Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2025 COMC 8

Date de la décision : 2025-01-20

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : Unifloor Trading Inc.

Propriétaire inscrite : Quickstyle Industries Inc.

Enregistrement : LMC481,945 pour UNIFLOOR

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC481,945 pour la marque de commerce UNIFLOOR (la Marque). La Marque est enregistrée en liaison avec les produits suivants (les Produits) :

[traduction]

Planchers flottants préfinis d’installation aisée fabriqués en panneaux de fibres à densité moyenne, composés d’une couche supérieure de résine à coloris décoratifs pour planchers intérieurs résidentiels et commerciaux.

[2] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement devrait être radié.

Procédure

[3] À la demande d’Unifloor Trading Inc. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi le 1er novembre 2023 à Quickstyle Industries Inc. (la Propriétaire), qui est la propriétaire inscrite de la Marque.

[4] L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard des Produits, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis. Dans la négative, la Propriétaire devait préciser la date du dernier emploi et la raison du défaut d’emploi depuis cette date.

[5] En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 1er novembre 2020 au 1er novembre 2023 (la Période pertinente).

[6] Les définitions pertinentes d’« emploi » en liaison avec des produits sont énoncées à l’article 4 de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[7] En même temps, le registraire a émis l’avis pour un deuxième enregistrement appartenant à la Propriétaire, à savoir l’enregistrement no LMC1,052,331 pour la marque de commerce UNIFLOOR AQUA. Cet enregistrement fait l’objet d’une décision distincte.

[8] Le but de l’article 45 de la Loi consiste à créer une procédure sommaire pour débarrasser le registre des marques tombées en désuétude. Cela est souvent décrit comme l’action de débarrasser le registre du « bois mort » [Black & Decker Corporation c Method Law Professional Corporation, 2016 CF 1109 au para 12]. Une surabondance de preuves n’est pas nécessaire [Miller Thomson LLP c Hilton Worldwide Holding LLP, 2020 CAF 134 aux para 9 et 10]. L’enregistrement d’une marque de commerce est susceptible d’être radié ou modifié si le propriétaire ne parvient pas à démontrer l’emploi de la marque de commerce, à moins qu’il n’existe des circonstances spéciales qui justifient le défaut d’emploi.

[9] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a fourni la déclaration solennelle de Stephen Courey, président et secrétaire de la Propriétaire. Les deux parties ont produit des observations écrites et ont participé à une audience.

Résumé de la preuve

[10] M. Courey est un administrateur et dirigeant qui participe activement aux activités de la Propriétaire depuis sa constitution en société en 1992. Il atteste que l’activité principale de la Propriétaire réside dans l’importation de revêtements de sol au Canada et la distribution par la suite, sous différentes marques, à des détaillants aux fins de vente au Canada.

[11] En ce qui concerne le genre des Produits et la période de l’emploi allégué, M. Courey affirme, au paragraphe 7 de son affidavit, que :

[traduction]

Cet emploi de la Marque de commerce au Canada en liaison avec la catégorie générale de produits mentionnée dans l’enregistrement susmentionné, qui comprend des planchers flottants préfinis d’installation aisée fabriqués en panneaux de fibres à densité moyenne, composés d’une couche supérieure de résine à coloris décoratifs pour planchers intérieurs résidentiels et commerciaux, a commencé au moins aussi tôt que le 10 septembre 1993, et cette description de produits comprend les produits communément connus sous le nom de revêtements de sol en vinyle[.]

[12] M. Courey affirme ensuite que la Propriétaire a distribué du revêtement de sol en vinyle à des détaillants au Canada pendant la Période pertinente. De plus, il explique que la Propriétaire a fourni aux détaillants ce qu’il qualifie de matériel [traduction] « promotionnel » comme des présentoirs simples et en cascade, des ensembles de panneaux sur chaînes à manipuler et des brochures d’information arborant la marque de commerce en liaison avec des revêtements de sol en vinyle. Il poursuit en décrivant la façon dont ces détaillants ont présenté ce matériel, les rendant disponibles aux consommateurs. M. Courey explique que, pendant la Période pertinente, les consommateurs canadiens ont [traduction] « acheté du revêtement de sol en vinyle de marque UNIFLOOR auprès de divers détaillants […] ».

[13] M. Courey affirme que la Propriétaire a employé et continue d’employer la Marque au Canada dans la pratique normale du commerce. Il conclut en affirmant qu’il avait une connaissance personnelle des faits énoncés dans son affidavit.

