[26] En ce qui a trait à la Marque déposée de l’Opposante, la Requérante soutient que, dans une autre procédure d’opposition impliquant l’Opposante, il a été estimé que la Marque déposée de l’Opposante [traduction] « n’était pas intrinsèquement forte », puisque [traduction] « la signification la plus courante de “JAY” serait de l’argot pour désigner “une cigarette de marijuana” » [observations écrites de la Requérante, para 42, citant Zoe International Distributing Inc c Zeal Design Limited, 2023 COMC 91 au para 34 (Zeal Design)]. Cette conclusion était fondée sur les définitions du mot « JAY » dans deux dictionnaires séparés dont le registraire a pris connaissance d’office [Zeal Design au para 33]. J’estime qu’il est approprié de prendre connaissance d’office de ces définitions en l’espèce également et j’arrive à la même conclusion que celle dans Zeal Design concernant la force de la Marque déposée de l’Opposante. La Marque déposée de l’Opposante est à tout le moins suggestive du caractère des Produits visés par l’enregistrement de l’Opposante, lesquels sont vendus dans des dispensaires de cannabis [Affidavit Georganas, para 8] pour l’emploi pour rouler des cigarettes de marijuana. La Marque déposée de l’Opposante possède donc un faible caractère distinctif inhérent.

[27] Compte tenu de ce qui précède, puisque les marques de commerce des deux parties possèdent toutes deux un faible caractère distinctif inhérent, j’estime que ce facteur ne favorise pas l’une ou l’autre partie de façon importante.

Mesure dans laquelle la marque de commerce est devenue connue

[28] Une marque de commerce qui n’est pas intrinsèquement distinctive peut acquérir un caractère distinctif lorsqu’elle devient connue par le public consommateur comme provenant d’une source en particulier; par exemple, par l’emploi continu dans le marché [Pink Panther au para 24].

[29] La preuve démontre que la Marque est employée depuis avril 2020 [Affidavit Scida, para 10] et que la Requérante avait gagné environ 2,4 millions de dollars depuis cette date grâce à la vente des Produits et services visés par la demande [para 23]. L’Opposante note, et je suis d’accord, que la Requérante vend également des produits marqués par des tiers et il n’est pas clair si le montant de revenus indiqué a été généré par des ventes de produits marqués avec la Marque à eux seuls. Cependant, même si de tels revenus n’étaient pas générés exclusivement par les ventes de produits marqués avec la Marque, la Requérante offrait malgré tout les Services visés par la demande en liaison avec la Marque et la Marque serait devenue connue dans une certaine mesure grâce à un tel emploi.

[30] La Requérante souligne également l’activité de marketing et de promotion sous la forme d’évaluations cinq étoiles qu’elle a reçues dans les évaluations Google [Affidavit Scida, para 21] et d’extraits de divers comptes de médias sociaux [para 22]. Compte tenu du nombre relativement faible d’évaluations cinq étoiles dans la preuve et de l’absence de preuve de la mesure dans laquelle les médias sociaux de la Requérante ont été consultés par des Canadiens, cette preuve n’aide pas à déterminer la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue.

[31] En ce qui a trait à la Marque déposée de l’Opposante, la preuve de Mme Georganas est que l’Opposante a généré environ 18 millions de dollars en ventes de ce qu’elle appelle les [traduction] « produits de la Marque JAYS » depuis 1999 et que cela correspond à plus de 20 millions de paquets de détail des [traduction] « produits de la Marque JAYS » [Affidavit Georganas, para 24]. La preuve de Mme Georganas indique également que les catalogues de produits de l’Opposante ont été distribués à des détaillants annuellement depuis 2002, environ 850 copies ayant été distribuées en 2002 et environ 2 350 copies en 2021 [para 13]. Elle affirme également que, en 2020, l’Opposante a dépensé environ 330 000 $ sur ces activités de marketing et de promotion pour l’ensemble des marques de l’Opposante, y compris la [traduction] « Marque JAYS » [para 16].

