Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 146

Date de la décision : 2024-07-31

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : Cassels Brock & Blackwell LLP

Propriétaire inscrite : Vescio Group Inc.

Enregistrement : LMC1,030,540 pour BurgerFi

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‑13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC1,030,540 pour la marque de commerce BurgerFi (la Marque), appartenant à Vescio Group Inc. (la Propriétaire).

[2] La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les Produits et Services suivants :

[traduction]

Produits – (1) Hamburgers au bœuf naturel, sans antibiotiques et sans hormones; hamburgers végétariens; hotdogs naturels; frites; oignons frits; crème glacée; desserts glacés; laits fouettés; boissons gazeuses; eau.

Services – (1) Services de restaurant

[3] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être radié.

Procédure

[4] À la demande de Cassels Brock & Blackwell LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi le 30 juin 2022, à la Propriétaire.

[5] L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard des Produits et Services, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 30 juin 2019 au 30 juin 2022.

[6] L’objectif des instances fondées sur l’article 45 de la Loi est de permettre de créer une procédure sommaire afin de débarrasser le registre des marques périmées, souvent décrite comme un processus visant à débarrasser le registre du « bois mort » [Black & Decker Corp c Method Law Professional Corp, 2016 CF 1109 au para 12]. Il n’est pas nécessaire de produire une preuve surabondante [Miller Thomson LLP c Hilton Worldwide Holding LLP, 2020 CAF 134 aux para 9 et 10].

[7] Lorsqu’un propriétaire n’a pas démontré l’emploi au sens de l’article 4 de la Loi, l’enregistrement est susceptible d’être radié ou modifié, à moins que le défaut d’emploi ne soit attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient.

[8] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit un affidavit de Joseph Vescio, son président. Les deux parties ont produit des observations écrites et étaient présentes à l’audience.

Motifs de la décision

[9] L’enregistrement de la Marque a été délivré le 24 juin 2019 (Pièce B).

[10] La Propriétaire admet que la Marque n’a pas encore été employée au Canada (Observations écrites de la Propriétaire, para 13). Ainsi, la question est de savoir si la Propriétaire a établi des circonstances spéciales qui justifient ce défaut d’emploi, auquel cas l’enregistrement pourrait être maintenu nonobstant le défaut d’emploi [Smart & Biggar c Scott Paper Ltd, 2008 CAF 129 au para 22].

[11] Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été établie, le registraire doit d’abord déterminer pourquoi la marque de commerce n’a pas été employée pendant la période pertinente. En second lieu, le registraire doit déterminer si ces raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)]. La Cour fédérale a déclaré que les circonstances spéciales sont des circonstances ou des raisons qui sont [traduction] « inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles » [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst)].

[12] Si le registraire détermine que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit quand même déterminer si ces circonstances justifient la période du défaut d’emploi. Cela intègre l’examen de trois critères : i) la durée de la période pendant laquelle la marque de commerce n’a pas été employée; ii) la question de savoir si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et iii) s’il existe une véritable intention de reprendre l’emploi de la marque à court terme [Harris Knitting Mills, précité].

[13] En l’espèce, la Propriétaire fait valoir que la pandémie de COVID-19 et ses conséquences (para 22 et 23) constituent la circonstance spéciale en raison de laquelle la Marque n’a pas été employée au cours de la période pertinente. Comme l’a noté le registraire dans la récente décision dans l’affaire The Wonderful Company LLC et Fresh Trading Limited 2023 COMC 8 :

[traduction]

En ce qui a trait à l’observation de la Propriétaire que la pandémie de COVID-19 constitue une circonstance spéciale justifiant le défaut d’emploi, je reconnais que la pandémie a été un événement perturbateur unique pour les entreprises au Canada et partout dans le monde. En raison de sa portée et sa magnitude, il s’agit d’une circonstance sans parallèle clair dans la jurisprudence; par conséquent, lorsqu’il est question d’évaluer si le défaut d’emploi d’une marque de commerce sera justifié pour des raisons associées à la pandémie, il est nécessaire de tenir compte des réalités uniques de la pandémie.

[14] J’ai déterminé que les raisons du défaut d’emploi avancées par la Propriétaire, à savoir la pandémie de COVID-19 et ses conséquences (para 19 à 23), constituent en fait des circonstances spéciales compte tenu des produits et des services en cause. Je dois maintenant décider si ces circonstances spéciales justifient la période du défaut d’emploi.

[15] En ce qui concerne le premier critère énoncé dans l’arrêt Harris Knitting Mills, il n’a pas été démontré que la Marque a été employée à quelque moment que ce soit. Bien que l’on puisse soutenir que le libellé de l’article 45(1) de la Loi exige l’indication d’une date du dernier emploi pour l’examen des circonstances spéciales, une telle approche est trop technique et ne cadre pas avec le but et l’objet généraux de l’article 45 de la Loi [Molson Breweries c Brasseries Pelforth, 1996 CanLII 11314 (COMC)].