[14] Les pièces fournies à l’appui des affirmations de M. Courey comprennent des illustrations :

  • de feuillets d’information;

  • de présentoirs en cascade;

  • de l’endos des échantillons de panneaux dans des présentoirs en cascade;

  • de l’endos d’ensembles de panneaux sur chaînes;

  • des factures correspondant aux ventes aux détaillants pendant la Période pertinente.

[15] Je note que les feuillets d’information appellent le produit de marque [traduction] « revêtement de sol en vinyle » et décrivent une couche de vinyle sur un noyau de PLC, avec sous-couche comprise. L’endos des échantillons de panneaux décrit les produits comme étant du [traduction] « revêtement de sol composite en vinyle », précisant qu’il s’agit d’une couche de vinyle sur un noyau composite, avec sous-couche comprise [Pièce R-3].

[16] Le matériel fourni en preuve montre généralement quatre versions de la Marque :

  1. A close up of a logo

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  2. A close up of a logo

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  1. A close up of a letter

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  1. En tant qu’élément de la facture :

 

A close up of a number

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Question préliminaire – Factures

Factures en général

[17] La Propriétaire invoque plusieurs factures à l’appui de son allégation d’avoir vendu des revêtements de sol en vinyle portant la Marque pendant la Période pertinente. M. Courey affirme au paragraphe 15 de son affidavit :

[traduction]

[…] la Propriétaire inscrite a vendu et distribué des revêtements de sol en vinyle de marque UNIFLOOR mentionnés à la Pièce R-l en liasse, à la Pièce R-2 en liasse, à la Pièce R-3 et à la Pièce R-4, à des détaillants aux fins de vente au détail dans diverses régions du Canada, ce qui figure, en tout, et plus en détail, dans des copies de certaines factures de la Propriétaire inscrite (où les renseignements sur les prix sont caviardés et supprimés), lesquelles sont jointes à ma déclaration solennelle et maintenant produites à titre de Pièce R-5 en liasse de la Propriétaire inscrite; ces factures sont un échantillon de revêtements de sol en vinyle de marque UNIFLOOR vendus, expédiés et distribués aux fins de vente au détail dans diverses régions du Canada.

[18] Bien que M. Courey atteste en général la suppression et le caviardage des renseignements sur les prix, il n’explique pas les modifications apportées aux documents, qui semblent inclure, au moins, l’inscription « $0.00 » [0,00 $] à divers endroits pour remplacer la valeur des ventes. Les changements semblent arbitraires, puisque sur certaines factures, les valeurs de la TPS, de la TVP ou de la TVH ont été supprimées, tandis que ces valeurs sont conservées sur d’autres. La manipulation apparente des factures créé des incertitudes qui compliquent la compréhension des documents.

[19] Pendant l’audience, lorsque j’ai demandé ce que la Propriétaire appelle [traduction] « suppression et caviardage », l’agent de la Propriétaire a suggéré que la [traduction] « méthode de caviardage » visait l’impression des factures indiquant « $0.00 » [0,00 $]. Toutefois, les faits entourant la création des documents ne sont bien sûr pas en preuve. En outre, l’explication fournie ne facilite pas la compréhension du caractère apparemment arbitraire des modifications.

[20] Néanmoins, je note que pour certaines factures, les montants de la TPS et de la TVP ont été conservés. Ces valeurs sont d’une ampleur qui suggère des ventes dans la pratique normale du commerce plutôt que, par exemple, la fourniture d’un échantillon gratuit ou à coût minimal. La facture du 8 juin 2023 émise à Rona Inc indique des valeurs de TPS et de TVP suggérant des produits d’une valeur extrapolée d’environ 1 000 $. De même, la facture émise à P.S. Atlantic Ltd indique une valeur de TVH de 15 %, soit environ 100 $, ce qui suggère encore une vente dans la pratique normale du commerce plutôt que, par exemple, la simple fourniture d’échantillons.

[21] Même si j’agis avec prudence compte tenu de l’ambiguïté créée par les révisions non expliquées des documents de facturation, je suis autorisée à tirer des conclusions raisonnables à partir de la preuve de la Propriétaire [BCF SENCRL c Spirits International BV, 2012 CAF 131]. Les affirmations de M. Courey, considérées conjointement avec les preuves documentaires qui comprennent les factures ayant des valeurs de TPS, de TVH ou de TVP significatives, appuient l’allégation de la Propriétaire concernant les ventes réalisées dans la pratique normale du commerce pendant la Période pertinente.