[32] Mme Georganas définit la [traduction] « Marque JAYS » comme incluant la Marque déposée de l’Opposante, ainsi que plusieurs marques de commerce formées de JAYS comme JUICY JAYS, JAVA JAYS, GI JAYS, COOL JAYS et JAYS ROLLS [Affidavit Georganas, para 10]. Des exemples des dessins employés par l’Opposante sont reproduits dans divers extraits des catalogues de produits annuels de l’Opposante et de son site Web [Pièces B et C] et comprennent ce qui suit :

[33] La preuve d’emploi de la Marque déposée de l’Opposante est problématique, puisqu’elle semble être liée à plusieurs marques de commerce. À première vue, il n’est pas clair lesquels des dessins reproduits ci-dessus, le cas échéant, visent à constituer l’emploi de la Marque déposée de l’Opposante. Sur ce point, l’Opposante note que, dans le cadre d’une procédure prévue à l’article 45 entamée par la Requérante à l’égard de la Marque déposée de l’Opposante, le registraire a tranché que l’emploi du premier dessin JUIC JAYS reproduit ci-dessus constitue l’emploi de la Marque déposée de l’Opposante [voir Wises Professional Corporation c Zoe International Distributing Inc, 2023 COMC 60 aux para 14 à 19, la « Procédure prévue à l’article 45 »]. En particulier, le registraire a conclu que la marque de commerce JAY’S se démarque des autres documents dans le dessin en raison de la taille et du lettrage différents et du fait que la Marque déposée de l’Opposante demeure reconnaissable malgré l’ajout d’une apostrophe [Procédure prévue à l’article 45, au para 18]. Je suis d’accord avec le raisonnement de la Procédure prévue à l’article 45 et j’estime que l’emploi du premier dessin JUICY JAY’S constitue ci-dessus l’emploi de la Marque déposée de l’Opposante. J’estime également que l’emploi du dessin JAY’S ROLLS reproduit ci-dessus constitue l’emploi de la Marque déposée de l’Opposante, pour les mêmes raisons.

[34] Cependant, je n’estime pas que l’emploi des autres dessins inclus dans la [traduction] « Marque JAY’S », comme le dessin COOL JAYS et le deuxième dessin JUICY JAY’S, constitue l’emploi de la Marque déposée de l’Opposante. Dans ces autres dessins, le mot « JAY’S » ne se démarque pas du reste du dessin.

[35] Ayant évalué ce qui précède, j’estime que la preuve de l’Opposante des ventes des [traduction] « produits de la Marque JAYS » n’aide pas à déterminer la mesure dans laquelle la Marque déposée de l’Opposante est devenue connue. Bien que les chiffres des ventes sont importants, ils ne peuvent pas tous être attribués à la Marque déposée de l’Opposante, puisqu’ils comprennent des produits marqués de dessins qui ne constitueraient pas l’emploi de cette marque de commerce. La preuve de l’Opposante de dépenses sur des initiatives de marketing n’est également d’aucune utilité. Seulement une année de dépenses a été fournie et ces dépenses ne se limitaient pas à la Marque JAY’S, encore moins aux dessins qui constitueraient l’emploi de la Marque déposée de l’Opposante.

[36] Malgré ce qui précède, je note qu’un nombre important de catalogues de produits de l’Opposante a été distribué et que les catalogues comprennent des produits marqués avec des dessins qui constituent l’emploi de la Marque déposée de l’Opposante. Par conséquent, je suis convaincu que la Marque déposée de l’Opposante est devenue connue dans le marché canadien dans une certaine mesure.

[37] Dans l’ensemble, j’estime que la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues ne favorise aucune des parties. Bien que je suis convaincu que les marques de commerce des parties sont devenues connues dans une mesure appréciable, sur la base de la preuve versée au dossier je ne suis pas en mesure de déterminer la marque de commerce quelle partie est connue dans une plus grande mesure et si ce facteur favoriserait cette partie.

Période d’emploi

[38] Des exemples des dessins de la [traduction] « Marque JAYS » présentés dans les catalogues de produits de l’Opposante [Affidavit Georganas, Pièce B], la première instance du premier dessin JUICY JAY’S reproduits ci-dessus, dont l’emploi constituerait l’emploi de la Marque déposée de l’Opposante, survient en 2004. Par conséquent, j’estime que la Marque déposée de l’Opposante est employée depuis au moins 2004, alors que la Marque est employée depuis avril 2020 [Affidavit Scida, para 10]. Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Genre des produits et services

[39] En ce qui a trait au genre des produits et services, ce sont les produits et services tels qu’énoncés dans la demande qui doivent être comparés avec les produits tels qu’énoncés dans l’enregistrement de l’Opposante [voir Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 1987 Canlii 8953 (CAF)]. En particulier, les Produits et services visés par la demande doivent être comparés avec les produits [traduction] « tabac et accessoires pour fumeur, nommément papier à rouler » qui figurent dans l’Enregistrement de l’Opposante à la date pertinente pour ce motif d’opposition.