[16] En ce qui concerne le deuxième critère énoncé dans l’arrêt Harris Mills Knitting, le témoignage de M. Vescio à l’égard des mesures prises pour employer la Marque et des raisons pour lesquelles la Marque n’a pas été employée au cours de la période pertinente est exposé ci-dessous :

· Avant l’enregistrement – la Propriétaire a travaillé avec d’autres personnes sur la conception d’un logo et d’autocollants pour l’emballage (para 11 à 13, Pièces C et D).

· Du 30 juin 2019 à janvier 2020 – M. Vescio atteste qu’il s’est concentré sur l’élaboration d’un concept pour le restaurant BURGERFI (para 11).

· De janvier à mars 2020 – la Propriétaire a embauché un chef cuisinier pour travailler sur un menu, des recettes et des fournisseurs (para 12), et a recherché et loué un espace (para 16 à 18).

· Le 20 mars 2020 – la Propriétaire a suspendu ses projets d’ouverture d’un restaurant BURGERFI en raison des restrictions liées à la COVID (para 22).

· Le confinement post-Covid, le témoignage de M. Vescio est le suivant (para 23) :

[traduction]

Comme indiqué ci-dessus, en période de crise, il est très difficile de lancer un nouveau restaurant. Même lorsque les restrictions de confinement liées à la COVID-19 ont été levées, le secteur de la restauration est désormais confronté à des pénuries de personnel et de produits sans précédent, à une augmentation considérable du coût de tous les produits alimentaires, au taux d’inflation le plus élevé depuis des décennies, aux prix de l’essence les plus élevés depuis de nombreuses années, aux taux d’intérêt les plus élevés depuis la dernière récession des années 1980, à des augmentations considérables du coût des services publics, à des saisies immobilières et à des faillites généralisées. Si un ou plusieurs de ces problèmes peuvent être des problèmes normaux auxquels tout restaurant doit faire face, la combinaison de tous ces problèmes, en même temps, n’est pas un problème opérationnel normal, mais plutôt un problème systémique qui échappe à mon contrôle et qui affecte l’ensemble du secteur de la restauration en particulier.

Ontario Regulation 82/20 under Reopening Ontario (A Flexible Response to COVID-19) Act

[17] Bien que M. Vescio ne précise pas dans son témoignage quand les restrictions liées au confinement ont été levées, la Partie requérante a soumis dans le cadre de sa jurisprudence le Règl. de l’Ontario 82/20 en vertu de la Loi de 2020 sur la réouverture de l’Ontario (mesures adaptables en réponse à la COVID-19), Règles pour les régions dans la zone de fermeture et à l’épape 1 montrant que ce règlement a été révoqué le 16 mars 2022, soit environ trois mois avant la fin de la période pertinente.

[18] Compte tenu des produits et services en cause et du degré de chevauchement entre la période pertinente et les restrictions liées à la pandémie, j’estime que les circonstances spéciales étaient indépendantes de la volonté de la propriétaire pendant une partie substantielle de la période pertinente.

[19] En ce qui concerne maintenant le troisième critère énoncé dans l’arrêt Harris Mills Knitting, la seule preuve que la Propriétaire a l’intention de débuter l’emploi à court terme est la déclaration de M. Vescio au para 24 :

[traduction]

Malgré tous ces problèmes, Ma Société a de nouveau entamé le processus d’ouverture d’un restaurant BURGERFI pour offrir les Services et vendre les Produits, et la Marque de commerce reste très importante pour Ma Société et pour moi, personnellement.

[20] En l’espèce, M. Vescio n’a fourni qu’une simple déclaration et je ne dispose d’aucun fait relatif au troisième critère énoncé dans l’arrêt Harris Knitting Mills. Il n’y a ni de renseignement sur les mesures prises par la Propriétaire pour débuter l’emploi à court terme, ni de détails sur les mesures prévues. L’intention véritable de débuter l’emploi à court terme doit être étayée par des éléments factuels [Molson, précité; Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst); NTD Apparel Inc c Ryan 2003 CFPI 780].

[21] Enfin, la Propriétaire fait valoir qu’une considération importante en l’espèce est que le Parlement avait l’intention d’accorder un délai de démarrage raisonnable de trois ans pour débuter l’emploi [voir la discussion dans Gouverneur Inc c The One Group LLC, 2015 CF 128 au para 60, infirmée, mais pas sur ce point, par One Group LLC c Gouverneur Inc, 2016 CAF 109] et elle n’a pas disposé de trois ans en raison de la pandémie. La Propriétaire soutient que cela m’aide à déterminer s’il y existe des circonstances spéciales. Même en tenant compte de cela, en l’absence de preuves qui me permettraient de conclure qu’il y a eu une intention véritable de débuter l’emploi à court terme, j’estime que la Propriétaire n’a pas fait valoir des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi.

Décision

[22] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

Félix Tagne Djom

Manon Duchesne Osborne


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 10 avril 2024

COMPARUTIONS

Pour la Partie requérante : Steven Kennedy

Pour la Propriétaire inscrite : Jonathan Colombo & Amrita V. Singh

 

AGENTS AU DOSSIER

Pour la Partie requérante : Cassels Brock & Blackwell LLP

Pour la Propriétaire inscrite : Marks & Clerk

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