[22] Toutefois, je ne peux pas tirer la même conclusion en ce qui concerne les factures indiquant des ventes de zéro dollar, où les valeurs de TPS, de TVH ou de TVP sont nulles ou non significatives. De même, je dois ignorer les factures émises aux acheteurs américains. M. Courey fait référence aux ventes [traduction] « au Canada » et ne fournit aucune explication concernant les ventes aux acheteurs américains. Je ne peux donc pas non plus tirer des conclusions raisonnables en ce qui concerne cette partie de la preuve.

La Marque qui figure sur les factures

[23] Même si les factures ont été acceptées par le passé comme preuve d’emploi d’une marque de commerce en liaison avec les produits indiqués sur la facture, pour ce faire, il faut qu’il existe un lien entre les produits et la marque de commerce au moment du transfert de ces produits à l’acheteur [Riches, McKenzie & Herbert c Pepper King Ltd (2000), 8 CPR (4th) 471 (CF 1re inst) au para 15 (Pepper King)].

[24] La Partie requérante a soutenu que les factures ne constituent pas une preuve d’emploi de la Marque, puisque la preuve ne démontre pas qu’elles accompagnaient les Produits au moment du transfert aux consommateurs. Lors de l’audience, la Propriétaire a répondu que lorsqu’une facture indique « bill to » [facturé à] ou « ship to » [envoyé à], on peut en déduire qu’elle accompagnait les Produits. Toutefois, aucune jurisprudence n’a été fournie à l’appui de cette affirmation.

[25] Je note que dans Pepper King, le registraire a initialement conclu qu’à moins qu’il existe une preuve claire que les factures n’accompagnent pas les produits, il est raisonnable de supposer que c’est le cas. Toutefois, en appel, la Cour fédérale a conclu que le registraire avait commis une erreur en transférant le fardeau à la partie requérante, alors qu’en réalité, le fardeau incombait entièrement à la propriétaire. On a estimé que le registraire n’avait pas le droit de supposer que les produits étaient accompagnés des factures au moment de leur transfert.

[26] En l’espèce, bien que les factures indiquent que la Marque fait partie d’un élément, rien dans la preuve ne me permet de déduire qu’elles accompagnaient les Produits au moment de leur transfert aux acheteurs. De plus, je note que les factures indiquent des adresses de livraison et de facturation distinctes, ce qui suggère que les factures auraient été envoyées séparément. Par conséquent, je ne peux pas conclure que l’apparition de la Marque sur les factures donne l’avis de liaison requis entre la Marque et ces Produits au moment de leur transfert.

Analyse et raisons de la décision

[27] Le fardeau qui incombe à la Propriétaire n’est pas rigoureux. Au contraire, elle doit simplement établir une preuve prima facie d’emploi au sens de l’article 4 de la Loi [Brouillette Kosie Prince c Orange Cove-Sanger Citrus Association, 2007 CF 1229 au para 7]. Cela dit, de simples allégations d’emploi ne sont pas suffisantes [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc, 1980 CanLII 2739, 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Il n’en faut pas moins présenter des faits adéquats pour permettre au registraire de conclure que la Marque était employée pendant la Période pertinente [John Labatt Ltd c Rainier Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[28] La preuve qui démontre prétendument l’emploi de la Marque comprend divers présentoirs de magasin sous forme de présentoirs en cascade, de panneaux à manipuler, d’ensembles de chaînes et de brochures d’information, qui, selon M. Courey, sont accessibles aux clients dans les points de vente au détail approvisionnés par la Propriétaire.

[29] La Partie requérante fait valoir que la preuve ne démontre pas l’emploi de la Marque telle qu’enregistrée en liaison avec les Produits tels qu’énumérés dans l’enregistrement. Elle fait également valoir qu’il n’y a aucun emploi de la Marque conformément à l’article 4(1) de la Loi parce qu’elle ne figure pas sur les Produits ou leurs emballages, et qu’il n’y avait pas un lien suffisant avec les Produits qui justifie le fait qu’un avis de liaison a été donné à l’acheteur.