[40] Malgré le fait que les [traduction] « papiers à rouler » de l’Opposante sont déclarés comme un type [traduction] « d’accessoires pour fumeur » et que les [traduction] « papiers à rouler » de la Requérante sont déclarés comme un type [traduction] « d’articles pour fumeurs de cannabis », j’estime que ces produits se chevauchent directement. Puisque les papiers à rouler de l’Opposante sont disponibles dans la Société ontarienne de cannabis [Affidavit Georganas, para 23], j’accepte que les papiers à rouler de l’Opposante sont tout aussi utiles pour fumer du cannabis que pour fumer du tabac. Par conséquent, j’estime que ce facteur favorise l’Opposante à l’égard des [traduction] « papiers à rouler ». J’arrive à la même conclusion à l’égard des Services visés par la demande [traduction] « Services de magasin de vente au détail et services de concession […] d’accessoires liés au cannabis et à la marijuana, nommément […] de papier à rouler […] », puisque les papiers à rouler de l’Opposante sont distribués par l’Opposante et sont revendus par des détaillants [Affidavit Georganas, para 22].

[41] En ce qui a trait aux autres Produits et services visés par la demande, j’estime que ce facteur favorise la Requérante. Ces produits et services sont liés aux Produits de l’Opposante, puisqu’ils sont en général liés au cannabis. Cependant, il y a très peu de ressemblance entre les produits et services au-delà de cela. Les Produits visés par la demande comprennent, et les Services visés par la demande sont liés à ceux-ci, des produits durables destinés à être réutilisés de nombreuses fois lors de la consommation de cannabis, comme des pipes en verre, des pipes électroniques et des vaporisateurs stylos. De tels produits sont grandement différents dans le genre des papiers à rouler consommables de l’Opposante. Compte tenu de l’absence de toute ressemblance substantielle au-delà d’une relation générale avec le cannabis, j’estime que le genre des Produits et services visés par la demande (autres que les papiers à rouler et les services liés à ceux-ci) favorise la Requérante.

Nature du commerce

[42] La nature du commerce désigne les types de magasins dans lesquels les produits ou services sont distribués ou la catégorie générale à laquelle les produits appartiennent. Le risque de confusion est plus grand lorsque les produits ou services, bien que différents, sont distribués dans les mêmes types de magasins ou sont de la même catégorie générale des produits [Pink Panther au para 30].

[43] Ce facteur favorise l’Opposante à l’égard de l’ensemble des Produits et services visés par la demande. Bien que de nombreux Produits et services visés par la demande ont peu de ressemblance avec les Produits visés par l’enregistrement de l’Opposante, l’ensemble des produits et services en question sont disponibles et vendus dans des dispensaires de cannabis [Affidavit Georganas, para 8; Affidavit Scida, para 12 et 15]. En effet, la preuve des deux parties confirme qu’au moins certains des papiers à rouler de l’Opposante sont vendus dans le dispensaire de la Requérante [Affidavit Scida, para 25; Affidavit Georganas, Pièce F].

[44] La Requérante soutient que la Pièce F à l’Affidavit Georganas n’illustre pas l’emploi de la marque de commerce JAYS dans le magasin en ligne de la Requérante puisque la marque de commerce ne figure pas sur l’emballage reproduit dans l’affidavit de Mme Georganas. Cependant, peu importe si cet exemple en particulier démontre l’emploi de la marque de commerce JAYS en tant que tel, l’exemple démontre malgré tout que les papiers à rouler de l’Opposante sont vendus par la Requérante. Cela est suffisant pour appuyer la conclusion que les voies de commercialisation dans lesquelles les papiers à rouler des parties sont en général vendus à tout le moins se chevauchent partiellement.

Degré de ressemblance

[45] Le degré de ressemblance entre les marques de commerce, dans la présentation, le son et les idées suggérées, est le facteur qui aura le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [Masterpiece au para 49]. Lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble. Il n’est pas correct de les placer côte à côte dans le but de les comparer et de relever les ressemblances ou les différences entre les éléments ou les composantes des marques de commerce. Malgré cela, il faut déterminer s’il y a un aspect des marques de commerce qui est particulièrement frappant ou unique [Masterpiece au para 64].