Présentoirs de magasin

Aucun emploi en liaison avec les Produits

[30] L’essentiel de cet argument avancé par la Partie requérante concerne le fait que des revêtements de sol en vinyle ont été vendus, alors que la description des Produits repose sur la description plus détaillée comprenant des revêtements de sol fabriqués en panneaux de fibres de densité moyenne composés d’une couche supérieure de résine.

[31] La Partie requérante souligne que le libellé de l’affidavit de M. Courey décrit les Produits comme appartenant à une catégorie générale de produits comprenant des revêtements de sol en vinyle, et soutient qu’aucune explication n’est fournie concernant la raison pour laquelle les Produits comprennent des [traduction] « revêtements de sol en vinyle » [observations écrites de la Partie requérante, aux para 7 et 8].

[32] Je suis d’accord que le libellé de l’affidavit est alambiqué et que le lien entre les Produits définis et les revêtements de sol en vinyle n’est pas immédiatement évident. Cela dit, l’affidavit contient l’affirmation selon laquelle la description des [traduction] « planchers flottants préfinis d’installation aisée fabriqués en panneaux de fibres à densité moyenne, composés d’une couche supérieure de résine à coloris décoratifs pour planchers intérieurs résidentiels et commerciaux » inclut des revêtements de sol en vinyle. Au-delà de l’affirmation elle-même, je note que, sur le matériel de présentation, le produit est décrit comme une [traduction] « couche de vinyle sur un noyau composite, avec sous-couche comprise » [affidavit de M. Courey, Pièce R-3].

[33] Je suis autorisée à prendre connaissance d’office des définitions de dictionnaire ordinaires, à condition que la source soit d’une précision incontestable, et je le ferai en ce qui a trait au sens du mot « vinyl » [vinyle] [voir R c Krymowski, 2005 CSC 7 au para 22, citant R c Find, [2001] 1 RCS 863 (CSC), au para 48, et J Sopinka, S N Lederman et A W Bryant, The Law of Evidence in Canada (2e éd, 1999), aux sections 19.13 et 19.22]. Je note la définition pertinente du dictionnaire en ligne Merriam-Webster pour « vinyl » [vinyle] :

[traduction]

1 : un radical monovalent CH2=CH dérivé de l’éthylène par l’élimination d’un atome d’hydrogène

2 : un polymère d’un composé vinylique ou un produit (comme une résine ou une fibre textile) fabriqué à partir d’un tel polymère – souvent utilisé devant un autre nom

une maison avec un revêtement en vinyle

carreaux ou planchers de vinyle

[34] La définition établit que la résine est un type de vinyle. De plus, M. Courey a clairement affirmé que les Produits, tels qu’énumérés dans l’enregistrement, comprennent un revêtement de sol en vinyle. J’estime que le produit présenté en preuve peut à juste titre être considéré comme des [traduction] « planchers flottants préfinis d’installation aisée fabriqués en panneaux de fibres à densité moyenne, composés d’une couche supérieure de résine à coloris décoratifs pour planchers intérieurs résidentiels et commerciaux ». Pour en arriver à cette conclusion, je tiens compte du fait que je n’ai pas à examiner avec un soin méticuleux le langage utilisé dans un état déclaratif des produits [Aird & Berlis srl c Levi Strauss & Co, 2006 CF 654 au para 17].

Le Marque a-t-elle été employée telle qu’enregistrée?

[35] Lorsque, comme en l’espèce, la marque de commerce employée est différente de la marque de commerce telle qu’enregistrée, la question à se poser est de savoir si l’emploi était tel que la marque de commerce n’a pas perdu son identité, et qu’elle demeure reconnaissable malgré les différences entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et la forme sous laquelle elle a été employée [Canada (Registraire des marques de commerce) c Compagnie International pour l’Informatique CII Honeywell Bull (1985), 1985 CanLII 5537 (CAF), 4 CPR (3d) 523 (CAF) (Honeywell Bull)]. Pour trancher cette question, il faut se demander si les différences entre les marques sont « à ce point minimes qu’un consommateur non averti serait susceptible d’inférer [sic], selon toute probabilité, qu’elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des produits ayant la même origine » [Honeywell Bull, supra].

[36] L’emploi d’une marque de commerce en combinaison avec des mots ou éléments additionnels constitue un emploi de la marque telle qu’enregistrée si le public, en première impression, est susceptible de percevoir la marque de commerce en soi comme étant employée. Il s’agit là d’une question de fait qui dépend de la question de savoir si la marque de commerce se démarque des éléments additionnels, comme par l’emploi de lettres différentes ou de tailles de caractères différents, ou si les éléments additionnels seraient perçus comme un élément clairement descriptif ou comme une marque de commerce ou un nom commercial distinct [Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC) (Nightingale); PDM Parthian Distributer & Marketing Adviser GmbH c Brewdog PLC, 2024 CF 891 aux para 36 à 38].

[37] La Partie requérante fait valoir que la preuve démontre l’emploi de UNIFLOOR AQUA plutôt que de la Marque déposée UNIFLOOR. Elle soutient que les deux éléments UNIFLOOR et AQUA semblent avoir la même taille, avec le même texte stylisé et d’ailleurs la même couleur, sans rien pour différencier les deux termes. La Partie requérante fait également valoir que la présentation des deux termes diffère des autres libellés de l’espèce comme CHÂTEAU.

[38] De plus, en se fondant sur Nightingale, supra, la Partie requérante soutient que AQUA ne serait pas considéré comme descriptif à l’égard des revêtements de sol.

[39] La Partie requérante fait également valoir que le fait que la Propriétaire possède un enregistrement pour UNIFLOOR AQUA et défende cet enregistrement en se fondant sur la même preuve que celle présentée dans le cadre de la présente procédure est pertinent. Je ne suis pas persuadée que l’emploi de la même preuve dans les deux procédures est pertinent pour trancher la question de savoir si la Marque a été employée telle qu’enregistrée.

[40] La Propriétaire soutient que [traduction] « [l’]élément largement distinctif de la Marque est le mot UNIFLOOR ». Il est indiqué que le mot AQUA est si descriptif, et donc sans importance, qu’il ne trompe pas les consommateurs ordinaires, en se fondant sur Pain & Ceballos LLP c Diamond Foods, Inc, 2013 COMC 143 (Diamond Foods), citant Nightingale et Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc, 1992 CanLII 12831 (CAF).

[41] Pendant l’audience, j’ai demandé à la Propriétaire pourquoi elle considérait le mot « AQUA » comme étant descriptif des Produits. Sa réponse était que le mot faisait allusion à la qualité.

[42] Je présume que le mot AQUA renvoie à un certain aspect des Produits qui est lié à l’eau, comme peut-être leur résistance à l’eau. Toutefois, le terme pourrait refléter quelque chose de complètement différent, comme la couleur aqua, ou un motif ou une apparence de revêtement de sol, qui suggère de l’eau. Je considère que le terme, au mieux, est suggestif plutôt que descriptif.

[43] Je note que, comme l’a soutenu la Partie requérante à l’audience, l’affaire Diamond Foods invoquée par la Propriétaire diffère de l’affaire en l’espèce, en ce sens qu’elle concernait l’ajout, entre autres, des termes « of California », qui figuraient, en plus petite taille de caractères, dans une marque figurative comprenant le terme DIAMOND, englobé par un élément figuratif simple. Non seulement le terme « of California » avait une connotation descriptive évidente, mais sa police et sa taille de caractères le différenciaient de DIAMOND. Je n’estime donc pas que cette affaire appuie de manière convaincante la position de la Propriétaire.

[44] Je suis d’accord avec la Partie requérante que la présentation de UNIFLOOR AQUA suggère une unité de termes, puisque les deux mots ont la même police, la même taille et la même couleur. Rien dans la présentation des termes ou dans le sens des mots eux-mêmes ne différencie UNIFLOOR de AQUA ou ne fait ressortir UNIFLOOR de quelque manière que ce soit. J’estime donc que les faits en l’espèce ressemblent plus à ceux dans Honeywell Bull, où l’emploi de la marque de commerce déposée BULL n’était pas étayé par l’emploi de la marque de commerce composite CII Honeywell Bull, car BULL a perdu son identité et est devenu méconnaissable parmi les autres termes de l’espèce.

[45] Je conclus que la preuve sur laquelle s’appuie la Propriétaire n’étaye pas son allégation concernant l’emploi de la Marque, car UNIFLOOR ne se distingue pas des autres éléments de l’espèce, principalement en raison du lien étroit avec AQUA et de sa présentation identique. De plus, je note que « aqua » ne transmet pas un sens descriptif évident qui pourrait attirer l’attention du consommateur sur le mot UNIFLOOR, le différenciant ainsi du mot AQUA.