[46] En ce qui a trait à la ressemblance, l’Opposante soutient que la Marque comporte l’ensemble de la Marque déposée de l’Opposante et que le mot « JAYS » est l’élément frappant ou unique des deux marques [observations écrites de l’Opposante, para 55]. L’Opposante invoque plusieurs décisions antérieures où une marque de commerce subséquente comportant l’ensemble d’une marque de commerce antérieure, ainsi que certains ajouts, est considérée comme créant de la confusion [observations écrites de l’Opposante, para 57]. L’Opposante soutient également que la Marque est une marque de commerce [traduction] « formée de JAYS », semblable à celles employées de façon répandue par l’Opposante, et portera donc probablement à croire qu’elle est l’une des marques de commerce de l’Opposante [para 56].

[47] La Requérante soutient que l’aspect frappant ou unique de la Marque est « EM », ou subsidiairement « EM JAY » [observations écrites de la Requérante, para 34]. La Requérante soutient également que, conclure que la Marque crée de la confusion avec la Marque déposée de l’Opposante accorderait essentiellement un monopole en matière de marques de commerce sur le mot JAY ou JAYS en liaison avec les produits pour fumer, ce qui serait déraisonnable [observations écrites de la Requérante, para 36].

[48] J’estime qu’il n’y a aucun aspect de la Marque qui est plus frappant ou unique que tout autre aspect. Plutôt, les deux parties de la Marque sont d’importance égale et suggèrent ensemble l’idée unitaire des initiales « MJ » et, par implication, le nom « Mary Jane » ou marijuana [Affidavit Scida, para 6].

[49] En tenant compte de la Marque dans son ensemble, et en la comparant à la Marque déposée de l’Opposante, j’estime que le degré de ressemblance favorise la Requérante. La Marque possède effectivement un certain degré de ressemblance avec la Marque déposée de l’Opposante, en raison du fait que la Marque intègre la Marque déposée de l’Opposante (bien que ce soit avec une apostrophe devant le « S », ce que je n’estime pas avoir une influence significative sur l’analyse de la confusion). Cependant, l’intégration d’une marque de commerce antérieure à une marque de commerce subséquente n’est pas déterminante dans la question de confusion, puisque les marques de commerce en question doivent être analysées dans leur ensemble [Marchand Deco Inc c Société Chimique Laurentide Inc, 1985 CarswellNat 835 (CF 1re inst) au para 24]. Bien qu’on peut avoir conclu dans certaines affaires qu’une marque de commerce subséquente qui intègre l’ensemble d’une marque de commerce antérieure crée de la confusion, il est bien établi que chaque question de confusion doit être tranchée en fonction de ses propres faits.

[50] En l’espèce, j’estime que la ressemblance entre les marques de commerce des parties se limite au fait que les deux contiennent les mots « JAYS » et que les idées suggérées par les marques de commerce (à savoir « Mary Jane » ou la marijuana en général, d’une part, et une cigarette de marijuana d’autre part) sont en général liées au cannabis. J’estime que les marques de commerce sont différentes à tous les autres égards, y compris la présentation et le son en général, ainsi que les idées particulières suggérées par les marques de commerce.

[51] De manière significative, les seuls points de ressemblance entre les marques de commerce sont également descriptifs des caractéristiques clés des produits et services des parties, pour les raisons abordées ci-dessus à l’égard du caractère distinctif inhérent des marques de commerce. Il est peu probable que les mots et les idées à caractère descriptif comme ceux-ci trompent les consommateurs à l’égard de l’origine des produits ou des services [Marchand Deco au para 26]. De plus, puisque les marques de commerce des parties dans leur ensemble possèdent un faible caractère distinctif inhérent, des petites différences suffiront pour éviter la confusion [General Motors, supra]. Dans l’ensemble, j’estime que les marques de commerce sont plus différentes qu’elles ne sont semblables et que les différences entre les marques de commerce sont suffisantes pour éviter la confusion.