La Marque a-t-elle été employée conformément à l’article 4 de la Loi?

[46] La Partie requérante fait valoir qu’il n’y a aucune preuve suggérant que la Marque figurait sur les Produits ou leurs emballages au moment de leur transfert dans la pratique normale du commerce, conformément à l’article 4(1) de la Loi. Elle soutient que le matériel de présentation montrant la Marque est de nature promotionnelle. Elle allègue que, pour qu’il y ait un lien suffisant, le matériel devrait être remis aux consommateurs au moment du transfert de la propriété ou de la possession des Produits. À cet égard, elle s’appuie sur BMW Canada Inc c. Nissan Canada Inc, 2007 CAF 255 (BMW). À l’audience, la Propriétaire a répondu en faisant valoir qu’une preuve surabondante était inutile, s’appuyant sur Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56, pour étayer son argument.

[47] Il n’y a aucune preuve que la Marque figurait sur les Produits eux-mêmes ou sur les emballages. Cela est vrai pour le transfert initial des Produits de la Propriétaire à ses détaillants, ainsi que pour le transfert des détaillants aux consommateurs. La question en l’espèce est donc de savoir si la preuve démontre que le matériel de présentation créait un lien suffisant entre la Marque et les Produits au moment du transfert de la propriété ou de la possession de ces Produits.

[48] La présentation d’une marque de commerce sur une enseigne à proximité immédiate des produits lors du transfert de la propriété ou de la possession de ceux-ci peut, dans certaines circonstances, satisfaire aux exigences de l’article 4(1) de la Loi. Bien que de nature promotionnelle, le matériel de présentation en preuve est évidemment aussi informatif; par exemple, il renvoie aux choix de couleur et de taille disponibles, et fournit des faits concernant la texture et d’autres caractéristiques des revêtements de sol.

[49] Bien qu’il aurait été préférable que M. Courey donne une explication plus complète sur la manière dont les Produits étaient liés au matériel de présentation lorsque la propriété ou la possession des Produits était transférée aux consommateurs, je tirerai à nouveau des conclusions raisonnables en me fondant sur la preuve de la Propriétaire. Ainsi, j’estime que la nature des présentoirs en cascade, les panneaux à manipuler et les ensembles de chaînes de la Propriétaire vise à offrir une expérience interactive au moment de l’achat, au minimum pour choisir parmi les différentes couleurs et tailles de panneaux disponibles.

[50] Tout en notant que chaque cas est unique et doit être considéré en fonction de ses propres faits, j’estime que le fait que la Propriétaire s’appuie sur des présentoirs en cascade et des ensembles de panneaux sur chaînes à manipuler suggère une plus grande interaction avec le matériel qu’avec plusieurs autres types de matériel promotionnel, comme des dépliants annonçant simplement la disponibilité des produits. La situation ressemble donc moins à celle dans BMW et est plus analogue à la présentation d’une marque de commerce sur des coupons utilisés en liaison avec des [traduction] « étiquettes d’étagère », comme dans General Mills Canada Ltd c Procter & Gamble Inc (1985), 6 CPR (3d) 551 (COMC) (General Mills), ou sur des présentoirs contenant le produit qui doivent être déverrouillés lors de l’achat par le consommateur, comme dans Canadian Council of Professional Engineers c Randolph Engineering Inc (2001), 19 CPR (4th) 259, à la p 262 (COMC) (Randolph). Les faits liés à General Mills et Randolph suggèrent un degré d’interaction entre les clients et le matériel de présentation similaire à la situation en l’espèce. Par conséquent, si la manière dont a été employée la Marque n’avait pas entraîné la perte de son identité comme discuté ci-dessus, j’aurais conclu que l’emploi satisfaisait aux exigences de l’article 4(1) de la Loi.

Absence de circonstance spéciale justifiant le défaut d’emploi

[51] Il n’y a aucune preuve de circonstances spéciales qui pourraient justifier le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec les Produits, et les parties n’ont pas soutenu cet aspect.

Décision

[52] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

Coleen Morrison

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Anne Laberge

Félix Tagne Djom


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2024-10-28

COMPARUTIONS

Pour la Partie requérante : Lawrence Chan

Pour la Propriétaire inscrite : Mark Hanna

AGENTS AU DOSSIER

Pour la Partie requérante : Oyen, Wiggs & Mutala LLP

Pour la Propriétaire inscrite : Mark Hanna

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