[52] Également, je n’estime pas que la Marque est analogue aux marques de commerce [traduction] « formées de JAYS » employées par l’Opposante. Chacune des marques de commerce [traduction] « formées de JAYS » de l’Opposante comporte un adjectif d’un type quelconque qui décrit le mot « JAY’S », comme « COOL » ou « JUICY ». Le mot « EM » dans la Marque n’est pas un adjectif qui décrit « JAY’S ». Bien au contraire, il est lu conjointement avec « JAY’S » pour suggérer un nom et une idée véritablement différents. Peu importe, compte tenu de la nature problématique de la preuve d’emploi de l’Opposante, je ne suis pas en mesure de conclure que les marques de commerce [traduction] « formées de JAY’S » de l’Opposante ont été employées dans une mesure suffisante pour qu’une autre marque de commerce [traduction] « formée de JAY’S » crée probablement de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante.

[53] Compte tenu de tout ce qui précède, j’estime que le degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties favorise la Requérante.

Conclusion concernant la confusion

[54] Ayant examiné de tout ce qui précède, du point de vue du consommateur moyen quelque peu pressé, j’estime que la probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties est égale à l’égard des produits [traduction] « papiers à rouler » et des services qui concernent les [traduction] « papiers à rouler ». Bien que les marques de commerce soient intrinsèquement faibles et que le degré de ressemblance favorise la Requérante, le fait que les produits sont identiques et sont vendus dans les mêmes types de magasins accroît la probabilité de confusion. En bout de compte, à l’égard des [traduction] « papiers à rouler » et des services connexes, j’estime que les facteurs favorisant une conclusion de confusion sont équilibrés avec ceux qui ne la favorisent pas.

[55] J’arrive à une conclusion différente à l’égard des autres Produits et services visés par la demande. Puisque le genre de ces produits et service est plus différent des papiers à rouler de l’Opposante, j’estime que ce facteur fait pencher la balance de la probabilité de confusion en faveur de la Requérante.

[56] Par conséquent, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau à l’égard des produits [traduction] « papiers à rouler » et des services [traduction] « services de magasin de vente au détail et services de concession […] d’accessoires liés au cannabis et à la marijuana, nommément […] de papier à rouler […] ». Le Motif fondé sur la non-enregistrabilité est accueilli à l’égard de ces produits et services et est rejeté à l’égard des autres Produits et services visés par la demande.

Motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement

[57] À l’égard de ces motifs, l’Opposante affirme ce qui suit :

  • La Requérante n’a pas droit d’obtenir l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1) de la Loi, puisque la marque de commerce n’est pas enregistrable [déclaration d’opposition, para 4(c)].

  • La Requérante n’a pas droit d’obtenir l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi, puisque la marque de commerce crée de la confusion avec la Marque déposée de l’Opposante et les marques de commerce JAY’S et JUICY JAY’S de l’Opposante, lesquelles ont toutes été employées antérieurement au Canada par l’Opposante en liaison avec un large éventail de produits [déclaration d’opposition, para 4(d) et (f)].

  • La Requérante n’a pas droit d’obtenir l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1)b) de la Loi, puisque la marque de commerce crée de la confusion avec la Marque déposée de l’Opposante, dont la demande d’enregistrement a été produite antérieurement par l’Opposante [déclaration d’opposition, para 4(e)].

[58] Les Motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement en vertu des articles 16(1) et 16(1)b) de la Loi ne peuvent pas être accueillis pour les raisons suivantes :

  • Le libellé d’introduction qui se trouve à l’article 16(1) de la Loi n’est pas une phrase complète. Il doit être lu conjointement avec les paragraphes a) à c) afin de former une phrase complète. Par conséquent, le libellé d’Introduction de l’article 16(1) ne constitue pas à lui seul un motif d’opposition que l’Opposante peut invoquer.

  • Le droit à l’enregistrement d’une marque de commerce d’un requérant n’est pas influencé par la production antérieure d’une demande pour enregistrer une marque de commerce qui crée de la confusion, à moins que la demande antérieure était en instance lorsque la demande du requérant a été annoncée aux fins d’opposition [article 16(2) de la Loi]. Puisque la Marque déposée de l’Opposante était déjà enregistrée à la date de l’annonce de la présente demande, la demande de l’Opposante n’était pas en instance à cette date et ne peut pas influencer le droit à l’enregistrement de la Requérante.

[59] Les Motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement en vertu des articles 16(1) et 16(1)b) sont par conséquent rejetés.

[60] En ce qui a trait au Motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi, c’est à l’Opposante qu’incombe le fardeau de preuve initial de démontrer que ses marques de commerce étaient employées au Canada avant la date pertinente pour ce motif d’opposition [article 16(1)a) de la Loi]. Si l’Opposante s’acquitte de son fardeau initial, c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les marques de commerce des parties ne créent pas de confusion. La date pertinente pour ce motif est la date de premier emploi de la Marque, à savoir avril 2020 [article 16(1)a) de la Loi].

[61] Mon analyse à l’égard de ce motif se focalisera sur les marques de commerce JAYS et JAY’S de l’Opposante. J’estime que ces marques de commerce représentent le meilleur argument de l’Opposante, puisqu’elles ressemblent davantage à la Marque que la marque de commerce JUICY JAY’S de l’Opposante. J’estime que le mot « JUICY » est complètement différent d’un quelconque élément dans la Marque et sert donc à différencier la marque de commerce JUICY JAY’S à un plus grand degré. Si la Marque ne créait pas de confusion avec JAYS ou JAY’S à la date pertinente, elle n’en aurait pas créé avec JUICY JAY’S.

[62] La preuve établit que : a) les marques de commerce JAYS et JAY’S étaient apposées sur l’emballage des papiers à rouler, des bâtonnets d’encens, des cônes préroulés et des vaporisateurs stylos (les Produits de l’Opposante) [Affidavit Georganas, para 18 et Pièce B]; et b) les Produits de l’Opposante étaient vendus au Canada à compter d’au moins 2002 [para 18]. Je suis donc convaincu que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard des Produits de l’Opposante.

[63] En ce qui a trait à la question de confusion, j’estime que la Marque ne crée pas de confusion avec les marques de commerce JAYS et JAY’S de l’Opposante à la date pertinente antérieure pour ce motif. J’arrive à cette conclusion pour principalement les mêmes raisons que celles énoncées à l’égard du Motif fondé sur la non-enregistrabilité. À ces raisons, j’ajoute les suivantes :

  • À la date pertinente pour ce motif, la Requérante n’avait pas employé la Marque et il n’y a aucune preuve que la Marque était devenue connue par un quelconque autre moyen. En ce qui a trait aux marques de commerce de l’Opposante, la preuve démontre que les marques de commerce étaient employées depuis au moins 2004 et il est raisonnable d’inférer que les marques de commerce étaient devenues connues dans le marché dans une certaine mesure. Cependant, comme il est indiqué ci-dessus, il n’est pas possible de déterminer l’étendue particulière dans laquelle les marques de commerce JAY’S et JAYS étaient devenues connues. Par conséquent, j’estime que ce facteur favorise l’Opposante, mais juste légèrement.

  • À la date pertinente pour ce motif, le genre des produits et services favorise l’Opposante à l’égard des produits [traduction] « vaporisateurs stylos » et des services liés à ceux-ci, en plus des produits [traduction] « papiers à rouler » et des services liés à ceux-ci. J’estime que les produits [traduction] « vaporisateurs stylos » chevauchent les [traduction] « vaporisateurs stylos » inclus dans les Produits de l’Opposante.

[64] Compte tenu de ce qui précède, ainsi que de mes conclusions à l’égard du Motif fondé sur la non-enregistrabilité, je conclus qu’à la date pertinente pour ce motif, la probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties était légèrement plus élevée qu’égale à l’égard des produits [traduction] « vaporisateurs stylos » et [traduction] « papiers à rouler » et des services liés à ceux-ci. J’arrive à cette conclusion pour essentiellement les mêmes raisons qui ont été soulevées à l’égard du Motif fondé sur la non-enregistrabilité et puisque le degré dans lequel les marques de commerce étaient devenues connues favorise légèrement l’Opposante à la date pertinente pour ce motif.

[65] En ce qui a trait aux autres Produits visés par la demande, j’estime que la probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties, à la date pertinente pour ce motif d’opposition, est quelque peu moins égale. Le degré plus élevé de différence dans le genre des produits et services favorise la Requérante et j’estime qu’il est suffisant pour faire pencher la prépondérance de la probabilité de confusion en faveur de la Requérante.

[66] Par conséquent, le Motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a) est accueilli à l’égard des produits [traduction] « vaporisateurs stylos » et [traduction] « papiers à rouler » et des services [traduction] « services de magasin de vente au détail et services de concession […] d’accessoires liés au cannabis et à la marijuana, nommément […] de vaporisateurs stylos […] de papier à rouler […] ». À l’égard des autres Produits et services visés par la demande, le Motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi est rejeté.

Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif

[67] À l’égard de ce motif, l’Opposante plaide comme suit [déclaration d’opposition, para 4(g)] :

[traduction]

La [Marque] n’est pas adaptée à distinguer, et n’est pas en mesure de distinguer les [Produits et services visés par la demande] des [Produits de l’Opposante]. Au contraire, la [Marque] et son emploi par la Requérante sont calculés de manière à créer de la confusion et à permettre à la Requérante de bénéficier de l’achalandage de l’Opposante dans [les marques de commerce JAY’S et JUICY JAYS], en violation de l’article 38(2)d).

[68] La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date à laquelle la demande a été opposée [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185 au para 25].

[69] Comme pour tous les autres motifs d’opposition, l’Opposante a un fardeau de preuve initial. Cependant, en l’espèce, il n’est pas nécessaire que je détermine si elle s’est acquittée de ce fardeau ou non. À l’égard des produits [traduction] « vaporisateurs stylos » et [traduction] « papiers à rouler » et des services liés à ces produits, l’opposition est accueillie pour d’autres motifs et je n’ai pas besoin d’évaluer le Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif.

[70] En ce qui a trait aux autres Produits et services visés par la demande, même si l’Opposante s’acquittait de son fardeau initial, j’estime que la Marque ne crée pas de confusion avec les marques de commerce JAY’S ou JUICY JAYS à la date pertinente pour ce motif. J’arrive à cette conclusion pour essentiellement les mêmes raisons qui ont été soulevées à l’égard du Motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement, puisque je n’estime pas que les différences dans la preuve à la date pertinente pour ce motif ont une influence importante sur ces raisons. Par conséquent, le Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté à l’égard des autres Produits et services visés par la demande.

Motif fondé sur la mauvaise foi

[71] À l’égard de ce motif, l’Opposante plaide comme suit [déclaration d’opposition, para 4(a)] :

[traduction]

Article 38(2)a.1) – La demande a été produite de mauvaise foi

  1. La demande pour la [Marque] a été produite de mauvaise foi.

[72] L’Opposante n’a présenté aucune observation à l’égard de ce motif, autant dans ses observations écrites que lors de l’audience consacrée à cette affaire.

[73] Le Motif fondé sur la mauvaise foi n’a pas été dûment plaidé conformément à l’article 38(3)a) de la Loi. Le plaidoyer contient seulement la simple allégation que la demande pour la Marque a été produite de mauvaise foi. Le plaidoyer ne contient aucun fait pertinent qui appuierait l’allégation. De plus, même si le Motif fondé sur la mauvaise foi était dûment plaidé, il semble n’y avoir aucune preuve qui permettrait à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau initial pour ce motif. Par conséquent, le Motif fondé sur la mauvaise foi est rejeté.

Motif fondé sur l’absence d’emploi ou d’emploi projeté

[74] À l’égard de ce motif, l’Opposante plaide comme suit [déclaration d’opposition, para 4(h)] :

[traduction]

La Requérante n’employait pas et ne projetait pas d’employer la [Marque] au Canada en liaison avec les produits et services spécifiés dans la demande à la date de production de la demande.

[75] L’Opposante n’a présenté aucune observation à l’égard de ce motif, autant dans ses observations écrites que lors de l’audience consacrée à cette affaire.

[76] Le Motif fondé sur l’absence d’emploi ou d’emploi projeté n’a pas été dûment plaidé conformément à l’article 38(3)a) de la Loi. L’allégation de l’Opposante que la Requérante ne projetait pas d’employer la Marque au Canada doit être appuyée par des faits pertinents pour permettre à la Requérante d’y répondre. La Requérante n’a pas à spéculer quant à la raison pour laquelle l’Opposante estime qu’il n’y a aucune intention d’employer la Marque [Pax Labs, Inc c Shenzhen Topgreen Technology Co, Ltd, 2023 COMC 17 au para 91]. En l’absence d’un quelconque fait pertinent qui appuierait une conclusion d’absence d’intention d’employer la Marque, ce motif n’est pas dûment plaidé. Et quoi qu’il en soit, il semble n’y avoir aucune preuve qui permettrait à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif. Par conséquent, le Motif fondé sur l’absence d’emploi ou d’emploi projeté est rejeté.

Motif fondé sur l’absence de droit à l’emploi

[77] À l’égard de ce motif, l’Opposante plaide comme suit [déclaration d’opposition, para 4(i)] :

[traduction]

L’emploi par la Requérante de la [Marque] en liaison avec les produits et services établis dans la demande suggère que de tels produits et services étaient autorisés, par autorisation ou licence, ou approuvés par l’Opposante ou qu’ils sont employés dans l’entreprise de l’Opposante. Un tel emploi est fait sans le consentement de l’Opposante. Par conséquent, la demande n’est pas conforme à l’article 38(2)f) et à l’article 30(1) [de la Loi] puisque, à la date de production de la demande au Canada, la Requérante n’aurait pas pu être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la [Marque] en liaison avec les produits et services visés par la demande, compte tenu du fait que la Requérante connaissait, ou aurait dû connaître, l’emploi antérieur des Marques de l’Opposante.

[78] L’Opposante soutient que la Requérante n’a pas le droit d’employer la Marque au Canada, puisque la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce JAYS de l’Opposante et ne distingue pas la Requérante. L’Opposante soutient que la Requérante [traduction] « ne peut pas avoir l’intention d’employer » sa marque comme [traduction] « marque de commerce », puisque la Requérante ne sera pas en fait en mesure de distinguer les produits et services de la Requérante de ceux de l’Opposante [observations écrites de l’Opposante, para 69 et 70].

[79] Le Motif fondé sur l’absence de droit à l’emploi, tel que plaidé, ne peut pas être accueilli. L’article 38(2)f) de la Loi porte sur le droit objectif d’un requérant d’employer une marque de commerce visée par une demande au Canada. Bien que l’article 30i) de la Loi (dans sa version précédant le 17 juin 2019) exige que les requérants incluent dans leur demande une déclaration portant que « le requérant est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les produits ou services décrits dans la demande », plus aucune attention n’est portée à la croyance subjective d’un requérant de son droit d’employer une marque de commerce [Advance Magazine Publishers Inc c Pawandeep Dhunna, 2023 COMC 39 au para 47]. Par conséquent, l’allégation de l’Opposante que la Requérante n’aurait pas pu être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque n’appuie pas son motif d’opposition en vertu de l’article 38(2)f) de la Loi.

[80] De plus, les allégations de l’Opposante que la Marque crée de la confusion et n’est pas distinctive, à elles seules, n’appuient également pas la conclusion que la Requérante n’a pas le droit d’employer la marque de commerce au Canada. Les allégations de confusion, sans plus, peuvent éclairer l’enregistrabilité de la marque de commerce, mais ne peuvent pas éclairer le droit d’une personne à employer la marque de commerce [Methanex Corporation c Suez International, société par actions simplifiée, 2022 COMC 155]. Dans le même ordre d’idées, bien que l’absence de caractère distinctif peut empêcher l’enregistrement d’une marque de commerce, cela n’empêche pas nécessairement la Requérante d’employer la marque de commerce malgré tout.

[81] Compte tenu de ce qui précède, le Motif fondé sur l’absence de droit à l’emploi est rejeté.

Décision

[82] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions des articles 63(3) et 38(12) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement en ce qui a trait aux produits [traduction] « articles pour fumeurs de cannabis, nommément […] vaporisateurs stylos […] papier à rouler […] » et aux services [traduction] « services de magasin de vente au détail et services de concession […] d’accessoires liés au cannabis et à la marijuana, nommément […] de vaporisateurs stylos […] de papier à rouler […] ». Je rejette l’opposition en ce qui a trait aux produits et services suivants :

[traduction]

Cannabis à fumer, marijuana séchée, huile de cannabinoïdes pour vaporisateurs oraux pour fumer, chanvre; articles pour fumeurs de cannabis, nommément pipes, pipes électroniques, vaporisateurs et pipes en verre.

Services de magasin de vente au détail et services de concession de marijuana, de cannabis et d’accessoires liés au cannabis et à la marijuana, nommément de pipes, de pipes électroniques, de vaporisateurs et de pipes en verre.

 

 

Jaimie Bordman

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches

Félix Tagne Djom

Manon Duchesne Osborne


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2024-03-12

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Christina Mihalceanu, Kevin Wright

Pour la Requérante : Aucune comparution

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : DLA Piper (Canada) LLP

Pour la Requérante : Wises Professional Corporation

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